M. François Patriat. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous connaissez tous le manque de cohérence des financements croisés, des compétences imbriquées, même si elles ont pu présenter des avantages. Le 9 avril, j’ai détaillé devant vous quatre axes de réformes : des régions élargies, dotées de compétences approfondies ; des intercommunalités redessinées, plus grandes et plus fortes ; des collectivités aux compétences clarifiées, avec la suppression de la clause de compétence générale ; enfin, une simplification majeure avec la suppression des conseils départementaux, qui donnera lieu à débat.
J’entends les critiques, les interrogations qui sont formulées. Mais je l’affirme de nouveau : moderniser nos collectivités, c’est clarifier leurs domaines d’intervention, ajuster leur périmètre pour affronter l’avenir. C’est aussi leur permettre de s’adapter à la diversité de nos territoires.
Nous devons être attentifs à cette diversité, aux territoires qui souffrent le plus, qu’il s’agisse de banlieues ou de zones rurales, aux communes, situées en métropole comme dans les outre-mer, qui se trouvent le plus en difficulté en raison de recettes très faibles du fait de la présence de nombreux de quartiers populaires. Ce travail devra être fait.
Enfin, nous en sommes bien conscients, il convient de tout faire pour préserver la capacité d’investissement des collectivités.
M. Michel Le Scouarnec. C’est incroyable d’entendre cela !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous connaissez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, la part de cet investissement dans l'investissement public et dans la croissance. Pour cette raison, ces 50 milliards d’euros d’économies sont évidemment calibrés.
Repenser nos structures territoriales, c’est aussi, nécessairement, repenser le rôle et la place de l’État.
L’État, c’est la colonne vertébrale de notre nation, qui doit être solide, notamment dans les territoires les plus fragiles, les quartiers de nos villes comme nos territoires ruraux.
L’État territorial, c’est une réalité très concrète pour nos concitoyens, à travers préfectures et sous-préfectures. Nous devons donc revoir et renforcer son organisation. Dans de nombreux territoires, notamment ruraux, l’échelon départemental conserve toute sa pertinence. Nous devons travailler et utiliser le levier de la réforme des collectivités territoriales pour réformer l’État territorial, et rapidement.
Pour être plus efficace, l’État devra aussi se recentrer sur ses missions, notamment à l’échelon central.
Préparer l’avenir de nos territoires, c’est aussi assurer leur égalité. Ce n’est pas un concept ; c’est un projet concret, attendu par nos concitoyens. Parce que nous n’acceptons pas que l’accès aux services publics de proximité soit différent selon le territoire où les Français vivent, nous devons résorber les fractures territoriales, qui sont très présentes dans notre pays depuis déjà plusieurs années. Nous nous en sommes encore plus rendu compte à l’occasion des dernières élections municipales.
Pour parvenir à cette fin, nous devons nous mobiliser dans bien des secteurs. J’en évoquerai un : les nouvelles technologies. L’accès au numérique est une chance pour l’avenir de nos services publics, pour nos territoires, pour nos concitoyens : il faut la saisir. Là aussi, l’objectif est simple : les services publics numériques doivent être accessibles en tout temps, en tout lieu, par tous. Vous connaissez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, la fracture numérique existant dans les territoires.
Enfin, l’avenir de nos territoires passe également par la transition énergétique. Cette dernière est un impératif environnemental, bien sûr. C’est surtout, pour de nombreux territoires, dans toute la France, une formidable opportunité de créer des emplois.
Il existe une cohérence entre le pacte, les économies nécessaires, le soutien au pouvoir d’achat, notamment par la baisse des prélèvements obligatoires, qui sont devenus insupportables depuis des années. Les impôts ont augmenté de 30 milliards d’euros entre 2010 et 2012, et de 30 milliards d’euros supplémentaires depuis. Un total de 60 milliards d’euros ! Nous savons, et nous en parlerons ce soir, à quel point ces hausses pèseront encore sur les feuilles d’impôts des contribuables à la rentrée prochaine. C’est la raison pour laquelle nous devons prendre des mesures.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce programme de stabilité ne dessine pas seulement une trajectoire des finances publiques pour les trois prochaines années. Ce que je vous propose, et c’est pour cela que j’ai parlé de vote fondateur devant l’Assemblée nationale,…
M. Roger Karoutchi. Oui, mais ici, pas de vote !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au Sénat, il n’est pas question de vote !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … c’est aussi une trajectoire pour notre pays, un programme de réformes.
Ces réformes, le Parlement les examinera sereinement. Vous en avez été informés, vous y êtes préparés, et vous y serez pleinement associés, très prochainement, lors de l’examen de textes financiers.
Je le répète : le Parlement a un rôle essentiel. Il ne doit pas être un témoin du redressement ; il en est l’un des acteurs naturels. Si je suis venu devant vous ce soir, c’est pour vous écouter. Le Gouvernement a besoin des représentants de la nation, des représentants des territoires, pour aller de l’avant.
J’ai souhaité m’exprimer en personne, devant vous,…
M. Michel Billout. C’est normal !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … parce que le moment est décisif.
La France est un grand pays. C’est la cinquième puissance mondiale. Nous connaissons ses talents, ses compétences, son abnégation, mais aussi ses doutes et les regards négatifs qu’elle porte sur elle-même. Les savoir-faire de nos entreprises sont reconnus en Europe et dans le monde. Nous croyons tous, quelles que soient nos tendances politiques, au-delà de nos différences, à la capacité de notre pays à se redresser. C’est en regardant la vérité en face, et en ayant le courage de la réforme, qui a trop tardé, que nous parviendrons à ce redressement !
Pour la réussite de la France, pour la réussite des Français, je vous propose de nous engager dans cette voie. Je sais qu’il existe des différences entre nous, que les oppositions sont présentes. Elles sont naturelles dans une démocratie, notamment au sein du Parlement.
Mais nous ne pouvons pas perdre de temps. Nous devons réformer, et avec courage. C’est à ce courage et à cette responsabilité que j’appelle tous les parlementaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les projets de programme de stabilité et de programme national de réforme occupent désormais une place centrale dans le débat politique, à l’échelon tant européen que national, comme l’ont clairement montré les discussions nourries de ces derniers jours.
Ces programmes constituent, en effet, un engagement pluriannuel en matière de finances publiques, c’est-à-dire tout à la fois celles de l’État, des organismes de sécurité sociale et des collectivités locales. Aussi s’agit-il d’une séquence importante. Il était donc légitime que le Sénat, après l’Assemblée nationale, puisse en débattre ce soir. En cet instant, je me réjouis de la présence de très nombreux membres du Gouvernement parmi nous, et je les remercie de l’intérêt qu’ils portent ainsi à notre institution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Avant d’évoquer le fond de ces programmes, il me paraît utile de dire quelques mots sur la gouvernance économique et budgétaire de la zone euro, car la transmission du programme de stabilité, puis la production de recommandations par le Conseil européen au début de l’été dernier, sur proposition de la Commission européenne, constituent la séquence la plus significative du « semestre européen ».
Certaines de ces recommandations peuvent parfois être perçues ici ou là comme une forme d’ingérence. Pourtant, c’est bien d’une gestion en commun de l’euro qu’il s’agit : l’avenir de la zone euro passe par une plus grande coordination des politiques et une plus grande solidarité. Nous ne pouvons pas demander à l’Allemagne de mettre en place un salaire minimum et d’accroître sa demande intérieure et, dans le même temps, refuser que des recommandations puissent être formulées sur nos propres comptes publics.
On ne peut d’ailleurs manquer de souligner les progrès importants accomplis en matière de gouvernance économique et budgétaire ; je pense, en particulier, à l’union bancaire, au sujet de laquelle un accord a pu être trouvé voilà quelques jours, ou encore aux avancées obtenues, tout récemment là aussi, en matière de coopération fiscale. Il reste cependant encore beaucoup à faire pour que l’Union économique et monétaire prenne davantage en considération la dimension sociale et le soutien à la croissance, au travers notamment d’une capacité budgétaire propre, et s’engage également vers une plus grande harmonisation fiscale, alors même que nous constatons que certains pays se livrent, au détriment de la cause commune, à des concurrences qui ne sont pas toujours très loyales. Ce sera, bien entendu, l’un des enjeux des élections européennes du mois de mai prochain que de peser en faveur de l’affermissement de certaines politiques européennes en la matière.
J’en reviens au programme de stabilité, qui repose sur une double exigence : d’une part, poursuivre de manière déterminée le redressement de nos comptes publics et, d’autre part, consolider la reprise économique, tout en améliorant la compétitivité de notre économie.
C’est l’affirmation de ces deux ambitions qui nous permettra d’élever notre croissance potentielle, de peser dans les débats européens en faveur d’une plus grande intégration et d’une plus grande solidarité et de retrouver des marges de manœuvre pour mettre en œuvre nos priorités.
La poursuite du redressement de nos finances publiques est un impératif majeur. La sortie de crise, plus lente que nous pouvions l’espérer, ainsi que des dépenses exceptionnelles – je pense, par exemple, à quelques contentieux européens laissés en héritage par la précédente majorité ! – nous ont conduits à décaler à trois reprises notre trajectoire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Eh oui ! C’est la réalité !
Mme Bariza Khiari. Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour autant, le Gouvernement a préféré ne pas durcir les mesures d’ajustement, au risque d’entrer dans une spirale récessive, surtout dans une période où les multiplicateurs budgétaires se sont révélés très supérieurs aux prévisions et où l’élasticité des recettes fut, au contraire, très faible. Ce choix pertinent nous a permis de renouer avec une croissance, certes modeste, …
M. Albéric de Montgolfier. Très modeste !
M. Éric Doligé. Oh oui !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … mais qui se consolide aujourd’hui d’une façon significative. (M. Éric Doligé rit.)
Dans ce contexte, la crédibilité de notre pays à l’égard non seulement de nos partenaires européens, mais aussi des investisseurs, repose sur le respect de notre trajectoire globale, ainsi que sur la mise en œuvre de réformes permettant de réduire structurellement la dépense publique et de garantir un redressement pérenne de nos finances. Ne pas respecter nos engagements fragiliserait, en outre, considérablement les nouvelles règles de gouvernance budgétaire, alors même que celles-ci constituent un fondement de la cohérence et de la stabilité retrouvée de la zone euro.
Aussi, le programme de stabilité prévoit d’atteindre un déficit public de 3 % du produit intérieur brut en 2015 ; le déficit structurel convergerait, par ailleurs, vers l’équilibre structurel en 2017.
Ce choix est, reconnaissons-le, exigeant, et les efforts qu’il nécessite de réaliser rapidement peuvent susciter des réticences et des inquiétudes parmi nos concitoyens. Ces inquiétudes ne peuvent nous laisser insensibles. Pour autant, l’impératif de redressement de notre pays exige de nous une grande détermination à agir.
Le second pilier du programme de stabilité repose sur la restauration de notre compétitivité, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre. Nous ne pourrons pas avancer durablement sur la voie d’une plus grande justice, que ce soit envers les jeunes, les personnes âgées ou les foyers défavorisés, sans avoir su produire au préalable les richesses nécessaires à cette fin.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or de nombreuses études ont montré, voilà encore quelques jours, que la position de la France s’était sensiblement dégradée au cours des dix dernières années.
M. Gérard Longuet. Les 35 heures !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce déficit de compétitivité, lié au coût élevé du travail et à la faiblesse de la compétitivité hors prix, a également été souligné dans l’avis qu’a rendu la Commission européenne dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, lequel mentionnait, notamment, un recul de nos parts de marché à l’export de 14 % entre 2007 et 2012. Ne pas remédier à cette situation, ce serait prendre le risque de ne plus attirer d’investissements, de ne plus créer d’emplois et, finalement, de nous appauvrir.
Dès lors, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des mesures fortes pour inverser cette tendance. Celles-ci visent à encourager l’innovation, avec la sécurisation du crédit d’impôt recherche et la mise en œuvre d’un crédit d’impôt innovation, ainsi que le développement du programme d’investissements d’avenir et l’engagement de trente-quatre plans de reconquête industrielle ; à réduire le coût du travail, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le pacte de responsabilité, qui permettra de porter à 30 milliards d’euros l’allégement du coût du travail ; à diminuer la fiscalité des entreprises, notamment celle qui pèse sur les facteurs de production, avec la suppression de la C3S ; et à simplifier de manière très importante les procédures et normes imposées aux entreprises. Ce dernier point est également essentiel pour favoriser l’initiative privée, réduire les coûts de gestion d’un certain nombre de procédures et moderniser les pratiques administratives, autant d’éléments qui contribueront à la croissance future.
Ces dernières mesures, issues d’importants travaux de concertation, conduits dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises ou du Conseil de la simplification pour les entreprises, sont de nature à favoriser la confiance des acteurs économiques, de même que la trajectoire pluriannuelle de baisse des dépenses publiques.
Je veux à présent évoquer les 50 milliards d’euros. (Ah ! sur les travées de l'UMP et du groupe CRC.)
Chacun le sait, le programme de stabilité prévoit une réduction des dépenses publiques de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017. Cette baisse sera répartie entre les différentes catégories d’administration en fonction de leur poids dans la dépense.
M. Dominique Watrin. C’est faux !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Elle permettra d’atteindre les objectifs qui ont été fixés pour respecter notre trajectoire, ainsi que de financer les allégements de prélèvements obligatoires au profit des entreprises, des travailleurs indépendants et des ménages prévus dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité.
Le respect de nos engagements passe par la mise en œuvre d’efforts importants dès 2014 : 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires seront nécessaires, afin d’étaler l’effort requis pour atteindre le seuil des 3 % de déficit public en 2015. En 2015 précisément, ce sont 21 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées : les dépenses publiques devraient ainsi progresser moins vite que l’inflation, ce qui constitue un effort inédit.
La programmation ne prévoit pas de réelles marges par rapport aux objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés, car il convient de concilier la réalisation de ceux-ci avec la nécessité de ne pas casser la reprise économique. Chacun le comprend, la croissance est la clé à la fois du redressement de nos finances publiques et de l’amélioration de notre compétitivité. C’est elle qui permettra de désendetter notre pays, d’investir, de réduire le chômage et de dégager des marges de manœuvre pour mettre en place nos priorités.
D’aucuns pourraient considérer que nous sommes en retard dans notre ajustement par rapport à nos principaux partenaires européens.
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pourtant, l’effort que nous avons accompli n’est pas moindre que celui qui a été réalisé par les principaux pays de la zone euro, hormis l’Allemagne. Notre positionnement en termes de déficit public et de dette publique est donc largement imputable à une situation particulièrement dégradée à l’issue de la crise. En 2010 et en 2011, les déficits effectif et structurel de la France étaient, j’y insiste, les plus élevés parmi les principaux États de la zone euro, après ceux de l’Espagne.
Que dire des taux d’intérêt appliqués à la dette française ? Nos taux d’intérêt restent heureusement très faibles, et l’écart avec l’Allemagne ne se creuse pas. C’est certainement parce que les marchés ne doutent pas de notre détermination à prendre les mesures nécessaires pour redresser notre compétitivité et nos finances publiques. Mais si les investisseurs devaient constater un affaiblissement de notre volonté de réduire la dépense publique, nous pourrions voir le coût de notre dette augmenter très sensiblement.
La mise en œuvre du programme de stabilité exigera, on l’a bien compris, des efforts importants de la part de tous.
Mme Éliane Assassi. Pas tous, non !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Une prise de conscience s’est opérée en France quant à la nécessité d’adapter et de moderniser notre modèle. D’autres pays ont, du reste, procédé à des ajustements de grande ampleur au cours de la décennie écoulée.
Il importe de souligner que le respect de notre trajectoire nécessitera l’engagement de réformes profondes de nos manières de piloter et de mettre en œuvre les politiques publiques. Je pense, notamment, à la santé, mais aussi, bien entendu, aux collectivités locales, dont le Gouvernement nous invite à repenser l’architecture ; et nous devrons sans délai réformer en profondeur la dotation globale de fonctionnement. (Exclamations sur les travées du groupe CRC. – Rires sur les travées de l'UMP.) Il faudra, en effet, que la diminution programmée des concours financiers de l’État prenne pleinement en compte la variété des situations des collectivités et assure une plus grande solidarité des plus riches d’entre elles vers les plus pauvres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C’est cette même exigence de solidarité qui devra être intégrée dans les choix concernant les ménages.
M. Éric Doligé. Ah !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tel est l’objet du pacte de solidarité, qui prévoit un allégement de charges de 5 milliards d’euros au profit des ménages les plus modestes.
Cette exigence sera également prise en considération pour ce qui concerne le gel des prestations sociales ou la prise en compte des effets de seuil au regard de l’imposition des revenus. Je vous ai bien écouté, monsieur le Premier ministre, vous avez souligné à quel point votre souci était fort de préserver le pouvoir d’achat des plus démunis, ce dont nous devons nous féliciter.
En somme, les efforts demandés ne pourront être consentis que s’ils s’accompagnent d’une solidarité accrue et de perspectives d’avenir prometteuses pour notre jeunesse.
À cet égard, il me paraît également essentiel que des chantiers importants, comme la révision des valeurs locatives, soient poursuivis, de même que des réflexions soient menées sur les questions de la progressivité de l’imposition des revenus et de la lutte contre la fraude.
La méthode retenue sera également déterminante. Il faudra de la transparence sur les objectifs et de la concertation quant au choix des moyens pour les atteindre : c’est la méthode qu’entend mettre en œuvre le Gouvernement, et je m’en félicite.
M. Pierre Charon. Cela en fait toujours un ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Il y en a au moins un dans le pays ! (Nouveaux sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, ce programme de stabilité, vous devez en convenir, révèle une ambition forte pour la France.
M. Roger Karoutchi. Mettez-le au vote !
M. Albéric de Montgolfier. Mettez-le au vote si vous êtes si sûrs de vous !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le chemin qu’il dessine est celui de la volonté et de la responsabilité. Nous ne réussirons qu’à la condition de tenir les engagements qu’il prévoit en matière de baisse des dépenses et des prélèvements obligatoires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Allez, chiche, on vote !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est ainsi que nous nous placerons à la hauteur de nos engagements européens. C’est ainsi que nous pourrons installer durablement un climat de confiance propice à une reprise robuste et durable. C’est ainsi, enfin, que nous nous mettrons en capacité de faire reculer le chômage dans notre pays.
Mme Éliane Assassi. Ça ne marche pas !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est la voie que le Gouvernement nous propose de suivre, et j’invite dès lors le Sénat à l’accompagner et à le soutenir activement dans son engagement et dans sa grande détermination ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également. – Nombre de sénateurs du groupe UMP scandent « Au vote ! Au vote ! » en frappant sur leurs pupitres.)
M. Pierre Laurent. On vote ?
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Arthuis. Oui, monsieur le Premier ministre, nous avons la mission de préparer l’avenir, et le débat auquel vous nous conviez ce soir est une épreuve de confiance et de réalisme.
Sommes-nous encore en mesure de maîtriser notre destin ? Le programme de stabilité est au cœur de la coordination au sein de l’Union européenne, et plus précisément au sein de la zone euro.
Convenons que cet exercice, depuis son institution, est resté largement formel, les gouvernements successifs se donnant, les uns après les autres, bonne conscience par des prévisions exagérément optimistes et décalées par rapport à la réalité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
M. Jean Arthuis. Je vous sais gré, monsieur le Premier ministre, de la solennité qui marque notre débat. Je regrette toutefois que vous renonciez à solliciter le vote du Sénat (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.), et j’étais naturellement attentif aux propos de notre rapporteur général, qui semblait lui aussi regretter que le Sénat, ce soir, ne puisse pas exprimer son opinion (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.) sur ce programme de stabilité et de réduction des dépenses publiques.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est la séquence « humour » du débat ?
M. Jean Arthuis. Je voudrais, si vous le permettez, tenter d’exonérer l’Europe.
Bien souvent, on entend, dans des propos sévères, que c’est l’Europe qui nous oblige à rétablir notre compétitivité et à redresser nos finances publiques. Au contraire, mes chers collègues, sans l’Europe, nous aurions corrigé sans délai nos égarements. Oserais-je dire que, sans l’euro, la crainte de la dévaluation du franc par rapport au deutsche Mark aurait coupé court à toutes les tentations dépensières et exagérément déficitaires. Exonérons donc l’Europe de ce mauvais procès ! Le seul reproche que nous puissions lui faire est de nous avoir offert un bouclier pour jouer les prolongations dans nos turpitudes.
Un sénateur du groupe de l’UMP. C’est vrai !
M. Jean Arthuis. L’art de gouverner a été facilité parce que l’euro nous mettait à l’abri de toute dévaluation par rapport au deutsche Mark.
Nous mesurons la gravité de la situation : désindustrialisation, chômage de masse, endettement public abyssal. Vos annonces, monsieur le Premier ministre, ont dramatisé le diagnostic et les enjeux, et nous sommes tous placés devant nos responsabilités. La volonté que vous affichez répond à la nécessité d’inverser la tendance, et d’équilibrer enfin nos comptes publics. Après deux années d’errements, vous entendez alléger le coût du travail, modérer la pression fiscale et, en conséquence, réduire la dépense publique à hauteur d’au moins 50 milliards d’euros sur la période 2015-2017. Cette orientation globale nous agrée, mais ne dissipe pas nos interrogations et nos doutes sur l’effectivité de votre programme de stabilité.
Je voudrais vous faire partager nos interrogations et nos doutes par rapport à ces deux priorités que sont, premièrement, la compétitivité et, deuxièmement, le redressement des finances publiques.
D’abord, en matière de compétitivité, le parti pris est d’alléger les cotisations sociales.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi est maintenu à hauteur de 20 milliards d’euros et, d’ici à 2016, l’effort d’allégement sera porté à 30 milliards d’euros.
Monsieur le Premier ministre, je salue le fait qu’un gouvernement de gauche ait fait tomber deux tabous de la République : le premier est de reconnaître qu’il y a un problème de poids des cotisations sociales dans notre pays. En effet, faire peser sur le coût du travail le financement de la protection sociale, c’est organiser assez méthodiquement la délocalisation des activités et des emplois.
M. Gérard Longuet. Il y a un excellent rapport sur le sujet !
M. Jean Arthuis. Avec le CICE, vous avez fait tomber ce premier tabou, de même qu’un second : l’augmentation de la TVA n’est pas nécessairement une impasse. Je tiens à rendre hommage à cette démarche courageuse et lucide. (Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. Cette belle unanimité fait plaisir à voir… (Rires ironiques sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Arthuis. Maintenant, je ne suis pas sûr que vous ayez fait le choix de la simplicité. D’abord, le CICE est un mécanisme de cosmétique budgétaire : au 31 décembre, les entreprises constatent une créance sur l’État, mais vous chercherez vainement dans vos comptes, monsieur le ministre du budget, la dette de l’État envers les entreprises ! On attend en effet une année supplémentaire pour en faire le constat. Cela ne facilite pas la pédagogie à laquelle vous êtes attaché, monsieur le Premier ministre.
Ensuite, vous avez décidé d’alléger totalement les cotisations sociales à hauteur du SMIC. Mais, ce faisant, vous avez créé une trappe à bas salaires, et vous allez donc perpétuer ce que d’autres ont fait avant vous. Vous oubliez de renverser la table, monsieur le Premier ministre ! De même, vous allez alléger les cotisations d’allocations familiales jusqu’à 3,5 SMIC. Là encore, vous avez créé un seuil. Complexité !
Pour vous le dire franchement, je regrette le Manuel Valls d’avant les primaires de l’automne 2011, celui qui n’hésitait pas à dire sa conviction que la TVA sociale pouvait être un bon instrument. Je regrette que le Premier ministre d’aujourd’hui n’ait pas trouvé les moyens de faire partager aux Français cette conviction.