M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour l’ensemble de vos réponses.
Le rapport qui a été confié à M. Piveteau sera très utile : il permettra de décrire une réalité, celle du traitement des enfants et des adultes handicapés, qui, malheureusement, n’est pas à l’honneur de notre pays.
J’ai bien entendu qu’une relation se noue, sur cette question, avec la région Nord-Pas-de-Calais, essentiellement à Lille. Je veux néanmoins attirer votre attention sur le fait que le problème se pose également dans les Ardennes ou en Lorraine, et qu’il est tout à fait essentiel de couvrir l’ensemble des besoins. (Mme la secrétaire d’État opine.)
Je transmettrai vos éléments de réponse aux associations qui m’avaient sollicité.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Quant à moi, je transmettrai ces informations à l’association régionale de santé de Lorraine.
conséquences de la loi dite « obamacare » pour les adhérents à la caisse des français de l'étranger
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 732, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences, pour les adhérents à la Caisse des Français de l’étranger résidant aux États-Unis, de la loi Affordable Care Act, dite « Obamacare », entrée en vigueur le 1er janvier 2014.
L’« Obamacare » impose à toute personne résidant fiscalement aux États-Unis de souscrire une assurance maladie avant le 31 mars 2014, sous peine d’une amende équivalant à 1 % du salaire brut la première année et en augmentation les années suivantes.
À ce jour, la Caisse des Français de l’étranger n’est pas reconnue par les autorités américaines comme satisfaisant aux exigences de la loi, et la direction de la caisse n’a pu obtenir les éclaircissements permettant de conseiller ses assurés sur la meilleure attitude à adopter.
En conséquence, je vous demande quelles mesures peuvent être prises dans les meilleurs délais avec les autorités américaines pour que soit reconnue, par l’administration américaine, l’affiliation à la Caisse des Français de l’étranger, afin d’éviter à ces derniers toute double cotisation. Je souhaite également que vous nous précisiez s’il est exact que les résidents étrangers aux États-Unis disposent d’un délai d’un an pour choisir leur couverture maladie.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question relative à l’Affordable Care Act, ou « Obamacare » ; avec ce texte, il s’agit, pour les pouvoirs publics américains, de rendre obligatoire l’affiliation à une assurance maladie, dans un pays où de nombreuses personnes ne sont pas encore couvertes, comme vous l’avez vous-même souligné.
Les conditions d’application de ces mesures à la situation des affiliés français de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, pose question.
En effet, l’un des objectifs principaux de l’Obamacare vise à permettre à tout citoyen américain de disposer d’une couverture santé assurant un minimum de garanties au regard des principaux risques maladies et maternité, à un coût considéré comme abordable au regard de ses revenus.
L’offre en assurance maladie, pour être suffisamment protectrice, doit garantir dix besoins essentiels. Il appartient à chaque assureur étranger de satisfaire aux procédures prévues par l’administration américaine pour s’en assurer. À cet égard, il nous semble que la CFE, qui a comme mission de garantir aux Français de l’étranger une couverture équivalente à celle que propose la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés en France, dispose d’une offre qui devrait être jugée satisfaisante. Il appartient à la CFE d’informer ses adhérents.
Je vous précise également qu’à notre connaissance, sous réserve de la parution prochaine d’une nouvelle réglementation, il n’existe pas, à ce stade, de disposition particulière permettant à des expatriés de disposer d’un délai supplémentaire d’un an.
Monsieur Leconte, je saisis l’occasion que m’offre votre question pour saluer votre implication dans ce dossier, et je vous renouvelle l’assurance que nos services sont à votre écoute sur ce sujet, qui est au cœur des préoccupations des affiliés français de la CFE résidant sur le sol américain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour cette réponse. Toutefois, dans la perspective de l’application prochaine de la loi « Obamacare », il est important que la CFE confirme de manière définitive qu’elle remplit bien les obligations de la loi, ce qui n’est pas le cas pour l’instant, les attestations qui lui ont été délivrées ne répondant pas aux exigences de la loi américaine. Cette confirmation devient de plus en plus urgente, en particulier si les résidents étrangers ne peuvent disposer d’un délai supplémentaire d’un an.
Je profite de l’occasion pour inciter le Gouvernement à travailler sur la Caisse des Français de l’étranger et sur sa gouvernance. À cet égard, je me satisfais de la décision du Conseil constitutionnel qui a déclassé la loi précisant le mode de désignation du conseil d’administration de la CFE : j’espère qu’elle permettra au Gouvernement d’annoncer dans les toutes prochaines semaines un calendrier de concertation, de manière à adapter la caisse aux nouvelles exigences de l’expatriation et à rendre sa gouvernance plus universelle.
numerus clausus et désertification médicale
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 742, transmise à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Dominique Watrin. Madame la secrétaire d’État, fixé à 8 500 à sa création, le numerus clausus des médecins a atteint son plancher en 1993, au niveau de 3 500, avant de remonter progressivement pour s’établir à 8 000 aujourd’hui.
Pourtant, le numerus clausus semble un outil de régulation peu pertinent puisqu’il est désormais contourné par le principe de libre circulation dans l’espace européen. En effet, 24 % des médecins inscrits au tableau de l’Ordre en 2013 ont un diplôme étranger.
Nous prenons acte des mesures adoptées dans le pacte territoire-santé. Ce dernier prévoit la signature de 1 500 contrats d’engagement de service public d’ici à 2017. Toutefois, l’amélioration qui en résultera ne représente que 0,7 % de l’effectif actuel des généralistes, quand, selon les prévisions, le nombre de ces médecins devrait décliner beaucoup plus fortement.
La question de la démographie médicale se pose avec plus d’acuité encore dans la région Nord-Pas-de-Calais, compte tenu de sa situation sanitaire préoccupante, avec 70 % de surmortalité évitable, mais aussi de fortes disparités infrarégionales : par exemple, la démographie médicale est supérieure de 27 % à la moyenne nationale sur la Métropole-Flandre-Lys, mais inférieure de 27 % sur l’Artois-Douaisis. Avec 90,9 médecins généralistes pour 100 000 habitants, le bassin minier est largement en dessous de la moyenne nationale, laquelle est de 112. Le déficit est encore plus accusé pour les médecins spécialistes. Ainsi, le nombre de cardiologues et d’ophtalmologistes est inférieur de 32 à 50 % à la moyenne nationale.
Le Nord-Pas-de-Calais pâtit aussi d’un sous-effectif très net des hospitalo-universitaires, avec 93 professeurs d’université-praticiens hospitaliers, pour une moyenne nationale qui s’élève à 133. En réalité, le Nord-Pas-de-Calais est victime des choix des gouvernements successifs. Cette région de 4,5 millions d’habitants ne compte qu’un seul CHU. Pis, il n’y en a aucun dans le Pas-de-Calais, malgré ses 1 450 000 habitants !
Dans ces conditions, la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle à Lens devrait être affirmée avec force, afin de créer des conditions nouvelles pour fixer des spécialistes sur ce territoire et pour créer des liens attractifs avec les centres de santé du régime minier, lesquels, ouverts à toute la population, constituent un véritable atout en termes d’accès aux soins de premier recours.
Madame la secrétaire d’État, avez-vous la volonté politique de rééquilibrer la situation en matière de démographie médicale et de conforter la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir attiré l’attention de Mme Marisol Touraine sur le niveau du numerus clausus et sur ses conséquences sur l’offre sanitaire en région Nord-Pas-de-Calais.
Le doublement du numerus clausus des étudiants en médecine de 1999 à 2014 a permis d’affecter des postes supplémentaires dans les régions où la densité médicale était inférieure à la moyenne nationale. Ainsi, dans le Nord-Pas-de-Calais, le numerus clausus a été doublé entre 1999 et 2010 et s’établit, en 2014, à 552 places.
Pour autant, compte tenu de la durée des études de médecine, comprise au minimum entre neuf et onze ans selon la spécialité choisie, les effets de la hausse du numerus clausus sont nécessairement décalés dans le temps. Par ailleurs, il convient de considérer qu’il s’agit ici d’une régulation territoriale des flux de formation, qui ne permet pas à elle seule d’assurer une répartition équilibrée des professionnels de santé, au regard de la liberté d’installation dont jouissent ces derniers tant sur le plan géographique qu’en termes de mode d’exercice – hospitalier ou libéral, en particulier.
À la fin de l’année 2012, le Gouvernement a lancé le pacte territoire-santé, que vous avez évoqué, afin de disposer d’un certain nombre de leviers incitatifs pour lutter contre les déserts médicaux et les inégalités d’accès aux soins.
Dans ce cadre, le contrat d’engagement de service public permettra notamment de verser à des étudiants ou internes en médecine ou en odontologie une allocation de 1 200 euros par mois en contrepartie de leur engagement à exercer pendant au moins deux ans dans une zone géographique jugée déficitaire en professionnels de santé. Pour l’année universitaire 2013-2014, ce sont 290 contrats qui ont été signés, dont 12 pour la région Nord-Pas-de-Calais.
Le contrat de praticien territorial de médecine générale a quant à lui pour objet de favoriser l’activité de jeunes médecins dans les territoires manquant de professionnels de santé, en sécurisant leurs deux premières années d’installation par une garantie de revenus et une protection sociale améliorée.
Afin de garantir un accès aux soins urgents en moins de trente minutes, le nombre de médecins correspondants du SAMU a également considérablement évolué, passant de 150 en 2012 à 650 en 2014.
Par ailleurs, vous soulignez le déficit d’effectifs hospitalo-universitaires de la faculté de médecine de Lille. Dans un cadre budgétaire contraint ne permettant aucune création d’emploi, la révision des effectifs hospitalo-universitaires au titre de l’année 2014 a néanmoins conduit à la transformation, au centre hospitalier et universitaire de Lille, d’un emploi de maître de conférences des universités-praticien hospitalier en un emploi de professeur des universités-praticien hospitalier dans la discipline pédopsychiatrie.
Enfin, vous souhaitez que la vocation universitaire du futur pôle hospitalier de la Gohelle à Lens soit affirmée afin de rendre celui-ci attractif pour des médecins spécialistes. Le Gouvernement est particulièrement attentif aux actions actuellement engagées, permettant d’assurer la pérennité du centre hospitalier de Lens, avec un nécessaire retour à l’équilibre financier. Le développement de coopérations avec l’Association Hospitalière Nord Artois Cliniques ainsi qu’avec les centres hospitaliers du territoire de l’Artois-Douaisis permettra de dimensionner le futur pôle de la Gohelle et d’organiser une offre de soins cohérente et équilibrée. Les relations avec le CHU de Lille devront également permettre de déterminer les conditions de participation de ce futur pôle aux missions hospitalo-universitaires d’enseignement et de recherche.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la secrétaire d’État, vous avez précisé que le numerus clausus avait été doublé sur une période de plusieurs années, mais, dans le même temps, vous avez reconnu que ce dispositif ne permettait pas d’assurer une régulation équilibrée, en particulier dans des territoires comme le Pas-de-Calais, qui accuse des déficits importants en termes de démographie médicale. Pourquoi aucune mesure plus incitative, voire un peu plus directive, n’est-elle prise pour corriger ces inégalités ?
Vous avez soulevé la question des leviers incitatifs, évoquant notamment les 1 500 contrats d’engagement de service public qui doivent être signés. Mais il faut savoir que des projections à l’horizon 2018 ont établi que plus de la moitié de l’enveloppe prévue serait nécessaire pour compenser les déficits démographiques estimés pour la seule région parisienne ! Autant dire que les mesures annoncées sont insuffisantes pour régler la question, notamment sur mon territoire.
Dans votre réponse, vous avez indiqué que des efforts de recherche clinique seraient déployés sur le pôle hospitalier de la Gohelle, et qu’une relation devait être construite avec le CHU de Lille. Je pense que l’on reste en deçà de ce que l’on pourrait attendre : dans la mesure où le centre hospitalier de Lens développera ses activités dans trois secteurs – la neurologie, la cardiologie et la pneumologie –, l’enjeu est de fixer des spécialistes de ce CHU à Lens.
Au reste, vous n’avez pas du tout répondu sur les centres de santé. Le temps m’est compté, mais je veux rappeler combien ces centres sont importants pour ce territoire, en termes d’accès aux soins et compte tenu des difficultés financières des populations. Il y a là aussi un lien à construire, cette fois avec l’hôpital de Lens. Il s’agit de renforcer ces centres de santé, auxquels il faut véritablement donner une priorité de développement, en les aidant à fixer des spécialistes.
cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, auteur de la question n° 773, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Isabelle Debré. Madame la secrétaire d’État, le 31 janvier 2013, le Sénat adoptait une proposition de loi visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, avec des revenus professionnels.
Ce texte avait pour objectif, je le rappelle, de permettre aux retraités bénéficiant du minimum vieillesse de cumuler intégralement leur allocation avec les revenus tirés de la reprise d’une activité, dans la limite d’un certain plafond.
Avec cette mesure pragmatique, humaine et indolore pour les finances publiques, nous avions la possibilité de redonner leur dignité aux retraités modestes et de sortir ces derniers de la pauvreté dans laquelle la loi les maintient.
Examinée dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe UMP de l’Assemblée nationale, la proposition de loi a fait l’objet d’une motion de renvoi en commission le 25 avril 2013, ce qui conduit en pratique à en reporter sine die l’examen par la chambre basse.
C’est pourquoi, lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, j’ai tenu, avec mes collègues, à déposer le texte de cette proposition de loi sous la forme d’un amendement.
Cet amendement a été adopté et, sans y être toutefois favorable, Mme Touraine nous a confirmé que notre proposition était légitime. Je la cite : « Il paraît nécessaire de mettre en place un dispositif permettant aux bénéficiaires de l’ASPA de cumuler cette allocation avec l’éventuel revenu tiré d’une activité, une possibilité qui est déjà ouverte aujourd’hui aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés ou à ceux du RSA ».
Vous nous avez cependant précisé que l’intervention du législateur n’était pas nécessaire et qu’un décret suffisait, vos services ayant par ailleurs élaboré un projet de décret qui devait être transmis au Conseil d’État.
Or, depuis le 31 janvier 2013, quinze mois se sont écoulés et aucune décision n’a été prise sur le plan réglementaire. Certes, l’ASPA a été revalorisée de 0,6 % au 1er avril 2014, pour atteindre 792 euros par mois. Mais le seuil de pauvreté, je le rappelle, s’élève à 977 euros mensuels. Dès lors, peut-on se satisfaire de cette revalorisation ?
Pourquoi tant de temps perdu ? Pourquoi ne pas donner aux retraités les plus démunis la possibilité d’améliorer leurs ressources ? Pourquoi maintenir cette discrimination envers les retraités les plus pauvres ?
Le droit de travailler est un droit fondamental dans notre pays. Beaucoup de retraités aux revenus modestes attendent depuis longtemps de pouvoir librement bénéficier de quelques revenus liés à une reprise d’activité.
Voulez-vous, madame la secrétaire d'État, me préciser si vous faites toujours de ce dossier une priorité et dans quel délai le décret sera signé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, Mme Marisol Touraine avait pris devant la représentation nationale trois engagements en faveur des retraités les plus modestes lors de la discussion de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Elle s'était d’abord engagée à augmenter de 50 euros l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ; cette hausse de 10 % est effective depuis le 1er janvier dernier.
Ensuite, elle s'était engagée à revaloriser deux fois le minimum vieillesse en 2014 ; la première revalorisation a eu lieu en avril, la seconde aura lieu en octobre. Cet engagement sera donc également tenu.
Enfin, elle avait pris l’engagement d’autoriser par décret – c'est le point que vous évoquiez – un cumul entre minimum vieillesse et petits revenus d’activité. Comme les deux autres, ce dernier engagement sera tenu. Le projet de décret qui rendra possible ce cumul est en phase de consultation obligatoire auprès des caisses de retraite depuis quelques semaines, avant sa transmission au Conseil d’État. Il devrait donc être publié avant l’été.
Comme Mme Marisol Touraine vous l’avait précisé, elle a souhaité intégrer la création d’un mécanisme de cumul entre emploi et minimum vieillesse dans le cadre plus large d’une refonte du cumul emploi-retraite. Cette réforme structurelle a eu lieu lors de la réforme des retraites. Trois mois après, le décret est donc finalisé.
Jusqu’à présent, quand un bénéficiaire de l’ASPA travaillait, son allocation diminuait d’autant. Dès la publication du décret, les retraités pourront désormais cumuler leur minimum vieillesse avec des revenus d’activité, dans la limite d’un plafond, à travers un mécanisme d’abattement. Il s’agit d’un dispositif particulièrement simple, les revenus d’activité n’étant pas pris en compte jusqu’au plafond.
Mme Marisol Touraine tiendra donc, dans les délais voulus, les trois engagements qu’elle avait pris cet hiver devant la représentation nationale en faveur des retraités les plus modestes.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Je vous remercie de ces engagements, madame la secrétaire d’État.
Malgré tout, je regrette que le décret prime sur une loi issue de la représentation nationale, élue par les citoyens. Je regrette que l’on ait ainsi perdu presque deux ans – je pense que l’on aurait pu aller beaucoup plus vite.
Ce décret paraîtra donc avant l’été. Dont acte ! Votre réponse me paraît cependant un peu floue : vous nous parlez d’un plafond, mais lequel ? Dans la loi, nous avions fixé un plafond à 1,2 SMIC pour une personne seule et à 1,8 SMIC pour un couple...
Nous verrons donc si nous nous satisfaisons de ce décret et si, surtout, les personnes concernées auront enfin ce droit fondamental – j’y insiste – de pouvoir travailler et d’en tirer quelque bénéfice, car, comme vous le savez, toute peine mérite salaire.
Je trouve anormal que l’on ait attendu aussi longtemps pour permettre aux personnes les plus démunies de compléter leur retraite. Certes, vous avez revalorisé le minimum vieillesse, mais il reste bien en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est totalement inacceptable dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 716, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la situation des enfants d’origine étrangère recueillis dans le cadre de la « kafala ».
Prévue par le droit coranique, la kafala est un acte de recueil légal d’un enfant mineur qui ne crée pas de lien de filiation : il peut y avoir une adoption simple, mais pas d’adoption plénière. Cette procédure, appliquée dans la plupart des pays de droit musulman, est reconnue comme une mesure de protection de l’enfant par l’article 20 de la convention internationale des droits de l’enfant de 1989.
L’absence de reconnaissance par le droit français de la kafala – la règle de droit en France est en effet la loi personnelle de l’enfant – crée de nombreux problèmes pour les familles ayant recueilli un enfant dans ce cadre. Ainsi, le traitement des demandes de visa pour un tel enfant est extrêmement variable selon les consulats.
En 2009, le Médiateur de la République avait suggéré de transposer dans la loi plusieurs propositions : définition d’une procédure d’agrément applicable à la kafala ; application de la jurisprudence du Conseil d’État concernant le regroupement familial, l’enfant se trouvant en France auprès de ses nouveaux « tuteurs », en quelque sorte ; unification des règles relatives à la délivrance des visas à long terme pour les enfants concernés ; opposabilité de plein droit des effets juridiques de la kafala en France ; enfin, suppression du délai de résidence de cinq ans exigé pour l’attribution de la nationalité française, dans la mesure où la loi du pays d’origine prohibe l’adoption.
De nombreuses familles attendaient beaucoup du projet de loi « famille », et son silence sur la question de la kafala a donc été, pour elles, une grande déception.
À l’issue de différents travaux engagés à la suite de recommandations du Médiateur de la République – je pense en particulier à ceux qui ont été menés par un groupe de travail au ministère de la justice –, je m'interroge donc sur l’état des réflexions en cours au sein du ministère de la justice – et, madame, au sein de votre secrétariat d’État – sur le statut de la kafala et sur la question de savoir si les attentes légitimes des familles ayant recueilli un enfant sous ce statut pourront recevoir rapidement une réponse.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, Mme la garde des sceaux, actuellement à l’Assemblée nationale pour une audition devant la commission des lois, vous prie de bien vouloir excuser son absence.
La kafala est une institution qui a pour objet d’offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre ce dernier et la personne qui le recueille, assure son éducation et son entretien. La kafala est expressément reconnue par plusieurs conventions que la France a ratifiées.
S’agissant de la filiation, une modification de la loi actuelle ne paraît pas envisageable. En effet, l’article 370-3 du code civil, issu de la loi du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale, adoptée à l’unanimité par le Parlement français, prévoit que « l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».
Il ne serait donc pas raisonnable de revenir sur cette disposition qui repose sur le respect de la souveraineté des États prohibant l’adoption et qui est aussi conforme aux exigences de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur l’adoption internationale.
En ce qui concerne la suppression de la durée de résidence de cinq ans exigée pour l’acquisition de la nationalité française, la question mérite plus ample expertise et discussion : il ne faudrait en effet pas créer de différences de traitement entre, d’une part, les enfants recueillis par kafala et, d’autre part, les enfants nés de parents étrangers en France et y résidant, pour lesquels une résidence habituelle en France de cinq ans depuis l’âge de onze ans est exigée pour acquérir la nationalité à la majorité.
Au demeurant, les enfants recueillis par kafala ne sont pas dépourvus, en France, de statut. En effet, une kafala judiciaire, comme toute décision relative à l’état des personnes, est reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité n’est pas contestée. Si l’enfant n’a pas de filiation établie ou a été abandonné, il sera protégé au titre des règles relatives à la tutelle.
Si, en revanche, l’enfant dispose encore d’une filiation établie à l’égard de l’un de ses parents, la personne qui l’a recueilli en France sera considérée comme délégataire de l’exercice de l’autorité parentale.
D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt en date du 4 octobre 2012, a considéré que le dispositif français ne portait pas atteinte au respect de la vie privée et familiale, et ce d’autant que l’enfant, s’il devient Français ultérieurement, est ensuite adoptable.
Conscient toutefois de la nécessité de mieux faire connaître cette institution, le ministère de la justice entend rappeler par voie de circulaire les effets produits en France par une kafala, afin de faciliter les démarches effectuées par les familles.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, je dois dire que je suis un peu déçu par cette réponse qui signifie pour moi : « circulez, il n’y a rien à voir » ! Or, la question de la kafala revient régulièrement. J’en veux pour preuve qu’un groupe de travail, constitué au ministère de la justice, s'est penché sur cette question pendant deux ans ; il semble que ses travaux se soient évaporés…
Nous sommes confrontés aux parents qui rencontrent des problèmes de délais et de situation juridique de l’enfant. La Cour européenne des droits de l’homme peut bien dire que tout est parfait en France, je ne crois pas que cela soit le cas… Je pense que nous passons ici à côté d’une question importante. Nous pourrions, sans bouleverser le droit civil français, améliorer les choses, par exemple sur le délai de cinq ans ou l’adoption simple. C'est d’ailleurs ce qu’ont dit le Médiateur de la République et le groupe de travail du ministère de la justice…
Nous verrons donc, quand la loi « Famille » arrivera au Sénat, ce que nous déciderons de proposer.