compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Marc Daunis,

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

autorité de la concurrence en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question n° 790, adressée à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, le 31 octobre 2013, le Parlement adoptait à l’unanimité la dixième réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie existant depuis 1999 à la suite de la signature de l’accord de Nouméa. Le Parlement traduisait ainsi au sein de la loi organique les demandes exprimées en décembre 2012 par le comité des signataires de cet accord.

Mesure emblématique de cette réforme, la Nouvelle-Calédonie dispose désormais de la faculté de créer des autorités administratives indépendantes dans ses domaines de compétence.

Dès le 3 avril 2013, une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a été créée. Le congrès de la Nouvelle Calédonie a finalement adopté cette loi du pays à l’unanimité.

Conformément aux dispositions statutaires, cette future autorité indépendante bénéficiera des garanties suffisantes pour assurer l’indépendance de ses membres ; en juillet 2013, en tant que rapporteur des lois du 15 novembre 2013, j’avais proposé de renforcer ces gages d’indépendance, et le Sénat m’avait suivie.

Ainsi, les candidats pressentis à ces fonctions devront se soumettre à une audition publique et leur nomination devra être confirmée par une majorité positive des trois cinquièmes des membres du congrès. Enfin, les possibilités de révoquer les membres de cette autorité sont fortement encadrées.

La création de cette autorité vise à répondre à une attente forte de la population calédonienne : lutter contre le phénomène de la vie chère. Les événements sociaux se succèdent en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années…

Les facteurs qui expliquent, sans les justifier, le niveau élevé des prix pratiqués localement et le moindre pouvoir d’achat qui en résulte sont nombreux. Je pense notamment à la faible profondeur du marché local, aux habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, aux frais de transports maritime et aérien, mais aussi aux obstacles souvent anciens à une saine concurrence. À ce constat, il faut ajouter la persistance d’inégalités économiques et sociales supérieures à la moyenne nationale : toutes les composantes de la population ne bénéficient pas du boom économique fondé sur les ressources en nickel.

Dans ce contexte, l’autorité de la concurrence doit devenir le nouveau bras armé de la législation et de la réglementation locale, que ce soit en matière de maîtrise des prix – notamment des produits de première nécessité –, de lutte contre les ententes et les abus de position dominante, ou encore d’implantation des grandes surfaces commerciales sur le territoire.

Ces dispositifs ont été grandement renforcés par la loi du pays du 25 mai 2013, qui permet de faire face aux pratiques anticoncurrentielles. Il faut qu’une autorité indépendante soit dorénavant garante de l’effectivité de ces avancées.

Madame la ministre, depuis les élections provinciales du 11 mai dernier, le congrès a été renouvelé et le gouvernement, dirigé par Mme Cynthia Ligeard, a été constitué le 5 juin 2014. Nous savons tous que la Nouvelle-Calédonie entre dans la dernière phase du processus institutionnel décidé en 1998.

Cette échéance importante ne doit pas masquer les problèmes quotidiens des Calédoniens. J’en suis convaincue, les institutions calédoniennes doivent poursuivre dès maintenant l’effort engagé en matière de lutte contre la vie chère.

Aussi, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles mesures réglementaires restent à prendre par le gouvernement calédonien ? Dans quel délai la nomination du président et des trois membres aura-t-elle lieu ? En un mot, madame la ministre, à quelle échéance peut-on espérer que l’autorité de la concurrence sera, en Nouvelle-Calédonie, pleinement opérationnelle ?

J’ajouterai que la loi organique du 19 mars 1999 a été modifiée pour permettre aux autorités indépendantes calédoniennes de conclure des conventions avec leurs homologues nationales. Savez-vous si de tels partenariats sont en cours de réalisation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, la création de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie découle d’une demande expresse des partenaires locaux de l’État, exprimée dès 2012.

Le transfert à la Nouvelle-Calédonie, le 1er juillet 2013, de la compétence que l’État détenait en matière commerciale a conduit la collectivité, en matière de concurrence, à souhaiter la création d’une autorité de la concurrence locale qui soit dotée des mêmes pouvoirs que celle de l’Hexagone.

Le processus qui aboutira bientôt à la mise en place de cette autorité est le résultat d’un travail mené parallèlement, d’une part, par le congrès de la Nouvelle-Calédonie et, d’autre part, par le Gouvernement et le parlement national, comme vous le soulignez dans votre question.

Jusqu’à la loi organique du 15 novembre 2013, la Nouvelle-Calédonie ne pouvait créer que des autorités consultatives, sans pouvoir de sanction.

Lors de l’examen de ce texte et du projet de loi simple qui accompagnait le projet de loi organique, vous aviez vous-même attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité pour l’État, parce que cela relève des compétences qu’il détient encore au titre des libertés publiques et de la procédure contentieuse, de fixer les principes procéduraux permettant de garantir le respect par l’Autorité des grandes libertés publiques.

Vous avez ainsi proposé – cela figure aujourd’hui à l’article 93-1 de la loi organique statutaire – que la nomination par arrêté du gouvernement calédonien des membres d’une autorité administrative indépendante telle que l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie ne puisse intervenir que si, après une audition publique du candidat proposé par le gouvernement, le congrès approuve, par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la candidature ainsi proposée.

En outre, sur votre initiative, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans le délai court de six mois, les mesures permettant d’étendre à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code de commerce en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions.

Le Gouvernement a mené à bien la mission que le Parlement lui avait confiée, et, le 7 mai dernier, le conseil des ministres a adopté ce projet d’ordonnance. Entre-temps, le congrès de la Nouvelle-Calédonie avait, par une loi de pays promulguée le 24 avril 2014, créé l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, les nouvelles dispositions du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie prévoient que les attributions confiées à l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sont exercées par un collège composé de quatre membres, dont un président nommé pour une durée de cinq ans, désignés en raison de leur expérience significative en matière juridique ou économique. Ces nominations interviendront, comme je l’ai indiqué, après audition et validation par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Désormais, il appartient à la Nouvelle-Calédonie de mettre en place, formellement, l’autorité de la concurrence, ce qui nécessitera plusieurs types de dispositions : d’abord, l’approbation, par délibération des quatre membres du collège de l’autorité, du règlement intérieur de cette dernière, qui fixera les modalités de désignation du vice-président parmi les membres du collège et les conditions dans lesquelles les trois membres non permanents seront désignés pour siéger ; ensuite, la nomination par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d’un rapporteur général dirigeant le service d’instruction pour cinq ans ; enfin, la détermination, par arrêté du gouvernement, des conditions dans lesquelles le président de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie la représente dans tous les actes de la vie civile et a qualité pour agir en justice en son nom.

Par ailleurs, les nouvelles dispositions du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie prévoient que l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie peut, pour la mise en œuvre de ses compétences, conclure des conventions organisant ses relations avec l’Autorité de la concurrence nationale.

Vous le voyez, il y a matière à amélioration du dispositif puisque la conclusion de conventions avec d’autres autorités indépendantes nationales, telles que la commission de régulation de l’énergie, n’est pas prévue pour l’instant.

J’aurai l’occasion d’attirer l’attention de nos partenaires calédoniens sur ce point, et je tiens à vous saluer, madame la sénatrice, pour la contribution que vous avez apportée, à titre personnel, à ce projet.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous venez de m’apporter. Lors des auditions que j’ai effectuées en 2013 en tant que rapporteur, j’ai mesuré à quel point l’action d’une autorité de la concurrence était attendue en Nouvelle-Calédonie, ce que vous venez de confirmer.

Tel que vous l’avez présenté, le processus de création de l’autorité de la concurrence a été, je crois, exemplaire et inédit. Cette naissance a d’abord nécessité l’intervention du législateur organique, puis du congrès de la Nouvelle-Calédonie en avril 2014, avant que le Gouvernement ne publie l’ordonnance du 7 mai 2014, qui adapte à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code de commerce, notamment en matière de pouvoir d’enquête et de voies de recours.

Cet exemple démontre que l’accroissement des compétences et de l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie ne signifie pas l’effacement de l’État. Au contraire, l’État et la Nouvelle-Calédonie doivent collaborer, car leurs compétences sont intimement liées. Le succès de l’autorité de la concurrence a dépendu et dépendra, tout au long du processus, de cette collaboration.

Il reste désormais au Parlement à ratifier l’ordonnance du 7 mai 2014. Nous serons vigilants lorsque cette ratification nous sera présentée.

Dans sa décision du 1er octobre 2013, le Conseil constitutionnel a souligné les « particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie et les insuffisances de la concurrence sur de nombreux marchés », ce qui l’a conduit à admettre, pour favoriser la concurrence, des contraintes plus strictes qu’en métropole. Il faudra donc veiller à ce que les sanctions, y compris pénales, qui ont été adoptées soient suffisamment dissuasives ; si tel n’était pas le cas, le Parlement aurait à y remédier.

Madame la ministre, le Sénat est attentif au respect de l’application des lois. Mes collègues de la commission des lois et moi-même suivons avec intérêt l’avenir de l’archipel calédonien et l’évolution de sa situation économique et sociale, situation dont la réussite du processus engagé dépendra largement. Nous commençons à mesurer les premiers effets des lois de novembre 2013 – je pense notamment aux tarifs bancaires –, mais une partie importante du chemin reste à parcourir.

Vous-même, madame la ministre, avez évoqué le fait que la politique de convention entre cette nouvelle autorité et les autorités nationales n’est pas encore totalement développée. Nous comptons sur le Gouvernement pour veiller à ce que la démarche soit confortée dans les meilleurs délais.

désactivation de la base d'hélicoptère de la sécurité civile du touquet

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 807, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Antoine Lefèvre. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les craintes exprimées par les élus du département de l’Aisne – mon collègue Yves Daudigny, ici présent, ne me contredira pas – quant à ce qui apparaît comme une désactivation de la base hélicoptère de la sécurité civile du Touquet. En effet, le Dragon 62, installé depuis 2010 sur la base du Touquet, semble avoir été déplacé à la mi-février vers la base de Nîmes, échelon central des moyens hélicoptères de la sécurité civile.

Ce déplacement s’inscrit-il dans le cadre plus large, au niveau national, de l’actuelle réflexion du ministère de l’intérieur sur la diminution de cette flotte aérienne ? Voire d’un possible démantèlement de la flotte du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, comme nous l’avons entendu ?

Est-il en fait question de réduire cette flotte au point d’arriver bien en dessous des capacités opérationnelles indispensables à la population française ? La question reste posée. Ces appareils permettent en effet de réaliser, en collaboration avec les services d'aide médicale d'urgence, ou SAMU, et les pompiers toutes les missions de sécurité civile qui concernent le secours à personne.

La base du Touquet fonctionne avec le soutien des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Aisne, en particulier pour la médicalisation et l’armement en sauveteurs spécialisés de l’appareil.

Les équipages de conduite ont donc des qualifications élevées ainsi que des compétences de réactivité très importantes.

Alors que le nombre de personnes secourues est passé de 167 en 2011 à 330 en 2013, et qu’un tel équipement permet un précieux gain de temps sur certains secteurs particulièrement sous-dotés médicalement, comme la Picardie et principalement le département de l’Aisne, le départ du Dragon 62 fragilise la couverture sanitaire de ces territoires et accentue une iniquité dans le traitement de la protection des populations.

Enfin, la suppression de cet équipement pose aussi le problème du maintien en condition opérationnelle des équipes spécialisées, qui ne pourront plus faire habiliter leur personnel à l’hélitreuillage.

Je rappelle à cet égard la convention passée en mai 2012 pour le maintien de ce vecteur à disposition gratuite pour les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, de la zone de défense et de sécurité Nord entre le SDIS de l’Aisne et la direction générale de la sécurité civile. Elle stipule notamment que les médecins et infirmiers du SDIS de l’Aisne ont intégré le tour de garde à raison de vingt-quatre gardes annuelles, assorties des indemnisations afférentes à ces vacations.

Le départ de ce Dragon 62 rompt la couverture opérationnelle réalisée à ce jour au sein de la zone Nord, qui permettait de garantir la possibilité à tous les services concernés de travailler de manière performante et complémentaire.

C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir nous expliquer les raisons « objectives » qui ont amené le Gouvernement à la « mise en sommeil » de la station du Touquet, mais aussi de bien vouloir entendre les réactions du terrain, des élus, des SDIS, qui souhaitent que les habitants de cette zone de défense puissent continuer à bénéficier de la même qualité de service de secours par le maintien de cet appareil.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la flotte des hélicoptères du ministère de l’intérieur, qui assure, dans le cadre de la protection des populations, des missions de sauvetage, de secours et de transport des victimes, de jour comme de nuit, souvent dans des conditions délicates et des environnements hostiles.

C’est dans ce cadre que l’ensemble de la flotte a été fortement sollicitée au cours des intempéries de l’hiver dernier et tout au long de l’année 2013 pour faire face aux différentes catastrophes climatiques que notre pays a eu à affronter. Les moyens héliportés du ministère de l’intérieur ont été engagés sur de nombreux théâtres d’opération.

Des redéploiements sont en cours pour adapter la réponse aux besoins. En effet, la priorité donnée aux territoires dont les contraintes géographiques sont fortes – distances importantes, nombre réduit d’équipements médicaux de proximité, réseau routier peu dense – justifie que les hélicoptères soient avant tout employés en terrain difficile, outre-mer ou en zone de montagne. Les saisonnalités touristiques, et donc l’augmentation des sollicitations opérationnelles sur ces zones, requièrent bien souvent de disposer d’un vecteur aérien.

La conjonction de cette tension opérationnelle et des redéploiements actuellement mis en œuvre ont pour conséquence l’indisponibilité temporaire de l’hélicoptère de la sécurité civile affecté à la base du Touquet.

Dans le même temps, et avec le souci d’assurer la mission de protection des populations de manière optimale, le ministère de l’intérieur s’est assuré que le secours d’urgence s’exerçait dans des conditions préservant la sécurité des populations sur le territoire concerné.

Que ce soit par la voie des airs ou par la voie terrestre, les moyens déployés par les services départementaux d’incendie et de secours, les services d’aide médicale urgente, ou SAMU, la gendarmerie nationale, mais également par la marine nationale offrent à la zone de défense et de sécurité Nord, qui comprend les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, une couverture de qualité, effectuée par des professionnels remarquables, en temps de crise comme dans le secours quotidien. Leur engagement, sous la responsabilité des maires et des préfets pour le secours aux populations, permettra de faire face à l’indisponibilité temporaire de l’hélicoptère de la sécurité civile du Touquet.

De plus, l’engagement pris par le ministre de l’intérieur de ne pas dégrader la qualité du secours d’urgence impose une régulation et une optimisation des moyens aériens et terrestres disponibles, relevant tant des services départementaux d’incendie et de secours que des centres hospitaliers comme des ministères de l’intérieur et des armées. Il a donc été demandé à la zone de défense et de sécurité une concertation sur l’organisation du secours d’urgence associant l’ensemble des acteurs concernés.

Une solution qui garantit le bon fonctionnement du secours d’urgence et une couverture territoriale optimale tout au long de l’année, en prenant en compte les effets de saisonnalité et la présence de l’ensemble des moyens aériens comme terrestres, sera proposée très rapidement au directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Vous n’avez pas complètement répondu à ma question, madame la ministre. Vous avez évoqué à deux reprises l’indisponibilité « temporaire » de l’hélicoptère de la sécurité civile affecté à la base du Touquet. Je souhaite que le provisoire ne dure pas trop longtemps, car je suis, dans ce domaine, favorable aux solutions durables.

J’ai noté l’engagement pris par le ministre de l’intérieur de mener une réflexion plus vaste. Nous serons très attentifs aux moyens qui seront mis à nouveau en place sur la zone de défense et de sécurité Nord.

situation du village de kessab en syrie

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, auteur de la question n° 770, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Luc Carvounas. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la situation du village de Kessab en Syrie, en proie depuis plusieurs mois à de violents affrontements entre les forces armées du régime de Bachar Al-Assad et les forces rebelles du Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda.

Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la ville de Kessab, qui est un poste frontière situé entre la Turquie et la Syrie, dans la province de Lattaquié, est tombée aux mains des forces djihadistes, suscitant inquiétudes et doutes parmi les populations civiles de Kessab. Or, depuis la chute de la ville, majoritairement peuplée de rescapés du génocide des Arméniens de 1915, peu d’informations fiables nous parviennent quant au sort de ses habitants.

Nombre de spécialistes du Moyen-Orient s’inquiètent de la volonté des combattants islamistes de s’emparer d’un poste frontière qui semble pourtant stratégiquement non essentiel pour eux. Beaucoup s’interrogent donc sur les motivations réelles des assaillants, allant jusqu’à craindre que la communauté arménienne ne soit directement visée.

Les craintes d’exactions sectaires contre les minorités syriennes sont amplifiées par le caractère radical des combattants du Front Al-Nosra, qui considèrent notamment la communauté arménienne comme des hérétiques soutenant le régime de Bachar Al-Assad. Selon différentes sources en Syrie, cette situation a provoqué la fuite de 500, voire 800 familles, réfugiées plus au sud dans l’attente d’un apaisement des tensions à la frontière.

Face au risque de graves dérapages à Kessab, ainsi qu’à la rareté et au manque de précision des informations qui nous parviennent, pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous faire part des éléments dont les autorités françaises ont connaissance quant au sort des habitants de cette région, ainsi que des éventuelles actions menées par le Gouvernement en faveur de l’apaisement de ces tensions pesant fortement sur l’ensemble de la population civile ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, nous continuons bien sûr à suivre avec la plus grande attention la situation dans le Nord-Ouest de la Syrie, en particulier dans la région de Kessab où des combats ont éclaté à partir du 21 mars, poussant de nombreux habitants, notamment arméniens, à la fuite.

Même si les informations sont, comme vous le relevez, encore lacunaires en raison de difficultés d’accès sur le terrain, nous comprenons qu’il n’y aurait pas eu depuis d’attaque ciblée contre les populations arméniennes, qui ont d'ailleurs fui, pour la quasi-totalité d’entre elles, ni contre leurs biens ou contre leurs lieux de culte. Il convient naturellement de rester prudent et vigilant.

La France, sensible au sort de ces personnes contraintes de quitter leur ville sous le feu des attaques, condamne toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme en Syrie, et appelle toutes les parties au conflit, en premier lieu le régime, à veiller à la protection des civils.

Les droits des personnes appartenant à des minorités, quelle que soit leur origine ethnique ou leur religion, doivent être respectés. Nous le faisons valoir à la coalition nationale syrienne, qui a pris de longue date des engagements en ce sens et s’est mobilisée dès le début de l’offensive dans la région de Kessab pour que les lieux de culte arméniens, en particulier, soient protégés.

Il est important d’opérer une distinction claire entre l’opposition modérée, que nous soutenons, et les groupes terroristes dont nous condamnons les exactions et contre lesquels nous nous mobilisons. La France a ainsi été à l’initiative de l’inscription du Front Al-Nosra sur la liste de sanctions des Nations unies contre Al-Qaïda en mai 2013.

Alors que la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, principalement du fait de la fuite en avant militaire du régime, la France est pleinement mobilisée pour venir en aide aux populations civiles affectées par le conflit syrien. C’est notamment sur son initiative que la résolution 2139 du Conseil de sécurité a été adoptée, à l’unanimité, le 22 février dernier. Cette résolution contient des demandes précises : l’arrêt des violences indiscriminées contre les civils, la levée immédiate des sièges des zones peuplées, le respect des missions médicales et des soins aux blessés ; elle exige également un accès à travers les lignes de conflits et les frontières des pays voisins.

Nous appelons le régime à se conformer à ces obligations et poussons les soutiens du régime à faire davantage pression sur lui, notamment dans le cadre du Groupe de haut niveau constitué sur le sujet à Genève.

Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que la France continue de se mobiliser en faveur de la population syrienne, du sort des minorités et de la situation des Arméniens en particulier. La France continuera de suivre l’évolution de la situation à Kessab avec la plus grande vigilance et restera attentive au sort des Arméniens de Syrie.

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas.

M. Luc Carvounas. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'État de ses propos et, à travers elle, le Gouvernement de sa vigilance sur la scène internationale par rapport à la situation syrienne, à Kessab en particulier.

Chacun comprendra que nos concitoyens d’origine arménienne regardent de très près ce qui se passe dans cette région, d’autant que nous sommes à quelques mois d’une commémoration importante du génocide arménien, manifestation à laquelle le Président de la République a annoncé sa participation.

Nos concitoyens seront, si ce n’est rassurés, tout au moins informés par la représentation nationale de l’action de la France sur la scène internationale pour essayer d’apporter son appui et sa protection à ces populations.

représentation de la france au forum des îles du pacifique

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 782, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Robert Laufoaulu. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la représentation de la France au prochain forum du Pacifique qui se tiendra à partir du 29 juillet 2014 aux Îles Palau.

Le Forum, qui réunit seize États membres, ainsi que des membres associés, comme la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, et des membres observateurs, comme Wallis-et-Futuna, se tient chaque année et se termine par un dialogue post-forum avec une douzaine de pays partenaires, dont les États-Unis, le Japon, la Chine et, bien sûr, la France, puissance du Pacifique avec ses trois territoires ultramarins de la zone.

Notre pays avait depuis un certain temps compris l’importance stratégique de la zone Asie-Pacifique, importance qu’elle avait un peu perdue à la fin de la guerre froide, mais qu’elle retrouve pleinement dans le nouvel ordre géopolitique mondial. C’est ainsi qu’en 2011, Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, conduisait la délégation française, à Auckland, lors du dialogue post-forum.

Toutefois, en 2012, à Avarua, aux Îles Cook, tandis que Hillary Clinton était présente, la France, malgré mes demandes renouvelées auprès du Gouvernement, a été représentée non pas au niveau ministériel mais seulement par notre ambassadeur. La situation s’est reproduite, en 2013, à Majuro, aux Îles Marshall.

Je suis tout sauf un homme partisan, madame la secrétaire d'État. Je n’hésite pas à voter les projets de loi du Gouvernement lorsqu’ils me paraissent aller dans le bon sens. Je me sens donc d’autant plus à l’aise pour dire les choses lorsqu’elles ne sont pas satisfaisantes.

Alors voilà : quelle que soit la qualité de nos diplomates, l’absence répétée de membres du gouvernement français au dialogue post-forum est vécue par les pays de la zone comme une marque de dédain. Quant à nous, Français du Pacifique, nous ressentons un profond malaise, pour ne pas dire plus.

Il est pourtant d’autant plus important que la France marque fortement son intérêt pour le forum que ce dernier, dont l’une des missions essentielles est la préservation de l’environnement, avec un volet sur la lutte contre le réchauffement climatique, offre un cadre idéal de discussions en vue de la préparation de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris à la fin de l’année 2015.

Si nous voulons vraiment que cette conférence sur les changements climatiques, dite « COP 21 », soit un succès, si en tant que pays hôte nous voulons aboutir à cette occasion à un nouvel accord international sur le climat applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de deux degrés centigrades, nous devons, en amont, travailler aussi avec les États du Pacifique qui sont tellement concernés par la question.

En conséquence, je souhaiterais savoir si la France sera représentée, cette année, dans les discussions post-forum par un membre du Gouvernement de la République.