M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Favorable !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 40.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas à cette heure de la nuit sur les conditions chaotiques d’examen de ce projet de loi, conditions qui n’ont pas facilité un débat plus approfondi.
Sur le fond maintenant, votre projet de loi, monsieur le ministre, est bavard, trop long, et sans portée normative.
Cependant, comme tout le monde, vous identifiez les problèmes structurels de notre agriculture : manque de compétitivité, mauvaise répartition de la valeur ajoutée, recherche insuffisante.
Oui, mes chers collègues, la réalité est cruelle : la France est désormais placée au cinquième rang mondial pour les exportations agroalimentaires, malgré un potentiel technique et un patrimoine historique que beaucoup de pays nous envient.
Malheureusement, ce texte tente à lui tout seul d’apporter une réponse immédiate à chacun de ces défis, et je crois pouvoir dire que l’essai ne sera concluant nulle part.
Croyez-vous sincèrement que votre GIEE, dont on ne connaît pas la finalité financière, que votre obscur médiateur des contrats, que vos incantations sur la compétitivité, sur l’extension du droit d’information des SAFER ou sur le fonctionnement de la CDCEA, permettront de répondre à ces défis ?
Ce projet de loi n’est tout simplement pas à la hauteur des enjeux que je viens d’évoquer.
Je tenais tout de même à dire, au nom du groupe UMP, toute notre satisfaction de voir reconnaître le vin comme partie intégrante du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France. (Exclamations amusées et marques de satisfaction sur un grand nombre de travées.) Je remercie le rapporteur et le ministre de leur soutien sur cette question.
Pour le reste, les sources de satisfactions sont rares.
Cette agitation législative ne trompe personne. Monsieur le ministre, votre texte élude les problèmes que rencontre notre agriculture, en premier lieu la question des charges sociales, puisque vous ne prévoyez aucun allégement. Vous ne faites qu’imposer au monde agricole des normes nouvelles, comme les déclarations d’azote supportées par les distributeurs et transporteurs ou le bail environnemental.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt suscite beaucoup d’attentes et d’espérances au sein du monde agricole.
Au cours de cette lecture au Sénat, nous avons conservé l’économie générale du texte, tournée vers la promotion de l’agroécologie, pour laquelle j’ai exprimé l’intérêt de mon groupe lors de la discussion générale, même si certains de mes collègues du RDSE auraient préféré la promotion de l’agriculture raisonnée.
Globalement, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à conserver différents équilibres : équilibre entre les impératifs environnementaux et sanitaires et la nécessité de ne pas fragiliser la compétitivité des exploitations ; équilibre entre l’obligation de préserver les terres agricoles et le respect de la libre administration des collectivités locales dans l’élaboration des documents d’urbanisme ; équilibre encore entre l’organisation d’une meilleure exploitation de la forêt et la gestion cynégétique.
Bien sûr, monsieur le ministre, j’aurais souhaité que davantage de nos amendements connaissent un sort plus favorable. Je suis en tout cas satisfait de l’adoption de l’amendement sur la lutte contre la prolifération des loups, cher à mon collègue Alain Bertrand, de celui sur les biens de section motivé par le président Jacques Mézard, rare spécialiste de la question, et de notre amendement complétant la réforme de la gouvernance des SAFER.
D’autres ont été satisfaits, dans un élan partagé sur plusieurs travées. Je pense notamment à la diffusion des résultats des GIEE par les organismes de développement agricole ou à la suppression de la limitation à 15 % de la marge réalisable sur la fourniture d’antibiotiques d’importance critique.
Nous avons aussi avancé ensemble sur le registre des actifs agricole pour l’élargir aux pluriactifs.
Monsieur le ministre, la deuxième lecture nous permettra – j’en suis certain – d’améliorer encore, en bonne intelligence, quelques dispositifs du projet de loi. En attendant, le RDSE, dans sa grande majorité, approuvera ce texte, car, derrière toutes ces mesures souvent très techniques, le véritable enjeu pour notre pays est de conserver une place de grande nation agricole pionnière dans le développement des bonnes pratiques.
Enfin, je tenais à vous remercier d’avoir fait preuve d’une grande pédagogie, et parfois même de patience ! Vous avez montré une très fine maîtrise des questions agricoles, ce qui, vous connaissant, ne nous surprend guère.
J’aimerais également féliciter les rapporteurs ainsi que les membres de la commission des affaires économiques, qui ont effectué un travail tout à fait remarquable. Nos travaux n’ont pas été dénués de poésie, avec l’évocation de la lavande, du chocolat, des omelettes aux truffes et des paysages parfumés… Nous avons travaillé dans un très bon esprit et, de cela, nous pouvons tous nous féliciter : un grand merci à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de nos débats sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. L’examen de ce texte dense, mais fondamental pour les agriculteurs et pour des pans entiers de notre activité économique, a montré, une fois encore, l’expertise précieuse des sénatrices et des sénateurs dans les domaines agricole, forestier et environnemental.
En commission comme en séance publique, l’expérience locale de notre Haute Assemblée a permis de nourrir la réflexion et de mieux prendre en compte les réalités de nos territoires. J’aimerais également souligner le travail colossal réalisé au sein des trois commissions et remercier les rapporteurs Brigitte Gonthier-Maurin, Pierre Camani, Didier Guillaume et Philippe Leroy ainsi que les administrateurs.
Le projet de loi et, au-delà, les engagements que le ministre a pris en séance publique, nous conduisent à soutenir en ce domaine précis l’action du Gouvernement dans la construction et la mise en œuvre d’une politique agricole, alimentaire, forestière et environnementale reconnaissant le travail des agriculteurs et des forestiers au service de nos concitoyens.
Les engagements pris ici en termes de santé publique, de sécurité sanitaire, de protection de l’environnement, sont fondamentaux, et nous serons particulièrement vigilants sur la voix que portera la France dans les négociations internationales ouvertes, notamment, dans le cadre du traité transatlantique.
Cela dit, le Gouvernement n’a pas su nous convaincre sur certaines dispositions. Il en va ainsi du transfert à l’ANSES des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires. Historiquement, nous avons toujours combattu cette tentation du « péril État » au travers de la création d’autorités administratives dites « indépendantes ».
Le même constat peut être dressé en ce qui concerne la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France. Le statut, le périmètre, les missions, le financement et la gouvernance de cet institut demeurent trop flous. Il nous paraît nécessaire de reprendre la concertation avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur agricole.
Ensuite, nous regrettons que les amendements parlementaires soient trop souvent tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Plusieurs de nos amendements en ont été victimes : des amendements sur les retraites agricoles, d’autres visant à mettre un terme aux surcotisations injustes ou à appliquer le code du travail aux salariés des chambres d’agriculture ou encore des amendements concernant les SAFER.
Heureusement, nous avons également été entendus par la commission et le Gouvernement et suivis dans nos propositions par le Sénat.
L’affirmation de la promotion de circuits courts dans la production, la transformation et la production est désormais intégrée à l’article 1er du projet de loi, qui détermine les objectifs de la politique agricole.
Nous nous réjouissons que nos propositions visant à affirmer la dimension sociale des GIEE, à garantir une animation gratuite au service des agriculteurs ou à préciser que les majorations d’aides bénéficient en priorité aux exploitants agricoles aient été adoptées.
En ce qui concerne les relations commerciales, il faudra de la volonté, et des idées, pour mettre fin aux comportements abusifs de certains distributeurs. Il est étonnant que les monopoles publics qui servaient l’intérêt général aient été démantelés et que le monopole privé des centrales d’achat perdure.
Nous sommes satisfaits que notre amendement sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes élargie à une liste de produits alimentaires ait été adopté. Nous comptons sur la diligence du ministère de l’agriculture pour prendre le décret nécessaire.
S’agissant des documents d’urbanisme, nous saluons le point d’équilibre trouvé par le Sénat, tendant à limiter l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et à préserver la libre administration des collectivités locales.
En ce qui concerne la question de l’installation, qui me tient particulièrement à cœur, nous nous réjouissons que la politique d’installation prenne en compte la situation des jeunes qui ne disposent pas des diplômes légalement requis pour exercer des activités agricoles.
L’adoption de notre amendement concernant la prise en compte du temps de travail nécessaire à la conduite de l’activité au titre de l’importance minimale de l’exploitation agricole requise pour que le dirigeant soit considéré comme chef d’exploitation est également une bonne chose.
Il s’agit, par ces deux ajouts, de consolider une agriculture diversifiée dans ses modes d’exploitation et ses exploitants.
Enfin, nous soulignons l’importance des dispositions prises en faveur d’une réduction des produits phytosanitaires. Elles sont l’aboutissement du travail de la mission d’information sénatoriale, à laquelle j’ai participé. L’ajout dans les insertions publicitaires de l’obligation de mettre en avant les dangers potentiels pour la santé humaine et animale et pour l’environnement est une première étape. Il nous faudra aller plus loin.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste, républicain et citoyen votera le projet de loi, mais il restera particulièrement vigilant pour que les avancées actées par le Sénat ne disparaissent pas en cours de navette. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, on peut regretter le caractère chaotique du calendrier de nos travaux sur ce projet de loi, mais il faut saluer l’effort de tous nos collègues qui ont tenu à venir siéger malgré les changements de dernière minute intervenus dans l’organisation de la discussion de ce texte. C’est la preuve du sérieux des sénateurs et de leur engagement pour l’agriculture française, et ce sur toutes les travées.
L’agriculture est à la fois l’un des secteurs les plus traditionnels de notre pays et un secteur porteur d’avenir, un fleuron de notre économie en évolution permanente. C’est sans doute ce paradoxe qui est à l’origine de notre attachement à ces agriculteurs et à ces agricultrices qui font vivre tout un pays, et même plus.
Sur le fond du texte, je dois avouer un sentiment en demi-teinte. Ce projet de loi, monsieur le ministre, contient certaines améliorations intéressantes, mais il ne constitue, dans de nombreux domaines, qu’une sérieuse mise à jour, et non une « loi d’avenir ».
L’équilibre trouvé entre performance économique et recherche d’une agriculture verte nous semble meilleur à l’issue de l’examen par Sénat, par rapport à ce qu’il était après la lecture à l’Assemblée nationale. Nous serons vigilants lors du prochain examen du texte par les députés.
Un point important suscite encore notre désaccord. Il s’agit de l’article 16 bis A, sur le registre des actifs agricoles : leur définition et leur gestion restent à définir. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que le Gouvernement avance sur cette question avant la deuxième lecture, car votre position ne nous a pas semblé tranchée.
Pour nous, le texte proposé constitue certes une première avancée pour définir qui est agriculteur, mais il ne permet pas de véritablement qualifier les agriculteurs professionnels. La définition retenue exclut certains agriculteurs et, à l’inverse, conduit à en reconnaître certains qui ne le sont parfois pas.
Par ailleurs, nous souhaitons que ce soient les centres de formalités des entreprises des chambres d’agriculture qui gèrent le registre des personnes immatriculées.
Nous sommes aussi déçus par la place de l’enseignement agricole dans ce texte.
Le groupe UDI-UC a permis l’adoption de différents amendements, notamment un amendement de M. Amoudry, concernant la reconnaissance de la spécificité de l’agriculture de montagne et la prise en compte du pastoralisme ; un amendement de M. Lasserre, concernant la mise en réseau des GIEE ; un de Mme Férat, identique à un amendement du rapporteur, diminuant le montant maximal de la sanction appliquée aux notaires ; un de M. Jarlier, précisant que les représentants des intercommunalités peuvent être membres de la CDPENAF ; et un autre de M. Vanlerenberghe, précisant que la CDPENAF ne donnerait pas d’avis sur les projets de PLU compris sur des territoires déjà couverts par un SCOT.
Par ailleurs, grâce à un amendement de M. Dubois, et sur la proposition du président de la commission, la création d’une mission d’information sur la simplification des normes qui pèsent sur les agriculteurs a été actée.
Avant de conclure, je tenais à remercier les rapporteurs. Ils ont fait preuve d’écoute et de sens du compromis, si nécessaire à nos travaux, plus encore quand il s’agit de textes agricoles.
Monsieur Guillaume, vous avez, dès le travail en commission, tenu à écouter tous les groupes de notre Haute Assemblée, parfois contre l’avis du Gouvernement. Je salue vos convictions et votre flexibilité, qui ne se sont pas démenties en séance publique. Avec le président de la commission, vous avez formé un binôme efficace sur ce projet de loi ; notre groupe est unanime pour le reconnaître.
Je vous remercie également, monsieur le ministre, de la patience et de la pédagogie dont vous avez fait preuve – d’autres avant moi l’ont souligné. Je vous demande de défendre les positions arrêtées par le Sénat face aux députés en deuxième lecture, afin de faciliter le retour du texte devant notre assemblée. Je souhaite également que vous continuiez à approfondir les sujets pour lesquels vous nous avez promis des réponses.
En conclusion, et pour toutes ces raisons, une très grande majorité du groupe UDI-UC s’abstiendra sur l’ensemble de ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de nos travaux. Compte tenu de l’heure, je serai brève, mais je tenais à vous dire ma satisfaction, car le texte que nous nous apprêtons à voter va permettre un renouveau de l’agriculture en France, en mettant en place l’agroécologie, en transformant les pratiques des professionnels – agriculteurs et forestiers – pour les orienter dans un sens plus collectif et plus respectueux de l’environnement, tout en redressant la compétitivité de l’agriculture française.
Chacun ici y a contribué à sa façon, à commencer par nos rapporteurs et M. le ministre, que je tiens à saluer pour la qualité de son travail, l’écoute dont il a fait preuve et la pertinence des réponses, argumentées, pédagogiques et convaincantes, qu’il nous a apportées.
Le Sénat a validé les principales innovations introduites par le projet de loi : le groupement d’intérêt économique et environnemental, le GIEE, et son pendant forestier, le GIEEF ; le renforcement de la politique d’installation en agriculture et de la protection du foncier ; la création du registre des agriculteurs ; le transfert d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ; la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France.
Le Sénat a également su faire évoluer le texte. Il a renforcé la dimension sociale des GIEE, assoupli le bail environnemental, et simplifié la procédure de reconnaissance des groupements agricoles d’exploitation en commun. Nous avons aussi renforcé la protection des terres agricoles, créé la compensation agricole, accru les pouvoirs des SAFER et affermi la politique de contrôle des structures agricoles.
Le Sénat a également renforcé le droit d’opposition de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, sur les dépôts de marques commerciales et facilité la communication sur les produits frais dans les médias publics.
Il a précisé l’encadrement de l’utilisation des antibiotiques vétérinaires, notamment en interdisant de pratiquer des tarifs différenciés selon les catégories de clients auxquels seront vendus les antibiotiques et en supprimant le plafonnement à un maximum de 15 % de la marge avant sur la vente de certains antibiotiques. Il a également renforcé l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de la publicité portant sur ces derniers.
Je tiens à souligner les avancées en matière forestière, en particulier la reconnaissance de la multifonctionnalité de la forêt et de ses fonctions d’intérêt général. Je salue la gouvernance qui a été mise en place, et j’espère que le compte d’affection spéciale, qui a été voté par le Sénat, sera maintenu par l’Assemblée nationale.
Au final, nous parvenons à un beau texte, qui favorisera le renouveau de l’agriculture de demain et va dans l’intérêt des agriculteurs, des forestiers et même des chasseurs, le dialogue avec ces derniers étant désormais rétabli.
Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt donne une direction, de la visibilité et de la confiance en l’avenir. Le groupe socialiste le votera donc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi affiche clairement l’ambition de faire évoluer notre agriculture vers une agriculture ouverte sur la société, en prise avec les demandes sociales des agriculteurs, comme des citoyens, prête à relever les défis du renouvellement des générations, de la préservation des ressources et de la valeur ajoutée. Il fait preuve de responsabilité politique et pose les bases d’une gestion collective de l’agriculture.
Pour autant, certaines des dispositions phares du texte initial ont été quelque peu affaiblies au Sénat, ce que nous regrettons.
Ainsi, on note le retour d’un certain corporatisme de la profession agricole.
De la même manière, nos discussions sur le foncier ont montré encore une fois la prépondérance d’une vision plutôt conservatrice. En effet, la libre administration des collectivités et le droit de propriété l’ont emporté clairement sur l’objectif de maintien du potentiel agricole et sur l’installation des agriculteurs.
Au contraire, au nom du groupe écologiste, j’ai voulu défendre, tout au long de nos débats, une agriculture de proximité, répondant aux besoins alimentaires des habitants, une économie territoriale à même de permettre un aménagement du territoire harmonieux, lequel doit être notre objectif commun.
En séance, beaucoup de nos amendements n’ont pas connu un sort heureux. En commission, en revanche, un nombre important de nos amendements ont été retenus, et nous avons pu y réaliser un travail de qualité. Je tiens, à cet égard, à saluer non seulement M. Daniel Raoul, pour l’écoute dont nous avons bénéficié et pour la manière dont il a animé les travaux, mais aussi l’ensemble des rapporteurs ainsi que M. le ministre et les membres de son cabinet.
Le travail est engagé. Pour notre part, nous le considérons comme une étape : si nous ne sommes plus au milieu du gué, nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Nous voulons aller plus loin, mais sommes satisfaits de voir que les choses avancent, et avancent plutôt bien. Au reste, nous n’en sommes qu’à la fin de la première lecture ! Il va encore se passer des choses. Bien évidemment, nos exigences ne seront pas diminuées : nous espérons avancer encore, dans l’intérêt de tous.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tout texte législatif, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt aura été élaboré en plusieurs étapes : un grand travail préparatoire du ministre, un examen et des auditions en commission, puis une discussion en séance publique.
Malgré un ordre du jour chaotique – mais nous avons quand même pu travailler, et la nuit n’est pas si avancée… (Exclamations.) –, nous avons vraiment pu faire évoluer le projet de loi pour préparer l’agriculture aux défis de demain. Je veux rappeler quelques-unes des avancées, obtenues grâce au travail de tous. Et je veux remercier les sénatrices et les sénateurs des groupes de la majorité comme de l’opposition, qui ont contribué, en commission comme en séance, à le faire avancer. Je remercie en particulier tous nos collègues qui ont assisté aux nombreuses auditions.
Au final, le texte a été amélioré par quelque 460 amendements, 245 ayant été adoptés en commission et 219, en séance. En séance, près de 170 amendements de la majorité et plus de 50 de l’opposition ont été acceptés, ce qui montre bien que tous les groupes ont été entendus et écoutés.
Le débat en séance a duré une quarantaine d’heures. Sur un projet de loi d’avenir sur l’agriculture, il était nécessaire que nous débattions si longtemps.
Le texte sort du Sénat non pas dénaturé, mais renforcé. J’espère que le ministre saura l’accompagner à l’Assemblée nationale de manière que les apports du Sénat y survivent à la deuxième lecture et que, lorsque nous reprendrons nous-mêmes le texte, nous puissions finaliser un certain nombre de points.
L’apport du Sénat est de trois ordres : des mesures de simplification, la prise en compte des réalités économiques du monde agricole et l’affirmation du volontarisme politique.
Je prendrai quelques exemples de mesures de simplification, auxquels le groupe UDI-UC, par la voix de M. Tandonnet, vient de se déclarer très attaché – les autres groupes le sont sans doute tout autant.
Nous avons allégé certaines contraintes d’urbanisme qui s’imposaient aux agriculteurs, notamment aux articles 12 bis A, 12 bis B et 12 bis C. Sur ce point, nous avons avancé dans le bon sens.
Nous avons permis que l’ensemble des agriculteurs actifs et pluriactifs soient pris en compte dans le répertoire des actifs agricoles. C’est une avancée immense par rapport au texte initial. Il faudra aller plus loin sur la question de la gestion du registre. Il n’empêche, le ministre a pris des engagements, et les choses avanceront en deuxième lecture.
Il est une autre avancée importante, que je tiens à souligner : le titre emploi-service agricole, créé sur l’initiative du Gouvernement.
Après un très long débat, la Haute Assemblée s’est laissé convaincre par les arguments du ministre et a voté le transfert des autorisations de mise sur le marché à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Monsieur Le Cam, une autorité indépendante de cette qualité doit aller jusqu’au bout de ses missions !
Nous avons également simplifié l’obligation de conseil sur les produits phytopharmaceutiques. Ce point a donné lieu à des amendements de tous les groupes. Finalement, nous en sommes revenus à un seul conseil par an, solution suffisante pour les produits récurrents.
Mes chers collègues, nous pouvons être fiers de ces simplifications.
Nous avons aussi pris en compte les réalités économiques du monde agricole. Elles sont importantes.
Ainsi, nous avons encadré le bail environnemental. Tout à l'heure, M. César parlait de contraintes. Mon cher collègue, permettez-moi de vous rappeler d’où nous partons ! Le nouveau bail environnemental que le Sénat a voté – à l’unanimité en commission – permet justement de desserrer les contraintes. L’objectif, c’est l’accès au foncier, c’est l’installation des jeunes. À cet égard, la mesure que la Haute Assemblée a votée va dans le bon sens, et je pense que tout le monde en est vraiment satisfait.
Nous avons aménagé la « clause miroir » sur les coopératives. Rappelez-vous le débat que nous avons eu sur ce point ! Dans sa sagesse, la Haute Assemblée n’est pas allée dans le sens du texte initial, pour permettre aux coopératives d’avoir plus de libertés, notamment en matière de concurrence et de prix.
Nous avons apporté d’importantes améliorations à la contractualisation, notamment pour renforcer l’action collective.
Sur l’initiative du groupe UDI-UC, nous avons amélioré le bail cessible. Cette avancée est considérable.
Surtout, malgré l’absence d’unanimité sur ce point, en particulier sur les travées de la majorité, et à l’issue d’un important débat, le Sénat a préservé le rôle des interprofessions et la possibilité pour elles de passer des accords.
Ces avancées sont essentielles sur le plan économique. J’espère qu’elles demeureront dans le texte jusqu’au bout. En effet, nous avons abordé ce projet de loi non pas avec dogmatisme, mais avec pragmatisme – je l’avais d’ailleurs indiqué –, parce que les agriculteurs sont pragmatiques.
Enfin, les mesures que nous avons adoptées constituent l’affirmation d’une volonté politique, l’agriculture étant aussi une action politique. Il ne faut pas avoir peur d’avancer !
Ainsi, nous avons inscrit l’innovation au sein du titre Ier et nous en avons fait un objectif de l’enseignement supérieur et la recherche. L’innovation est essentielle dans l’agriculture : l’agriculture de demain ne s’en sortira que si elle est innovante.
Il n’était pas acquis que nous nous rallions tous à la triple performance économique, sociale et environnementale des groupements d'intérêt économique et environnemental, les GIEE. Nous avons finalement tous accepté qu’une dimension sociale leur soit ajoutée.
Nous avons intégré dans le texte les compensations agricoles en nature, chères à MM. Lasserre et Dubois. Le ministre s’est engagé à aller plus loin sur ce plan – en tout cas, à en discuter d’ici à la deuxième lecture. C’est la première fois que la compensation agricole est inscrite dans le code rural. Les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics devront, par exemple, réaliser de grandes infrastructures en seront modifiées.
Le renforcement du rôle des SAFER – nous en avons parlé durant une heure trois quarts ! – était indispensable, notamment pour l’installation des jeunes.
Il est un autre signe de notre volontarisme : nous avons réaffirmé la place des laboratoires départementaux d’analyses. Cette mesure, passée comme une lettre à la poste, est très importante.
Sur l’enseignement agricole, nous avons eu des discussions fortes avec Mme Férat. Nous y reviendrons certainement, au regard notamment des propos qu’a tenus le ministre. Et peut-être, madame Férat, vos derniers amendements, qui n’ont pas été adoptés, seront-ils intégrés au texte, car il est prévu que nous reparlions sérieusement du sujet.
Enfin, dans ce projet de loi, il y avait la volonté de réaffirmer une fois de plus que l’enseignement agricole est un joyau. C’est la prunelle de nos yeux ! Il permet que les jeunes qui y entrent en sortent avec un métier. Il faut le réaffirmer sans cesse, mais il fallait aussi aller plus loin en mettant véritablement l’enseignement supérieur à l’ordre du jour. C’est ce que nous avons fait.
À ce titre, la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF, est importante. Elle a donné lieu à de longs débats. Je veux vraiment saluer le rôle qu’a joué, sur ce plan, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en particulier sa présidente et la rapporteur pour avis, Mme Brigitte Gonthier-Maurin : les avancées qu’elle a apportées ont été fondamentales pour que ce texte soit enfin voté.
Je veux évidemment évoquer aussi les grandes avancées sur le loup ainsi que la reconnaissance du vin et des terroirs agricoles comme parties du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France. Mes chers collègues, que diriez-vous de fêter cet événement autour d’un bon verre d’Hermitage ou de Crozes-Hermitage ? (Sourires.)
Mes chers collègues, nous avons fait du bon travail. Je veux vraiment vous en remercier. J’ai pris beaucoup de plaisir à exercer mes fonctions de rapporteur. Cela n’a pas toujours été évident, mais nous nous sommes tous retrouvés avec la même volonté : celle de parler des agriculteurs et de l’agriculture.
Je veux remercier les rapporteurs pour avis, mes collègues de la commission ainsi que les services du Sénat, notamment les administrateurs de la commission, pour la qualité de leur travail.
Maintenant, que nous reste-t-il à faire ? Dans un premier temps, il nous reste à voter ce texte. Au regard des avancées auxquelles le Sénat a abouti, j’espère que ce vote sera le plus large possible. Puis, il nous restera à attendre la deuxième lecture, pour aller encore plus loin.
Enfin, je veux terminer par vous rendre hommage, monsieur le ministre. Tout à l'heure, notre collègue Jean Boyer disait que vous étiez un « grand ministre » : grand par la taille, grand par la façon dont vous avez abordé ce débat. Vous avez refermé les portes quand vous l’avez estimé nécessaire, mais vous les avez laissées ouvertes lorsque vous pensiez que les propositions du Sénat constituaient des avancées. Je veux vraiment vous remercier de cette ouverture.
Monsieur le ministre, vous pouvez être fier de votre loi ! La transition vers l’agroécologie, l’économie placée au cœur du dispositif permettront aux agriculteurs de France et à l’agriculture française de faire face aux défis de l’avenir.
Aussi, mes chers collègues, j’espère vraiment que ce texte sera voté le plus largement possible, de manière que, en deuxième lecture, les avancées permises par le Sénat et indispensables à l’avenir de notre agriculture soient confortées. (Applaudissements.)