M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs écologistes se félicitent de la prochaine adoption de cette proposition de loi et se réjouissent que la commission mixte paritaire ait largement entériné les propositions que nous avions faites au Sénat.
Je note que l’intitulé de ce texte est désormais : « proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ». Il n’y est donc plus expressément question de dumping social, mais l’esprit demeure.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Nous avons simplement traduit le mot anglais dumping.
M. Jean Desessard. Les mesures prévues par le texte forment un ensemble cohérent de règles et de procédures pour lutter contre ces situations de dumping social, donc de concurrence sociale déloyale, ou de travail clandestin.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. De travail illégal !
M. Jean Desessard. La responsabilité solidaire du donneur d’ordre, étendue aux conditions de vie des travailleurs, aux libertés fondamentales et à tous les aspects du droit du travail, est une avancée qui permet de sanctionner ceux qui, trop souvent, ferment les yeux sur les pratiques de leurs prestataires.
L’inscription sur une liste noire, laissée à l’appréciation du juge, des entreprises prestataires de services condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal est une sanction dissuasive.
Enfin, la possibilité pour les syndicats d’attaquer des employeurs en justice sans mandat du travailleur concerné est également un grand pas en avant puisque, bien souvent, ces travailleurs sont soumis à des pressions et ne maîtrisent pas le français ni les subtilités de nos procédures judiciaires.
Ce sont là trois avancées importantes.
Cela a été dit en première lecture, notamment par vous, monsieur le ministre, toutes ces mesures n’ont pas pour objectif de lutter contre le détachement en lui-même. Dans une Europe ouverte, les travailleurs des États membres doivent pouvoir se déplacer librement. D’ailleurs, les Français sont nombreux à être détachés : on en comptait 169 000 en 2011, soit à peu près autant que de travailleurs détachés accueillis en France à la même date, à savoir 144 000.
L’objectif de cette proposition de loi est de lutter contre les abus, quand des travailleurs accueillis dans notre pays se voient offrir des conditions de travail et d’hébergement indignes. Cela aussi a été dit : les fraudes et les abus sont loin d’être négligeables.
Les écologistes voteront ce texte, car il contient un panel efficace de sanctions et sa philosophie générale correspond à nos valeurs.
Mais ce texte ne peut nous dispenser d’envisager la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale de manière globale au niveau européen, ainsi que vous l’avez dit, madame la rapporteur. Les faits sont là : pour les ouvriers peu qualifiés du BTP, les cotisations patronales s’élèvent à plus de 50 % en France, contre seulement 20 % en Pologne. Ces écarts très importants sont une source d’économies pour les employeurs, car les salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine.
La solution, je l’ai déjà évoquée, vous l’avez évoquée, monsieur le ministre, madame la rapporteur, c’est une harmonisation à la hausse des systèmes sociaux en Europe, accompagnée de l’émergence d’une organisation européenne du travail et d’une coopération syndicale européenne, pour garantir efficacement la défense des travailleurs, quel que soit leur pays d’origine.
Ces bonnes intentions – on peut même parler de volonté, car vous avez souligné, monsieur le ministre, votre détermination à vous battre pour obtenir des avancées au niveau européen – sont partagées, mais elles sont remises en cause par le traité transatlantique actuellement négocié. Les pourparlers sont malheureusement tenus secrets, et nous le déplorons, mais les éléments de son contenu qui ont filtré dans la presse…
M. Jean Desessard. … suscitent de grandes inquiétudes.
Comment parler de coopération dès lors que le libre-échange absolu sera la règle entre l’Europe et les États-Unis ? Comment parler d’harmonisation à la hausse alors que les multinationales auront la possibilité d’attaquer devant un tribunal ad hoc les politiques publiques contraires à leurs intérêts commerciaux ? Comment parler d’Europe sociale si le droit du travail est considéré comme un frein dans cet espace de libre-échange ?
Prenons garde, monsieur le ministre ! Prenez garde ! (L’orateur entonne les premières mesures du refrain du chant « La Jeune Garde ». – Sourires.) Ce traité est contraire aux valeurs écologistes, vous l’aurez compris, mais il est aussi contraire à l’esprit de la loi que nous allons sans doute adopter aujourd’hui et qui s’inscrit, elle, dans un esprit de coopération, et non de compétition.
Pour conclure, je veux dire que c’est avec enthousiasme que les écologistes voteront cette proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au développement du phénomène des travailleurs détachés, le Gouvernement a décidé de légiférer sans avoir à attendre les conclusions des travaux de la Commission européenne.
Comme notre groupe a eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, il ne peut être fait grief au Gouvernement d’utiliser une chronologie peut-être contestable en anticipant la future législation européenne puisque tout semble indiquer que cette proposition de loi est eurocompatible.
Tandis qu’on assiste à une véritable explosion du détachement de travailleurs, les travaux de la Commission européenne devraient aboutir d’ici à 2016. Dernière étape majeure de la discussion européenne, le 9 décembre 2013, un accord sur une orientation générale a été conclu lors de la réunion du Conseil « Emploi et affaires sociales ». Autant dire que le droit communautaire ne pourra pas nous venir en aide immédiatement !
Aussi, le groupe UMP et moi-même ne contestons pas l’opportunité d’une telle proposition de loi : elle est nécessaire.
Sur le fond, en revanche, notre groupe est davantage partagé.
En ce qui concerne le principal objet de cette proposition de loi, à savoir la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires des travailleurs détachés par un sous-traitant direct ou indirect, nous rejoignons les auteurs de cette proposition de loi. Cette disposition ne permettra sans doute pas de limiter le recours aux travailleurs détachés, en admettant que cela soit notre objectif, mais elle donnera une base légale à l’agent de contrôle et ensuite aux juridictions compétentes pour condamner les professionnels malveillants.
Malheureusement, je ne peux que renouveler l’opposition de mon groupe à l’article 1er, qui tend à élargir le dispositif de responsabilité solidaire à l’ensemble du noyau d’obligations de l’employeur qui détache des travailleurs.
Le phénomène d’ingérence de la part du donneur d’ordre vis-à-vis du sous-traitant a été largement évoqué, et je crois pouvoir dire que les termes employés ne sont en rien exagérés.
Comment les donneurs d’ordre pourront-ils s’assurer physiquement que leurs sous-traitants se plient bien à un ensemble d’obligations aussi variées que le respect des majorations pour les heures supplémentaires, l’assujettissement aux caisses de congés intempéries, ou encore les repos compensateurs ?
Certes, la vérification du paiement des salaires peut être faite en quelques minutes, mais il n’est nul besoin d’être présent physiquement sur les lieux où la prestation est réalisée pour pouvoir s’assurer du paiement des salaires.
À l’inverse, les nouvelles obligations qui incombent au donneur d’ordre le contraindront de facto à être présent sur les lieux où s’effectue la prestation, et nous savons très bien que, dans l’immense majorité des cas, les entreprises ne pourront pas réaliser les vérifications qui s’imposent.
Mais il est un secteur où ces nouvelles obligations semblent totalement inapplicables : celui des transports.
Le donneur d’ordre aura déjà des difficultés à vérifier le respect de l’ensemble de la législation du travail par le sous-traitant lorsque celui-ci concentre son activité sur une zone fixe. Aussi, imaginez un instant le casse-tête pour le donneur d’ordre qui devra procéder à des vérifications sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne et sur des travailleurs qui sont, par essence, en perpétuel mouvement !
Je crois donc que l’article 1er ter sera totalement inopérant en matière de lutte contre le dumping social dans les transports.
Bien sûr, je ne voudrais en aucun cas donner l’impression que les transports sont épargnés par le phénomène, car c’est sans doute le secteur ou les distorsions de concurrence sont le plus préjudiciables aux entreprises françaises. À cet égard, je vous invite à relire les observations du rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Gilles Savary, qui a justement pointé le comportement de certaines compagnies aériennes low cost. Cependant, dans ce cas, le problème ne vient pas d’une entreprise peu regardante sur le droit du travail applicable aux salariés de ses sous-traitants : il s’agit plutôt d’une fraude massive organisée par le donneur d’ordre lui-même.
Une autre disposition a marqué les échanges que nous avons eus au Sénat : l’article 6, qui vise à mettre en place une liste noire des entreprises indélicates. La Haute Assemblée a souhaité supprimer le seuil de 15 000 euros d’amende permettant l’inscription sur la liste noire. On peut comprendre la logique qui consiste à dire que, si liste noire il doit y avoir, autant que celle-ci ne se limite pas aux entreprises dont les condamnations ont été les plus lourdes, d’autant que les condamnations seront fonction des fraudes, qui seront elles-mêmes fonction de la taille de l’entreprise.
Pour autant, la rédaction qui est désormais soumise à notre examen ne nous satisfait pas davantage que la version initiale. Espérons que les entreprises françaises ne seront pas les seules à faire l’objet d’une telle exposition et que nos voisins européens, à la faveur de lois nationales ou du droit communautaire, verront leurs entreprises soumises au même dispositif !
Le groupe UMP rencontre aussi des difficultés avec les articles 6 bis et 7, qui relèvent de la même logique et, partant, sont contestables pour les mêmes raisons.
L’article 7 offre la possibilité aux syndicats de se constituer partie civile, y compris sans l’accord du salarié lésé. L’article 6 bis, quant à lui, permet aux organisations syndicales représentatives d’ester en justice en faveur du salarié détaché ou, en cas de travail dissimulé, devant le conseil de prud’hommes, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé, à condition que ce dernier ne s’y soit pas opposé.
Sur le fond, nous comprenons la volonté qui a présidé à l’adoption de cette disposition. Néanmoins, elle ne peut avoir que deux issues : soit on demande l’accord exprès du salarié et, dans ce cas, il est fort probable que l’action en justice n’aura jamais lieu, puisqu’il sera la plupart du temps physiquement impossible de le joindre ; soit on dispense les organisations syndicales représentatives d’obtenir l’accord du salarié pour s’assurer que les actions en justice pourront avoir lieu, mais on est alors rattrapé par le droit constitutionnel, qui consacre le principe selon lequel nul ne peut plaider par procureur.
Cependant, comme nous l’avons reconnu en première lecture, des précautions ont été prises en ce qui concerne l’article 6 bis puisqu’il prévoit que l’action peut avoir lieu à la condition que le salarié ne s’y soit pas opposé. Reste à savoir comment le salarié sera informé de l’action…
À l’inverse, de telles précautions n’ont pas été prises à l’article 7.
Pour ces raisons, nous ne pouvons pas soutenir ces deux articles.
Enfin, dernier article dont le groupe UMP conteste la pertinence, non du point de vue éthique, mais au regard de son applicabilité : l’article 7 bis. Celui-ci a pour objet d’instaurer deux nouvelles peines pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé : l’exclusion de toute aide publique pendant une durée de cinq ans, puis l’exclusion de toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public.
En plus de ces sanctions, qui sont loin d’être symboliques, sur proposition de nos collègues du groupe CRC, le Sénat avait introduit l’obligation, pour une durée de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques durant la période du contrat incriminé.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’était une bonne chose !
Mme Catherine Deroche. Là encore, de telles dispositions peuvent tout à fait se concevoir sur le plan moral.
Pour autant, à l’instar du rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, nous craignions que l’application de cette mesure ne jetât le trouble sur la distribution des subventions. Notre collègue député Gilles Savary a indiqué : « Le motif de la sanction est sans rapport avec celui de la subvention. La subvention était motivée par une politique d’aménagement du territoire et le souhait, par exemple, pour une collectivité territoriale, de bénéficier d’une desserte aérienne. »
En d’autres termes, les subventions ont été accordées pour une raison qui est toujours valable ; or la sanction ne peut pas totalement ignorer les choix d’une collectivité en termes d’aménagement du territoire. Nous sommes donc satisfaits de la suppression de cette obligation de remboursement.
Toutefois, les exclusions des aides publiques et des aides financières versées par une personne privée nous apparaissent toujours comme des dispositions dangereuses, à terme, pour les salariés.
Comme nous avons eu l’occasion de le dire antérieurement, le cas des reprises d’entreprise est particulièrement significatif du problème qui risque fort de se poser. En effet, les repreneurs seront liés par cette interdiction, ce qui, d’ailleurs, ne manquera pas de nuire à ceux qui ont accordé les subventions.
En conclusion, je rappellerai notre soutien au principe même de la proposition de loi et à son opportunité, mais j’ajouterai que, malheureusement, de trop nombreuses dispositions nous paraissent totalement inapplicables. C’est pourquoi, comme en première lecture, le groupe UMP s’abstiendra.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’explication de vote sur l’ensemble du texte en première lecture, mon collègue Dominique Watrin avait expliqué pourquoi le groupe CRC avait pris la décision de soutenir cette proposition de loi, quand bien même celle-ci nous semblait être très en deçà des attentes de nos concitoyens. Surtout, nos débats, et singulièrement les réponses que vous aviez apportées à nos amendements ou à nos interpellations, monsieur le ministre, nous avaient plus inquiétés que rassurés.
Ce fut notamment le cas concernant notre amendement tendant à préciser que le statut de travailleur détaché ne pouvait pas être applicable à un salarié de nationalité française travaillant en France pour le compte d’une entreprise installée dans un autre pays de l’Union européenne.
Vous le savez, mes chers collègues, cette pratique n’est pas frauduleuse, car elle n’est pas interdite par la directive, ce qui explique qu’aucune sanction ne puisse être appliquée aux employeurs profitant d’une faille volontairement introduite dans la directive et qui permet à des salariés français de concurrencer de manière déloyale d’autres salariés français.
Cette pratique, que nous voulions interdire, révèle bien l’objet réel de la directive sur le détachement des travailleurs : il s’agit de rendre possible, en l’encadrant a minima, une logique de dumping social non seulement entre pays de l’Union, mais également entre ressortissants d’un même pays. Cette optimisation sociale et fiscale est d’ailleurs bien connue et bien rodée, comme en témoigne l’article paru cette semaine dans le magazine Alternatives économiques, qui rappelle, ainsi que nous l’avions fait en séance publique, que les salariés français détachés en France constituent, après les Polonais, la plus grande communauté de travailleurs détachés en France.
Pourtant, monsieur le ministre, notre amendement de bon sens a été rejeté ; vous vous y êtes vous-même opposé, estimant que son adoption constituerait une sanction pour un salarié qui, volontairement, décide de se placer dans cette situation.
Cette réponse, monsieur le ministre, ne peut pas nous satisfaire. La force de notre droit, de notre système juridique et de notre ordre social est précisément d’apporter des réponses générales à des situations individuelles.
À titre d’exemple, notre droit positif interdit aux salariés de travailler pour une rémunération inférieure au SMIC. Pourtant, certains d’entre eux pourraient être tentés de brader leur force de travail, de concurrencer sur le prix les autres salariés pour retrouver, tout simplement, une activité professionnelle. Mais notre droit l’interdit, considérant que, dans l’intérêt de la collectivité, il faut savoir poser des règles générales, surtout lorsque celles-ci limitent une forme de concurrence qui, finalement, ne profite à personne. C’est d’autant plus vrai que les salariés concernés ne cotisent pas en France, ni pour leurs retraites, ni pour l’assurance maladie, ni pour le chômage.
Le discours libéral qui consiste à dire que cette forme de soumission volontaire au « précariat » serait acceptable, puisqu’elle est volontaire, n’est pas compris par nos concitoyens, lesquels savent que, en réalité, cela profite d’abord et avant tout à une poignée d’entrepreneurs européens, au détriment des entreprises et des salariés français.
Votre refus d’encadrer cette pratique témoigne d’un renoncement : le renoncement au combat contre l’Europe des capitaux au profit d’une Europe des peuples.
Pourtant, par leur vote lors des dernières élections européennes, nos concitoyens ont adressé un signal fort : ils ne veulent plus d’une Europe où les règles et les intérêts économiques prévalent systématiquement sur l’humain et où la prétendue liberté de circulation des travailleurs dissimule en réalité celle des capitaux.
Face à l’onde de choc provoquée par ces résultats, le Président de la République s’est senti obligé d’intervenir pour expliquer qu’il comptait aujourd’hui réorienter l’Europe. Nous l’avons écouté avec intérêt. Seulement, plutôt que de renforcer cette proposition de loi, la commission mixte paritaire a préféré revenir sur une modification que le Sénat avait adoptée à notre initiative et qui obligeait les entreprises délictueuses à reverser l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques pendant la durée du contrat frauduleux.
Le motif avancé par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Gilles Savary, également cité par Mme Deroche, est que les aides publiques ne sont pas directement liées aux conditions d’emploi, Mais, alors, à quoi servent-elles ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que grandit sans cesse la défiance de nos concitoyens à l’égard des femmes et des hommes engagés en politique, mais aussi des institutions européennes, on ne peut pas éternellement appeler à la transformation de l’Europe et systématiquement tourner le dos à tout changement !
Le discours du Président de la République vous engage, monsieur le ministre. Pour notre part, nous en tirons toutes les conséquences. Comme cette proposition de loi, malgré certaines avancées, ne pèse pas sur l’élément déterminant, à savoir l’organisation d’un dumping social en France, y compris via l’emploi de salariés français par des entreprises d’autres pays européens, il ne correspond pas à l’engagement pris devant le peuple par le président Hollande.
Aussi, afin de laisser au Gouvernement le temps de travailler avec les parlementaires à une solution conforme non seulement aux engagements que je viens d’évoquer, mais également aux attentes exprimées par nos concitoyens, nous ne voterons pas en faveur de cette proposition de loi. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. La discussion générale est close.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale
Chapitre IER
Dispositions générales modifiant le code du travail
Article 1er
(Texte de la commission mixte paritaire)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1262-2, il est inséré un article L. 1262-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1262-2-1. – I. – L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration préalablement au détachement à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation.
« II. – L’employeur mentionné au I désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation. » ;
2° Après l’article L. 1262-4, sont insérés des articles L. 1262-4-1 et L. 1262-4-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1262-4-1. – Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 vérifie auprès de ce dernier avant le début du détachement qu’il s’est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l’article L. 1262-2-1.
« Art. L. 1262-4-2. – L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas au particulier qui contracte avec un prestataire de services établi hors de France, pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. » ;
3° L’article L. 1262-5 est complété par des 4° à 6° ainsi rédigés :
« 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l’article L. 1262-2-1 ;
« 5° Les modalités selon lesquelles sont effectuées les vérifications prévues à l’article L. 1262-4-1 ;
« 6° Les modalités de mise en œuvre de l’article L. 1264-3. » ;
4° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie est ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Amendes administratives
« Art. L. 1264-1. – La méconnaissance par l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés d’une des obligations mentionnées à l’article L. 1262-2-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3.
« Art. L. 1264-2. – La méconnaissance par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre d’une des obligations de vérification mentionnées à l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application de l’article L. 1262-2-1.
« Art. L. 1264-3. – L’amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5.
« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par salarié détaché et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l’amende ne peut être supérieur à 10 000 €.
« Pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.
« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.
« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
Article 1er bis
(Texte de la commission mixte paritaire)
La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1221-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1221-15-1. – La déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 est annexée au registre unique du personnel de l’entreprise qui accueille les salariés détachés. »
Article 1er ter A
(Texte du Sénat)
Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : « , le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».
Article 1er ter
(Texte de la commission mixte paritaire)
Le code du travail est ainsi modifié :
1°(nouveau) Le livre II de la quatrième partie est complété par un titre III ainsi rédigé :
« Titre III
VIGILANCE DU DONNEUR D’ORDRE EN MATIÈRE D’HÉBERGEMENT
« Chapitre unique
« Obligation de vigilance et responsabilité du donneur d’ordre
« Art. L. 4231-1. – Tout maître d’ouvrage ou tout donneur d’ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-1-2 du présent code, du fait que des salariés de son cocontractant ou d’une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, mentionnées à l’article 225-14 du code pénal, lui enjoint aussitôt, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation.
« À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés, dans des conditions respectant les normes prises en application de l’article L. 4111-6 du présent code.
« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin ou de ses ascendants ou descendants. »
2° Le livre II de la huitième partie est complété par un titre VIII ainsi rédigé :
« TITRE VIII
« VIGILANCE DU DONNEUR D’ORDRE EN MATIÈRE D’APPLICATION DE LA LÉGISLATION DU TRAVAIL
« Chapitre unique
« Obligation de vigilance et responsabilité du donneur d’ordre
« Art. L. 8281-1. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 d’une infraction aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect dans les matières suivantes :
« 1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
« 2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
« 3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;
« 4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;
« 5° Exercice du droit de grève ;
« 6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
« 7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
« 8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;
« 9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants,
« enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.
« Le sous-traitant mentionné au premier alinéa informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.
« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle.
« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées au présent article, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est passible d’une sanction prévue par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 8281-2. – (Supprimé)
Article 2
(Texte du Sénat)
Après le chapitre V titre IV du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :
« Chapitre V bis
« Obligations et responsabilité financière du donneur d’ordre
« Art. L. 3245-2. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié de son cocontractant, d’un sous-traitant direct ou indirect ou d’un cocontractant d’un sous-traitant, enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant ou à ce cocontractant de faire cesser sans délai cette situation.
« Le sous-traitant ou le cocontractant mentionné au premier alinéa du présent article informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.
« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant ou du cocontractant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre en informe aussitôt l’agent de contrôle.
« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées aux premier et troisième alinéas, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »
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Article 6
(Texte de la commission mixte paritaire)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le 4° des articles L. 8224-3 et L. 8256-3 est ainsi rédigé :
« 4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; »
2° Les articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que la diffusion prévue au 9° de l’article 131-39 soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 8234-1 est ainsi rédigé :
« La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;
4° Le dernier alinéa de l’article L. 8243-1 est ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, la juridiction peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Article 6 bis
(Texte du Sénat)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le titre VI du livre II de la première partie est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Actions en justice
« Art. L. 1265-1. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.
« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.
« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. » ;
2° Le chapitre III du titre II du livre II de la huitième partie est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Droits des salariés et actions en justice » ;
b) Est insérée une section 1 intitulée : « Droits des salariés » et comprenant les articles L. 8223-1 à L. 8223-3 ;
c) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Actions en justice
« Art. L. 8223-4. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.
« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.
« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »
Article 6 ter
(Texte de la commission mixte paritaire)
Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa des articles L. 8272-2 et L. 8272-4, après les mots : « elle peut, », sont insérés les mots : « si la proportion de salariés concernés le justifie, », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou », et les mots : « et à la proportion de salariés concernés » sont supprimés ;
2° (Suppression maintenue)
3° Il est ajouté un article L. 8272-5 ainsi rédigé :
« Art. L 8272-5. – Le fait de ne pas respecter les décisions administratives mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 8272-1 ainsi qu’aux articles L. 8272-2 ou L. 8272-4 est puni d’un emprisonnement de deux mois et d’une amende de 3750 €. »
Chapitre II
Autres dispositions
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Article 7 bis
(Texte de la commission mixte paritaire)
I. – Après le 11° de l’article 131-39 du code pénal, sont insérés des 12° et 13° ainsi rédigés :
« 12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public ;
« 13° (Supprimé)
II. – Au 2° des articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 du code du travail, la référence : « et 9° » est remplacée par les références : « , 9° et 12° ».
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