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Opposition à l’engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. La conférence des présidents a décidé de s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 635, 2013-2014).
Cette décision a été notifiée à M. le président de l’Assemblée nationale.
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Création d'une commission spéciale
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16, alinéa 2, du règlement, la proposition de création d’une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 635, 2013-2014).
Je vais soumettre cette proposition au Sénat.
Il n’y a pas d’opposition ?...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame la présidente, vous nous demandez s’il n’y a pas d’opposition… Vous comprendrez que, en tant que président d’une commission qui a désigné un rapporteur et qui a déjà longuement entamé son office en organisant cet après-midi, en présence de soixante-six sénateurs, une remarquable séance d’auditions, au cours de laquelle ont été reçus pas moins de dix présidents de région…
M. Jacques Mézard. Et non des moindres !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … ou leurs représentants, ainsi que M. le ministre de l’intérieur, je demande à m’exprimer en cet instant.
Madame la présidente, si j’avais été informé de l’idée qu’avaient certains de nos collègues de l’UMP, du RDSE et du CRC de proposer la création d’une commission spéciale, j’eusse pris les dispositions appropriées. Mais j’apprends la nouvelle aujourd'hui même !
Les auteurs de cette proposition rétorqueront à juste titre qu’il fallait que le texte eût été adopté par le conseil des ministres, …
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … ce qui est le cas depuis ce matin.
Je trouve qu’en commission des lois nous travaillions dans des conditions correctes – je le dis à l’imparfait, mais cela vaut pour le présent et cela vaudra pour le futur.
Aussi, quand vous me demandez si j’approuve la constitution de cette commission spéciale, je vous réponds, madame la présidente, que je ne l’approuve pas.
Toutefois, comme je suis très respectueux de nos institutions en général et du Sénat de la République en particulier, je pense que nous allons travailler très positivement au sein de cette commission spéciale, qui ne comprendra pas quarante-neuf membres, comme c’est le cas de la commission des lois, mais seulement trente-sept. C’est que nos collègues de l’UMP, du RDSE et du CRC le souhaitent ainsi ! Ils estiment préférable de discuter de ce sujet à trente-sept plutôt qu’à quarante-neuf. Je ne sais pas comment ils argumentent en la matière, mais toujours est-il que telle est leur conception, et je me dois de la respecter.
Nous travaillerons donc dans cette nouvelle configuration, dans un esprit positif, afin d’envisager ensemble, monsieur le secrétaire d’État, de nouveaux projets pour la décentralisation, sujet auquel nous sommes forcément très attachés.
Vous avez posé une question, madame la présidente, et je vous réponds, tout en m’empressant de préciser que nous envisageons la suite dans un esprit constructif.
Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition formelle ; vous avez fait part de vos observations, monsieur le président de la commission des lois.
Je soumets donc au Sénat cette proposition de création d’une commission spéciale.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, le délai limite de remise des candidatures à cette commission spéciale est fixé au jeudi 19 juin, à onze heures, et la désignation des trente-sept membres aura lieu en séance publique, à douze heures.
La commission spéciale se réunira le lundi 23 juin, à dix-sept heures.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je demande la parole, madame la présidente, pour compléter mon propos.
Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Mézard, que je rejoins au banc de la commission, car il est notre rapporteur sur le texte dont nous nous apprêtons à commencer l’examen, me fait observer que, dans mon propos, je n’ai pas mentionné le groupe de l’UDI-UC, qui a dû, lui aussi trouver un argument idéologique fort pour justifier le fait que seulement trente-sept collègues plutôt que quarante-neuf seraient amenés à discuter du sujet. Je répare donc mon oubli, car M. Mézard serait fâché que je n’associe pas l’UDI-UC à une initiative dont la force conceptuelle mérite d’être soulignée, ce que je fais à l’instant !
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission des lois, vous nous faites part de l’existence d’une majorité d’idée : je vous donne acte de ce complément.
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Sociétés d'économie mixte à opération unique
Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique (proposition n° 519, texte de la commission n° 615, rapport n° 614).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine ce soir en deuxième lecture la proposition de loi de MM. Jean-Léonce Dupont et Hervé Marseille permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique, après que l’Assemblée nationale a elle-même voté ce texte le 7 mai dernier, à l’unanimité, comme ce fut le cas ici même, au Sénat, lors de l’examen du texte en première lecture.
Cette proposition de loi s’inscrit dans le débat récurrent sur les modes de gestion des services publics.
Des élus de plus en plus nombreux souhaitent en effet reprendre le contrôle de certains services, sans avoir toutefois les moyens de créer, pour des raisons techniques ou financières, des régies municipales ou communautaires.
En une dizaine d’années, les législateurs successifs ont donc été amenés à créer plusieurs outils de développement local ; après les sociétés publiques locales d’aménagement et les sociétés publiques locales, les sociétés d’économie mixte à opération unique répondent incontestablement à cette attente.
Comme vous le savez, la SEM à opération unique reprend les caractéristiques principales de la société d’économie mixte locale, à commencer par la forme de société anonyme, la soumission de l’entreprise aux règles du code de commerce et les conditions de création des sociétés d’économie mixte locales.
D’abord, l’initiative publique est préservée, puisque seuls des collectivités territoriales ou leurs groupements sont autorisés à créer de telles sociétés, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi.
Ensuite, l’objet social de ces sociétés reste limité « à la réalisation d’une opération de construction, de développement du logement, d’aménagement ou à la gestion d’un service public ou toute autre activité d’intérêt général relevant de la compétence de la collectivité actionnaire ».
Enfin, la création d’une société d’économie mixte à opération unique suppose que les actionnaires publics sont associés à au moins une personne privée. Cela vise à garantir le caractère « mixte » de la société. Le principal ajustement de la législation sur l’économie mixte locale correspond à la possibilité de limiter le nombre d’actionnaires à deux seulement, et non pas sept, comme le prévoit le droit commun des sociétés applicable aux sociétés d’économie mixte locales.
La présente proposition de loi reprend ainsi une évolution amorcée par la loi du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales, qui avait créé les SPL. Pour autant, la SEM à opération unique n’en demeure pas moins une société particulière.
Elle se différencie en effet de la société d’économie mixte locale classique sur quatre points : la composition du capital social, la mise en concurrence des actionnaires minoritaires, la durée de vie de la société et la notion d’opération unique.
La création de la SEM à opération unique répond en fait à une demande ancienne des collectivités territoriales de pouvoir créer des sociétés dont elles ne seraient pas nécessairement les actionnaires majoritaires. La loi permettra ainsi la création de sociétés dont les collectivités territoriales détiendront « entre 34 % et 85 % des actions ainsi que 34 % au moins des voix dans les organes délibérants ».
Pourquoi ce double seuil ?
La limite de 34 % de participation garantit une minorité de blocage aux collectivités territoriales. La limite de 85 % de participation publique, quant à elle, garantit l’existence d’un capital public-privé.
Ce dispositif est compatible avec le droit communautaire, sur le fondement de la décision Acoset de la Cour de justice de l’Union européenne, en date du 15 octobre 2009.
Dans cet arrêt, la Cour de justice a en effet admis que le choix d’une entreprise privée pour entrer au capital d’une entreprise à capitaux publics et privés créée spécialement pour un service public puisse se faire en même temps que l’attribution de la concession à cette entreprise.
Il faut premièrement que l’associé privé soit sélectionné sur appel d’offres public, après vérification des conditions financières, techniques, opérationnelles et de gestion se rapportant au service à assurer et des caractéristiques de l’offre au regard des prestations à fournir.
Il faut deuxièmement que la procédure d’appel d’offres en question soit conforme aux principes de libre concurrence, de transparence et d’égalité de traitement imposés par le traité européen pour les concessions.
Je tiens à souligner que ce procédé correspond exactement à ce que préconisait la Commission de Bruxelles dans son Livre vert de 2008 sur les partenariats public-privé institutionnels.
Il convenait donc d’adapter le droit français à la mise en œuvre de cet outil et la proposition de loi que nous examinons ce soir va le permettre.
Après l’important travail fourni par le Sénat en décembre 2013, sous la houlette du rapporteur, Jacques Mézard, les députés ont souhaité apporter quelques précisions techniques, sans toutefois remettre en cause l’ensemble du dispositif.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a ainsi substitué la notion d’« opérateur économique » à celle de « personne privée » pour la désignation du partenaire de la personne publique au sein de la SEM à opération unique. Cette terminologie, issue du droit européen de la commande publique, permet de ne pas exclure certaines personnes publiques, comme les établissements publics industriels et commerciaux, de l’accès au capital des SEM à opération unique.
L’Assemblée nationale a également précisé que l’objet unique de la SEM à opération unique ne pourrait être modifié pendant la durée d’existence de cette société.
Les députés ont aussi prévu que le partenaire appelé à constituer la SEM à opération unique serait sélectionné, non par une procédure spécifique d’appel public à manifestation d’intérêt – comme vous l’aviez initialement envisagé –, mais par une procédure unique d’appel public à la concurrence respectant les règles de la commande publique prévues selon l’objet du contrat destiné à être signé entre la SEM à opération unique et la personne publique.
Dans le même esprit, alors que le Sénat avait prévu la possibilité que la procédure d’appel public à manifestation d’intérêt puisse prévoir la possibilité pour le candidat d’inclure dans son offre des contrats de sous-traitance, l’Assemblée nationale a souhaité replacer toutes les questions relatives à la sous-traitance dans le cadre des règles de droit commun de la commande publique.
Je souhaite dire un mot sur cette question importante pour expliquer en quoi le recours au droit commun pour l’encadrement de la sous-traitance ne pose pas de difficultés, car je sais que certains d’entre vous ont pu s’interroger sur ce point.
Dans la mesure où la SEMOP se substitue, au terme de la procédure, à l’actionnaire opérateur choisi par la personne publique, c’est à cette société qu’il reviendra d’exécuter ledit contrat, en mettant en œuvre l’ensemble des capacités professionnelles, techniques et financières acquises conjointement. Il va de soi que la SEMOP se servira des capacités de son opérateur pour réaliser l’opération projetée – savoir-faire, logiciels ou brevets de l’opérateur, outillage, etc. C’est d’ailleurs au regard de ses capacités et de la manière de répondre aux exigences du pouvoir adjudicateur que l’opérateur sera choisi.
Concernant les prestations intrinsèquement liées à l’objet du contrat, celles-ci doivent pouvoir être anticipées par le pouvoir adjudicateur, formulées en amont et insérées dans les documents de consultation. Le candidat dispose alors de plusieurs possibilités, sans mise en concurrence ni publicité : soit candidater seul, s’il estime être en capacité de satisfaire les besoins de la collectivité et de répondre à ses exigences pour réaliser l’opération projetée ; soit constituer un groupement momentané d’entreprises – le candidat dispose alors de toute latitude pour choisir son cocontractant ; soit recourir à la sous-traitance, le candidat pouvant alors présenter, lors du dépôt de son offre, des sous-traitants à même de réaliser les prestations annexes pour lesquelles il ne dispose pas de la capacité ou des moyens techniques adéquats.
Le contrat de sous-traitance est conclu si l’offre du candidat est acceptée. La notification de l’attribution du contrat vaut acceptation du sous-traitant.
Dans l’hypothèse où les prestations intrinsèquement liées à l’objet du contrat n’ont pas été prévues initialement dans le contrat et surviennent en cours d’exécution, deux hypothèses doivent alors être distinguées.
Première hypothèse : la SEMOP n’est pas soumise aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 sur les marchés non soumis au code des marchés publics ou de celle du 15 juillet 2009 sur les concessions de travaux publics – cela devrait être le cas dès lors que les besoins d’intérêt général qu’elle vise à satisfaire présenteront un caractère industriel ou commercial. La SEMOP sera alors libre de choisir ses sous-traitants et notamment de recourir à des filiales de l’opérateur économique actionnaire, qui devront être agréés par la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales concernés.
Deuxième hypothèse : l’entreprise est soumise aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 sur les marchés non soumis au code des marchés publics ou de celle du 15 juillet 2009. La SEMOP ne pourra pas recourir aux sous-traitants de son choix, mais devra les sélectionner en respectant les procédures applicables aux marchés relevant de l’ordonnance de 2005.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a aussi prévu que les informations obligatoires nécessaires à cet appel public à la concurrence seraient complétées par un document de préfiguration de la SEM à opération unique.
Elle a également adopté un amendement de réécriture de l’article 1er bis présenté par son rapporteur, permettant d’assurer que la procédure de sélection de l’actionnaire opérateur économique, comme l’attribution du contrat à la SEM à opération unique créée à l’issue de la procédure, puisse faire l’objet d’un référé précontractuel ou d’un référé contractuel.
Enfin, en modifiant le titre de la proposition de loi, les députés ont précisé que son objet est de permettre la création, par les collectivités territoriales et leurs groupements, de SEM à opération unique.
En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté six amendements, dont l’un prévoit que plusieurs opérateurs économiques pourront être retenus pour créer une SEMOP s’ils constituent un groupement pour répondre à l’appel public de la collectivité.
Conscient de l’équilibre général du texte, le Gouvernement n’a présenté que deux amendements de précision, qui ont été adoptés par les députés.
À l’article 1er, il s’agissait de préciser que le quantum minimum de parts attribuables aux actionnaires opérateurs économiques s’entend bien pour l’ensemble des acteurs économiques, et non considérés individuellement.
À l’article 1er bis, il apparaissait nécessaire de prévoir que l’assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement de collectivités se prononce, de manière effective, sur le principe même du recours à la SEM à opération unique.
Comme l’avait déjà indiqué le Gouvernement en première lecture devant le Sénat, en la personne de Mme Escoffier, que je salue et dont je salue l’engagement sur ce texte, la SEM à opération unique répond à un besoin évident et reconnu des collectivités territoriales et des entreprises.
Je tiens à cet égard à relever la qualité du travail entrepris par le rapporteur, Jacques Mézard, ainsi que par l’auteur de cette proposition de loi, le vice-président du Sénat Jean-Léonce Dupont, dont chacun sait qu’il est aussi président de la Fédération des entreprises publiques locales et qu’il connaît parfaitement le sujet. Je n’oublie pas les nombreux autres sénateurs et députés, de différents groupes, qui ont déposé des propositions de loi identiques, dont certaines ont d’ailleurs été jointes à l’examen du présent texte. C’est la preuve, s’il en fallait, du caractère transpartisan de cette attente des élus locaux et du travail législatif remarquable accompli pour y répondre.
Si l’intérêt de ce nouvel outil n’est plus à démontrer, il était indispensable d’en assurer la sécurité juridique afin de permettre aux différents acteurs de se saisir pleinement de cet instrument nouveau destiné à améliorer la qualité des services publics locaux.
C’est désormais chose faite.
En l’état, la proposition de loi répond à deux exigences : la maîtrise politique et la sécurité juridique.
Maîtrise politique, d’abord, car le nouvel outil proposé répond à la volonté des collectivités de renforcer leur rôle et leur visibilité dans la gouvernance des services publics locaux, sans pour autant revenir à des formules intégralement publiques.
Sécurité juridique, ensuite, car les élus bénéficient du régime de mandataire de la collectivité locale et de la protection afférente à ce statut, même quand la collectivité est actionnaire minoritaire. Par ailleurs, le risque financier pris par la collectivité est limité à son apport au capital.
Ce soir, après une première lecture dans chacune des deux chambres, nous nous retrouvons avec un texte qui, grâce aux apports respectifs du Sénat puis de l’Assemblée nationale, améliore la proposition de loi initiale tout en en gardant ce qui en faisait l’essentiel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre proposition de loi n’est pas seulement utile, elle est audacieuse, puisqu’elle se situe un cran au-dessus des exemples étrangers et des instruments auxquels on peut déjà se référer dans le droit positif.
Son champ d’application sera vaste – n’en doutons pas – et les instruments qu’elle met en place rendront possibles de nombreuses opérations utiles à nos collectivités territoriales et donc à nos concitoyens.
Le Gouvernement vous remercie de votre engagement dans l’élaboration de ce texte, qui intègre ainsi des dispositions pragmatiques et qui apporte une réponse efficace aux attentes de nos élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l'UDI-UC et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est appelée ce soir à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 7 mai dernier et permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique.
À cette proposition de loi, déposée par notre collègue le président Jean-Léonce Dupont, auquel je rends hommage eu égard au travail qu’il a réalisé sur les entreprises publiques locales, ont été jointes deux autres propositions de loi identiques déposées respectivement par le président Daniel Raoul et par Antoine Lefèvre, ici présent.
Cela souligne, comme vous l’avez noté, monsieur le secrétaire d’État, le caractère transpartisan de cette initiative parlementaire, ce dont on peut se féliciter et se réjouir. Je ne sais pas s’il en ira de même avec les prochains projets de loi relatifs aux collectivités locales…
M. Roland Courteau. Ah !
M. Antoine Lefèvre. C’est moins évident !
M. Jacques Mézard, rapporteur. En effet, je crains que ce ne soit moins évident !
Cela montre en tout cas que, lorsque l’on a des objectifs concrets, on arrive à surmonter certains clivages pour faire avancer nos collectivités et améliorer la vie de nos concitoyens.
Cette initiative de notre collègue Jean-Léonce Dupont avait abouti à un texte que le Sénat avait adopté, je le rappelle, à l’unanimité des suffrages exprimés, le 13 décembre dernier.
Cette nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnalisé, selon la terminologie européenne, que créent ces propositions de loi a pour objectif d’optimiser le fonctionnement des services publics locaux en réintégrant leur gouvernance au sein des collectivités territoriales, tout en cherchant très naturellement à bénéficier du savoir-faire du secteur privé.
La réalisation de cet objectif passe par la création d’un nouvel outil, une entité mixte, composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée chargée d’exécuter, par contrat, une opération unique bien déterminée.
Cette opération consisterait en la réalisation d’un ouvrage ou en la gestion d’un service public. Il convient de rappeler que plusieurs États européens ont déjà mis en place un tel instrument, qui a été validé par la Commission européenne et par la Cour de justice des Communautés européennes. Nous savons en effet que la création de ce type d’outil a donné lieu à des débats juridiques assez délicats.
La spécificité de cette nouvelle forme de société d’économie mixte, la SEM à opération unique – appellation d’ailleurs créée par le Sénat –, réside dans l’organisation d’une seule procédure de mise en concurrence, non pas pour l’attribution du contrat à ladite société, mais pour le choix de la personne privée qui participera à cette entité. Dans ce cadre, la personne privée devra faire la preuve de son expertise technique, opérationnelle et budgétaire, afin de justifier de sa capacité à répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité territoriale.
Je souhaite souligner un point qui me paraît important. Les SEMOP ne visent pas à remplacer les outils traditionnels que sont les SEM classiques, ni à rendre caduques les formules traditionnelles de gestion des services publics locaux, comme la délégation de service public. Le but est de mettre à disposition des élus locaux qui le souhaitent un nouvel instrument destiné à répondre à des objectifs très déterminés.
Ce nouvel outil ne présente pas plus de risques juridiques ou financiers que d’autres plus classiques. L’exemple des sociétés publiques locales, créées en 2010 – j’ai eu le privilège d’être le rapporteur de la proposition de loi les instaurant, et je tiens à saluer le travail qu’avait accompli Anne-Marie Escoffier sur ce dossier –, est particulièrement probant à cet égard : à ma connaissance, ces sociétés fonctionnent sans difficultés particulières ni dérives.
Enfin, autre point important, la comparaison avec les contrats de partenariat ne me paraît pas pertinente. Nous connaissons les inquiétudes de certains professionnels, en particulier ceux du second œuvre ou de la maîtrise d’œuvre, mais il est faux de dire que la SEM à opération unique est de même nature que le PPP.
En effet, la personne publique disposera, au sein d’une SEMOP, de plusieurs outils destinés à la protéger : détention de la présidence de la SEM et, pour le moins, d’une minorité de blocage – ce sera souvent une majorité – au conseil d’administration. Par ailleurs, les projets pour lesquels les élus locaux utiliseront une SEMOP seront généralement d’une envergure plus modeste que ceux faisant l’objet d’un contrat de partenariat.
Enfin, ces SEMOP sont conçues pour permettre aux élus locaux de recourir à des entreprises locales et donc, aussi, pour être un moyen de redynamisation de nos territoires. On a d’ailleurs pu constater l’intérêt manifesté par de nombreuses collectivités lors de la création des sociétés publiques locales, dont les SEMOP seront un complément.
Guidée par le souci de protéger le rôle des élus locaux au sein de cette nouvelle entité tout en conservant une certaine souplesse afin de garantir son efficacité, la Haute Assemblée a renforcé, en première lecture, sur notre initiative, la sécurité juridique du dispositif, pour que soient respectées les exigences communautaires en matière d’égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, et pour permettre aux élus locaux de se saisir pleinement de cet instrument.
Je citerai quelques améliorations que nous avons adoptées en première lecture.
Premièrement, le changement de dénomination, de SEM-contrat en SEM à opération unique, permet de mettre en exergue la limitation du champ d’activité à l’exécution d’un contrat unique qui constituera l’objet de la future SEM, tout en conservant les spécificités de cette entité.
Deuxièmement, nous avons clarifié les différentes étapes de la création d’une SEMOP et de la conclusion du contrat. Toute personne publique souhaitant recourir à une SEMOP devra adopter une délibération dans laquelle elle déterminera ses besoins et définira les principales caractéristiques de la future société.
Troisièmement, nous avons clarifié la procédure de mise en concurrence pour la sélection de l’actionnaire opérateur, qui reposera sur un appel public à manifestation d’intérêt, respectant les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures. Sur la base de la délibération de la personne publique, les candidats devront déterminer leur part de capital au sein de la future SEM, ainsi que les moyens techniques et financiers permettant la réalisation de l’opération conclue avec cette dernière. À la suite du choix de l’actionnaire opérateur, sera créée la SEMOP qui conclura, avec la personne publique, le contrat à l’origine de la démarche.
En fait, tout en conservant l’esprit et la structure de la proposition de loi adoptée par le Sénat, et dans la continuité de nos travaux, la commission des lois de l’Assemblée nationale a conforté la simplification du dispositif, en réaffirmant le caractère unique de la procédure. Parmi les évolutions adoptées par nos collègues députés, on retiendra les suivantes.
Tout d’abord, si l’on pourrait gloser sur la substitution de la notion d’opérateur économique à celle d’actionnaire opérateur pour désigner la personne privée qui participera au capital de la SEMOP, afin de ne pas préjuger de la forme juridique et de la propriété du cocontractant, je crois qu’il n’y a pas lieu d’y revenir. Il me semble d’ailleurs que la Caisse des dépôts et consignations était attachée à cette évolution.
J’évoquerai ensuite la sélection du partenaire opérateur dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes. En d’autres termes, la procédure de mise en place d’une SEMOP sera celle en vigueur pour l’appel public à la concurrence selon la nature du contrat à conclure.
Je mentionnerai aussi la suppression de la possibilité d’attribuer des contrats connexes ou de sous-traitance simultanément au choix de l’actionnaire opérateur, l’établissement d’un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, modalités et coût de la structure ainsi mise en place – c’est un point important, car cela permet de répondre à certaines inquiétudes exprimées par des représentants des professionnels du second œuvre ou de la maîtrise d’œuvre –, la possibilité de constitution d’un groupement permettant à plusieurs opérateurs économiques de répondre à l’appel à la concurrence d’une personne publique, enfin l’intervention de l’organe délibérant des collectivités pour se prononcer sur le principe et la pertinence du recours à une SEMOP. Toutes ces dispositions visent à renforcer la transparence dans la mise en place de ce type de structures.
La commission des lois du Sénat a approuvé l’ensemble des modifications adoptées par l’Assemblée nationale, car les dispositions ainsi amendées tendent, à nos yeux, à renforcer et à conforter la sécurité juridique des SEMOP. Elles répondront, selon nous, aux attentes de nombreux élus locaux soucieux d’optimiser le fonctionnement des services publics locaux dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, tout en garantissant la qualité du service rendu à nos concitoyens et, ajouterai-je, sans présenter les risques, que nous connaissons bien, des PPP.
Par ailleurs, la commission des lois est attachée à une entrée en vigueur rapide du texte afin de permettre à nos collectivités de se saisir pleinement de ce nouvel outil. C’est pourquoi elle a adopté la présente proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Je vous invite, mes chers collègues, à en faire de même ce soir en séance publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)