Article 10
I. – La politique de développement et de solidarité internationale fait l’objet d’évaluations régulières sur la base d’une programmation pluriannuelle qui est communiquée aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
II. – Le Gouvernement transmet tous les deux ans aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’au Conseil national du développement et de la solidarité internationale et à la Commission nationale de la coopération décentralisée un rapport faisant la synthèse de la politique de développement et de solidarité internationale conduite par la France dans les cadres bilatéral et multilatéral. Ce rapport présente en particulier la synthèse des évaluations réalisées en application du I, les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts, ainsi que les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat. Il présente également l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport est débattu publiquement à l’Assemblée nationale et au Sénat.
III. – Le III de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) est abrogé.
IV. – La présente loi fixe les objectifs et les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale pour une période de cinq ans, à l’issue de laquelle elle sera révisée. La présente loi s’applique jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation.
RAPPORT FIXANT LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
(ANNEXE À L’ARTICLE 2)
TABLE DES MATIÈRES
1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés
2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement
2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen
2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale
2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale
3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques
4. Le financement du développement
4.1. Instruments publics de financement du développement
4.2. Le renforcement des ressources domestiques
4.2 bis. Financements privés en faveur du développement
4.3. Les financements innovants
Annexe 1 : Liste des sigles et des abréviations
Annexe 2 : Matrice des indicateurs de résultats
Préambule
Un contexte mondial en profonde mutation qui impose un renouvellement des enjeux du développement
Ces deux dernières décennies ont été marquées par des progrès majeurs en matière de développement. Des centaines de millions de femmes et d’hommes ont ainsi pu sortir de la pauvreté en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Une partie du monde en développement est aujourd’hui en émergence ou au seuil de l’être. Pour autant, deux défis considérables se posent aujourd’hui. D’une part, d’importants progrès restent à faire dans de nombreux pays car ce mouvement positif est loin d’être homogène. La sécurité alimentaire et nutritionnelle d’un milliard d’êtres humains n’est toujours pas assurée. Les enfants en sont les premières victimes (165 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de retards de croissance). Certains États continuent de dépendre largement de l’aide internationale pour leur financement. Les inégalités entre pays et entre individus au sein de chaque pays se sont accrues. D’autre part, et dans le même temps, l’émergence de certains pays en développement bouleverse les équilibres économiques et politiques internationaux. Cette émergence représente un progrès, mais entraîne de fait une pression sur l’environnement, les ressources naturelles disponibles et le climat, chaque jour plus forte, qui nécessite de repenser collectivement les modes de vie et de consommation.
La politique de développement de la France a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses quatre composantes économique, sociale, environnementale et culturelle. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans la fusion des agendas du développement (Objectifs du millénaire pour le développement – OMD) et du développement durable (Objectifs du développement durable – ODD), dont les futurs objectifs seront définis en 2015 par les Nations unies. L’élimination de la pauvreté et la garantie à tous d’une vie décente ne pourront être atteintes sans un renforcement de la gouvernance mondiale, ainsi qu’une transition vers des modèles de développement, de consommation et de production plus durables. Dans un monde en forte croissance démographique, aux ressources naturelles limitées et engagé dans un effort pour maintenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °C, il s’agit de favoriser l’épanouissement d’une société inclusive, fondée sur les droits humains, un cadre de vie décent et durable pour chacun. C’est ainsi que la mondialisation pourra contribuer au progrès de nos sociétés et à la sauvegarde d’un écosystème planétaire viable.
La politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes. Sa vocation première, lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l’humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l’extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau, est réaffirmée.
Les instruments
L’aide française est mise en œuvre à travers divers instruments (dons, prêts, annulations de dette…) qu’il faut tous mobiliser de façon adaptée aux besoins de nos partenaires. Tel est l’objectif des partenariats différenciés qui s’inscrivent dans la recherche de nouveaux équilibres géographiques et sectoriels.
Ainsi, dans les pays les plus pauvres, l’aide publique au développement (APD) doit contribuer au financement de politiques publiques essentielles, notamment dans les secteurs sociaux. Elle joue également un rôle de catalyseur des autres sources de financement, là où le potentiel de mobilisation des ressources fiscales et le recours aux marchés financiers demeurent encore limités et insuffisants, dans le financement des infrastructures et l’appui au développement du secteur privé notamment.
À l’inverse, dans les pays émergents, la dépendance à l’APD est faible. La valeur ajoutée de l’intervention de la France repose sur l’expertise, la capacité à agir en faveur de la préservation des biens publics mondiaux et la recherche de solutions partagées à des défis communs.
L’APD, qui représente 0,2 % du revenu mondial, ne peut à elle seule répondre aux défis du développement ; l’enjeu que représente la mobilisation d’autres ressources que l’aide est donc essentiel.
Dans cette perspective, la France souhaite continuer à favoriser l’accroissement des ressources fiscales des pays en développement, par le biais d’un soutien renforcé aux administrations fiscales, ainsi que l’investissement privé, local et international.
La France promeut également la mise en place de financements innovants en s’appuyant principalement sur des activités liées à la mondialisation, à l’instar de la taxe sur les transactions financières qu’elle a introduite à titre national et dont elle a affecté une partie des recettes au développement. Ces financements innovants ont un caractère additionnel aux ressources traditionnelles. La France plaide auprès des États membres de l’Union européenne pour qu’une part significative du produit de la future taxe européenne soit consacrée à la solidarité internationale.
L’interconnexion croissante des enjeux nationaux et internationaux conduit désormais à rechercher des réponses globales, en s’assurant qu’elles soient respectueuses du développement de tous les pays du monde. Dans une perspective universelle, la France entend favoriser l’émergence de politiques publiques globales, notamment par son action dans les enceintes internationales (organisations des Nations unies, institutions de Bretton Woods, G8 et G20) et par sa participation à de nombreux fonds verticaux. Sa politique de développement et de solidarité internationale s’inscrit aussi dans une dynamique européenne, nécessaire à la mise en cohérence de ses actions à titre national avec celles menées par l’Union européenne, premier pourvoyeur d’APD dans le monde.
La méthode
La politique française de développement implique tous les acteurs du développement dans leur diversité : administrations et opérateurs publics, fondations, collectivités territoriales, entreprises, y compris celles de l’économie sociale et solidaire, associations, syndicats, organisations non gouvernementales et établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de formation. Le Gouvernement fait désormais du soutien, de la consultation et de la coordination avec ces acteurs issus de la société civile une priorité de sa politique de développement et de solidarité internationale. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), espace de dialogue politique et instance de mise en cohérence des actions de développement, a été créé à cette fin.
L’optimisation de l’impact des interventions de la politique de développement et la valorisation des ressources publiques utilisées sont essentielles, tant pour les pays bénéficiaires que pour les contribuables français. La politique de développement vise en conséquence à l’efficacité la plus grande, grâce à l’utilisation souple des instruments disponibles, à la prise en compte de la performance des projets soutenus et à l’évaluation indépendante de leurs résultats et de leur impact.
La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali.
La transparence de l’aide passe également par une meilleure redevabilité. Depuis 2013, la France produit annuellement des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale. Les documents qui permettent d’informer les parlementaires (en particulier le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement ») et la société civile sont revus dans le même esprit. Les résultats des évaluations menées par les principales structures pilotant l’aide au développement de la France, ainsi que la mise en œuvre de la stratégie présentée dans le présent rapport, sont également rendus plus accessibles et plus lisibles.
La transparence de l’aide passe également par une meilleure traçabilité et par la mise en place de dispositifs destinés à lutter contre la corruption. Ainsi, la France veille à ce que ces aides ne soient pas utilisées par les récipiendaires à des fins contraires aux objectifs de paix, de démocratie et de droits de l’homme. Elle s’efforce également de prévenir les risques de détournement, de corruption, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Les organismes et autorités en charge de l’aide au développement pourront suspendre sans délai tout programme et toute action en cas de violations manifestes des principes généraux énoncés dans la présente loi et dans ses annexes.
De nombreuses autres politiques publiques ont des effets importants sur les pays en développement. L’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de l’articulation entre cette politique et l’ensemble des politiques nationales et européennes (commerce, agriculture, santé, migrations, fiscalité, recherche et enseignement supérieur, éducation, lutte contre le changement climatique, sécurité, outre-mer…). Cette cohérence doit donc être systématiquement recherchée.
Afin de donner toute l’efficacité à la politique de la France, il est important que la société française et les acteurs publics et privés du développement et de la solidarité internationale expriment et portent une vision globale et explicite de leurs interventions. De ce point de vue, il est nécessaire de formaliser une continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement, basée sur des actions de réduction et de prévention des risques liés aux crises, sur des mesures de renforcement de la résilience des populations et des territoires, sur le dialogue entre l’ensemble des acteurs et sur la mise en place d’outils flexibles et adaptés.
1. Objectifs et priorités de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, tout en participant à l’effort international de lutte contre la pauvreté extrême et de réduction des inégalités.
Pour tenir compte du niveau de développement de chacun de ses partenaires et des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, la France fait le choix d’une politique de développement et de solidarité internationale reposant sur des partenariats différenciés.
Cette politique se décline dans quatre grands domaines simultanément :
– Promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes : la liberté et la protection des individus comme le développement économique et social à long terme des pays partenaires ne peuvent être assurés que dans une démarche fondée sur la reconnaissance de droits et le renforcement de l’État de droit. La France y attache une importance particulière ;
– Équité, justice sociale et développement humain : les Objectifs du millénaire pour le développement ont contribué à mobiliser la communauté internationale en faveur d’un accès universel à un socle de services sociaux essentiels : alimentation, éducation, santé, eau potable, assainissement, habitat décent. Des progrès importants ont été réalisés, principalement alimentés par la croissance économique des pays eux-mêmes mais également grâce à l’appui de la communauté internationale. Mais il reste à trouver les voies et moyens de généraliser et de rendre pérennes ces acquis car les défis restent nombreux. La France rappelle l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie dans le processus de développement et l’aspect central du bien-être et des droits des individus ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant parmi les objectifs de développement ;
– Développement économique durable et riche en emplois : la France place le développement économique des pays partenaires au cœur de sa politique de développement et de solidarité internationale. Elle considère que l’amélioration des infrastructures dans les secteurs de l’eau, de l’énergie ou des transports notamment, le renforcement de l’intégration régionale et le développement du secteur privé, en particulier des petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des entreprises de l’économie sociale et solidaire (associations et coopératives notamment), de l’économie circulaire, ainsi que d’un secteur financier performant et inclusif pour tous sont des outils essentiels. Une croissance verte et solidaire reste, particulièrement dans les pays en développement, un moteur essentiel du progrès social. L’enjeu est de promouvoir une croissance de qualité, créatrice d’emplois, fondée sur un juste équilibre entre capital physique, humain et naturel et qui ne se traduise pas par un dumping social ou écologique. La politique de développement doit ainsi favoriser une convergence des normes économiques, sociales et environnementales qui contribue à améliorer les conditions de vie des populations des pays en développement et qui préserve le tissu économique et social des pays bénéficiant déjà de normes sociales et environnementales de bon niveau ;
– Préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux : limiter à 2 °C l’augmentation des températures mondiales afin d’éviter de graves dérèglements climatiques, lutter contre l’érosion de la biodiversité et la désertification, veiller à la protection des milieux naturels et des écosystèmes terrestres et marins, améliorer la protection contre les risques sanitaires et environnementaux, prévenir l’émergence et la propagation des maladies contagieuses et améliorer la stabilité financière mondiale constituent aujourd’hui des enjeux collectifs majeurs. Ces biens publics mondiaux ne sont aujourd’hui correctement pris en charge ni par les marchés, ni par les États parce que les investissements que nécessite leur préservation ne profitent pas exclusivement à ceux qui les ont consentis et ne génèrent pas nécessairement de bénéfice marchand. Ils appellent donc de la part de la communauté internationale des solutions de gouvernance et de financement innovantes.
1.2. Priorités transversales
La promotion de l’autonomisation des femmes et l’intégration systématique des problématiques de genre dans les actions menées par les acteurs de l’aide et les pays partenaires ainsi que la lutte contre le changement climatique sont des priorités transversales de la politique d’aide au développement de la France.
– Les femmes sont des actrices essentielles du développement. Les inégalités de genre et le non-respect du droit des femmes sont une composante structurante de la pauvreté. Les femmes font face à des difficultés spécifiques et à des discriminations de genre, dans tous les domaines.
Pour mettre les droits des femmes au cœur de la politique de développement, le Gouvernement a adopté, lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013, une nouvelle stratégie « genre et développement » pour la période 2013-2017. Cette stratégie prévoit une prise en compte systématique d’un objectif transversal « genre » dans les procédures d’élaboration, de suivi et d’évaluation des projets : cette approche passera, en particulier dans les pays pauvres, par une révision de tous les instruments du développement ainsi que par le renforcement des capacités des agents et le soutien à la recherche. Cette stratégie prévoit que, d’ici à 2017, 50 % des projets de développement français aient comme objectif principal ou significatif l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle sera mise en œuvre par l’ensemble des ministères traitant de politique de développement et tous les opérateurs, et évaluée annuellement par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans les enceintes européennes et internationales, la France s’efforce de promouvoir le droit des femmes, la lutte contre les violences qui leur sont faites, l’accès universel à la planification familiale et aux droits sexuels et reproductifs, l’autonomisation des femmes, l’égalité professionnelle, l’accès des femmes à l’éducation, à la formation ainsi qu’aux responsabilités économiques, politiques et sociales.
La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte la situation particulière des jeunes filles et leur vulnérabilité, en intégrant dans la définition et la mise en œuvre des actions leurs besoins et leurs droits, notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle, de lutte contre les violences et de santé, y compris sexuelle.
– La lutte contre le changement climatique et le développement économique et social sont intrinsèquement liés : l’accélération du changement climatique entravera durablement le développement. L’adoption par les pays en développement, notamment les pays émergents, de modes de développement sobres en énergie fossile est devenue un enjeu majeur à la fois pour la lutte contre le changement climatique au niveau mondial et pour le développement durable de chacun d’entre eux. La France prend en compte la situation particulière des « pays en grande difficulté climatique » dans sa politique de développement et de solidarité internationale. Il apparaît crucial d’accompagner les pays les plus pauvres et les plus fragiles pour qu’ils puissent adapter leurs modes de vie et leurs économies aux effets inéluctables et déjà présents de ce changement climatique. En effet, ce sont les populations les plus pauvres qui sont les plus directement dépendantes de l’exploitation des ressources naturelles et donc les plus exposées aux évolutions que le changement climatique induit sur ces ressources. Ainsi, à travers son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, l’Agence française de développement (AFD) vise à ce que, chaque année, 50 % de ses financements dans les pays tiers comportent des co-bénéfices « climat » dans l’ensemble des secteurs pertinents, y compris l’énergie. Enfin, la préparation de la conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015 sera une priorité pour la France.
1.3. Secteurs d’intervention
Prenant en considération, dans une perspective de durabilité et de développement mutuellement bénéfique, d’une part, les besoins de ses pays partenaires et, d’autre part, les objectifs de sa politique de développement, la France définit dix secteurs d’intervention. Ces derniers doivent prendre en compte, dans leurs objectifs, principes et indicateurs, les deux priorités transversales de l’APD de la France : les droits des femmes et les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la lutte contre le changement climatique.
– Santé et protection sociale
La France réaffirme l’importance qu’elle accorde au droit fondamental à la santé. Elle consacre une part significative de son effort dans le domaine du développement et de la solidarité internationale à l’amélioration des conditions de santé et de protection sociale dans les pays en développement. Plusieurs facteurs justifient cet investissement : l’accélération de la mondialisation a renforcé les risques de diffusion des grandes pandémies ; la résilience des sociétés aux chocs sanitaires est une condition de leur capacité à se développer ; c’est un secteur dans lequel la France dispose de compétences reconnues. Cette coopération doit cependant s’adapter à la double transition démographique (vieillissement) et épidémiologique (progression des maladies non transmissibles) qui affecte les pays en développement. Par ailleurs, certaines maladies tropicales touchant les populations des pays les plus pauvres sont négligées dans l’effort de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique du fait de l’absence de marchés solvables. La santé, en tant que bien public mondial, appelle dès lors une mobilisation mondiale et coordonnée de l’ensemble des acteurs du développement international.
La France réitère son engagement à combattre les trois grandes pandémies, notamment grâce au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à lutter contre les maladies négligées, à améliorer la santé des mères et des enfants et à promouvoir la couverture sanitaire universelle telle qu’elle a été définie par les Nations unies en décembre 2012.
L’accès de tous à la protection sociale commence par le soutien au développement des socles nationaux de protection sociale. À cet égard, le soutien et la promotion de la recommandation n° 202 du 14 juin 2012 de la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT) contribueront à concrétiser le caractère universel de la couverture sociale (santé, vieillesse, invalidité, prestations familiales...).
Dans les domaines du renforcement des systèmes de santé et de protection sociale, son action se concentrera sur les trois grands enjeux suivants :
– l’amélioration de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale et infantile, ainsi que les politiques de population dans les pays prioritaires d’Afrique subsaharienne ;
– l’adaptation des systèmes de santé et de protection sociale à l’accroissement des maladies chroniques et des problèmes de santé découlant de l’élévation des niveaux de vie et du vieillissement ;
– le renforcement de la surveillance épidémiologique et de la capacité des pays à agir sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé.
– Agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle
La lutte contre la sous-nutrition est une des priorités de la politique de développement et de solidarité internationale. La France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois, soutenant la production vivrière et respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité. Elle soutient des initiatives permettant à l’agriculture de jouer pleinement son rôle : adoption de politiques agricoles cohérentes, renforcement de l’intégration régionale, structuration des marchés agricoles, développement de filières, accès des petits producteurs aux certifications environnementales volontaires disponibles sur le marché international, appui aux organisations paysannes ainsi que le renforcement de l’autonomie des paysans, la recherche de l’accès équitable à l’eau, la transition des agricultures familiales vers une intensification agro-écologique, la sécurisation de l’accès au foncier, notamment pour les femmes et les petits producteurs, la lutte contre les accaparements de terres et de ressources et la lutte contre la dégradation et la pollution des terres. En matière de pêche, la France agit pour renforcer l’aide à la gestion durable des pêcheries des pays en développement et à la protection des milieux et ressources marines, notamment par la mise en place de réserves halieutiques et d’aires marines protégées. Elle cherche à développer une évaluation européenne systématique et publique de la mise en œuvre et des effets des volets sociaux et environnementaux des accords de pêche.
L’aide bilatérale a pour finalité d’améliorer durablement la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages ruraux et urbains, principalement en Afrique subsaharienne, par un soutien aux exploitations agricoles familiales, aux filières, en particulier vivrières et d’élevage, et aux politiques agricoles, alimentaires et nutritionnelles, en intégrant les enjeux de développement durable et de souveraineté alimentaire. À ce titre, les interventions contribueront :
à l’amélioration de la gouvernance sectorielle de la sécurité alimentaire, tant en ce qui concerne les politiques agricoles, rurales que nutritionnelles ;
au développement économique et social des territoires ruraux et à la conservation de leur capital naturel ;
à une croissance soutenue, riche en emplois, durable et inclusive des filières agricoles.
En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement des terres incompatible avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones.
– Éducation et formation
L’éducation, notamment des filles, est un droit humain fondamental au cœur des processus de développement. Une éducation et une formation de qualité sont des facteurs puissants de transformation sociale et contribuent à la réduction des inégalités sociales et territoriales, à un développement économique durable, à l’épanouissement des personnes, à l’exercice de la citoyenneté et à la promotion de la démocratie et de l’État de droit. L’éducation est aussi un outil de sensibilisation, de prévention et de formation aux droits humains, aux enjeux de développement durable et aux enjeux transversaux et sociétaux tels que la santé, l’environnement ou la lutte contre toutes les formes de discriminations.
Une des caractéristiques des pays bénéficiaires de la politique de développement est la jeunesse de leur population. Encore plus pour ces pays, les jeunes représentent l’avenir et doivent pouvoir bénéficier d’investissements forts à tous les niveaux pour permettre leur inclusion sociale, économique et politique. C’est pourquoi la France fait de l’éducation et de la formation accessibles à tous sans aucune discrimination une des priorités de sa politique de développement et de solidarité internationale. Dans ce cadre, un effort particulier dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue dans les pays concernés aura un effet de levier sur la création d’emplois, mais aussi sur la capacité de ces pays à s’adapter au contexte de mondialisation des échanges et de multiplication des crises économiques, sanitaires et climatiques.
La politique française d’aide au développement et de solidarité internationale doit aider à la mise en œuvre de politiques d’éducation et de formation efficaces, à même de garantir l’acquisition des connaissances et la maîtrise des compétences nécessaires au développement autonome des populations et à leur pleine insertion économique, sociale et citoyenne dans la société. À ce titre, l’accès et le maintien des filles à l’école représentent un facteur fondamental de développement. Cette politique doit aussi contribuer aux objectifs de l’Éducation pour tous, en priorisant le soutien à l’éducation de base incluant les premiers niveaux du secondaire, l’importance du continuum éducatif de la petite enfance à la formation tout au long de la vie, le rôle primordial des équipes pédagogiques dans la dispense d’une éducation de qualité, notamment pour les populations marginalisées ou vulnérables. La France contribue également à ces objectifs à travers sa politique d’accueil et de formation d’étudiants étrangers sur son territoire. La politique de promotion et de soutien de la langue française est également un vecteur de la politique de développement.
– Secteur privé et responsabilité sociétale
Le secteur privé contribue à la création de richesses, d’emplois, de revenus, de services et de biens. La politique de développement et de solidarité internationale encourage l’action des entreprises, en particulier les PME-PMI et les entreprises de taille intermédiaire. Le développement des PME, l’accroissement des flux d’investissement et le renforcement des cadres réglementaires nécessaires, tant pour encourager que pour encadrer le développement de l’entreprenariat privé, représentent autant d’enjeux majeurs. La politique de développement et de solidarité internationale favorise les conditions d’une croissance riche en emplois, inclusive et durable.
Le Point de contact national pour la mise en œuvre des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales (PCN) a élaboré des recommandations pour une conduite responsable dans la filière textile-habillement. Le PCN est chargé de la promotion de ces recommandations et pourra être saisi des conditions de mise en œuvre des principes directeurs dans tout autre secteur d’activité pertinent. Dimension transversale de l’action du Gouvernement, la responsabilité sociétale est pleinement intégrée dans la politique de développement et de solidarité internationale qui met en œuvre des actions permettant d’accompagner les pays partenaires et les acteurs publics et privés pour une meilleure prise en compte de cette exigence.
Le Gouvernement mandate la plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises pour mener la réflexion sur des mesures visant à une meilleure responsabilisation des entreprises multinationales et des donneurs d’ordre vis-à-vis de leur filiales, sous-traitants et fournisseurs situés dans les pays en développement.
Celle-ci étudiera également la possibilité de renforcer le devoir de vigilance incombant aux entreprises dans le cadre de leurs activités, de celles de leurs filiales et de leurs sous-traitants afin de prévenir les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux qui peuvent en résulter.
La France s’efforce également de promouvoir cette démarche auprès de l’ensemble des partenaires du développement dans les enceintes internationales ou européennes. Elle soutient le renforcement des exigences sociétales dans les processus de passation des marchés publics, dans le cadre des réformes en cours au sein des institutions financières multilatérales et dans un cadre bilatéral.
Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, la France soutient l’entrepreneuriat féminin et l’accès des femmes aux responsabilités économiques et sociales.
La France soutient l’essor et la promotion des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), acteurs devenus incontournables de la politique de développement. Les coopératives, mutuelles, associations, fondations et entreprises sociales, qui sont les principaux acteurs de l’ESS, placent l’individu au cœur du développement et apportent, le plus souvent, des réponses au plus près des besoins locaux, appuyant l’émergence d’une solidarité citoyenne. Afin de prolonger cette dynamique, la France encouragera l’émergence d’entreprises coopératives transnationales. Ceci peut s’exprimer particulièrement dans un objectif de développement de filières communes entre les acteurs économiques du Nord et du Sud.
La France soutient également le développement de l’économie circulaire, s’inscrivant dans le cadre du développement durable, qui concrétise l’objectif de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie afin de passer progressivement à un modèle de création de valeur, positive sur les plans social, économique et environnemental. L’économie circulaire privilégie un modèle centré sur l’utilisation locale des ressources disponibles et les circuits courts partout où cela est possible.
La France promeut également les libertés syndicales et l’amélioration du dialogue social. Elle reconnaît que les syndicats constituent des acteurs du développement.
– Développement des territoires
Le développement urbain et le développement rural sont décisifs pour l’avenir de la planète. Ils ne peuvent être traités indépendamment l’un de l’autre compte tenu de leur interconnexion croissante. La France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui intègre les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux. Particulièrement engagée en faveur du développement des territoires, la France s’est notamment vue confier par le programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) un rôle de chef de file pour la mise en œuvre des « lignes directrices internationales sur la décentralisation et l’accès aux services de base pour tous » (eau, assainissement, traitement des déchets, énergie, transports, communications, école primaire, santé et sécurité publique) approuvées par le conseil d’administration d’ONU-Habitat en 2007 et en 2009. Elle est aussi chef de file européen pour l’élaboration de lignes directrices internationales sur la planification urbaine et territoriale.
Les villes sont aujourd’hui au cœur des enjeux du réchauffement climatique et de la surexploitation des ressources naturelles. Mais des solutions d’ordre institutionnel et technique peuvent aujourd’hui être apportées afin de faire face au défi environnemental. L’approche française du développement urbain durable privilégie ainsi quatre grands objectifs :
faire des collectivités locales le catalyseur de la démocratie de proximité et de la concertation entre tous les acteurs du développement local ;
participer au renforcement des capacités des collectivités territoriales ;
améliorer les conditions de vie et la productivité urbaine ;
contribuer à un aménagement des territoires urbains qui préserve l’environnement et les autres biens publics mondiaux, notamment par l’investissement dans des infrastructures urbaines durables qui intègrent les enjeux d’adaptation aux changements climatiques, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, des impacts environnementaux à long terme et une meilleure gestion des ressources.
En écho à la stratégie dans le domaine de la sécurité alimentaire, l’approche du développement rural favorisera les trois axes stratégiques suivants :
accompagner des politiques agricoles nationales et régionales concertées ;
investir pour une agriculture, moteur de croissance inclusive et durable ;
soutenir l’intégration des territoires ruraux dans les échanges économiques nationaux, régionaux et internationaux.
– Environnement et énergie
Une complète prise en compte des questions environnementales dans la politique de développement est une condition nécessaire à la pérennisation des projets de lutte contre la pauvreté. La France contribue activement aux négociations internationales dans le cadre de diverses conventions des Nations unies telles que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée à New York, le 9 mai 1992, la convention sur la diversité biologique, adoptée à Nairobi, le 22 mai 1992, la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, adoptée à Paris, le 17 juin 1994, ainsi qu’au sein des différents accords multilatéraux sur l’environnement. Elle concourt à leur mise en œuvre à travers, notamment, sa participation au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et son outil de coopération bilatérale en matière d’environnement, le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). L’AFD contribue également au financement de la protection de l’environnement dans les pays tiers, conformément aux engagements pris dans ses documents stratégiques pertinents, en particulier dans son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, son cadre d’intervention transversal Biodiversité et son cadre d’intervention sectoriel Sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne.
S’agissant de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, deux axes prioritaires ont été définis pour la coopération bilatérale : accroître les surfaces et améliorer la gestion des territoires ayant statut d’aires protégées terrestres et marines et intégrer la protection et la restauration de la biodiversité dans l’ensemble des politiques sectorielles susceptibles d’avoir un impact sur son avenir.
La politique de développement et de solidarité internationale de la France dans le secteur de l’énergie s’inscrit dans le cadre de stratégies globales de lutte contre la pauvreté, de promotion de la croissance verte et de protection des biens publics mondiaux. Elle est étroitement liée à son action dans le domaine de la lutte contre le changement climatique et s’articule aujourd’hui autour de trois grands objectifs : améliorer l’accès à des services énergétiques performants ; développer les énergies renouvelables ; améliorer l’efficacité énergétique, conformément aux objectifs de l’initiative « Énergie durable pour tous » (SE4ALL) du Secrétaire général des Nations unies.
Trois axes prioritaires et un appui transversal aux politiques énergétiques durables et aux acteurs du secteur ont été définis :
prioriser les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ;
réduire la fracture énergétique et développer l’accès en zones rurales et suburbaines ;
sécuriser et renforcer les systèmes énergétiques ;
renforcer les politiques énergétiques durables et les capacités des acteurs.
La France a pour objectif de réduire progressivement les concours apportés dans le cadre de sa politique de développement et de solidarité internationale aux énergies fossiles et de porter cette position dans l’ensemble des banques multilatérales de développement. Plus généralement, en matière énergétique, la France poursuit le financement de projets, notamment de recherche, qui ont pour but l’amélioration des rendements et de l’efficacité énergétiques dans un souci de protection de l’environnement. Dans cette perspective, elle publiera d’ici deux ans une stratégie fondée sur une évaluation de l’impact environnemental et économique de ses soutiens financiers dans le domaine énergétique. D’ores et déjà, l’AFD ne finance pas de projets de centrales à charbon, à l’exception des centrales incluant un dispositif opérationnel de captage et de stockage de dioxyde de carbone.
– Eau et assainissement
L’accès à l’eau et à l’assainissement soulève des défis d’ordre sanitaire et environnemental, mais aussi en matière de réduction de la pauvreté ou d’égalité entre les femmes et les hommes. L’OMD visant à réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à l’eau potable devrait être atteint d’ici à 2015 mais environ 800 millions de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à l’eau potable satisfaisant. Et la situation est encore plus préoccupante pour l’assainissement où cette composante de l’OMD ne sera certainement pas atteinte. De plus, les pressions quantitatives et qualitatives sur la ressource en eau augmentent avec la croissance démographique, l’évolution des régimes alimentaires et la croissance urbaine. Les changements climatiques devraient renforcer ces tensions en entraînant une répartition encore plus inégale de la ressource. Dans quinze ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des régions en situation de stress hydrique.
Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, trois priorités sont retenues :
appuyer la définition de cadres sectoriels nationaux clairs et efficaces, comprenant des normes de qualité de l’eau ;
garantir l’exploitation et la gestion des ressources en eau de manière durable pour les utilisateurs ;
soutenir des services d’eau et d’assainissement performants et durables.
– Gouvernance et lutte contre la corruption
Les mouvements démocratiques au sud de la Méditerranée et les évolutions politiques en Afrique ont illustré récemment l’interdépendance entre gouvernance et développement. La France a mis l’accent sur ce lien, lors de sa présidence du G8 en 2011, en promouvant un pilier relatif à la gouvernance dans le partenariat de Deauville et en mentionnant les droits de l’homme et la gouvernance démocratique dans la déclaration conjointe G8/Afrique.
Par ailleurs, la transparence comptable, le respect des règles fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale constituent des éléments indispensables pour promouvoir une contribution effective des entreprises et des États au développement des populations.
Pour avancer dans ce domaine, il est indispensable de renforcer les capacités administratives des partenaires et d’accorder l’attention nécessaire à l’accroissement de la qualité des ressources humaines des administrations nationales. C’est ainsi qu’il sera possible d’accompagner le développement des infrastructures et des cadres législatifs et réglementaires, ainsi que leur mise en œuvre, et de favoriser la présence des investisseurs.
S’agissant de la gouvernance financière, deux engagements ont été pris dans le cadre du G8 et du G20 :
la promotion de la transparence dans les industries extractives, illustrée notamment par l’adhésion de la France à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) ;
l’appui à la mobilisation des ressources domestiques pour le financement du développement, concrétisé par la poursuite de l’appui de la France au renforcement des capacités des administrations fiscales, grâce en particulier à l’initiative de l’OCDE « inspecteurs des impôts sans frontières » pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales dans les pays en développement.
La lutte contre la corruption est également un élément essentiel à la mise en place d’États légitimes et efficaces pour assurer un développement durable. La France, signataire dans ce domaine de plusieurs conventions internationales, poursuit cet objectif.
La France s’engage à promouvoir la signature et la ratification des instruments juridiques internationaux de lutte contre la corruption auprès de ses partenaires.
– Mobilité, migration et développement
La politique de développement et la politique migratoire doivent être en cohérence. La France reconnaît le rôle des migrations dans le développement des pays partenaires, les migrants étant des acteurs à part entière du développement en y contribuant par leurs apports financiers, techniques et culturels.
L’articulation entre politique migratoire et politique de développement s’inscrit dans l’approche globale des migrations adoptée par le Conseil européen, en 2005, et mise en œuvre depuis lors par l’Union européenne, concernant, notamment, l’immigration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière et la promotion de la contribution des migrants au développement de leur pays d’origine.
Sur ce dernier volet, la France appuie le renforcement du potentiel de solidarité et d’investissement des migrants ainsi que l’accroissement des capacités des pays partenaires à intégrer la migration dans leurs stratégies de développement. Cette approche a vocation à s’appliquer à tous les pays concernés.
– Commerce et intégration régionale
L’insertion progressive des pays en développement dans le commerce mondial constitue pour la France une priorité. Dans cette perspective, elle promeut la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux fondés sur le juste échange et visant une meilleure insertion dans le commerce régional et international, des politiques d’aide au commerce et de facilitation des échanges, un soutien aux efforts de l’Union européenne en faveur du multilatéralisme via l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une meilleure prise en compte des spécificités des pays les moins avancés (PMA) et des efforts attendus de la part des grandes économies émergentes dans le cadre du cycle de Doha. Compte tenu de l’importance d’une différenciation entre pays en développement, la France œuvre au renforcement du système de préférences généralisées en ciblant les pays qui en ont le plus besoin.
En la matière, la France a pris plusieurs engagements internationaux :
– Au sommet du G20 de Séoul des 11 et 12 novembre 2010, il a été décidé de progresser vers l’accès au marché sans droits de douane ni quotas pour les PMA et de maintenir, au-delà de 2011, les niveaux d’aide au commerce qui tiennent compte de la moyenne des années 2006 à 2008 ;
– Respecter les engagements financiers dans le domaine de l’aide au commerce. Accords de partenariat économique (APE) : au-delà de l’accès au marché accordé aux pays en développement dans le cadre du système des préférences généralisées de l’Union européenne, la France reste attachée à faire des APE un instrument au service du développement. Elle favorise une meilleure prise en compte des préoccupations de ses partenaires africains dans la négociation des APE régionaux afin que ces accords portent leurs fruits en termes d’intégration régionale et de développement.
1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés
Le monde en développement connaît des disparités croissantes avec l’émergence de nouvelles puissances économiques et politiques, le dynamisme d’un grand nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine et la persistance d’États en situation de crise ou de vulnérabilité. Afin de faire le meilleur usage des ressources qu’elle consacre au développement et à la solidarité internationale, la France doit tirer les conséquences de cette hétérogénéité en adaptant ses objectifs et ses modalités d’intervention aux enjeux propres à chaque catégorie de pays. C’est pour répondre à cet objectif et tenir compte des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, que la France met en œuvre des partenariats différenciés avec quatre catégories de pays. Dans ce cadre, la France définira, conjointement avec chacun de ses partenaires, trois secteurs de concentration prioritaire parmi les dix évoqués ci-dessus.
Les pays pauvres prioritaires
La France concentre son effort de solidarité en subventions et dons sur un nombre limité de pays pauvres prioritaires dont la liste a été établie par le CICID le 31 juillet 2013(1). Dans ces pays, la France mobilise ses instruments bilatéraux et multilatéraux au bénéfice de l’ensemble des objectifs de sa politique de développement, notamment : les OMD, le développement économique, la gouvernance démocratique, l’État de droit et la préservation du capital environnemental. La France consacre une attention particulière aux pays du Sahel qui nécessitent une approche globale et coordonnée de la part de l’ensemble des bailleurs de fonds. Pour atteindre ces objectifs, au moins la moitié des subventions de l’État seront concentrées dans les pays pauvres prioritaires. De son côté, l’AFD concentrera sur ces pays les deux tiers des subventions qu’elle verse.
L’Afrique et la Méditerranée
L’État concentrera au moins 85 % de son effort financier en faveur du développement en Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée.
– Les pays d’Afrique subsaharienne demeurent la priorité de la France. Cette région reste la dernière région du monde où la question du sous-développement se pose à l’échelle du continent. Elle rassemble la plupart des pays les plus mal classés au regard de l’indice du développement humain. Dans le même temps, l’économie de la plupart des pays du continent a fortement progressé. L’Afrique subsaharienne enregistre ainsi sur les dix dernières années un taux de croissance économique moyen largement supérieur à celui des pays de l’OCDE. L’analyse de moyen-long terme, au-delà des phénomènes conjoncturels, semble confirmer qu’un processus vertueux de croissance est enclenché dans un grand nombre de pays pauvres : accélération de la croissance économique, supérieure à la croissance démographique et autorisant une augmentation du revenu par habitant ; amélioration sensible de la stabilité macro-économique (baisse de l’endettement extérieur, décélération de l’inflation, réduction des déficits budgétaires et externes) ; forte réduction du taux de conflictualité et enracinement des processus démocratiques. Le partage de la langue française avec la majorité des pays d’Afrique subsaharienne est un atout que la France valorise dans le cadre de son action en faveur du développement de la région. La France interviendra dans tous les secteurs opportuns et mobilisera toute la gamme des instruments dont elle dispose – dons, aides budgétaires, prêts bonifiés ou non, souverains et non souverains, prises de participations, garanties et autres financements innovants – pour répondre de manière adaptée aux besoins de ces pays.
– Les pays du voisinage Sud et Est de la Méditerranée : cette région représente un enjeu essentiel, tant pour l’Europe que pour la France. Elle est confrontée à des défis sociaux et économiques importants : les Nations unies prévoient, d’ici vingt ans, 60 millions de jeunes supplémentaires à employer et donc à former, 75 millions de nouveaux urbains à accueillir, dans un environnement fragile et aux portes de l’Europe ; les bouleversements politiques en cours appellent un accompagnement et un effort accru en faveur du renforcement de la gouvernance ; la préservation de l’environnement, et en particulier de la mer Méditerranée, doit être assurée. La création d’un espace de stabilité politique et de prospérité économique, ainsi que la gestion concertée, entre les deux rives de la Méditerranée, de tous ces défis sont donc nécessaires. La politique de développement de la France visera à renforcer les tissus productifs locaux et le capital humain, à promouvoir la création d’emplois et l’aménagement du territoire, dans une perspective de durabilité, de développement mutuellement bénéfique et de co-localisation. La plupart de ces partenaires étant des pays à revenus intermédiaires, les concours financiers de l’État seront prioritairement des prêts, complétés par des actions en matière de formation comme de coopération culturelle, scientifique et technique. Conformément à la volonté marquée par le Président de la République de développer une « Méditerranée des projets », les interventions s’inscriront dans une logique euro-méditerranéenne, notamment en faveur de l’intégration régionale, et mobiliseront toutes les initiatives pertinentes : politique de voisinage de l’Union européenne, Union pour la Méditerranée, Assemblée parlementaire de la Méditerranée, dialogue 5+5 et partenariat de Deauville.
Les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité
S’ils ne font pas partie des pays pauvres prioritaires, ces pays bénéficient d’une attention particulière. La prévention sera privilégiée à chaque fois que possible et, en cas de crise ouverte, une attention particulière sera apportée à la coordination de notre action : entre civils et militaires, entre acteurs publics et non gouvernementaux, entre la phase humanitaire et celle de retour au développement.
Les interventions de la France dans ce groupe de pays répondront prioritairement à leurs besoins en matière de développement humain, économique et d’approfondissement de l’État de droit et s’articuleront avec le rôle majeur de l’Union européenne dans la réponse aux crises et dans le soutien aux efforts des pays et des organisations régionales pour maintenir la paix. Des instruments souples, principalement des subventions, seront utilisés.
Le reste du monde
Dans le reste du monde, notamment l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes, qui comptent majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, il s’agira d’aller au-delà du concept de l’aide qui n’est plus adapté à leur situation : la France aura pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d’associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire », en y favorisant notamment des partenariats économiques.
Le partenariat avec les « très grands émergents », qui mobilisera les acteurs français dans leur diversité, est essentiel pour renforcer le dialogue et préparer ensemble les négociations internationales sur les enjeux partagés. Il se fera sans coût financier pour l’État (hors expertise technique).
Les actions en matière de gouvernance démocratique, droits de l’homme, protection de l’enfance, égalité entre les femmes et les hommes et assistance technique seront, quant à elles, possibles dans l’ensemble des pays d’intervention.
Dans un monde en mouvement, où la situation de chaque pays évolue rapidement, le secrétariat du CICID réexaminera chaque année les partenariats différenciés.
1.5. Pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale
En cohérence avec les principes généraux affirmés dans la présente loi, les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale peuvent être actualisées, en tant que de besoin et après consultation du CNDSI et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le CICID qui rassemble, sous la présidence du Premier ministre, l’ensemble des ministres concernés. Dans les six mois suivant le Sommet de l’ONU prévu en septembre 2015, le CICID actualise ces orientations pour tenir compte des objectifs qui succèderont aux objectifs du millénaire pour le développement.
Le ministère des affaires étrangères, le ministère chargé de l’économie et des finances, l’AFD, ainsi que les autres ministères et opérateurs de l’État susceptibles de mettre en place des actions de développement et de solidarité internationale veillent constamment à ce que les actions qu’ils mènent dans leurs champs de compétences respectifs soient cohérentes avec les autres actions menées par l’État. Le CICID fixe le cadre général des interventions de l’État et l’articulation entre les différentes politiques et les différents acteurs. À cette fin, il se réunit annuellement.
L’affectation des moyens de l’aide est encadrée par les partenariats différenciés. Au sein de chaque catégorie de partenariats, la répartition des ressources et le choix des modalités d’intervention selon les pays sont effectués en prenant en compte les besoins mais également les capacités des pays. Le CICID a, par ailleurs, décidé de lancer une étude sur la faisabilité d’un dispositif d’allocation de l’aide qui permette de mieux tenir compte des efforts des pays partenaires en matière de performance économique et de gouvernance.
La mesure de la qualité des interventions et l’appréciation de leurs résultats est une exigence démocratique, tant en France, à l’égard du Parlement et de la société civile, que vis-à-vis des populations et des autorités des pays bénéficiaires. Cette analyse des résultats est également indispensable pour améliorer la pertinence et l’efficacité des opérations, responsabiliser les acteurs chargés de leur mise en œuvre et permettre d’apprendre des expériences passées.
Les services d’évaluation de l’aide aujourd’hui placés auprès de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères, de la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances et de l’AFD seront regroupés dans un organisme unique, indépendant de ces acteurs et ayant accès à l’ensemble des informations lui permettant d’exercer sa mission. Cet observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale permettra à la fois une mutualisation et une rationalisation des moyens et une évaluation neutre des programmes menés par la France. Il comprend onze membres, désignés pour un mandat de trois ans, renouvelable. à l’exception du collège parlementaire qui désigne deux députés et deux sénateurs de manière à assurer une représentation pluraliste, les sept autres collèges du CNDSI délèguent chacun un membre pour siéger au sein de l’observatoire, qui est présidé alternativement par un député et un sénateur. Ses travaux doivent également, à terme, permettre de mieux définir ex ante la pertinence de ces programmes. Cet observatoire transmet son programme pluriannuel de travail aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport mentionné à l’article 10 de la présente loi inclut une synthèse des évaluations qu’il réalise.
En outre, en conformité avec les engagements de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement du 2 mars 2005, la France a renforcé depuis 2008 les évaluations conjointes avec ses partenaires européens et internationaux.
Parmi les éléments contribuant aux évaluations menées aux niveaux national et international et dans un souci de transparence et de pédagogie, des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale, dont ceux présentés dans l’annexe 2 du présent rapport, permettent de mieux suivre les résultats obtenus. Les résultats de ces indicateurs sont complétés annuellement et publiés dans le rapport bisannuel transmis par le Gouvernement au Parlement. La pertinence des indicateurs est régulièrement évaluée par le CNDSI et la Commission nationale de la coopération décentralisée qui peuvent proposer de les modifier. Les indicateurs mentionnés dans la stratégie « genre et développement » contribuent également à l’évaluation de la politique de développement et de solidarité internationale.
Les évaluations de la politique de développement et de solidarité internationale veillent à prendre en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide.
Les résultats des principales organisations multilatérales auxquelles la France contribue font également l’objet de rapports réguliers au regard de leur impact sur les secteurs jugés prioritaires par la France.
Le Gouvernement transmet tous les deux ans au Parlement un rapport sur la politique de développement et de solidarité internationale ; il est également transmis au CNDSI et à la Commission nationale de la coopération décentralisée. Il vise à apprécier de manière globale la politique menée par la France en la matière. Pour cela, il comprend en particulier : la synthèse des évaluations réalisées au cours des deux années précédentes ; les résultats des indicateurs mentionnés précédemment ; les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, notamment l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts ; les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat ; l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport évalue également la cohérence entre la politique de développement et de solidarité internationale et les autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement.
Le CNDSI a vocation à devenir un espace de dialogue entre les représentants d’organisations non gouvernementales (ONG), du secteur privé, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, des collectivités territoriales et des parlementaires sur les objectifs et les grands enjeux relatifs à la cohérence des politiques publiques en matière de développement. En lien avec les différentes instances de concertation existantes, le CNDSI examinera les enjeux et les orientations de la politique française de développement et les questions relatives à sa mise en œuvre, s’agissant de la cohérence, de la transparence et de la redevabilité.
2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement
2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen
Le principe de cohérence doit sous-tendre la mise en œuvre de la politique de développement. L’ensemble des politiques publiques pouvant affecter les pays partenaires, leur élaboration et leur mise en œuvre tiennent compte de la politique de développement.
Au-delà de la politique de développement, de nombreuses autres politiques publiques ont un impact important sur les pays en développement. L’efficacité de la politique française de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de la cohérence de l’ensemble de ces politiques nationales. Ainsi, la recherche active de synergies, quelle qu’en soit la complexité, et la résolution des conflits d’objectifs sont promues.
La France veille également à cette cohérence des politiques publiques dans l’élaboration des politiques européennes auxquelles elle contribue.
Le « consensus européen pour le développement » identifie douze politiques sectorielles dont les États membres s’engagent à renforcer la cohérence avec les objectifs de développement et qui couvrent de facto les principaux enjeux de cohérence(2). En novembre 2009, le Conseil de l’Union européenne a choisi de se concentrer en priorité sur cinq de ces douze politiques : commerce et finance, changement climatique, sécurité alimentaire, migrations et sécurité. L’Union européenne a également mis en œuvre un nouvel outil : le Programme de travail pour la cohérence des politiques pour le développement 2010-2013. Adopté en 2010, il présente les initiatives stratégiques permettant d’améliorer la cohérence des politiques pour le développement.
La France a défini, en 2010, six priorités en matière de cohérence des politiques qui s’inscrivent dans le cadre du « consensus européen pour le développement » : commerce, immigration, investissements étrangers, sécurité alimentaire, protection sociale, changement climatique, qu’elle réaffirme en 2013. Cette recherche de cohérence porte aussi sur les autres politiques ayant un impact sur le développement : recherche et enseignement supérieur, éducation, santé, environnement, sécurité et outre-mer.
À titre d’exemple, dans le domaine du commerce, la France œuvre à la cohérence entre politiques commerciale et de développement à travers le renforcement du système de préférences généralisées (SPG) en faveur des pays qui en ont le plus besoin. La France promeut également la cohérence entre politique commerciale et politique de développement dans le cadre des accords bilatéraux européens que la Commission européenne négocie avec les pays tiers (accords de partenariat économique notamment).
Concernant la sécurité alimentaire, la France accorde la priorité à l’amélioration des capacités de production et du fonctionnement des marchés de matières premières agricoles. Elle s’efforce d’accroître la capacité des pays partenaires à satisfaire les normes sanitaires qui conditionnent l’accès aux marchés européens et internationaux de produits agricoles. La France choisit d’appuyer les politiques agricoles au Nord comme au Sud afin de fournir un cadre favorable permettant à l’agriculture de jouer pleinement ses fonctions économique, sociale et environnementale.
Dans le domaine des politiques sociales, la France continue à promouvoir les normes fondamentales du travail et du dialogue social ainsi que l’emploi décent et les socles de protection sociale. Elle lutte contre le travail illégal des enfants conformément à la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants adoptée par l’Organisation internationale du travail le 17 juin 1999. Elle s’efforce également de promouvoir au niveau européen des standards élevés en matière de responsabilité sociétale des acteurs publics et privés.
En matière d’environnement et de changement climatique, la France s’attache à ce que les pays industrialisés, en particulier de l’Union européenne, respectent leurs engagements en termes de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Elle veille à ce que les politiques de développement intègrent pleinement le changement climatique, en favorisant les projets qui contribuent, au-delà de leur objectif principal, à la lutte contre le changement climatique tant en ce qui concerne l’atténuation que l’adaptation (notion de « co-bénéfices »).
La politique de développement doit être menée en cohérence avec la place des outre-mer dans leur environnement régional afin de renforcer leur insertion dans cet espace et de ne pas fragiliser leurs économies. L’AFD, qui intervient à la fois dans les collectivités ultramarines et les pays en développement de leurs voisinages respectifs, s’assure lors de l’instruction de projets dans les pays en développement voisins de ces collectivités que ces deux objectifs sont satisfaits.
La politique de développement et de solidarité internationale inclut également le renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité, par exemple la lutte contre les trafics ou la réforme du secteur de la sécurité, tant un environnement instable ne permet pas à un État d’exercer ses missions. Les activités des réseaux terroristes et criminels – trafiquants de drogue, d’êtres humains, braconniers et trafiquants d’espèces menacées qui alimentent les circuits de corruption ainsi que les exploitants illégaux de ressources naturelles – constituent une menace pour la paix et la sécurité en Afrique et dans le monde. Elles sont un risque de premier plan pour la souveraineté et la stabilité politique, économique et sociale de nombreux pays partenaires. Il convient donc d’appuyer les pays partenaires dans les domaines concourant à l’établissement de conditions de sécurité favorables au plein exercice de l’État de droit. La France continuera donc à contribuer au maintien de la paix et à la prévention des conflits, comme elle le fait à titre bilatéral au Mali, mais aussi par les canaux européens et multilatéraux. Elle s’attache à favoriser la prise en compte des enjeux liés aux États fragiles et aux méthodes spécifiques qui s’y rattachent dans les enceintes internationales.
2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale
Depuis la conférence de Monterrey sur le financement du développement en 2002, la France est activement engagée dans le renforcement de l’efficacité de l’aide. Elle a largement contribué à la définition de principes en la matière lors des forums de haut niveau sur l’efficacité de l’aide de Rome en 2003, Paris en 2005 et Accra en 2008 où elle a soutenu des engagements en faveur de la division du travail, du renforcement des politiques publiques et de la prise en compte de la diversité des situations des pays partenaires, notamment pour les États fragiles.
Dans le cadre de la préparation du quatrième forum de Busan en 2011, elle a plaidé en faveur de l’ouverture de ce processus aux nouveaux donateurs, du rôle de l’aide comme catalyseur du développement, de la prise en compte de son impact et de la réduction de la dispersion de l’aide.
La politique française de développement et de solidarité internationale met ainsi en application les principes suivants :
– l’alignement sur les priorités et procédures des pays partenaires, afin de maximiser l’appropriation des interventions par les bénéficiaires et la subsidiarité par rapport à la mobilisation des ressources et capacités propres des partenaires ;
– la coordination et la division du travail entre bailleurs de fonds, pouvant aller, au niveau européen, jusqu’à la programmation conjointe et la délégation réciproque du suivi de la mise en œuvre d’actions de développement ;
– une gestion axée sur l’impact sur le développement des pays partenaires reposant, notamment, sur l’utilisation d’indicateurs de résultats attendus, puis obtenus ;
– un effort accru sur la capacité à rendre compte, à l’ensemble des parties intéressées, des objectifs et des résultats des actions financées.
2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale
La transparence de l’aide est aujourd’hui une priorité de la politique française de développement. Elle répond à un triple objectif :
– une aide transparente permet aux contribuables, aux parlementaires et plus largement à l’opinion publique d’apprécier la bonne utilisation de l’argent public ;
– elle permet aux pays bénéficiaires de planifier l’apport de ressources extérieures et de construire des budgets plus fiables et cohérents et est une condition essentielle de l’appropriation de l’aide par ces pays ;
– elle permet d’avoir une vision exhaustive des projets dans un pays et de favoriser la coordination et la division du travail entre bailleurs.
Dans les procédures de passation des marchés pour les projets qu’il finance, le groupe AFD inclut une clause prévoyant que les entreprises impliquées respectent les dispositions qui leur sont applicables en matière de publication d’informations favorisant la transparence.
La France conduit une politique d’influence au niveau international pour que soient promus les principes qu’elle a inscrits dans la loi pour les banques et les entreprises en termes de transparence financière et fiscale, notamment au III de l’article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, de façon à garantir la lutte contre les dérives financières, les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux.
La France a accompli des efforts importants en termes de transparence ces dernières années :
– au niveau international, la France participe activement à l’ensemble des exercices de redevabilité mutuelle : elle est notamment pleinement engagée dans les rapports sur la redevabilité du G8 et rappelle systématiquement l’intérêt des rapports du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) sur l’action des pays africains qui en constitue l’indispensable contrepartie. Lors de sa présidence du G8, la France a été la première à promouvoir un rapport sur la redevabilité conjoint entre les membres du G8 et les partenaires africains.
– par ailleurs, la France a accru et amélioré ses exercices de redevabilité. En 2012 a été publié le premier rapport bisannuel au Parlement sur la mise en œuvre du document cadre « coopération au développement : une vision française » (2010-2011) ; en outre, la programmation budgétaire pluriannuelle donne une plus grande prévisibilité de l’évolution des crédits d’APD à moyen terme.
En complément du rapport bisannuel, les documents budgétaires et en particulier le document de politique transversale seront améliorés afin de répondre aux attentes du Parlement.
En matière de transparence des données, le partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement prévoit la mise en œuvre d’un standard commun pour la publication d’informations détaillées et prévisionnelles sur les ressources apportées par la politique de développement. La France plaide à cet égard pour la convergence des normes du Comité d’aide au développement de l’OCDE et de l’initiative internationale pour la transparence de l’aide (IITA) et s’investit dans l’élaboration du standard commun qui en résultera. En outre, la politique « d’open data » de la France donne lieu à la mise en ligne d’informations statistiques sur l’aide au développement, renforcée par la création en juin 2013 d’un site pilote dédié à la transparence de l’aide au Mali. La France s’efforcera de publier les informations requises par le standard IITA dans les pays pauvres prioritaires dès 2014.
En matière de transparence dans le domaine des industries extractives, le Gouvernement a pris la décision en 2013 d’engager le processus formel d’adhésion à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), conformément à l’annonce du Président de la République lors du sommet du G8 de Lough Erne (Royaume-Uni). L’objectif est d’adhérer à l’occasion de la prochaine conférence internationale de l’ITIE et d’engager la transposition par la France des dispositions des directives comptables concernant certaines obligations pour les entreprises extractives européennes en matière de publication, pays par pays et projets par projets, des montants tirés de l’exploitation des ressources extractives et versés à des États. Dans le cadre de la transposition de ces directives, la France veille à ce que les informations publiées concernent l’ensemble des filiales, qu’elles soient situées ou non dans les pays d’exploitation des ressources, y compris celles localisées dans les paradis fiscaux. Dans le même esprit, le groupe AFD encourage les autorités nationales et les sociétés à rendre publics les marchés conclus dans les industries extractives et les infrastructures ainsi que tout avenant important auxdits marchés. La France soutient également activement les initiatives des banques multilatérales de développement en matière d’accompagnement juridique des pays africains dans la négociation des contrats.
Plus largement, la France soutient un reporting pays par pays de la part des grandes sociétés et groupes.
L’éducation au développement
L’éducation au développement et à la solidarité internationale constitue un volet important pour la France en termes de transparence et de cohérence des politiques. Elle vise à faire progresser le niveau de connaissance et d’appropriation par les citoyens des actions conduites, mais aussi à promouvoir la solidarité. En effet, la mobilisation de l’opinion publique est nécessaire pour produire de nouvelles dynamiques favorables au développement. Pour cela, il est essentiel que les citoyens puissent davantage s’informer sur les enjeux du développement ainsi que sur les choix stratégiques et les résultats de l’action publique en faveur du développement. Dans cette perspective, les actions de sensibilisation menées par le Gouvernement sont nombreuses, en particulier auprès de la jeunesse. Il diffuse à cet effet des documents d’information sur la politique de développement et de solidarité internationale. Les établissements scolaires mènent des projets d’éducation au développement et à la solidarité internationale visant à faire comprendre les grands déséquilibres mondiaux et à encourager la réflexion sur les moyens d’y remédier. L’éducation au développement et à la solidarité internationale peut s’effectuer dès le plus jeune âge et dans toutes les disciplines. Elle s’inscrit dans les dispositifs pédagogiques existants avec le concours des collectivités territoriales, d’intervenants extérieurs qualifiés, d’associations de solidarité internationale et d’acteurs de l’éducation populaire. Sa place doit être renforcée dans les programmes scolaires et dans la formation des maîtres.
3. Les leviers d’action de la politique de développement et de solidarité internationale de la France
L’ampleur des enjeux du développement, la multiplicité des objectifs et des partenaires, mais aussi la contrainte qui pèse sur nos ressources, imposent une rigueur particulière dans la définition et l’utilisation des outils de la politique de développement et de solidarité internationale.
3.1. L’intervention de l’État
L’aide publique au développement nette de la France est majoritairement bilatérale (65 % en 2011).
L’AFD est le principal canal par lequel transite l’aide programmable bilatérale inscrite dans plusieurs programmes budgétaires. Elle finance ses actions aussi bien par des subventions (aide-projet, aide budgétaire, contrats de désendettement et de développement) que des prêts concessionnels ou non concessionnels, des prises de participations et des garanties. D’autres instruments bilatéraux ciblés existent, tels que le FFEM dédié au financement de projets innovants dans le domaine environnemental.
La France est engagée dans un important effort de désendettement, essentiellement en faveur des pays les moins avancés, par le biais de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces traitements de la dette sont négociés au sein du Club de Paris, groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement des États endettés. Ils contribuent à rétablir la soutenabilité de la dette des pays en développement ou à leur permettre de faire face à des crises de liquidité extérieure temporaires.
Le ministère des affaires étrangères gère en propre les crédits du fonds de solidarité prioritaire en matière de gouvernance et l’aide directe aux populations les plus fragiles, notamment l’aide alimentaire et le fonds d’urgence humanitaire. Il est responsable des interventions en faveur de la francophonie et de la politique d’influence de la France, notamment en matière culturelle. Dans ce domaine, la valorisation du patrimoine matériel et immatériel des pays en développement et la préservation de la diversité culturelle sont une priorité de la politique française, en lien avec les organisations internationales, les instances de la francophonie, les organismes culturels présents dans ces pays, les actions portées par les coopérations décentralisées et les acteurs de la société civile. Des ministères à compétences sectorielles (éducation nationale, intérieur, agriculture, écologie, santé, travail, etc…) gèrent certains programmes dans le domaine du développement.
La France propose aussi une aide en matière de coopération technique et d’expertise. En effet, les pays en développement, et en particulier nos partenaires émergents, sont fortement demandeurs d’une expertise technique de haut niveau. En ce qui concerne l’assistance technique, le Gouvernement a créé en 2013 un fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences (FEXTE), logé à l’AFD et dédié à la promotion des savoir-faire français chez nos partenaires. La France pourra ainsi promouvoir son expertise et son influence. Ce fonds a vocation, en application de l’article 8 bis de la présente loi, à rejoindre l’agence française d’expertise technique internationale, au plus tard le 1er janvier 2016.
L’enseignement supérieur et la recherche apportent une contribution éminente à notre dispositif d’aide au développement. Si la France dispose d’atouts indéniables dans le domaine de la recherche pour le développement, avec des institutions scientifiques dédiées, telles que l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ou moins spécifiques, telles que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou les universités, l’offre française de recherche au service du développement doit toutefois être rendue plus accessible pour les partenaires du Sud. Il convient d’en renforcer la visibilité et la cohérence entre les acteurs. Dans cette perspective, le CICID du 31 juillet 2013 a décidé d’élaborer, avec l’aide de l’ensemble des acteurs français de la recherche, une charte sur la recherche au service du développement qui débouchera sur des recommandations opérationnelles s’appuyant, notamment, sur le travail de coordination des alliances thématiques.
La contribution française à la politique européenne de développement
La France est le deuxième contributeur au Fonds européen de développement (FED) qui reste hors du budget européen. Elle participe par sa contribution au budget communautaire, au financement des autres instruments européens en faveur du développement, notamment l’instrument de financement de la coopération au développement (ICD), l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH) et l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).
La France recherche, par ailleurs, un effet de levier avec l’Union européenne. Dans le cadre du « programme pour le changement », elle favorise la convergence entre ses priorités géographiques et sectorielles et les orientations de la politique européenne de développement et des politiques nationales des autres États membres. Elle soutient la programmation conjointe entre l’Union européenne et les États membres et contribuera aux efforts accrus qui seront encore nécessaires pour synchroniser les cycles des différents bailleurs avec ceux des pays partenaires.
Une aide importante aux institutions multilatérales
Hors Union européenne, l’aide multilatérale représente près de 20 % de l’APD nette française en 2011. Elle est répartie entre quatre blocs d’organisations internationales de développement :
– Le groupe de la Banque mondiale, dont la part dans l’aide multilatérale a fluctué durant les dix dernières années (entre 11 % et 19 %). La grande majorité de nos financements directs concernent l’Association internationale de développement (AID).
– La France appuie également l’action des Nations unies en faveur du développement sous la forme de contributions à des fonds et programmes (autour de 5 %) dont les financements proviennent exclusivement de contributions volontaires. Un effort important de concentration de ces contributions volontaires a été accompli et sera poursuivi. La France privilégie les thématiques de l’aide humanitaire, de l’aide économique et sociale et de la gouvernance puisqu’elle contribue au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA).
En matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, la France soutient l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et son Comité de la sécurité alimentaire mondiale, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM).
La France soutient également, sur une base volontaire (accords de coopération pluriannuels France-BIT associant le ministère chargé du travail et le ministère des affaires étrangères au Bureau international du travail), les programmes de coopération technique de l’OIT, notamment pour l’appui à la mise en œuvre du travail décent dans les pays en développement (soutien au respect et à la mise en œuvre des normes internationales du travail ainsi qu’aux administrations du travail chargées de leur mise en œuvre ; appui au développement de la protection sociale et à la mise en œuvre de socles nationaux de protection sociale ; appui au développement de programmes en faveur de l’emploi).
– Les banques régionales et fonds verticaux représentent 31 % de l’aide multilatérale, hors aide européenne. Cette catégorie comprend les fonds de développement de la Banque asiatique de développement et de la Banque africaine de développement mais aussi les fonds sectoriels correspondants à certaines priorités : Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, dont la France est le deuxième contributeur, mais aussi le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), le Fonds international de développement agricole (FIDA) ou protocole de Montréal ainsi que le Fonds vert pour le climat.
La France conduit une politique d’influence et de partenariat avec ces instances afin d’assurer une réelle complémentarité entre son action bilatérale et son action multilatérale. Elle agit dans son rôle d’actionnaire, de financeur et de partenaire dans la mise en œuvre de projets conjoints. Il s’agit à la fois de peser sur la définition des priorités et des stratégies des organisations concernées, d’accroître la visibilité et l’impact de notre aide bilatérale et de toucher des secteurs ou des pays difficilement accessibles dans le cadre d’une action isolée. En tant que gouverneur des banques multilatérales de développement, le ministre chargé de l’économie et des finances est particulièrement impliqué dans la mise en œuvre de cette complémentarité.
Afin de renforcer l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale, la France a pour objectifs une rationalisation du paysage multilatéral, qui est trop éparpillé aujourd’hui, et une meilleure articulation entre l’aide bilatérale et multilatérale. La France élaborera en 2014 une stratégie d’actions pour répondre à ces deux objectifs. Il s’agira de formaliser les enjeux de l’engagement multilatéral de la France en matière de développement : le rôle des organisations internationales partenaires, les attentes à l’égard de ces dernières comme le retour sur investissement attendu de nos échanges seront présentés par grande famille d’institutions (Union européenne, banques multilatérales de développement et institutions financières internationales, système des Nations unies et fonds verticaux). Cette stratégie aura aussi pour objet de renforcer l’effet de levier que peut constituer l’aide multilatérale pour l’aide bilatérale, pour l’expertise française et notre diplomatie économique. Enfin, sur la base d’un panorama exhaustif des institutions et fonds multilatéraux auxquels la France contribue financièrement, la stratégie proposera des objectifs et des modalités de réduction de la fragmentation de l’aide.
La France soutient le principe de la création de fonds de dotations ou de fonds fiduciaires multibailleurs lorsque la situation le justifie. Ces fonds permettent la mise en commun de plusieurs sources de financements et un pilotage resserré de l’aide internationale. Ils sont particulièrement importants et adaptés dans les pays en crise ainsi que dans les pays pauvres prioritaires, où la concentration de l’aide et l’amplification de l’effet de levier sont essentiels à l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale. De tels fonds peuvent également être pertinents dans d’autres pays où la faiblesse du niveau de l’aide française nécessite qu’elle soit mutualisée avec celle d’autres bailleurs.
La France accordera par ailleurs une attention croissante à l’évaluation des performances des institutions qu’elle finance.
La France continuera à s’investir de manière active dans les enceintes internationales traitant notamment de développement, au premier rang desquelles le G8 et le G20. Ces enceintes à fort effet d’entraînement peuvent en effet permettre de réaliser des progrès que l’ensemble de la communauté internationale peut ensuite reprendre à son compte. Ainsi, au sommet du G8 de Lough Erne (Royaume-Uni) centré sur les « 3T » (Trade, Tax and Transparency), les membres du G8 ont mis l’accent sur la création des conditions du développement, tant en termes de gouvernance que de renforcement des ressources propres des pays, notamment dans le domaine fiscal.
3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques
La France promeut le développement des organisations de la société civile, du Nord comme du Sud, et leur coopération.
Les organisations de la société civile du Nord, fortes de leur expérience au plus près des sociétés des pays partenaires, disposent d’une expertise et d’une connaissance particulières des contextes d’intervention. Elles jouent un rôle essentiel en matière de renforcement des capacités et d’accompagnement des sociétés civiles du Sud en appui à leurs efforts pour se structurer. En particulier, les organisations paysannes du Sud doivent être encouragées pour leur rôle dans la professionnalisation des agriculteurs et dans la participation au débat démocratique.
Les organisations de solidarité́ internationale et les organisations issues des migrations sont reconnues par la présente loi comme des acteurs et des partenaires à part entière de la coopération solidaire. Les organisations de solidarité internationale se définissent comme des organismes à but non lucratif exerçant leur action dans le domaine de la coopération solidaire de société́ à société́, agissant pour la solidarité́ internationale. Les organisations de solidarité internationale favorisent non seulement des projets de coopération adaptés aux besoins des populations pauvres, mais participent aussi d’un échange solidaire aux bénéfices mutuels entre peuples du Nord et du Sud, privilégiant la mise en valeur des compétences locales.
L’État respecte leur indépendance et favorise la coordination de l’action des organisations de solidarité internationale avec sa propre action en matière de coopération bilatérale, communautaire et multilatérale et avec celle des collectivités territoriales. Les organisations de solidarité internationale sont associées à la définition et au suivi de la politique française de développement en lien avec leurs partenaires des États et des collectivités concernées.
La France a mis en place un groupe de travail interministériel, le groupe interministériel pour la sécurité alimentaire (GISA), chargé de proposer des mesures afin de répondre à la dégradation de la situation alimentaire et nutritionnelle des pays pauvres et à ses conséquences politiques, économiques et sociales. Le Comité de la sécurité alimentaire réformé est la plateforme internationale et intergouvernementale où toutes les parties prenantes œuvrent collectivement et de façon coordonnée à la sécurité alimentaire et à une meilleure nutrition pour tous.
Reconnaissant le rôle important joué par les ONG, le Gouvernement s’est engagé à doubler, d’ici la fin du quinquennat, la part de l’aide française transitant par les ONG. Depuis 2009, l’appui du ministère des affaires étrangères à l’action internationale des ONG françaises a été transféré, à l’exception de l’appui au volontariat, à l’AFD. L’AFD assure désormais l’instruction et le suivi des projets et programmes des ONG françaises en faveur du développement (actions de terrain, programmes pluriannuels, programmes multi-pays, conventions-programmes autour d’axes stratégiques, projets inter-associatifs, programmes concertés pluri-acteurs) et ceux des actions d’éducation au développement, de plaidoyer ou de structuration du milieu associatif, par le biais du soutien aux plateformes et collectifs d’ONG.
À ce dispositif s’ajoutent des appuis apportés par le ministère des affaires étrangères aux ONG par l’intermédiaire du centre de crise (fonds d’urgence humanitaire), les procédures d’aide alimentaire, les appuis à la gouvernance démocratique ou à des projets associatifs (par le Fonds social de développement). Le dispositif du ministère des affaires étrangères permet chaque année d’appuyer la mobilisation par les acteurs associatifs de près de 2 500 volontaires de solidarité internationale dans plus d’une centaine de pays sur des périodes de un à deux ans.
L’expertise et l’influence françaises sont aussi promues par les collectivités territoriales.
4 800 collectivités territoriales françaises mènent des actions de développement à l’étranger avec plus de 10 000 collectivités locales partenaires, totalisant près de 12 500 projets dans 141 pays. Le ministère des affaires étrangères appuie aujourd’hui cette politique par le biais d’appels à projets.
Les collectivités territoriales jouent en effet un rôle spécifique, désormais reconnu par la loi, dans le dispositif français d’aide au développement. Opératrices de projets de proximité, en appui des autorités locales partenaires, elles sont porteuses de valeur ajoutée par leur expérience concrète de gestion des services locaux et participent au renforcement des capacités techniques et institutionnelles grâce au partage de connaissances qu’elles opèrent au profit des collectivités territoriales du Sud. Les collectivités territoriales françaises valorisent ainsi une approche territoriale du développement établie en partenariat avec l’ensemble des acteurs qui les animent et au cœur des dynamiques locales, diffusant ainsi une expertise française en matière de gestion des territoires.
Les collectivités ultramarines jouent également, du fait de leur situation géographique et des relations notamment économiques, universitaires ou migratoires qu’elles entretiennent avec leur environnement, un rôle particulier dans la politique de développement et de solidarité internationale, rôle qui contribue à renforcer l’efficacité de cette politique ainsi que l’intégration régionale des collectivités concernées. Lorsqu’un programme d’aide ou un projet de développement est envisagé dans l’environnement régional d’une collectivité ultramarine, le Gouvernement ou les collectivités qui portent le projet informent la collectivité concernée pour bénéficier de son expertise.
Les collectivités territoriales et l’État partagent, en termes de politique de développement dans le domaine de la gouvernance locale, les mêmes priorités : appui au processus de décentralisation, renforcement des capacités, approche participative de la gouvernance locale. La reconnaissance du rôle clef des collectivités territoriales dans la gouvernance démocratique constitue ainsi l’un des axes forts de la stratégie française de développement. Le CICID du 31 juillet 2013 a appelé les collectivités territoriales à jouer un rôle croissant dans les dynamiques territoriales de développement, dans leur domaine d’expertise, et en tenant compte autant que possible des politiques d’appui à la décentralisation conduites par l’État français.
Le rapport sur l’action extérieure des collectivités territoriales françaises « Nouvelles approches… nouvelles ambitions… » que M. André Laignel a présenté au ministre des affaires étrangères en janvier 2013 présente les nouvelles ambitions et approches de l’action extérieure des collectivités territoriales françaises. Il montre la nécessité de faciliter et de valoriser leur action par un cadre législatif modernisé et des institutions plus efficaces. C’est à la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), créée par la loi d’orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République et qui rassemble à parité des représentants de l’État et des collectivités territoriales, qu’il reviendra de débattre de ces nouvelles missions. La CNCD a, en effet, vocation à devenir un organe plus souple, plus dynamique, dans un esprit de renforcement de l’action des collectivités territoriales et de leur rôle international.
Enfin, l’État suit avec attention le renforcement du rôle des réseaux régionaux multi-acteurs (RRMA) dont il reconnaît l’importance. Neuf d’entre eux existent déjà et sont très actifs.
Les entreprises sont des partenaires importants de la politique de développement et de solidarité internationale.
Comme tous les grands bailleurs internationaux, la France s’est engagée dans un processus de déliement de son aide dont les bénéfices sont clairement établis en termes d’impact pour les pays en développement : elle a entièrement délié son aide en faveur des pays les plus pauvres (2001) et des pays pauvres très endettés (2008). Le taux de liaison de l’aide française est aujourd’hui extrêmement bas (1 % en 2011 et 7 % en moyenne depuis 2008).
Pour autant, les entreprises françaises sont présentes par le biais de leurs filiales et de leurs partenaires économiques dans de nombreux pays en développement. L’internationalisation des entreprises françaises peut contribuer au développement économique de la France comme des pays dans lesquels elles sont implantées.
Les entreprises françaises sont en effet porteuses d’un savoir-faire qui garantit aux bénéficiaires un niveau élevé de qualité dans la réalisation des projets, y compris en termes d’impact environnemental et social. Dans l’esprit des décisions du CICID du 31 juillet 2013 relatives aux partenariats avec les « très grands émergents », qui devront mobiliser les acteurs français sans coût financier pour l’État, il s’agira de rechercher un bénéfice mutuel pour les pays concernés comme pour nos entreprises.
Les syndicats contribuent pleinement au développement social des pays en développement.
La liberté syndicale, le respect des conventions de l’OIT et l’amélioration des conditions sociales des travailleurs font partie des objectifs de la politique de développement de la France.
La France reconnaît le rôle majeur joué par les syndicats de travailleurs en la matière. À ce titre, elle promeut le renforcement des capacités des syndicats de travailleurs dans les pays du Sud et encourage les partenariats internationaux entre organisations syndicales.
4. Le financement du développement
En matière de financement du développement, la France s’appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement et d’affecter une part de 0,20 % du RNB en faveur des pays les moins avancés (PMA) et qui prend acte de la diversité et de la complémentarité des sources concourant au développement, tout en apportant une attention accrue à la cohérence des politiques de développement et des autres politiques publiques. Elle part du constat que l’intensification des flux financiers à destination des pays en développement et la nouvelle répartition de la richesse mondiale impliquent de repenser les instruments et les moyens de financement du développement.
Dans le cadre de la définition des nouveaux objectifs du développement durable, la France est engagée dans la réflexion au sein du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE sur la modernisation de la notion d’aide publique au développement.
4.1. Instruments publics de financement du développement
La France considère que le soutien et l’apport de financements publics aux pays en développement demeurent nécessaires et justifiés, notamment lorsque des défaillances de marchés (marchés financiers, marchés du crédit et de l’assurance) et des défaillances des États (incapacité à fournir des services de base, à assurer un environnement politique et économique stable et sain) ne permettent pas de répondre aux défis du développement. Les financements publics visent à mettre en place les conditions d’un développement durable et à stimuler la croissance dans les pays bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu’elle s’est fixés dès lors qu’elle renouera avec la croissance. À terme, l’objectif est que les pays bénéficiaires dégagent leurs propres ressources (qu’elles soient publiques ou privées, domestiques ou internationales) et ne soient plus dépendants des financements publics extérieurs.
Les financements publics français sont octroyés sur la base d’analyses approfondies, en cohérence avec l’action de l’ensemble des acteurs du développement et en concertation avec les pays récipiendaires, en tenant compte de leurs besoins et de leur capacité d’absorption. Ces analyses appréhendent de manière globale les enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux, et incluent des études d’impact. Les financements sont mobilisés de façon différenciée (cf. 1.4 pour une présentation des partenariats différenciés) et stratégique, en prenant en considération leur valeur ajoutée selon les contextes et les secteurs afin de maximiser leur impact.
La France apporte un appui financier à ses partenaires en ayant recours à différents instruments de manière prévisible. Le financement direct par don/subvention demeure l’instrument privilégié dans les pays les plus pauvres. L’aide de la France s’appuie également sur des prêts, essentiellement octroyés par l’AFD, dont le degré de concessionnalité et les conditions diffèrent selon les objectifs poursuivis, les secteurs financés, le niveau de développement et l’analyse de soutenabilité de la dette des pays débiteurs. La France s’est, par ailleurs, engagée à promouvoir au sein du G20 la thématique du « prêt soutenable » qui consiste précisément à tenir compte de la capacité des pays en développement à s’endetter dans la définition des concours financiers qui leur sont octroyés. Ces prêts permettent d’assurer un suivi dans la durée des actions menées en faveur du développement, de mobiliser des montants plus importants, notamment en cofinancement, et de créer des incitations positives pour la sélection de bons projets.
La France octroie également des allègements de dette qui contribuent à libérer des ressources budgétaires additionnelles pour les pays bénéficiaires et représentent un vecteur de développement important. Dans le cadre multilatéral du Club de Paris, la France accorde des allègements de dette au bénéfice des pays éligibles à l’initiative en faveur des PPTE afin de ramener la dette de ces pays à des niveaux soutenables. Par ailleurs, les efforts consentis par la France dans le cadre de l’initiative en faveur des PPTE sont complétés par des annulations bilatérales allant au-delà de l’effort multilatéral. La France s’est, en effet, engagée à annuler, d’une part, l’intégralité de la dette commerciale éligible des pays concernés par l’initiative et, d’autre part, la totalité de ses créances d’aide publique au développement subsistant après l’atteinte du point d’achèvement, sous la forme de contrats de désendettement et de développement (C2D).
La France a également diversifié ses contreparties, en intervenant de plus en plus auprès d’acteurs non souverains dont les collectivités territoriales, les entreprises publiques ou privées et les ONG. Ces financements non souverains prennent la forme de dons, de prêts mais aussi de garanties et de prises de participations. La société de promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO) et le Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises d’Afrique (FISEA), filiales de l’AFD, sont spécialement dédiées au soutien du secteur privé, respectivement dans l’ensemble des pays éligibles à l’aide au sens du Comité d’aide au développement de l’OCDE et en Afrique subsaharienne. La capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités territoriales du Sud, notamment aux villes, permet d’accompagner de manière privilégiée le développement durable dans les pays en développement et peut s’appuyer sur la capacité d’expertise forte des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.
4.2. Le renforcement des ressources domestiques
La France aide les pays en développement à mobiliser davantage leurs ressources domestiques en œuvrant à renforcer leur fiscalité et à lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption. La France soutient la lutte contre l’opacité financière, les flux illicites de capitaux et le détournement des ressources tirées de l’exploitation des ressources extractives.
Dans le domaine fiscal, la France soutient les travaux du forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. La France soutient pleinement le plan d’action sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Elle appuiera les pays en développement pour leur permettre de participer à ces travaux sur un pied d’égalité avec les autres pays. Plus spécifiquement, la France appuie la mise en place de l’échange automatique d’informations en matière fiscale dans le cadre d’un standard international qui vient d’être adopté par le Comité des affaires fiscales de l’OCDE et sera proposé au G20 de Sydney. Elle contribuera à accompagner les pays en développement pour la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations. La France coopère pleinement avec les administrations fiscales des pays en développement qui se sont engagés à mettre en œuvre les conventions fiscales de l’OCDE relatives à l’échange de renseignements et échange avec ces administrations les renseignements nécessaires pour l’application des législations fiscales nationales de ces États, y compris en l’absence d’une demande préalable sous la forme d’échange spontané.
Afin de garantir la cohérence de son action, l’AFD est dotée d’une politique rigoureuse et spécifique à l’égard des juridictions non coopératives en matière fiscale (JNC). Le groupe AFD ne peut faire usage de contreparties ou de véhicules financiers immatriculés dans ces territoires dans le cadre des activités de gestion de trésorerie. Le groupe AFD s’interdit de financer des véhicules d’investissements immatriculés dans une JNC n’y ayant aucune activité réelle. Il s’interdit de financer des contreparties immatriculées dans une JNC, à l’exception du financement d’un projet dont la réalisation s’effectue dans cette JNC. Il s’interdit également de financer des projets mettant en jeu des montages artificiels, comprenant notamment des contreparties dont l’actionnariat est contrôlé par une société immatriculée dans une JNC sauf si cette immatriculation est justifiée par un intérêt économique réel.
Une concertation régulière avec la société civile est organisée sur ces questions.
4.2 bis. Financements privés en faveur du développement
Au-delà de ces instruments de financement publics, notre politique d’aide au développement a pris acte des bouleversements intervenus ces dernières années dans le financement du développement et s’adapte en conséquence.
Les financements privés (notamment internationaux) ont considérablement dépassé, en termes de volume, le montant des financements publics. Comme d’autres grands bailleurs internationaux, la France entend jouer un rôle moteur pour aider à renforcer et à canaliser ces flux financiers pour un impact maximal en termes de développement inclusif et durable. Cette action passe, en particulier, par l’aide à la mise en place des incitations économiques, politiques et réglementaires qui permettront de canaliser ces flux en accord avec cet objectif. La France attache une grande importance au rôle de catalyseur des financements publics qu’elle octroie qui permet aux pays bénéficiaires de mobiliser des ressources privées additionnelles, qu’elles soient domestiques ou internationales.
La France soutient également les organisations qui procèdent à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement, avec la mission explicite de générer un impact sociétal tout en assurant leur pérennité économique. Ces investissements ciblent des organisations de toute nature avec un objectif d’intérêt général auquel est subordonné l’objectif financier, des initiatives d’économie inclusive, des initiatives d’entrepreneuriat social ainsi que des entreprises solidaires de développement.
Au-delà de la mobilisation des ressources domestiques publiques, la France promeut l’inclusion financière, le développement des marchés financiers locaux et leur insertion responsable dans les marchés internationaux comme moyens de financer les économies en développement.
Concernant les flux financiers privés, les transferts d’argent des migrants constituent l’une des ressources financières extérieures majeures des pays en développement, d’un niveau souvent supérieur à l’aide publique au développement. Ces flux permettent également de réduire la pauvreté et d’accroître l’inclusion financière des populations (pour la part formelle des envois d’argent). Ils présentent aussi l’avantage d’être globalement stables et pérennes en cas de crise financière ou de catastrophe naturelle. Les coûts de ces envois d’argent demeurent toutefois élevés, en particulier vers l’Afrique subsaharienne, et leur utilisation accrue à des fins d’investissement est un enjeu essentiel. Dans ce contexte, la France s’est engagée, avec ses partenaires du G8 et du G20, à œuvrer à la facilitation de ces transferts et en particulier à la baisse de leurs coûts, ainsi qu’au développement de nouveaux produits financiers, adaptés aux besoins de migrants et permettant une meilleure allocation de leurs envois d’argent vers des dépenses d’investissement dans leurs pays d’origine.
Les investissements directs étrangers (IDE) sont également devenus une source importante de financement extérieur privé pour les pays en développement. Ils peuvent jouer un rôle majeur pour accélérer leur croissance et leur transformation économique. Depuis quelques années, les pays en développement ont entrepris de créer un cadre réglementaire plus propice aux IDE, d’améliorer le traitement accordé aux entreprises étrangères et de fluidifier le fonctionnement des marchés bancaires, financiers, de biens et de services. En plaidant pour l’amélioration du climat d’investissement et pour un meilleur respect des normes sociales et environnementales, ainsi que des meilleures pratiques en matière de lutte contre la corruption ou en finançant des infrastructures, la France soutient l’effort des pays en matière d’attraction des IDE.
Outre la recherche d’un effet catalyseur des financements publics au développement, la France recherche également à maximiser les financements privés à destination des pays en développement en utilisant des mécanismes à effet de levier financier. En effet, une partie des ressources allouées au financement du développement prend la forme d’apports initiaux ou d’instruments financiers (dons, prêts, garanties, fonds propres, financements mixtes, cofinancements, etc…). Ces instruments permettent de lancer un projet, d’en réduire les risques, réels ou perçus, et/ou de le rendre économiquement viable, permettant ainsi de mobiliser des flux privés additionnels. S’appuyer sur des effets de levier financier est particulièrement adapté pour financer des projets de taille conséquente censés générer un retour financier, comme les infrastructures.
Enfin, la France met en œuvre une politique d’appui à la philanthropie privée et d’incitation au don de nature individuelle, entrepreneuriale ou associative. En particulier, le Gouvernement a décidé de renforcer la sécurité juridique du régime d’incitation fiscale permettant la déductibilité des dons aux associations qui concourent au développement, à la protection de l’environnement et à la solidarité internationale et s’efforcera de mieux rendre compte de l’effort budgétaire associé, dans le cadre de sa déclaration sur l’aide publique au développement au CAD de l’OCDE.
4.3. Les financements innovants
Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, la France contribue à la recherche de nouvelles ressources pour le développement, comme certaines taxes affectées ou les dons des particuliers. Elle promeut surtout les utilisations innovantes des sources de financement pour trouver des réponses à des problèmes de développement. La France suivra avec attention et accompagnera le développement de nouveaux financements liés aux négociations climatiques dans une optique de développement durable des territoires.
Dans le domaine de la santé, la taxe de solidarité sur les billets d’avion, initiée en 2005 par la France, permet à la Facilité internationale d’achat de médicaments (UNITAID) d’influencer les marchés des médicaments contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (baisses de prix, qualification de traitements plus adaptés, etc…). Depuis 2006, les engagements français dans le cadre de la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm) permettent de financer des programmes de vaccination des enfants et de renforcement des systèmes de santé menés par l’Alliance pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Cette démarche n’est pas propre au secteur de la santé et la France soutient la recherche d’autres mécanismes dans d’autres domaines comme le changement climatique, l’agriculture, la sécurité alimentaire ou l’éducation. Ainsi, depuis 2012, la France met en œuvre une taxe sur les transactions financières à titre national, dont une part significative est allouée à des actions de développement, consacrées aux grandes pandémies et à la santé, mais aussi à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique.
() Bénin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Comores, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.
(2) Le commerce, l’environnement, le changement climatique, la sécurité, l’agriculture, les accords de pêche bilatéraux, les politiques sociales, la migration, la recherche/l’innovation, les technologies de l’information, le transport et l’énergie.
Annexe 1
Liste des sigles et des abréviations
ADECRI |
Agence pour le développement et la coordination des relations internationales |
ADETEF |
Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières |
AFD |
Agence française de développement |
AFETI |
Agence française d’expertise technique internationale |
AID |
Association internationale de développement |
APD |
Aide publique au développement |
APE |
Accord de partenariat économique |
BIT |
Bureau international du travail |
CAD |
Comité d’aide au développement de l’OCDE |
C2D |
Contrat de désendettement et de développement |
CBD |
Conventions des Nations unies sur la diversité biologique |
CCNUCC |
Conventions des Nations unies sur les changements climatiques |
CE |
Commission européenne |
CICID |
Comité interministériel de la coopération internationale et du développement |
CIEP |
Centre international d’études pédagogiques |
CIV |
Délégation pour les relations avec la société civile et les partenariats |
CIRAD |
Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement |
CNCD |
Commission nationale de la coopération décentralisée |
CNDSI |
Conseil national du développement et de la solidarité internationale |
CNRS |
Centre national de la recherche scientifique |
CNULCD |
Conventions des Nations unies pour la lutte contre la désertification |
COM |
Contrat d’objectifs et de moyens |
CONFEJES |
Conférence des ministres francophones de la jeunesse et des sports |
CONFEMEN |
Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage |
COS |
Conseil d’orientation stratégique de l’AFD |
CPD |
Cohérence des politiques pour le développement |
DAECT |
Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales |
DGM |
Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats |
DG Trésor |
Direction générale du Trésor |
ESS |
Économie sociale et solidaire |
ETI |
Entreprises de taille intermédiaire |
FAO (OAA) |
Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture |
FED |
Fonds européen de développement |
FEI |
France expertise internationale |
FEM |
Fonds pour l’environnement mondial |
FEXTE |
Fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences |
FFEM |
Fonds français pour l’environnement mondial |
FHF |
Fédération hospitalière de France |
FIDA |
Fonds international de développement agricole |
FISEA |
Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique |
ESTHER |
Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau |
GAVI |
Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation |
GIP |
Groupement d’intérêt public |
GISA |
Groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire |
GRECO |
Conventions civile et pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption |
HCR |
Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés |
HQE |
Haute qualité environnementale |
IITA |
Initiative internationale pour la transparence de l’aide |
IDE |
Investissement direct à l’étranger |
IEDDH |
Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme |
IEVP |
Instrument européen de voisinage et de partenariat |
IFFIm |
Facilité internationale pour la vaccination |
INTER |
Intérêt public international |
IRD |
Institut de recherche pour le développement |
ITIE |
Initiative pour la transparence dans les industries extractives |
LADOM |
Agence de l’Outre-mer pour la mobilité |
MAAF |
Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt |
MAE |
Ministère des affaires étrangères |
MEFI |
Ministère de l’économie et des finances |
MEN |
Ministère de l’éducation nationale |
NEPAD |
Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique |
OCDE |
Organisation pour la coopération et le développement économique |
ODD |
Objectifs de développement durable |
OIF |
Organisation internationale de la francophonie |
OIT |
Organisation internationale du travail |
OMC |
Organisation mondiale du commerce |
OMD |
Objectifs du millénaire pour le développement |
ONG |
Organisation non gouvernementale |
ONU |
Organisation des Nations unies |
PAM |
Programme alimentaire mondial |
PED |
Pays en développement |
PMA |
Pays les moins avancés |
PNUD |
Programme des Nations unies pour le développement |
PNUE |
Programme des Nations unies pour l’environnement |
PPP |
Pays pauvres prioritaires |
PPTE |
Pays pauvres très endettés |
PROPARCO |
Société de promotion et de participation pour la coopération économique |
RRMA |
Réseaux régionaux multi-acteurs |
SMA |
Service militaire adapté |
SPG |
Système de préférences généralisées |
SPSI |
Santé protection sociale internationale |
TTF |
Taxe sur les transactions financières |
UE |
Union européenne |
UNESCO |
Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture |
UNICEF |
Fonds des Nations unies pour l’enfance |
UNITAID |
Facilité internationale d’achat de médicaments |
UNRWA |
Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient |
VSI |
Volontaire de solidarité internationale |
Annexe 2
Matrice des indicateurs de résultats
Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, les indicateurs énoncés ci-dessous seront présentés de manière sexuée, dans la mesure où l’indicateur le permet.
N° |
Indicateur de l’aide bilatérale |
Domaine |
1. |
Nombre d’exploitations agricoles familiales soutenues par les programmes financés par l’AFD |
Agriculture, sécurité alimentaire |
2. |
Superficies bénéficiant de programme de conservation, restauration ou gestion durable de la biodiversité |
Biodiversité |
3. |
Nombre de passagers empruntant les transports en commun sur les tronçons financés |
Transports |
4. |
Nombre de personnes raccordées au réseau de distribution d’électricité, ou gagnant accès à l’électrification |
Énergie durable |
5. |
a. Nombre d’enfants scolarisés au primaire et au collège a bis. Nombre d’enfants ayant achevé le cycle scolaire primaire b. Nombre de jeunes accueillis dans les dispositifs de formation professionnelle initiale soutenus par l’AFD |
Éducation et formation |
6. |
Nombre d’habitants des quartiers défavorisés dont l’habitat est amélioré ou sécurisé |
Collectivités territoriales et développement urbain |
7. |
Investissements accompagnés dans le secteur privé |
Institutions financières et appui au secteur privé |
8. |
Nombre d’entreprises (PME) bénéficiaires d’appuis ou de financements de l’AFD |
Institutions financières et appui au secteur privé |
9. |
Nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées |
Énergie durable |
10. |
Nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d’eau potable améliorée |
Eau et assainissement |
11. |
Nombre de personnes gagnant accès à un système d’assainissement amélioré |
Eau et assainissement |
12. |
Nombre de consultations externes de professionnels de santé par habitant et par an |
Santé |
12 bis. |
Nombre de projets ayant un objectif nutritionnel |
Transversal |
13. |
Réduction des émissions de gaz à effet de serre (CO2) – indicateur ex post à prévoir mais non envisageable fin 2013. |
Transversal (climat) |
14. |
Nombre d’institutions bénéficiaires d’action de renforcement de capacité |
Culture, enseignement supérieur et francophonie |
15. |
Nombre d’institutions bénéficiaires d’action de renforcement de capacité |
Gouvernance démocratique |
16. |
Nombre de projets financés au bénéfice des sociétés civiles du Sud |
Société civile du Sud |
N° |
Indicateur de l’aide multilatérale |
Domaine |
1 |
Nombre de personnes ayant accès à un ensemble de services de santé de base (BM) |
Santé |
2 |
Nombre d’enfants immunisés grâce à notre contribution au GAVI Alliance |
Santé |
3 |
Nombre de moustiquaires imprégnées distribuées grâce à notre contribution au Fonds mondial |
Santé |
4 |
Nombre de personnes sous traitement antirétroviral grâce à notre contribution au Fonds mondial |
Santé |
5 |
Nombre d’enseignants recrutés et/ou formés (BM) |
Éducation |
6 |
Nombre de manuels et matériels didactiques fournis (BAfD) |
Éducation |
7 |
Superficie de zones bénéficiant de services d’irrigation (en ha) (BM) |
Agriculture |
8 |
Nombre de personnes formées/recrutées/ utilisant une technologie moderne (BAfD) |
Agriculture |
9 |
Nombre de personnes bénéficiaires de services fournis par des projets soutenus par le FIDA |
Agriculture |
10 |
Nombre de personnes ayant gagné accès à des sources d’eau améliorées (BM) |
Développement durable (eau) |
11 |
Kilomètres de conduites d’eau installées ou améliorées (BAsD) |
Développement durable (eau) |
12 |
Nombre de routes construites ou réhabilitées (BM) |
Infrastructures (transport) |
13 |
Nombre de PME aidées (SFI) |
Secteur privé |
14 |
Nombre de clients de la microfinance formés en gestion des entreprises (BAfD) |
Secteur privé |
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. En réalité, ayant déjà eu l’occasion d’expliquer mon vote, je tenais plutôt à m’excuser auprès de Jean-Claude Peyronnet, que je n’ai pas cité lors de mon intervention à la tribune : c’est que, l’espace d’un instant, j’avais oublié son prénom ! Mais il ne fait guère de doute que ce texte et donc le prénom de notre collègue resteront dans l’histoire ! (Sourires.) J’en profite pour le remercier à mon tour de l’ensemble du travail qu’il a accompli au Sénat. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je voudrais à mon tour remercier Jean-Claude Peyronnet, Christian Cambon et l’ensemble des sénatrices et des sénateurs. Ce texte restera effectivement dans l’histoire, car c’est la première fois qu’un projet de loi sur la politique de développement de la France est ainsi soumis au Parlement.
Je m’associe bien entendu à l’hommage que vient de rendre Christian Cambon à Jean-Claude Peyronnet, mais je voudrais aussi remercier l’ensemble des groupes.
En effet, sur un sujet comme celui-ci, qui concerne la voix de la France dans le monde et les objectifs de notre politique en direction des pays en développement, il est important que les groupes puissent se rassembler, par-delà les clivages partisans habituels, même s’il subsiste quelques points de débat.
Au nom d’Annick Girardin, de Laurent Fabius et du gouvernement de Manuel Valls tout entier, je renouvelle nos remerciements à la Haute Assemblée, pour avoir contribué à l’élaboration d’un texte qui rendra notre politique de développement plus efficace, plus cohérente, mieux évaluée et plus conforme aux valeurs que nous défendons dans le monde. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, pour le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 juin 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le dernier alinéa du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts (plafonnement de la contribution économique territoriale) (2014-413 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
9
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir au sein de la Haute Assemblée pour ce débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin prochains, afin d’évoquer les priorités que le Président de la République défendra au nom de la France à cette occasion.
Cette réunion des chefs d’État et de gouvernement revêt une importance exceptionnelle. Au lendemain des élections européennes, et alors que vont être installées de nouvelles institutions européennes, l’Europe a en effet besoin pour les cinq prochaines années d’une feuille de route claire, qui lui permette de renouer durablement avec la croissance, de réaliser de grands projets communs dans des domaines d’avenir et de retrouver la confiance des citoyens partout sur le continent.
Pour cela, l’Union européenne doit fonctionner de façon plus simple, moins opaque, en se concentrant sur quelques grandes priorités, avec des objectifs d’efficacité et de résultats. Tel est le mandat qui doit être donné au prochain président de la Commission européenne, lequel sera désigné à l’occasion de ce Conseil européen.
Dans cet état d’esprit, la France défendra principalement quatre grandes priorités, qui devront être au cœur de la feuille de route de la prochaine Commission européenne et que nous mettrons évidemment au centre des débats du Conseil européen.
La première des priorités, c’est le soutien à la croissance, à l’emploi et au financement de l’économie réelle.
Beaucoup a été fait depuis la crise de 2008, et en particulier depuis deux ans, pour assurer l’intégrité de la zone euro, enrayer la spéculation, sortir l’Europe de la récession. Les deux premiers piliers de l’union bancaire – la supervision et la résolution – ont été adoptés et doivent encore être complétés par une garantie commune des dépôts.
L’Union européenne est désormais sortie de la récession, mais les conséquences sociales de la crise, d’abord en termes d’emploi, frappent encore durement nos concitoyens. Il nous faut donc aujourd’hui aller plus loin.
La Banque centrale européenne a abaissé ses taux à plusieurs reprises et mis en œuvre des mesures non conventionnelles pour accroître le financement de l’économie. Il nous faut donc consolider la reprise, développer le potentiel de croissance de l’Europe, renforcer sa base industrielle et d’innovation, accroître le financement de l’économie réelle, qu’il s’agisse des grands projets structurants ou du tissu de nos petites et moyennes entreprises.
La mise en œuvre de cette priorité implique de passer à une nouvelle étape du pacte de croissance défendu par le Président de la République en juin 2012. Cela suppose d’abord une coordination des politiques économiques au sein de la zone euro. Ces politiques doivent désormais être tournées principalement vers la croissance, qui est la première priorité. Cela suppose aussi que l’on utilise toutes les flexibilités du pacte de stabilité et de croissance, en tenant compte des réformes engagées et de la nécessité de conforter la reprise. C’est encore la meilleure garantie d’atteindre les objectifs de réduction de la dette, laquelle est évidemment un impératif que nous devons tous nous assigner.
Nous devons également avoir une véritable stratégie d’investissement. Il nous faut pour cela mobiliser immédiatement les instruments existants et accélérer la mise en œuvre des programmes engagés au titre du budget européen, qu’il s’agisse des fonds structurels, du mécanisme pour l’interconnexion en Europe ou du programme Horizon 2020.
Nous proposons en outre de renforcer l’utilisation des capacités de la Banque européenne d’investissement, en l’incitant à financer des projets d’une façon plus audacieuse, plus difficile peut-être, plus risquée, et en augmentant les moyens de sa filiale, le Fonds européen d’investissement, destiné aux petites et moyennes entreprises.
La phase pilote des project bonds, qui a été engagée par la Banque européenne d’investissement, doit elle aussi déboucher sur un recours beaucoup plus large à ces mécanismes d’emprunt et de financement qui permettent tant de développer des réseaux numériques que de financer des infrastructures, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays de l’Union européenne.
Nous pensons également qu’il est utile de réfléchir à la mise en place d’un instrument permettant d’orienter davantage les flux de l’épargne privée, abondante en Europe, vers le financement des entreprises. Il faut aussi engager une révision des règles prudentielles et comptables, aujourd'hui inadaptées, et faire en sorte qu’un nouvel instrument d’investissement européen puisse voir le jour.
Par ailleurs, l’Europe doit se doter d’une véritable politique industrielle, à laquelle les politiques de concurrence, fiscales et commerciales doivent concourir afin de permettre l’émergence de champions européens. Cette politique industrielle doit aujourd'hui pouvoir se développer dans le secteur du numérique, dans le cadre de l’Agenda numérique pour l’Europe, ainsi que dans celui de l’énergie. J’y reviendrai.
Sur tous ces sujets, nous savons pouvoir compter sur une très grande convergence de vues avec l’Italie, qui prendra la présidence du conseil de l’Union européenne à compter du 1er juillet prochain. La présidence italienne entend faire du Conseil européen d’octobre celui de l’économie réelle.
Nous devons aussi simplifier les procédures et la gouvernance de l’Union européenne.
Tout d’abord, nous proposons que, au sein de la zone euro, il y ait désormais un président stable de l’Eurogroupe. Le Président de la République l’a dit, l’Europe doit être plus claire et plus lisible, pour être plus efficace et plus accessible. Parmi les règles existantes, celles qui font peser des charges disproportionnées sur les entreprises et sur les citoyens européens doivent être identifiées et réduites, en portant une attention toute particulière aux PME. Ce Conseil européen doit également permettre de franchir un pas dans la voie de la simplification à l’échelle européenne.
La deuxième grande priorité, c’est l’affirmation d’une ambition sociale, en particulier en direction de la jeunesse.
La politique de l’emploi doit donner résolument la priorité à la jeunesse en Europe. Nous ne pouvons pas accepter que, dans plusieurs pays de l’Union européenne, le taux de chômage des jeunes reste supérieur à 25 %.
La prochaine conférence pour l’emploi des jeunes, qui se tiendra sous présidence italienne, sera bien sûr un rendez-vous important. Elle sera l’occasion de faire le bilan des actions qui ont été menées jusqu’ici. Nous devons faire en sorte que la « garantie jeunesse » soit effective partout en Europe et qu’elle soit prolongée au-delà de 2015, avec les moyens financiers adéquats. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, un fonds de 6 milliards d’euros a été attribué à cette politique pour les années 2014-2015. Nous souhaitons que la « garantie jeunesse » soit pérennisée et amplifiée.
Pour assurer la plus grande efficacité possible, de nouveaux champs d’action doivent être définis : je pense notamment à tout ce qui concerne l’apprentissage, la formation tout au long de la vie, l’alternance, mais aussi l’accompagnement des jeunes qui créent et qui innovent. En effet, quand un jeune crée son emploi ou une entreprise, c’est évidemment aussi une chance pour l’économie européenne.
Nous devons par ailleurs contribuer à la mobilité des jeunes à l’échelle du continent, en particulier faire travailler en réseau les agences européennes pour l’emploi et jouer la carte du transfrontalier, comme nous l’avons déjà fait avec l’Allemagne par le biais de l’agence de Kehl.
L’ambition sociale, c’est aussi la dimension sociale de l’union économique et monétaire. Nous proposons la création d’un Eurogroupe social, des avancées nécessaires vers la convergence fiscale et sociale au sein de la zone euro, le renforcement de la lutte contre le dumping social, auquel votre assemblée a déjà contribué en adoptant notamment une législation renforcée sur le détachement des travailleurs, et la perspective d’un salaire minimum dans tous les pays de l’Union européenne, et d’abord dans ceux de la zone euro.
La troisième priorité, c’est la définition d’une véritable politique énergétique et climatique européenne.
L’objectif est clair : nous devons parvenir en octobre prochain à un accord sur le cadre européen 2020-2030. Les positions des États membres étant encore divergentes à ce stade, il nous faut étudier l’ensemble des moyens qui permettront de prendre en compte les spécificités nationales tout en visant l’objectif commun de réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de porter à 27 % au minimum la part des énergies renouvelables.
Dans cette perspective, nous souhaitons que, dès le Conseil européen de cette semaine, le débat puisse s’engager sur la base des propositions de la Commission européenne. C’est absolument indispensable si nous voulons que l’Union européenne présente un front uni lors de la COP 21, la conférence Paris Climat, qui se tiendra à Paris à la fin de l’année 2015 et à laquelle toutes les grandes puissances dans le monde se préparent, la Chine et les États-Unis ayant déjà indiqué leur intention d’y formuler des propositions nouvelles.
Les deux dimensions du débat – politique énergétique et lutte contre le changement climatique – sont donc pour nous indissociables.
La première concerne les moyens de réduire la dépendance énergétique européenne, notamment à la lumière des événements d’Ukraine. La stratégie de réduction de la dépendance énergétique présentée par la Commission le 28 mai dernier s’inspire très largement des propositions du Premier ministre polonais, Donald Tusk, et du Président de la République.
Cette stratégie comporte des solutions de très court terme pour l’hiver 2014-2015, telles que l’évaluation des risques de rupture de l’approvisionnement en gaz et l’établissement, en conséquence, de plans d’urgence, voire de mécanismes de secours, mais aussi de moyen et long terme, telles que la diversification des sources d’approvisionnement en énergie, la modernisation des infrastructures énergétiques, l’achèvement du marché intérieur de l’énergie, la mise en œuvre de politiques d’efficacité énergétique pour réaliser des économies d’énergie.
Les conclusions du Conseil européen devraient prévoir le renforcement à court terme des mécanismes de solidarité et d’urgence à partir d’une évaluation des risques et une analyse des mesures de moyen et long terme, sur la base des propositions de la Commission.
Toutes ces mesures visent à rendre l’Europe plus efficace en matière énergétique afin de réduire sa dépendance. Elles renforcent la validité des propositions faites dans le cadre du paquet énergie-climat pour 2030. C’est la deuxième dimension des discussions qui auront lieu.
À cet égard, le Conseil européen de juin devrait tendre à définir avec soin le cadre de négociation en vue d’une décision finale sur les objectifs retenus par l’Union à l’horizon 2030 lors du Conseil européen d’octobre 2014.
Rappelons que cela est indispensable à la fois au plan interne, afin de créer un cadre stable et prévisible pour nos entreprises et de les amener ainsi à investir dans les technologies à faible émission de carbone, et au plan international, pour envoyer un signal positif et créer une dynamique vertueuse de prise d’engagements en vue de la COP 21, que j’évoquais à l’instant.
Le quatrième objectif est de renforcer l’espace de liberté, de sécurité, de justice et de bâtir une véritable politique d’immigration commune. Le Conseil européen de juin fixera les orientations du programme post-Stockholm, c’est-à-dire les priorités des cinq prochaines années dans ce domaine.
Nous souhaitons, à cet égard, que plusieurs objectifs puissent être réaffirmés : la garantie des droits à l’intérieur de nos frontières, la protection à nos frontières extérieures et la régulation des flux migratoires.
La liberté de circulation est un acquis, une liberté fondamentale qui touche à l’esprit même de la construction européenne. Elle ne saurait être remise en cause, mais, pour la préserver, il nous faut lutter avec détermination contre les abus et les fraudes dont elle peut faire l’objet. Nous devons aussi mieux faire fonctionner les outils, notamment ceux de l’espace Schengen, qui constituent des contreparties à la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Une protection efficace de nos frontières extérieures communes est à cet égard une priorité absolue.
La lutte contre l’immigration irrégulière est essentielle, et le Conseil européen devra délivrer un message fort concernant la situation en Méditerranée. Dans cette perspective, nous devons mener, en relation avec les autorités des États tiers, un combat plus déterminé contre la traite des êtres humains et les activités des passeurs, et donner plus de crédibilité à la politique des retours, dans le respect de la dignité des personnes, en nous assurant notamment de la bonne mise en œuvre des accords de réadmission.
Pour la mise en œuvre de la surveillance des frontières, nous réaffirmerons l’équilibre entre responsabilité et solidarité : la responsabilité des États membres qui assurent en premier lieu le contrôle et la surveillance des frontières extérieures communes, en se dotant de moyens de contrôle efficaces ; la solidarité que nous devons aux États qui sont en première ligne, en particulier l’Italie. Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, est l’un des outils majeurs de cette politique et doit progressivement prendre le relais de l’opération Mare Nostrum. Frontex doit renforcer ses activités opérationnelles, mieux échanger les informations avec Europol, améliorer sa réactivité. Il nous faut donc travailler à la mise en place d’un système européen de gardes-frontières.
Enfin, nous devons également mieux réguler l’immigration régulière, qui joue un rôle important, y compris en termes de rayonnement économique, commercial et culturel de l’Europe. Nous souhaitons insister sur le lien entre politique des visas et attractivité de nos territoires, comme l’a d’ailleurs fait Laurent Fabius dans son discours aux assises du tourisme, jeudi dernier.
C’est aussi en favorisant les mobilités, comme celles des étudiants, que l’Union œuvrera à normaliser les flux migratoires et à développer des échanges qui, en contribuant au développement des pays d’origine, favoriseront la stabilisation des populations.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à ces quatre priorités s’ajoute celle que constitue l’affirmation du rôle international de l’Europe en tant qu’acteur global de la mondialisation, c'est-à-dire de son action extérieure, de sa politique de sécurité et de défense commune, des valeurs et des principes qu’elle entend défendre dans ses relations commerciales internationales.
À cet égard, je voudrais évoquer la situation en Ukraine, sujet qui sera évidemment abordé lors du Conseil européen.
Le plus urgent est d’obtenir un cessez-le-feu et une amélioration de la situation sur le terrain. Cependant, une telle désescalade ne pourra intervenir qu’à condition que tous les acteurs s’engagent pleinement dans la négociation : c’est le sens des contacts de haut niveau que le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel ont eus avec MM. Poutine et Porochenko, une première rencontre entre les Présidents russe et ukrainien s’étant tenue lors des cérémonies du soixante-dixième anniversaire du Débarquement.
L’appel à la cessation des hostilités et à la négociation a encore été au cœur de l’entretien conjoint qu’ont eu cette semaine le Président de la République, la Chancelière allemande et le Président russe. Le plan en quatorze points annoncé par le Président ukrainien le 20 juin, assorti d’un cessez-le-feu unilatéral d’une semaine, constitue une chance pour mettre fin aux tensions. La Russie doit désormais impérativement démobiliser ses troupes à la frontière et user de son influence auprès des séparatistes pour qu’ils déposent les armes.
L’Union européenne est pleinement mobilisée pour apporter son soutien à l’Ukraine et fournira une aide de 11,175 milliards d’euros sur la période 2014-2020. Par ailleurs, le volet commercial de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine sera signé le 27 juin, en marge de ce Conseil européen.
Le conseil Affaires étrangères qui se tient aujourd'hui à Luxembourg a été largement consacré à la situation en Ukraine. Une première phase des discussions, en présence du ministre ukrainien des affaires étrangères, M. Klimkine, a permis de montrer notre soutien unanime au plan de paix proposé par M. Porochenko.
La seconde phase des discussions a permis de dresser les premiers contours de la mission de politique de sécurité et de défense commune civile qui pourrait être lancée pour aider l’Ukraine à réformer son secteur de la sécurité civile. Elle a également reflété notre volonté commune de rester fidèles à la position que nous avons adoptée depuis le début de la crise : nous avons su faire preuve de fermeté lorsque c’était nécessaire en adoptant, au niveau européen, un certain nombre de sanctions qui ont eu une efficacité incontestable, mais nous avons toujours estimé que la priorité devait être donnée au dialogue, à la recherche d’une solution politique, aussi bien entre l’Ukraine et la Russie qu’entre les différentes composantes de la société ukrainienne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les questions que je voulais évoquer en ouverture de ce débat préalable au prochain Conseil européen. L’enjeu est de sauver le projet européen, plus indispensable que jamais, de lui redonner sa force, sa cohérence et sa capacité d’entraînement, de le réconcilier avec les citoyens européens : voilà l’ambition qui guidera la France et ses partenaires lors du Conseil européen des 26 et 27 juin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
La commission des finances et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant huit minutes chacune.
Le Gouvernement répondra aux orateurs et aux commissions, puis nous aurons une série de questions, avec réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.