compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
Mme Michelle Demessine.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 12 mars 2014 relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois ainsi qu’à la commission des affaires économiques.
3
Statut des stagiaires
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (texte de la commission n° 573, rapport n° 572).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre assemblée avait adopté le 14 mai dernier, au terme de longs débats et après l’examen de 150 amendements, la proposition de loi de notre collègue députée Chaynesse Khirouni tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.
Ce texte avait été très largement enrichi par nos travaux, sur l’initiative de tous les groupes politiques, qu’ils fassent ou non partie de la majorité sénatoriale, groupes dont je tiens à saluer ici la contribution essentielle. Le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points afin de renforcer la lutte contre la précarité des stagiaires, de responsabiliser davantage les établissements d’enseignement envers leurs élèves en stage et de tenir compte de la situation spécifique des maisons familiales rurales, auxquelles, je le crois, chacun d’entre nous ici est très attaché.
Concernant le statut des stagiaires, nous avions tout d’abord, sur ma proposition, revalorisé le montant minimal de la gratification en le faisant passer de 12,5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros. Nous avions également souhaité rendre la gratification obligatoire pour tous les stages de l’enseignement supérieur d’une durée de plus d’un mois, contre deux mois à l’heure actuelle. Enfin, sur proposition du groupe CRC et du groupe du RDSE, nous avions étendu à tous les stagiaires l’accès à la restauration collective de l’organisme d’accueil ou aux titres-restaurant ainsi qu’à la prise en charge des frais de transport.
Afin que les établissements d’enseignement s’impliquent davantage dans le suivi de leurs élèves en stage, la commission des affaires sociales avait confié à leur conseil d’administration, sur ma proposition, le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités du suivi qui doit être réalisé. En séance publique, il a été précisé qu’il devrait s’agir d’un suivi pédagogique et administratif constant, et qu’un décret viendrait déterminer un plafond de stagiaires par enseignant référent. De même, sur proposition des sénateurs du groupe UMP, un lien direct entre l’enseignant référent et le tuteur du stagiaire a été établi, afin qu’ils se concertent à plusieurs reprises pour assurer le bon déroulement du stage. Pour les stages obligatoires, selon le texte du Sénat, les établissements auraient été tenus d’en proposer un à leurs étudiants n’ayant pas réussi à en trouver dans les délais impartis, sans que ces derniers puissent le refuser.
À l’approche des débats au Sénat, les maisons familiales rurales avaient fait part de leurs craintes quant à l’application de cette réforme à leurs cursus, en particulier en matière de gratification des stagiaires. Toutefois, elles étaient déjà juridiquement soumises aux règles de droit commun en la matière – je tiens à le rappeler –, à savoir une gratification pour tous les stages et périodes de formation en milieu professionnel, ou PFMP, de plus de deux mois. Il semblerait que, dans les faits, ces règles n’aient pas été appliquées. Un amendement du Gouvernement a donc eu pour objet d’ouvrir la possibilité de déroger, par décret, à ce régime au bénéfice des PFMP et des MFR. Le projet de décret, tel que le Gouvernement nous l’a communiqué, prévoit que la gratification sera obligatoire pour les PFMP de plus de trois mois, ce qui correspond à la demande des MFR. Je suis satisfait que tous les acteurs concernés soient parvenus à un compromis sur ce point.
Enfin, un article additionnel avait été ajouté, sur proposition commune des groupes UMP, UDI-UC et du RDSE. Il tend à instaurer un système de bonus-malus sur la taxe d’apprentissage, qui impose aux entreprises de plus de 250 salariés de respecter un quota d’alternants dans leurs effectifs. L’objet de cet amendement visait à comptabiliser les stagiaires embauchés ensuite en contrat à durée indéterminée dans l’organisme au même titre que des jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Cette récapitulation de nos travaux me permet de souligner que les désaccords de fond avec l’Assemblée nationale étaient mineurs et que nous sommes parvenus à un texte commun sans difficultés. Il a certes fallu réaliser des compromis pour convaincre nos collègues députés de se rallier à notre position, et le texte final n’est sans doute pas aussi ambitieux que j’aurais pu le souhaiter initialement. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de la concrétisation d’un processus que je suis fier d’avoir amorcé ici même voilà près de sept ans avec une proposition de loi qui n’avait malheureusement pas eu autant de succès que celle-ci.
La commission mixte paritaire a donc confirmé la revalorisation de la gratification minimale des stages décidée par le Sénat, tout en décalant son entrée en vigueur au 1er septembre 2015 afin de tenir compte de la situation des plus petites structures d’accueil, en particulier associatives, qui n’ont pas anticipé une telle charge dans leur budget pour 2014, mais qui pourront ainsi le faire lors de l’élaboration, à la fin de l’année, de leur budget pour 2015. Sur proposition de Mme la rapporteur pour l’Assemblée nationale de la commission mixte paritaire, Chaynesse Khirouni, la commission a en revanche rétabli à deux mois la durée minimale de stage donnant obligatoirement lieu à gratification.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a supprimé la disposition contraignant les établissements d’enseignement à proposer un stage à leurs étudiants qui n’en ont pas trouvé, et obligeant ces derniers à accepter cette proposition. Elle a jugé que la proposition de loi tendait déjà à renforcer grandement les missions des établissements en matière d’accompagnement dans la recherche de stage et de suivi des stagiaires, mais qu’il ne fallait pas porter atteinte au libre arbitre des élèves.
L’article additionnel ajouté par le Sénat concernant le bonus-malus sur la taxe d’apprentissage n’a pas non plus été maintenu par la commission mixte paritaire. En assimilant les stagiaires recrutés en CDI à des alternants, il entrait en contradiction directe avec l’objectif, partagé par tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années et par chacun ici, de développer l’alternance et de modifier la perception qu’en ont nos concitoyens, mais aussi, trop souvent, les enseignants de l’enseignement secondaire. Il aboutissait à exonérer de grandes entreprises d’une obligation essentielle, alors que l’on sait bien que ce n’est pas dans l’artisanat ou dans les petites et moyennes entreprises que l’apprentissage n’est pas assez développé.
Au vu de la portée symbolique de cette proposition de loi, attendue par une jeunesse dont les espérances envers l’action publique sont trop souvent déçues, mais aussi de ses effets pratiques, qui permettront de mettre un terme aux abus de stages aujourd’hui trop courants, je suis heureux que l’examen législatif de ce texte s’achève et j’émets le vœu que les conclusions de la commission mixte paritaire recueillent un vote positif du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 3 juin dernier, a donc adopté la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Cette adoption était nécessaire, et je suis particulièrement heureuse des discussions qui ont permis à la fois de conforter les principales dispositions de ce texte et d’améliorer, notamment par vos contributions, un texte qui fera vraiment date pour la conception et la mise en œuvre de ce que doit être un stage.
Un stage, c’est d’abord un élément intégratif d’une formation. Ce n’est ni un CDD, ni le remplacement d’une absence transitoire liée par exemple à un congé de maternité ou un congé de maladie, ni un test de pré-embauche, car, pour ce dernier cas, il existe des périodes d’essais.
Sachant que plus de 70 % des stages ont lieu tout à la fin du cursus des étudiants, on peut en déduire qu’ils ont souvent été utilisés à cet effet. On a aussi pu constater que certains diplômes, souvent appelés « bachelor », sanctionnaient des formations au contenu pédagogique parfois léger, mais assorties de nombreux stages, études par ailleurs assez coûteuses. Pour toutes ces raisons, il fallait redéfinir ce qu’était un stage : un élément professionnalisant au sein d’une formation académique. Un stage n’est pas non plus une alternance ou un apprentissage, qui sont, eux, soumis à un contrat de travail.
L’ensemble de ces éléments devaient être réexaminés, car les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont montré que des confusions étaient souvent commises entre ces différentes formes d’insertion du jeune dans l’entreprise, dont, je le précise, l’objectif reste le même, à savoir l’insertion professionnelle de celui-ci. Toutefois, les dispositifs visés présentent des différences fondamentales qu’il convenait de bien déterminer.
C’est la raison pour laquelle Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, étroitement concernés et associés à l’élaboration de cette proposition de loi, saluent avec moi les travaux menés par le Sénat et par l’Assemblée nationale à ce propos. Je veux ici remercier M. le rapporteur Jean-Pierre Godefroy de son engagement très fort ayant permis d’améliorer ce texte, et je salue l’adoption, par la CMP, de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.
Ce texte concrétise un engagement de campagne du Président de la République. Il va réellement renforcer la dimension pédagogique des stages. Il va permettre de lutter contre les abus qui ont trop longtemps pénalisé les jeunes et qui ont, au total, donné une mauvaise image des établissements d’accueil. (M. le rapporteur opine.)
Il ne faut pas stigmatiser les entreprises : certains établissements publics ou associatifs toléraient, eux aussi, des pratiques d’accueil et de non-encadrement des stagiaires qui n’étaient pas vertueuses.
En définitive, ces procédés donnaient une mauvaise image du monde du travail à des jeunes qui, au contraire, doivent s’approprier les codes, les contraintes et les usages spécifiques au monde du travail pour mieux pouvoir s’y insérer.
Cette proposition de loi est donc bien un texte de coresponsabilité. J’insiste sur ce point : si nous avons voulu qu’une nouvelle convention soit établie ; si nous avons voulu que le tuteur, le responsable de stages au sein de l’entreprise ne suive pas plus d’un certain nombre de stagiaires, tout en adaptant ce seuil à la taille de l’établissement d’accueil ; si nous avons voulu que les enseignants ou les encadrants de l’établissement de formation n’aient pas plus d’un certain nombre de stagiaires sous leur responsabilité ; si nous avons voulu établir un régime spécifique plus favorable pour les entreprises de moins de trente salariés, pour ne pas pénaliser de jeunes structures, en particulier de jeunes entreprises innovantes – leur cas a été évoqué au cours des débats –, c’est bien pour que le jeune, qui est lui aussi signataire de cette convention, connaisse non seulement ses droits mais aussi ses devoirs à l’égard de l’organisme d’accueil.
À mon sens, il était très important que le texte assure un équilibre à cet égard et établisse les droits et les devoirs de chacun. Bref, ce texte constitue presque un élément du pacte de responsabilité. En tout cas, il s’inscrit pleinement dans cet état d’esprit !
De surcroît, il fallait mettre en œuvre un dispositif efficace et simplifié.
M. le rapporteur vient de le rappeler, quatre lois se sont succédé en six ans, et elles n’ont pas empêché le nombre de stagiaires de doubler, pour passer de 600 000 à 1,2 million. Je note au passage que des chiffres un peu plus élevés ont pu être avancés. L’évaluation la plus crédible semble de 1,2 million. Ces données n’étaient pas vérifiables, faute d’inscription au registre du personnel ! Dorénavant, il sera possible de quantifier réellement le nombre de stagiaires.
Quoi qu’il en soit, je le répète, ces dispositifs législatifs, pour nombreux qu’ils aient été, n’ont pas entravé l’augmentation de la demande de stages.
En revanche, ils ont créé de la confusion, d’autant que les six décrets qui en sont issus se contredisaient parfois les uns les autres, voire contredisaient la loi dont ils relevaient ! Qui plus est, dans certains cas, ils élargissaient tellement le champ des dérogations qu’ils finissaient par annuler l’esprit de la loi.
Au surplus, ces textes renvoyaient à deux codes différents, à savoir le code du travail et le code de l’éducation. En résultait une confusion certaine dans la mise en œuvre des dispositions concernées. Cette situation nuisait réellement à l’application des lois en question, dont le but initial était pourtant de promouvoir les pratiques vertueuses !
Il convenait donc de simplifier les normes en vigueur, pour les entreprises mais aussi pour les jeunes, afin de rendre efficace un dispositif que chacun estimait nécessaire.
M. le rapporteur l’a également rappelé, au cours de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont consolidé les principales dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat, et ce par différentes mesures : en instaurant un plafond maximum de stagiaires en fonction des effectifs salariés et de la taille des entreprises ; en mettant en œuvre un double suivi des stagiaires, à la fois par l’établissement d’enseignement et par un tuteur désigné à cet effet, chacun dans ses missions ; en renforçant les moyens d’identifier et, lorsque c’est nécessaire, de sanctionner d’éventuels abus ; en confiant à l’inspection du travail et aux tribunaux compétents cette mission de sanction qui, en aucun cas, ne doit être assumée par un personnel administratif ou par un enseignant. C’est bel et bien aux administrations et aux tribunaux dont c’est la compétence d’imposer ces sanctions ! Le débat a permis d’éclaircir ce point.
Par ailleurs, a été instaurée une autorisation d’absence et de congés, y compris de congés de maternité. Ces derniers peuvent concerner des étudiantes, qui ont entre vingt et vingt-cinq ans, parfois un peu plus.
À l’Assemblée nationale, il m’avait été demandé assez plaisamment de permettre le report de ces congés de maternité, ou, mieux, de les éviter… Cela me semble assez compliqué ! (Sourires.) Ces dispositions relèvent du droit commun, et les étudiantes concernées doivent en bénéficier.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Au reste, il faut se réjouir que notre pays présente le plus fort taux de natalité d’Europe. C’est un signe de dynamisme et d’optimisme. En cette période, nous en avons bien besoin !
De plus, le présent texte aligne le temps de présence des stagiaires sur celui des salariés. Cette mesure a donné lieu à des débats. À mes yeux, il importe de confirmer cette disposition, pour que les stagiaires soient réellement immergés dans la vie professionnelle.
J’ajoute qu’il a été prévu d’exonérer d’impôt le revenu de la gratification.
Telles sont les principales mesures sur lesquelles je souhaitais insister.
N’oublions pas que des droits nouveaux ont été accordés aux stagiaires, là aussi pour que ces derniers soient placés dans les conditions réelles, dans la vraie vie de leur structure d’accueil. Il faut notamment qu’ils puissent bénéficier de ces moments de convivialité et de rencontre avec les autres salariés que sont, par exemple, les repas. À cette fin ont été étendus aux stagiaires l’accès aux restaurants d’entreprise, le bénéfice des titres de restaurant.
Il fallait en outre que les stagiaires aient droit aux aides aux transports, lorsque les organismes les accordent, ou éventuellement aux offres des comités d’entreprise, lorsque ces derniers existent. Ces aides, qui peuvent intéresser les stagiaires, font partie intégrante de la vie d’un organisme, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une administration !
Le texte prévoit également l’augmentation du montant de la gratification mensuelle minimale prévue pour les stages de plus de deux mois. Celle-ci sera portée de 436 euros à 523 euros, soit une augmentation de 87 euros par mois. Cette disposition entrera en vigueur d’ici à 2015.
Mes deux collègues ministres et moi-même nous félicitons des avancées permises par les travaux parlementaires, à l’Assemblée nationale et surtout au Sénat. Il s’agit là de mesures fortes, de mesures de confiance destinées à la jeunesse.
On le voit, cette proposition de loi est un texte de progrès pour les stagiaires, qu’ils soient lycéens ou étudiants. Elle tient compte, parallèlement, des difficultés spécifiques à tel ou tel type d’organismes, comme les organismes sociaux, à l’intention desquels un fonds spécial a été créé. Nous attendons que ce dispositif soit sollicité. La procédure prévue est simple et accessible à toutes les structures, par exemple aux associations, qui en formuleront la demande. Ce fonds de transition permettra d’assurer une continuité, pour que personne ne soit pris au dépourvu, au titre des gratifications accordées aux stagiaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons également souhaité tenir compte de la spécificité des maisons familiales rurales, les MFR. Ces dernières ont été défendues avec flamme au Sénat. Elles avaient été un peu oubliées à l’Assemblée nationale – mais on sait que les sensibilités des deux chambres sont un peu différentes ! Bien qu’alertés assez tardivement sur cette question, nous nous en sommes saisis et nous l’avons résolue rapidement, dans la concertation. À ce titre, je tiens à vous remercier de vous être adaptés à ce rythme soutenu.
L’amendement que je défendrai dans quelques instants, au nom du Gouvernement, a été rédigé dans cet esprit. En effet, l’une des dispositions adoptées en commission mixte paritaire risquerait de pénaliser de nouveau les maisons familiales rurales. J’espère que cet amendement, tendant à simplifier la vie de ces structures, pourra être adopté.
Je le répète, ce texte adresse un message de confiance et de responsabilité aux différents acteurs concernés : les organismes d’accueil, notamment les entreprises, les établissements de formation et les stagiaires eux-mêmes. Il est au service d’une priorité, qui nous mobilise tous : l’insertion professionnelle des jeunes !
Mes collègues ministres et moi-même, ainsi que M. le rapporteur, sans oublier Chaynesse Khirouni, députée de Meurthe-et-Moselle, qui est à l’origine de ce texte, espérons que ce dernier sera adopté dans les meilleurs délais, pour qu’il puisse entrer en vigueur à la prochaine rentrée scolaire et universitaire.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Voilà !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Cette réforme est attendue par tous. Elle a pu susciter des inquiétudes, mais elle est le fruit d’un dialogue à mon sens fructueux. Elle me semble tout à fait équilibrée. Elle traduit une forte confiance en la jeunesse, c’est-à-dire en l’avenir de notre pays.
Une nouvelle fois, je vous remercie de la qualité des débats que nous avons consacrés à cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un contexte difficile pour l’insertion des jeunes sur le marché du travail, l’amélioration de la qualité des stages doit constituer une priorité pour notre pays.
En réponse à une demande croissante, de la part des entreprises mais aussi des étudiants, le cadre juridique se devait d’évoluer de manière à renforcer les droits des stagiaires pour éviter les abus – il y en a eu ! – et à garantir une offre de stages suffisamment étoffée.
En ce sens, la présente proposition de loi, ni dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale ni dans celle qu’a adoptée la commission des affaires sociales, n’apportait les garanties nécessaires pour atteindre ce double objectif.
Le texte issu du Sénat, dont certaines dispositions ont été confirmées par la commission mixte paritaire, répondait à un certain nombre d’inquiétudes que nous étions nombreux à exprimer.
Tout d’abord, je songe à l’extension de l’ensemble des dispositions législatives relatives aux stages accomplis avant le baccalauréat, et plus particulièrement ceux qui sont effectués par les élèves des maisons familiales rurales, que Mme Fioraso vient d’évoquer. L’amendement que le Gouvernement présentera dans quelques instants tend à accorder à ces MFR des dérogations à l’obligation de gratification de la période de formation en milieu professionnel. Il est le bienvenu !
La présentation du décret en séance était de nature non pas à satisfaire pleinement les organismes formateurs mais à définir un compromis acceptable pour les formations visées par ces nouvelles obligations.
Ensuite, la possibilité de déroger au quota de stagiaires par organisme d’accueil est rassurant, alors que ces formations concernent souvent des secteurs dans lesquels les élèves ont beaucoup de peine à trouver un stage.
Plus largement, pour l’ensemble des stagiaires, nous resterons vigilants quant à la fixation de ce quota. Elle peut se révéler problématique pour les petites structures, même si l’adoption d’un amendement du RDSE a permis de préciser que le « pourcentage tient compte des effectifs de l’organisme d’accueil ».
Je souhaite également saluer le maintien de l’alignement de la durée de présence du stagiaire sur celle des autres salariés, disposition cohérente quant à l’organisation des entreprises.
Par ailleurs, je me réjouis du maintien par la commission mixte paritaire d’une disposition résultant d’un amendement commun à nos collègues du groupe CRC et au RDSE. Il s’agit de permettre à tous les étudiants, quelle que soit la durée de leur stage, de bénéficier d’un accès aux titres de restaurant ou à la restauration collective de l’entreprise, ainsi que de la prise en charge des frais de transport. Cette mesure de justice sociale n’est pas anodine pour les étudiants qui n’ont pas droit à une gratification du fait de la durée limitée de leur stage. (M. le rapporteur acquiesce.)
En revanche, je déplore que les débats n’aient pu faire évoluer le texte pour écarter l’application d’une durée maximale de stage de six mois, sans aucune souplesse. Ainsi, aucune dérogation ne semble permise pour certaines formations, au titre desquelles la pratique est pourtant essentielle.
Nous regrettons en outre que l’amendement que nous avions déposé à l’instar d’autres groupes au sujet de la prise en compte des embauches en CDI à l’issue du stage des jeunes de moins de vingt-six ans, au même titre que les apprentis pour l’exonération de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, n’ait pas été retenu par la commission mixte paritaire.
Enfin, il me semble que nous avons manqué l’occasion de rendre plus juste la gratification du stage. Les membres du groupe auquel j’appartiens avaient déposé un amendement visant à ce que son montant varie en fonction du niveau d’études. Cette disposition pouvait constituer une avancée, notamment pour les stages réalisés en fin d’études qui devraient faire l’objet d’une rémunération plus élevée compte tenu d’une certaine plus-value apportée par ces étudiants aux entreprises. (M. le rapporteur manifeste son désaccord.)
En dépit de ces considérations, il me semble qu’un texte plus mesuré a pu émerger du débat. L’équilibre entre le renforcement des droits des stagiaires et le développement d’une offre de stages suffisante semble globalement respecté. C’est pour cette raison que tous les membres du RDSE voteront en faveur de la présente proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des affaires économiques,… – je m’arrête là (Sourires.), sinon…
Mme Laurence Cohen. Vous n’aurez plus de temps !
Mme Catherine Deroche. ‘Eh oui !
M. Jean Desessard. … tout mon temps sera consacré à des salutations ! –, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se fixe deux principes : les stages, d’abord, doivent rester un temps de formation, ils ne peuvent être considérés comme un emploi et doivent s’inscrire dans un projet pédagogique ; ensuite, ils doivent relever d’un cadre unique permettant d’édicter un ensemble de règles pour limiter les abus.
Pour les étudiants, le stage constitue un moment important de la formation. Il leur permet de se confronter à la réalité du travail en s’immergeant dans le monde de l’entreprise. C’est aussi un temps d’apprentissage, durant lequel le jeune acquiert des compétences concrètes, en rapport avec son projet professionnel et en dehors du seul cadre scolaire théorique. Cela lui permet également de mettre en valeur d’autres facettes de sa personnalité.
Pour l’entreprise, le stage représente aussi un temps bénéfique, qui lui permet de transmettre ses savoirs, de participer à la formation des jeunes, bref, de jouer un rôle citoyen.
Le danger réside dans les risques d’abus, qui transformeraient le stage en emploi déguisé. Certaines entreprises, ou associations, peuvent en effet être tentées d’utiliser une main-d’œuvre bon marché, jeune et motivée. Des difficultés de recrutement, une situation financière difficile : ces raisons peuvent pousser à un recours abusif aux stages, en particulier lorsque les jeunes ne trouvent pas d’emploi. Pourtant, le stage ne peut être un emploi et doit rester un moment pédagogique. Tel est le sens de cette proposition de loi.
Le texte prévoit un encadrement identique pour tous les stages. Une autre démarche était possible, portée – mais je ne veux pas trahir leurs conceptions – par les groupes UDI et UMP : les différents secteurs n’ayant pas les mêmes besoins et faisant face à des difficultés de recrutement, il aurait fallu adapter les dispositions de la proposition de loi en fonction des secteurs et des situations. Pour difficile qu’elle soit, cette proposition avait sa logique. Cela n’a cependant pas été le parti que nous avons choisi. Nous avons décidé de mettre en place un cadre identique pour tous, facile à comprendre et à interpréter et susceptible de servir de référence à tous.
Quels sont les acquis de cette proposition de loi ? Les auteurs ont fait le choix de limiter la durée des stages à six mois au maximum, pour que ce moment de formation reste borné dans le temps. Cela permet de mettre un terme à ces situations insupportables où des étudiants restent neuf mois ou un an en stage, en ne touchant que 400 euros par mois durant toute cette période.
Pour renforcer l’objectif pédagogique du stage, la proposition de loi instaure un volume minimal de formation en établissement avant la délivrance d’une convention. Cette mesure est accompagnée d’une obligation d’encadrement de l’étudiant, aussi bien universitaire, via l’enseignant référent, que professionnel, via le tuteur de stage, avec un nombre maximal d’étudiants par tuteur et par enseignant. L’accompagnement pédagogique est ainsi renforcé.
Concernant la protection des stagiaires, le texte établit des durées de travail maximales, reconnaît des droits aux congés, aux titres restaurants et aux frais de transport et renforce le rôle de l’inspection du travail pour contrôler les abus. Ces mesures permettent de compléter le dispositif, afin de mieux intégrer les stagiaires.
Lorsque l’on parle de stage, il ne faut pas oublier la question de la gratification. Un stage entraîne en effet des frais : on se déplace et on quitte ses pratiques habituelles. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’un salaire, car le stagiaire n’est pas et ne doit pas devenir, un salarié. Ces gratifications, peu élevées, doivent permettre aux stagiaires de s’installer dans un nouveau contexte pour la durée de leur stage.
Lors de l’examen du texte en première lecture, le Sénat avait voté plusieurs mesures plus favorables aux stagiaires : la gratification des stages avait été augmentée de 436 euros à 523 euros et la durée de stage à partir de laquelle un stagiaire a droit à une rémunération était passée de deux mois à un mois.
Cependant, la commission mixte paritaire est revenue sur l’une de ces avancées. L’augmentation de la gratification est en effet repoussée à septembre 2015, mais l’obligation de rémunérer les stages ne s’appliquera qu’à partir de la fin du deuxième mois, comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous regrettons ce recul, puisque nous avions participé au vote de ces amendements. Néanmoins, les écologistes voteront pour ce texte, pour l’ensemble des règles qu’il propose et pour la protection accrue des stagiaires.
J’ajoute que tout encadrement des stages, aussi bonne que soit la loi – et à mon sens, nous avons trouvé ici un équilibre au regard des deux objectifs que j’ai évoqués initialement –, peinera à limiter les abus tant que les jeunes ne trouveront pas rapidement un premier emploi adapté à leur qualification.
Madame la ministre, oui, les membres du groupe écologiste voteront cette proposition de loi et, oui, ils seront à vos côtés pour trouver un débouché professionnel à chaque jeune sortant de formation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur applaudit également.)