M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Louis Nègre. J’en viens à mon deuxième point : le texte de la proposition de loi.
Ce texte est un outil supplémentaire, modeste, mais qui a le mérite d’exister. Son objet est d’exonérer l’État et les opérateurs de la redevance d’occupation du domaine public, ce qui va incontestablement faciliter le déploiement des bornes de recharge. Il s’agit d’une dérogation aux règles de droit commun d’occupation du domaine public, qui permettra de soutenir concrètement un projet industriel d’intérêt national et est conforme aux décisions du Conseil constitutionnel.
L’insuffisance actuelle du parc de ces bornes est l’un des freins majeurs à la mobilité décarbonée que nous appelons tous de nos vœux, surtout dans la perspective de la transition énergétique.
L’avenir de notre filière automobile, de ses emplois, de son impact sur l’économie de notre pays et sur notre commerce extérieur passe par le maintien de l’avance que nous avons prise en ce domaine.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, nous sommes engagés dans une compétition mondiale. Nos amis Allemands, par exemple, viennent d’achever l’équipement en bornes de charge rapide de l’un des axes majeurs de leur pays, entre Dortmund et Munich, sur 420 kilomètres. La concurrence n’attend pas !
Si la très grande majorité des recharges se feront, comme l’indique le Livre vert, à domicile ou sur le lieu de travail, il n’en reste pas moins que la création d’un réseau essentiel est éminemment souhaitable.
Avec un État stratège – dans certains domaines cruciaux pour le pays, je peux partager votre vision colbertiste, monsieur le ministre –, nous devrions pouvoir disposer d’un programme de déploiement de bornes d’envergure nationale, global et – j’insiste sur ce point – fondé sur un maillage territorial cohérent. Le rapporteur a d’ailleurs également souligné cette nécessité.
Ce programme, de l’ordre de 4 500 bornes, a vocation non pas à se substituer à l’action menée par les collectivités locales, mais à compléter leurs démarches, pour constituer une couverture permettant de répondre aux besoins des usagers, quel que soit le territoire considéré.
Toutefois, à ce stade, plusieurs aspects sont susceptibles de poser problème. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, obtenir de votre part une réponse claire permettant de lever certaines inquiétudes.
J’insisterai tout d’abord sur la nécessité d’une concertation de qualité avec les collectivités locales, à qui il incombe toujours de délivrer les autorisations d’implantation de bornes de recharge et dont la connaissance du terrain permettra, en outre, d’éviter tout doublon ou manque préjudiciable. L’établissement en amont d’un véritable partenariat avec les collectivités locales permettra de parvenir au résultat recherché.
J’évoquerai ensuite la nécessité de disposer d’une vision globale en amont – c’est là que j’en appelle à Colbert ! –, dont le corollaire est l’autorisation de l’État. La couverture de notre pays ne doit comporter aucune zone blanche, notamment en milieu rural.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Louis Nègre. Il s’agit là d’une préoccupation majeure, partagée sur toutes nos travées.
Parallèlement à l’action des collectivités locales, qui devra se poursuivre avec l’aide de l’ADEME, ce déploiement national des bornes nous rapprochera d’un service universel ouvrant un droit d’accès pour tous aux bornes de recharge.
La tarification doit, elle aussi, malgré la présence d’acteurs très différents, viser à être unitaire, dans notre République une et indivisible.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Louis Nègre. Ici, au Sénat, maison des collectivités locales par excellence, nous attendons de votre part, monsieur le ministre, un engagement ferme et sans ambiguïté sur ces trois points, afin d’éviter toute fracture territoriale en ce domaine. Seul un maillage de qualité et égalitaire signera la réussite de cette opération.
Ce réseau essentiel, qui représente un investissement de l’ordre de 3 millions d’euros, est fondamental pour la filière. Cette proposition de loi est donc nécessaire, mais elle reste insuffisante.
À cet égard, monsieur le ministre, je profite de cette tribune pour vous faire part de notre profonde préoccupation. Cela m’amène au troisième point de mon intervention, qui porte sur le contexte actuel.
Nous sommes à une époque charnière, voire critique, pour l’avenir de la filière. Les derniers chiffres disponibles sont en effet préoccupants, pour ne pas dire inquiétants : après les bonnes nouvelles de 2013, les ventes ont connu au premier trimestre de 2014, me dit-on, une baisse brutale, de l’ordre de 30 %. Il s’agit d’une alerte rouge !
Malgré les mesures positives qui ont été prises, par exemple l’allongement des calendriers des appels à manifestation d’intérêt, leur assouplissement, avec la substitution au seuil trop rigide de 200 000 habitants du critère d’une borne pour 3 000 habitants, ou encore l’article 184 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, un premier signal négatif a été donné avec la diminution de la subvention, passée de 7 000 à 6 300 euros ; le rapporteur lui-même en a souligné l’effet défavorable.
Monsieur le ministre, vous connaissez pourtant la sensibilité psychologique des Français aux aspects financiers qui les concernent directement. Plus que la réduction de la subvention elle-même – d’un montant de 700 euros –, c’est l’instabilité de l’engagement initial de l’État, confirmant la non-pérennité du cadre fiscal dans le temps, qui a été mal vécue par nos concitoyens.
Au-delà de cette mesure malheureuse, nous avons également relevé toute une série de freins et d’obstacles, qui gênent encore fortement le développement de cette filière. Plus grave encore, des industriels du secteur en viennent à douter…
Dans ces conditions, nous devons plus que jamais, je le répète, poursuivre une action très volontariste. Encore une fois, il ne s’agit pas là d’une vision négative, mais réaliste.
Le quatrième et dernier point de mon propos consistera en conséquence, monsieur le ministre, à vous présenter des propositions constructives en vue de faciliter le succès de la filière.
Au vu de la situation que j’ai décrite, nous devons marcher au canon et franchir le plus rapidement possible des étapes supplémentaires dans le soutien que nous apportons tous à cette filière. Dans cet esprit, sans prétendre épuiser ainsi le sujet, je souhaite que soient prises les six mesures suivantes.
Premièrement, il convient de gagner les esprits des Français. Notre rapporteur a également insisté tout à l'heure sur ce point. Il faut promouvoir, par une campagne de communication pédagogique vigoureuse auprès des collectivités locales et du grand public, les bienfaits de cette filière, en s’appuyant davantage sur des associations spécialisées reconnues, telles que l’AVERE ou l’AVEM, qui sont de bon conseil et dont les propositions sont particulièrement intéressantes.
Deuxièmement, il importe d’actualiser le Livre vert, qui sert encore aujourd’hui de vade-mecum aux collectivités locales. En tant qu’auteur initial de ce document, je pense qu’il est nécessaire de le remettre à niveau : quatre ans après sa parution, de nombreux éléments ont évolué, et le monde a beaucoup changé. Il convient de mettre à jour le Livre vert, au bénéfice des collectivités locales.
Troisièmement, il faut faciliter le déploiement des infrastructures privées accessibles au public, par le biais d’incitations. Il s’agit, par exemple, de rendre les bornes éligibles aux certificats d’économie d’énergie. Un large consensus existe en faveur de l’adoption de mesures incitatives pour favoriser le développement de l’implantation des bornes de recharge électrique sans pour autant grever les finances de l’État, dont on connaît la situation.
Quatrièmement, il convient de soutenir les infrastructures entièrement privées par le biais d’une réglementation plus simple et plus efficace du droit à la prise dans l’habitat collectif ou d’aides financières calées sur les certificats d’économie d’énergie.
Cinquièmement, nous devons accentuer le soutien aux flottes d’entreprises, notamment par la réécriture, dont je sais, monsieur le ministre, que vous vous préoccupez – il semble même que des réunions interministérielles se tiennent sur ce sujet –, du fameux décret « bonus» sur la location longue durée et la location-vente avec option d’achat. Il faudrait également accélérer le développement de l’interopérabilité numérique, qui ouvrira nombre de services pratiques aux usagers.
Sixièmement, il faut mettre en place des mesures incitatives au plan local, en concertation avec les collectivités territoriales, pour aider ces dernières à réfléchir et à formuler des propositions, en matière par exemple de stationnement gratuit, de création de couloirs de bus, de gratuité de la charge, de distinction des véhicules électriques par une vignette.
Ces mesures s’inscrivent totalement dans l’esprit de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et ne seraient pas coûteuses pour l’État. Ce ne sont que quelques propositions parmi d’autres…
Monsieur le ministre, le message principal que je veux vous transmettre est le suivant : il faut plus que jamais persévérer, et franchir une supplémentaire dans cette longue marche si nous voulons que cette filière prometteuse réussisse. Accentuons encore le mouvement en cours, comme nous y invite la devise des jeux Olympiques : citius, altius, fortius !
Le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi pour promouvoir l’avenir d’une filière industrielle dans laquelle la France se distingue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le développement du véhicule électrique, tout le monde l’a rappelé depuis le début de l’examen de cette proposition de loi, doit être une priorité en termes à la fois de développement durable et de développement économique. Il s’agit d’un enjeu finalement devenu consensuel, y compris dans l’opinion publique ; nous nous en félicitons.
L’objet de cette proposition de loi est non pas de définir de nouveaux objectifs pour le véhicule électrique, mais simplement de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement pour un meilleur déploiement en France.
Lors du débat sur le climat et l’énergie en Europe qui s’est déroulé le 21 mai dernier dans cet hémicycle, ma collègue Chantal Jouanno a rappelé un certain nombre de convictions auxquelles le groupe UDI-UC est attaché. J’en évoquerai deux : la première est que la politique énergétique doit être une nouvelle ambition pour l’Europe ; la seconde est que l’échelle d’action la plus pertinente, après l’Europe, est non pas l’État, mais la région et les territoires. C’est à partir de ces deux axes que je développerai mon propos.
Tout d’abord, il est essentiel que l’Europe se dote d’une véritable politique énergétique, avec comme priorités le développement des sources d’énergie propres et la maîtrise de la consommation.
Le véhicule électrique s’inscrit parfaitement dans ces objectifs, et son essor est fondamental.
Sur le plan environnemental, le réchauffement climatique doit conduire les pouvoirs publics à favoriser des modes de transport permettant de diminuer la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de trouver des solutions alternatives aux modes de transport citadins alimentés par des énergies fossiles.
Sur le plan industriel, l’avenir de la filière automobile française dépend largement de notre capacité à innover et à accompagner nos constructeurs vers la production massive de véhicules décarbonés. Derrière l’émergence de cette filière se joue aussi une course au leadership technologique mondial avec, à la clé, demain, de nombreux emplois.
La France dispose de la taille suffisante, de toute la base industrielle nécessaire et d’un savoir-faire en matière énergétique et d’aménagement urbain qui lui ouvre le chemin, à condition de saisir l’occasion à temps et sans esprit partisan.
Je tiens à déplorer, à cet instant, la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise Mia Electric, le 12 mars dernier. Cette situation particulière prouve que le secteur est encore fragile et qu’il requiert toute l’attention des pouvoirs publics, ce qui ne signifie pas l’attribution d’aides financières à tout prix, mais bien d’accompagnement en matière de recherche et développement et l’amélioration de l’environnement économique et fiscal.
En matière de développement des véhicules propres, nous ne partons pas de rien. Dès les premières tables rondes du Grenelle de l’environnement, l’ensemble des acteurs s’étaient accordés sur l’objectif de lancer une filière automobile décarbonée, avec une véritable dynamique industrielle.
Le plan français « véhicules décarbonés », lancé par Jean-Louis Borloo en 2008, visait à accompagner les ruptures technologiques indispensables pour que l’industrie automobile française se tourne vers la production de véhicules propres, en créant un écosystème complet, s’ajoutant au dispositif du bonus-malus.
En 2009, le pacte automobile s’est traduit par l’émergence d’une offre industrielle pour la batterie et la chaîne de traction électrique, par la mise en place d’une démarche coordonnée d’achats de véhicules électriques entre l’État et les grands comptes publics et privés, puis par de nouvelles actions concernant les infrastructures de recharge.
Dans ce domaine, le rôle moteur joué par l’ADEME doit être salué. Deux appels à manifestation d’intérêt ont été lancés depuis 2011 dans le cadre du programme « véhicule du futur » des investissements d’avenir, doté de 50 millions d’euros, afin de soutenir les projets d’infrastructures de recharge de véhicules électriques menés par les collectivités territoriales. J’y reviendrai plus loin, lorsque j’évoquerai mon expérience en Vendée.
Le troisième appel à manifestation d’intérêt, décalé au 31 janvier 2015, devrait enfin permettre à de nombreux territoires d’être couverts, ce qui portera le nombre d’infrastructures de recharge à 14 000 à l’horizon 2016.
En dépit de ces incitations fortes en direction des collectivités territoriales, notre pays souffre aujourd’hui de l’insuffisance de son réseau national de bornes de recharge, qui constitue un frein majeur au développement de la voiture électrique.
Ainsi, cette proposition de loi vise à accompagner la politique de déploiement des infrastructures de recharge sur le territoire.
Le second axe sur lequel je souhaitais insister, pour répondre à la question de la bonne échelle d’action en matière de développement de la politique énergétique, a trait aux territoires.
Je suis convaincu que l’innovation en matière de transition énergétique viendra des territoires, de nos régions et de nos départements, qui sont capables de prendre l’initiative et d’accompagner les bons programmes. Il faut faire confiance à l’intelligence territoriale !
C’est peut-être sur ce sujet que la proposition de loi qui nous est soumise pose le plus question à mes yeux. En effet, elle organise une dérogation en matière d’occupation de l’espace public au bénéfice de l’État ou d’un opérateur, pour des projets d’infrastructures de recharge de véhicules électriques d’ampleur nationale.
Or certaines collectivités ont été innovantes sur ce sujet, et ont mené des projets intéressants, à la taille de leur territoire. J’ai donc deux mises en garde à formuler : que les nouveaux projets bénéficiant de cette dérogation ne viennent pas concurrencer les projets existants et que l’on puisse continuer à soutenir les projets locaux qui se mettent déjà en place ! Il faudra veiller, une fois de plus, à ne pas trop recentraliser la prise de décision, qui pourrait sinon aller à l’encontre des volontés locales. Il faudra également veiller à ce que cette « recentralisation » ne vienne pas ralentir des initiatives locales, certaines collectivités pouvant se saisir de la présente proposition de loi comme d’un prétexte pour arrêter leurs projets en cours, en comptant sur l’État pour agir à leur place.
Je souhaiterais naturellement citer l’exemple que je connais le mieux, celui de la Vendée, et le projet soutenu par le Syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée, le SIDEV, organisme que j’ai l’honneur de présider.
Ce syndicat est compétent pour la mise en place des infrastructures de charge, et il s’est engagé dans leur déploiement sur le domaine public vendéen.
Le SIDEV consacre un budget de 750 000 euros à la mise en place d’un réseau départemental de bornes de recharge tenant compte des flux de circulation et des distances de déplacement entre domicile et lieu de travail compatibles avec l’autonomie des véhicules électriques.
Après avoir consulté l’ensemble des communes vendéennes, le SIDEV a publié, en juin 2013, un schéma départemental de déploiement d’infrastructures de recharge de véhicules électriques, avec l’aide de Renault, qui a apporté, dans le cadre d’une convention de partenariat, son expertise en matière de véhicules électriques et de bornes de recharge.
Ce schéma d’implantation de 350 bornes sur 191 communes a été proposé à l’ensemble des maires vendéens. Le déploiement des bornes de recharge s’effectuera en trois phases, de 2014 à 2016. Une borne publique pour 1 800 habitants, en moyenne, sera donc implantée dans toutes les communes de plus de 900 habitants. Pour l’utilisateur, une charge accélérée d’une durée d’une heure coûtera 3 euros et assurera une autonomie de 120 à 150 kilomètres. Une charge normale, d’une durée d’une heure, coûtera 1 euro, pour une autonomie de 25 kilomètres environ.
La première borne de recharge a été inaugurée lundi 26 mai. J’en suis fier, car c’est un projet local qui me tenait à cœur ; c’est aussi un projet innovant, au service de tout un département.
Pour conclure, même si je me réjouis que ce texte soit d’initiative parlementaire, je regrette qu’il ne s’inscrive pas dans le cadre plus large de la future loi sur la transition énergétique, que nous attendons toujours et qui permettrait d’aborder cette thématique dans son ensemble, et non pas seulement par le biais d’une mesure technique. Néanmoins, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adoption de la présente proposition de loi, car il en partage les objectifs. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui marque indéniablement une volonté de prendre en compte les enjeux industriels et environnementaux liés au développement de la filière des véhicules électriques.
Il s’agit en effet d’un enjeu majeur pour la transition écologique et énergétique. Il est clair que nous devons soutenir la filière française du véhicule électrique, qui constitue un gisement d’emplois, à l’instar de l’ensemble du domaine du développement durable. Aujourd’hui, les constructeurs automobiles français détiennent 80 % du marché national du véhicule électrique : c’est considérable.
L’enjeu écologique de réduction des émissions n’est pas moins important. En effet, la moyenne actuelle des émissions du parc automobile français est encore de 176 grammes de CO2 par kilomètre. Elle devrait être ramenée à 130 grammes par kilomètre en 2020. Dès lors, le véhicule électrique peut et doit jouer un rôle majeur dans le recul de nos émissions de gaz à effet de serre. Il y va d’ailleurs de la santé de nos concitoyens.
Pourtant, le parc de bornes de recharge – on en compte environ 8 000 – est aujourd’hui assez peu développé, malgré les incitations financières décidées dans le cadre du grand emprunt pour soutenir les collectivités territoriales, seules compétentes à l’heure actuelle en matière d’implantation de bornes sur leur territoire.
Cette faiblesse du parc de bornes de recharge est un frein objectif à l’essor de l’usage des véhicules électriques, même si, nous le savons tous, le prix de ceux-ci en constitue un autre tout aussi important, sans parler du problème de l’autonomie ni de la dimension culturelle évoquée il y a un instant par M. le rapporteur.
Au fond, nous considérons comme un progrès le fait que le Gouvernement reprenne la main sur ces questions d’avenir, même si nous regrettons que cela passe par une proposition de loi, ce qui prive les parlementaires d’une étude d’impact.
En effet, jusqu’à une période récente, le Gouvernement n’envisageait pas la création d’un opérateur national d’infrastructures de recharge pour installer un réseau de bornes qui viendrait compléter celui mis en place sur l’initiative des collectivités territoriales. Il arguait alors du fait que les collectivités devaient rester seules compétentes en la matière, au motif, qui ne semblait guère déterminant, qu’elles seules connaissent les flux des trajets entre domicile et lieu de travail sur leur territoire.
La volonté ici affirmée de permettre à l’État de jouer un rôle pour garantir l’égal accès de tous à ces équipements est un progrès, qui crédibilise l’effort annoncé dans le plan de soutien à la filière automobile de 2012.
Cependant, certains aspects de cette proposition de loi posent question. Ainsi, aux termes du texte, l’État pourra déployer ces infrastructures de recharge soit pour son propre compte, soit par l’intermédiaire d’un opérateur national dans lequel il détiendra directement ou indirectement une participation. La participation dans l’opérateur national pourra être détenue par le biais d’un établissement public comme l’ADEME, voire, plus indirectement, par celui de la Caisse des dépôts et consignations.
Soyons clairs : il est évident que ce n’est pas l’État qui va accomplir cette tâche ; c’est donc un opérateur national. Le seul outil actuellement prévu pour assurer un contrôle sur cet opérateur est la participation de l’État au capital, par voie directe ou indirecte. Nous savons également que le projet de l’opérateur devra être validé par les ministres chargés de l’énergie et de l’environnement.
Nous estimons que ces éléments, si positifs soient-ils, ne constituent pas une garantie de contrôle suffisante. C’est pourquoi nous aurions souhaité que la loi soit plus claire quant au cahier des charges imposé au futur opérateur.
Sur le fond, nous considérons en effet qu’il revient à la représentation nationale de vérifier que les conditions de mise en place de ce réseau de bornes de recharge de véhicules électriques sont conformes, par exemple, à un bon aménagement du territoire. Nous proposerons d’ailleurs, par voie d’amendement, que les ministres concernés viennent présenter les projets, une fois ceux-ci définis et prêts à être validés, devant les commissions parlementaires compétentes.
Associer les parlementaires à la démarche et vérifier que l’esprit de ce texte sera respecté : tel est notre objectif. Il importe en effet de permettre aux parlementaires d’apprécier concrètement les critères qui guideront le choix du prestataire, ainsi que les obligations qui pèseront sur celui-ci. Nous en avons parlé en commission, monsieur le rapporteur, et nous avons conclu qu’il fallait entendre le Gouvernement sur ce point.
Vous nous jugerez peut-être tatillons, monsieur le ministre, mais je dois dire que nous avons tous été échaudés par le scandale d’Ecomouv’. Nous sommes donc particulièrement vigilants sur ces formes de partenariat public-privé, car il peut arriver – cela a déjà été le cas – que les intérêts de l’État, et donc de nos concitoyens, soient mal garantis. Nous parlons là, certes, d’un marché limité, puisque vous estimez le besoin de financement de ces équipements à hauteur de 200 millions d’euros, mais c’est pour nous une question de principe.
M. Philippe Bas. Il y a un bon usage du partenariat public-privé !
Mme Évelyne Didier. Par ailleurs, eu égard à la taille des entreprises qui ont fait part de leur intérêt – Bolloré ou EDF et Nissan –, il est clair que, une nouvelle fois, seuls les grands opérateurs privés seront à même de se porter candidats.
S’agissant d’un réseau dont la mise en œuvre n’est pas extrêmement complexe, il aurait pu être utile de faire une place à des entreprises plus petites, sans les mettre dans une situation de sous-traitance qui, on le sait, présente pour elles un certain nombre de désavantages. Le contrôle de l’État doit permettre que le développement de ces infrastructures de recharge favorise aussi le tissu économique local.
En outre, si la proposition de loi associe les collectivités territoriales, en prévoyant que leurs organes délibérants devront se prononcer sur la délivrance des titres d’occupation du domaine public, aucune garantie n’est apportée quant aux éléments de politique tarifaire qui s’appliqueront pour l’exploitation de ces bornes. Comment seront fixés les tarifs d’exploitation ? Quelles seront les conditions de vente d’électricité à ces opérateurs ? Sommes-nous en mesure de solliciter des tarifs préférentiels ? Quel contrôle public pourra s’exercer sur l’opérateur ? Autant de questions qui n’ont pas obtenu, pour l’heure, de réponse suffisamment précise. Peut-être pourrez-vous nous apporter de nouveaux éléments, monsieur le ministre ?
À l’Assemblée nationale, vous avez simplement assuré que le Gouvernement veillerait à l’équilibre global du dispositif, pour faire en sorte « que le tarif soit à peu près le même sur tout le territoire […] et surtout pour que tout le territoire soit à peu près maillé ». Avouez qu’il y a beaucoup d’« à peu près » dans cette réponse !
Autre zone d’ombre : le maillage proprement dit est national, certes, mais comment sera-t-il constitué dans chaque région ? Si l’on peut penser que les autoroutes et les zones les plus densément peuplées seront rentables, et donc rapidement équipées, quelles obligations précises pèseront sur le ou les opérateurs pour que ne subsistent pas de zones blanches ? Là encore, nous manquons d’éléments.
M. le ministre a indiqué que la couverture du territoire ne devrait pas poser de problème, mais nous estimons que nous nous trouvons, une nouvelle fois, dans un schéma où il s’agit de faire confiance au privé pour remplir une mission de service public, en tout cas d’intérêt général. Nous connaissons malheureusement les résultats de l’équation : en l’absence d’obligations précises pesant sur les futurs opérateurs, il est à craindre qu’ils iront implanter les bornes là où la rentabilité est assurée.
Je poserai une dernière question : quel sera le niveau de rétribution des opérateurs ? Là encore, le cas d’Ecomouv’ incite à la méfiance.
Pour conclure, si nous regrettons les conditions de consultation et d’association du Parlement, ainsi que la faiblesse des critères de validation des projets, nous voterons néanmoins cette proposition de loi. Les enjeux liés à la transition écologique commandent en effet de favoriser le développement de la filière des véhicules électriques, en donnant la possibilité matérielle à nos concitoyens de s’équiper de tels véhicules.
Nous voterons aussi ce texte parce que son dispositif permettra l’implantation sur le territoire des communes d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sans qu’elles aient à investir. Dans le contexte actuel de disette budgétaire et de baisse des dotations, c’est un élément appréciable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)