M. Francis Delattre. Cessez de le faire souffrir !
M. Jean-Vincent Placé. Ou bien serez-vous le gouvernement qui continuera de dilapider plus de 3 milliards d’euros par an sur le nucléaire militaire au lieu de les mettre sur la santé, l’agriculture saine, les transports publics ?
Serez-vous le gouvernement de l’inertie ou du communautarisme économique qui écoute « pigeons » et « bonnets rouges » ? (Pire ! sur les travées de l'UMP.) Ou bien serez-vous le gouvernement qui écrira une nouvelle page dans l’histoire de l’industrie française ? Une page évidemment écrite en vert. (Marques d’ironie sur les mêmes travées.)
La question, monsieur le Premier ministre, peut se résumer ainsi : serons-nous les témoins d’un déclin français ou les acteurs du réveil de la confiance d’un peuple durement malmené depuis une dizaine d’années ?
M. Roger Karoutchi. Oh là là !
M. Jean-Vincent Placé. À vous d’en décider.
Un grand Premier ministre a dit un jour lors d’un discours de politique générale…
M. François Grosdidier. C’est Ayrault !
M. Jean-Vincent Placé. … que l’espoir pouvait renaître…
M. Francis Delattre. Ayrault !
M. Jean-Vincent Placé. … si le discours et l’action étaient réconciliés. C’était en 1988 et il s’appelait Michel Rocard ; vous étiez déjà, monsieur le Premier ministre, auprès de lui.
M. Robert del Picchia. Ça va mal finir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le Premier ministre, et pour conclure (Ah ! sur les travées de l'UMP.),…
M. Robert del Picchia. Encore ! Encore !
M. Jean-Vincent Placé. … vous n’aurez de notre part ni blanc-seing ni procès d’intention ; ni carton rouge ni carte blanche. Nous ne verrons que les actes et les faits.
Aussi, faites mentir nos inquiétudes, faites taire les esprits chagrins.
M. François Grosdidier. On est joyeux !
M. Jean-Vincent Placé. Osez ce nouveau contrat écologique et social. Osez ces grandes réformes dont la France a besoin. Elles vous permettront de retrouver la confiance entamée des écologistes – ce n’est probablement pas l’essentiel aujourd’hui – et surtout celle d’un peuple qui, comme nous, n’est ni dans la défiance ni dans la méfiance, mais clairement dans la vigilance et dans l’exigence, au seuil d’une confiance qui ne demande qu’à être totale et enthousiaste ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, moins de deux ans après son élection, le Président de la République a pris acte de la sanction très ferme et très forte que les Français lui ont infligée à l’occasion des élections municipales, dont il s’était d’ailleurs occupé personnellement, comme à Marseille, avec le succès que l’on sait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
Après le départ de Jean-Marc Ayrault, nous voilà donc avec un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement. Nous sommes intéressés, monsieur le Premier ministre, et nous vous avons entendu aujourd’hui. Cette fois-ci, vous ne venez pas – encore que cela ait un peu dérapé – nous parler de changement de mode de scrutin ou de redécoupages électoraux, mais de votre projet pour « redonner confiance » et « retrouver la croissance ».
Les commentaires sur la composition du Gouvernement, son profil « combat », les deux nouveaux ministres et les anciens, l’équilibre entre les courants socialistes, les Verts qui en sortent, les Hollandais qui rentrent, le « duo de Bercy » (Sourires sur les travées de l'UMP.), tout cela n’a aucune importance. Seule compte la règle des institutions de la Ve République, « un régime parlementaire à dominante présidentielle », selon l’excellente définition de l’actuel président du Conseil constitutionnel : c’est le Président de la République qui est le chef de l’exécutif et qui nomme le Premier ministre, et c’est le Premier ministre qui dirige le Gouvernement, lequel détermine et conduit la politique de la Nation.
Cela pour dire tout simplement que la première condition pour le succès du remaniement et celui de votre action gouvernementale, c’est que le Président se soit remanié lui-même (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Daniel Dubois, Jean-Léonce Dupont et Joël Guerriau applaudissent également.), après vingt-deux mois de contre-performance sans précédent depuis 1958.
La totale déception des électeurs qui avaient voté à gauche en 2012 ainsi que la colère et l’exaspération de tous les Français signent l’empreinte démocratique de l’échec politique du Président.
C’est cela – vous l’avez même évoqué – que beaucoup de maires, qui avaient parfois géré leur ville dans le cadre d’un socialisme municipal, ont payé de leur défaite électorale à la place du Président de la République. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean-Claude Gaudin. Et c’est cela que le Président a voulu faire oublier aux Français, dès le lendemain de leur échec, en souhaitant créer un choc dans l’opinion par votre nomination au poste de Premier ministre, sortant ainsi de son jeu de Raminagrobis avec ses deux impétrants « primo-ministrables ». (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas du très bon Pagnol !
M. Jean-Claude Gaudin. Peu de gens regretteront cette étape du gouvernement de Jean Marc Ayrault, malgré le travail effectué et certaines lois que nous avons soutenues, alors que votre propre majorité ne les soutenait pas beaucoup. (M. Bruno Sido rit.) Je pense en particulier à la loi sur les métropoles qui va notamment être mise en œuvre à Marseille le 1er janvier 2016, ou encore à la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.
On peut même dire que le 31 mars 2014, le Président de la République a pris la première décision courageuse de son quinquennat. Il reste pourtant à savoir quelle est l’ampleur réelle de ce remaniement présidentiel. Il me semble que c’est lui qui avait inventé cette expression à destination du Président Sarkozy, après notre défaite aux municipales de 2008.
L’histoire est souvent cruelle, surtout en politique. Cruel aussi est le regard dans le rétroviseur des deux dernières années. Le 4 juillet 2012, à cette même tribune, votre prédécesseur nous présentait son programme de politique générale avec le débat traditionnel, le certificat de baptême de tout Premier ministre, comme vous le faites vous-même aujourd’hui.
Dans ma réponse, au nom de mes amis, au nom du groupe UMP de la Haute Assemblée, je m’étais permis de lui dire : « Votre victoire vous oblige, la crise vous contraint, mais votre programme vous condamne ! […] Votre programme est un boulet que vous allez devoir traîner. La seule solution, votre seule chance, c’est de ne pas l’appliquer ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.) Je n’avais aucune illusion. Le Gouvernement a appliqué son programme et le Gouvernement a échoué.
Les résultats ont été à l’envers des promesses, parce que la politique a été à l’envers des réalités. Et cette fois-ci, le parapluie de l’héritage n’existe plus. L’héritage, c’est vous ! (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste.)
Aussi, aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, j’aurais envie de vous dire que la seule chance de la France serait de vous débarrasser de tous les oripeaux idéologiques de la gauche antédiluvienne (M. Roland Courteau s’exclame.), qui continue de croire qu’il suffit de dépenser plus pour aller mieux, même quand il n’y a plus d’argent dans les caisses.
Débarrassez-vous des gadgets, des marqueurs censés plaire à une frange de votre électorat comme la taxe à 75 %.
M. Francis Delattre. Oui !
M. Jean-Claude Gaudin. Et surtout, débarrassez-vous d’une politique sans priorité réelle, au-delà des mots et de l’affichage, sans courage, sans réforme et sans résultat.
Surtout, débarrassez-vous des contradictions, des contresens, des couacs permanents.
Surtout, débarrassez-vous aussi de l’excuse qui met sur le dos du monde et de l’Europe des problèmes qui sont des problèmes français. Aussi longtemps que l’on continuera à penser que c’est la faute des autres, on n’y arrivera pas.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin. Surtout, rompez avec les réformettes en demi-mesure, les réformettes sans envergure qui ont raté leurs objectifs. Nous voulons maintenant de vraies réformes – vous les annoncez, nous verrons –, celles du marché du travail, de la formation professionnelle, de l’apprentissage – totalement abandonné –, des retraites, de l’assurance chômage. C’est-à-dire remettez sur le métier les dossiers essentiels.
Nous aurions envie de croire que vous allez faire tout cela. Mais nous ne le croyons pas. En tout cas, pas encore, pas à partir de votre seule déclaration de politique générale et surtout pas à partir des déclarations de votre majorité parlementaire. Car, à supposer que le Président se soit effectivement remanié, que le Gouvernement soit réellement remanié, rien ne montre aujourd’hui que votre majorité parlementaire se soit également remaniée.
À moins que ce soit vous, monsieur le Premier ministre, qui vous soyez remanié en François Hollande, auquel cas, c’est l’échec garanti.
Un sénateur du groupe socialiste. Quel mépris !
M. Jean-Claude Gaudin. Nous sommes inquiets.
Nous sommes inquiets de votre discours sur le « redressement » qui serait en cours. Cela est courtois à l’égard de votre prédécesseur, surtout à l’égard du Président, mais ce n’est pas vrai. Et les Français ne vous croient pas, tout simplement parce qu’ils constatent le contraire dans leur situation quotidienne, y compris sur l’insécurité croissante, que vous avez vous-même évoquée. Il n’y a pas de redressement en cours, seulement une aggravation de la situation. (M. Roger Karoutchi applaudit.)
M. Charles Revet. Eh oui, malheureusement !
M. Jean-Claude Gaudin. Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui le démontrent, s’agissant du chômage, de la croissance, des déficits, du commerce extérieur, du matraquage fiscal sans précédent sur les ménages et les entreprises.
Un sénateur du groupe UMP. Dans tous les domaines !
M. Jean-Claude Gaudin. Depuis deux ans, 1 000 chômeurs de plus par jour et tout cela avec des impôts qui ne servent à rien ! La situation de la France est plus difficile qu’en mai 2012 (M. Roland Courteau s’exclame.) ; beaucoup plus difficile que jamais, à cause du temps perdu et des malentendus ! Il faut le dire aux Français !
Nous sommes inquiets quand nous entendons les déclarations officielles sur le nouveau délai demandé à Bruxelles, le troisième, afin de reculer encore la date à laquelle la France devra revenir aux 3 % de déficit.
Est-ce une nouvelle manœuvre pour gagner du temps – ou en perdre –…
M. Jean-Louis Carrère. Et les 5,2 % ?
M. Jean-Claude Gaudin. … et ne pas faire les réformes que tous les autres pays ont faites ou sont en train de faire ?
M. Jean-Louis Carrère. 5,2 % !
M. Jean-Claude Gaudin. Est-ce l’éternelle défausse vers le bouc émissaire européen qui ne fera que creuser encore le fossé entre les Français et l’Europe, alors que l’euro et l’Europe nous protègent ?
Nous sommes inquiets parce que nous craignons que rien ne change vraiment. Après l’annonce du pacte de responsabilité le 31 décembre dernier par le Président de la République, après sa conférence de presse du 14 janvier suivant, après de multiples réunions ou conférences, rien n’est encore clair sur le dispositif.
À celui-ci vient maintenant s’ajouter celui du « pacte de solidarité », qui renforce encore le mystère, c’est-à-dire la politique du flou et de la contradiction permanente, malgré les diverses mesures techniques et les différents calendriers que vous avez évoqués hier comme aujourd’hui.
Nos concitoyens exigent de la clarté et de la précision. Ils exigent de savoir ce que cela veut dire, ce que cela va changer. Ils en ont assez d’entendre des formules toutes faites, des promesses non suivies d’effets. Les Français veulent des actes, des actes forts ; ils veulent aussi des résultats. Les Français veulent la vérité.
Nous sommes inquiets parce que nous ne voyons ni changement de cap ni décision ambitieuse, susceptible de corriger profondément le décrochage que connaît actuellement notre pays. Vous êtes au pied du mur, mais vous n’assumez pas une vraie rupture. Vous restez, monsieur le Premier ministre, dans la continuité d’une politique qui a échoué depuis deux ans.
Selon nous, un autre chemin, une autre politique doivent être suivis, qui permettent aux entreprises de créer des emplois en France, car il n’y a qu’elles qui puissent le faire, il n’y a qu’elles qui créent de la richesse.
M. Jacques-Bernard Magner. Et vous, qu’avez-vous fait ?
M. Jean-Claude Gaudin. Maintenant que vous osez le dire, monsieur le Premier ministre, sachez en tirer toutes les conséquences.
Oui, nous devons aller plus loin en matière de réduction des dépenses. Non pas pour le plaisir de réduire les déficits, mais pour rétablir notre souveraineté. En France, ceux qui travaillent vivent de moins en moins bien : voilà le drame ! Ils ont le sentiment de payer toujours plus pour les autres et de gagner toujours moins. Donnons un sens à la réduction des déficits : faisons-le librement, et non pas sous la pression de Bruxelles. Rétablissons une sécurité sociale qui soit non pas un chèque en blanc, mais un projet de solidarité.
Recentrons également notre État sur ses fonctions régaliennes. Il faut reconstruire un État fort et respecté, qui se concentre sur ses fonctions essentielles.
J’ai cru comprendre, monsieur le Premier ministre, que vous souhaitiez, dans un passé récent, « déverrouiller les 35 heures ». Voilà une bonne intention ! Maintenant que vous êtes Premier ministre, vous pouvez passer à l’action. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Francis Delattre. Sans tarder !
MM. Jean-Louis Carrère et Roland Courteau. Et vous, pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
M. Jean-Claude Gaudin. Mais, je le répète, nous sommes devant un changement dont nous craignons qu’il ne change rien, un changement seulement calibré pour gagner du temps, dans l’attente d’un hypothétique miracle. Nous posons ces questions fondamentales : qu’est-ce que François Hollande veut faire de la France ? Quelle est son ambition pour le pays ? Surtout, quelle est la capacité du Président de la République et de son Premier ministre à résoudre la quadrature du cercle, c’est-à-dire à faire adhérer les Français à une politique qu’ils ont massivement rejetée et qui est l’inverse de celle que réclame la majorité de la majorité parlementaire ? Les Français se posent également ces questions, avec une certaine angoisse. Mais, pour l’instant, ils n’ont pas de réponse.
Or il y a urgence, monsieur le Premier ministre. Vous l’avez dit, les jeunes quittent notre pays, de plus en plus nombreux, parce qu’ils pensent qu’on ne peut plus réussir en France. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On ne peut pas laisser la France perdre ses forces vives et ses futurs talents. C’est un sujet grave, qui représente une menace pour notre pays. Seul un changement profond de votre politique économique peut redonner espoir aux jeunes.
D’autres gestes ciblés doivent également être faits, des gestes à même de répondre au mécontentement des Français.
Je pense, tout d’abord, à la réforme des rythmes scolaires. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Face à l’opposition des élus locaux de tous bords,…
Mme Françoise Cartron. Non !
M. Jean-Claude Gaudin. … vous souhaitez assouplir cette réforme. Vous restez pourtant dans la continuité de ce qui a été fait en prétendant qu’il s’agit d’une bonne réforme.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oui !
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas la réalité. Elle a complètement désorganisé la communauté scolaire, et elle n’est pas financée ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin. Les communes ne peuvent pas faire face à des dépenses lourdes – plus d’un milliard d’euros –, que l’ancien gouvernement n’a jamais voulu reconnaître.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin. Nous demandons donc sa suspension. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin. Et pour tous ceux qui l’ont déjà mise en place, nous demandons la compensation intégrale des coûts, comme le prévoit la Constitution. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Autre réforme emblématique à retirer d’urgence : la réforme pénale de Mme Taubira. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Mais oui !
M. Jean-Claude Gaudin. Si nous admirons le talent oratoire et la force de conviction de Mme Taubira,…
M. Bruno Sido. Et son caractère !
M. Jean-Claude Gaudin. … nous ne sommes nullement d’accord avec ce qu’elle propose : un désarmement pénal sans précédent.
En tant que ministre de l’intérieur, vous aviez combattu cette réforme ; en tant que Premier ministre, vous devez la retirer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.) Cette réforme fait le choix du laxisme plutôt que de la fermeté, alors que la délinquance explose (M. Alain Bertrand s’exclame.) et qu’il n’y a jamais eu aussi peu de nouvelles places de prison construites en France. (M. Alain Bertrand s’exclame de nouveau.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué, bien sûr, ces fameux 50 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques en trois ans. À eux seuls, pourtant, ils ne suffisent pas pour atteindre l’objectif de 3 % de déficit public. De quoi s’agit-il ? Qui va payer ? Vous nous dites que l’effort sera partagé par tous.
Mme Patricia Schillinger. Qui nous a laissé ce déficit ?
M. Jean-Claude Gaudin. À ce propos, vous nous parlez d’une baisse des dotations versées par l’État aux collectivités territoriales d’un montant supérieur à 10 milliards d’euros d’ici à 2017. Je vous rappelle que cette baisse s’ajoutera à celle que nous connaissons déjà cette année.
M. Charles Revet. Et voilà !
M. Jean-Claude Gaudin. À titre d’exemple – je me suis fait communiquer ces chiffres ce matin –, Marseille subira une baisse de 8 millions d’euros de sa dotation globale de fonctionnement.
Monsieur le Premier ministre, vous vous rendez compte que, si nous voulons conserver le niveau de développement de nos territoires, cette mesure implique une hausse des impôts locaux. En outre, il ne faut surtout pas oublier que ces dotations de l’État constituent, pour l’essentiel, des contreparties aux compétences et aux charges transférées aux collectivités territoriales par les lois de décentralisation. Une telle baisse des dotations serait également une véritable catastrophe, non seulement pour l’investissement des collectivités territoriales, qui représente, vous le savez parfaitement, les trois quarts de l’investissement public,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin. … mais aussi pour l’entretien des équipements.
Plus généralement, il reste des points importants à trancher en matière de décentralisation.
Chacun sait qu’il faut continuer à réformer notre organisation territoriale. Nous avions tenté de le faire,…
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin. … sans grand appui de l’opposition d’alors.
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Jean-Claude Gaudin. Cette réforme passe notamment par la répartition des compétences et la question, que vous avez évoquée, monsieur le Premier ministre, de la cohabitation entre les régions et les départements.
Je pense aussi à la place de la commune et au développement de l’intercommunalité. Je précise, mais vous l’avez déjà compris, que nous sommes profondément attachés à la pérennité de nos communes. Nous sommes également très attachés à ce que la décentralisation n’aboutisse pas à une opposition entre les pouvoirs publics locaux et l’État.
Bref, tout est dans le rapport de la mission présidée par Jean-Pierre Raffarin, rédigé par notre collègue socialiste Yves Krattinger. Ce travail s’articule autour de trois principes majeurs, qui forment le socle de la réflexion du Sénat en la matière.
Premier principe : la pérennité du département, ce qui est contraire à vos annonces. Le groupe UMP est totalement opposé à la suppression du département qui, pour nous, doit être un espace adapté à l’expression démocratique de la ruralité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi et M. Jean-Vincent Placé. Et le conseiller territorial ?
M. Jean-Claude Gaudin. D’ailleurs, pour supprimer le département, il vous faudra passer par une réforme constitutionnelle, qui requiert d’obtenir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par le Congrès. Or vous ne l’avez pas ! (Applaudissements et sourires sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)
En outre, je crois me souvenir que le Président de la République, à l’occasion de ses vœux à Tulle, le 18 janvier dernier, s’était prononcé contre cette suppression.
M. Roger Karoutchi. Exactement !
M. Jean-Louis Carrère. Vous oubliez le référendum !
M. Jean-Claude Gaudin. Chiche, monsieur Carrère ! Vous verrez, vous n’allez pas être déçu du résultat.
Le deuxième principe repose sur la création de grandes régions à taille européenne.
Le troisième principe, enfin, s’attache au respect de la subsidiarité entre les communes et les intercommunalités.
Mais il ne faudrait pas que cette réforme de structure soit le bouc émissaire commode de toutes les impérities gouvernementales et masque l’impuissance à aborder les autres réformes fondamentales.
Monsieur le Premier ministre, dans la situation grave que connaît la France, votre tâche n’en est que plus importante et difficile. Dans votre déclaration de politique générale, dans vos explications aux Français, il y a le fond et la forme, il y a l’arbre et la forêt, ou plutôt l’arbre qui cache la forêt.
Sur la forme, on peut reconnaître et saluer votre maîtrise de la communication et votre expertise des rouages gouvernementaux. On comprend votre préférence pour un gouvernement resserré, surtout quand on se souvient de la « machine à couacs » que constituait l’équipe précédente ! (Rires sur les travées de l’UMP.) On comprend également vos directives sur la cohérence. Mais vous ne devriez même pas être obligé de rappeler ces évidences, banales dans toute organisation « normale ». (M. René-Paul Savary applaudit.)
Mais l’arbre – la forme –, aussi droit soit-il, cache une forêt épaisse et indéchiffrable, un taillis confus et broussailleux : une politique encore indéfinie, indéterminée, et, malgré quelques annonces de baisses d’impôts et de charges, une collection de points d’interrogation.
Votre politique sera-t-elle celle des vraies réformes ou des nouveaux atermoiements ? Sera-t-elle celle des vraies économies ou des nouvelles dépenses impossibles à financer ? Sera-t-elle celle du déficit et de la dette, comme nous l’avons compris ?
M. Jean-Louis Carrère. Comme vous nous les avez laissés !
M. Jean-Claude Gaudin. Sera-t-elle celle de la vérité dite aux Français ou du déni de réalité perpétuel ?
Le rôle des sénatrices et des sénateurs du groupe UMP est de représenter les Français qui n’ont pas voté pour le Président de la République et pour sa majorité parlementaire, mais aussi tous les Français déçus, en colère, exaspérés.
Sachez cependant, monsieur le Premier ministre, que nous saurons soutenir, le moment venu, toute réforme qui serait courageuse et indispensable dans l’intérêt de la France, tant la gravité de la situation nationale l’exige.
Monsieur le Premier ministre, j’en arrive à ma conclusion. Un jour, hors campagne électorale, vous m’avez demandé comment je faisais pour durer aussi longtemps. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Il est vrai qu’il y a trente-six ans que je siège au Parlement de la République. Alors, je le dis avec humour – vous nous avez incités à en faire preuve –, permettez-moi une suggestion : quand vous vous adressez au Sénat, maîtrisez votre ardeur, dissipez vos alarmes, puisque vous nous annoncez un destin plein de charmes ! Nous verrons bien !
Cela dit, monsieur le Premier ministre, si vous nous aviez demandé de nous prononcer sur votre déclaration – vous avez tout à fait le droit de ne pas le faire –, les membres du groupe UMP ne vous auraient pas accordé leur confiance. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur de nombreuses travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, je tiens d’emblée à vous remercier pour les vœux de rétablissement que vous avez adressés hier à notre ami Jean-Louis Borloo. Cette attention vous honore.
À mon tour, je vous souhaite une bonne dose de courage et d’abnégation.
M. Didier Guillaume. Il l’a !
M. François Zocchetto. Je vous souhaite même de réussir.
Pendant vingt-trois mois, le gouvernement précédent est resté comme stupéfait par l’ampleur de la tâche. Le Président de la République s’est déconsidéré par son immobilisme. Il y eut rarement un tel fossé entre la parole politique et les actes. La défiance mine notre société et notre pacte républicain. C’est vrai, la France a besoin de changement, la France a besoin de modernité. Ce que votre prédécesseur n’a malheureusement pas su accomplir, c’est vous qui devrez le réaliser.
Michel Rocard, que vous connaissez, l’avait bien dit : ce qui compte, c’est ce qui est dit, ce n’est pas celui qui le dit. Nous, sénateurs centristes, avons entendu votre message, et, comme nous avons eu l’occasion de le prouver ces derniers mois, nous jouerons, nous aussi, le jeu d’une opposition constructive, ouverte au dialogue.
Malheureusement, notre position ne saurait masquer les inquiétudes suscitées par votre déclaration.
Elle est ambitieuse et même presque séduisante. Votre constat est souvent pertinent. Mais que d’interrogations sur le fond et sur la forme !
Depuis plusieurs jours, vous utilisez à satiété la métaphore d’un « gouvernement de combat ». J’ai donc quatre questions à vous poser, monsieur le Premier ministre.
Première question : qui sont vos combattants ? L’ancienne équipe gouvernementale n’a pas été renouvelée.
M. Éric Doligé. Ben si ! Elle vient de l’être !
M. François Zocchetto. Vous avez déclaré que le sort de notre pays valait mieux que la victoire d’un camp sur l’autre. Comment se fait-il alors que votre commando ressemble autant à un bureau national du parti socialiste ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les Français sont lassés de voir un gouvernement au service d’un parti. (Mêmes mouvements.)
M. Michel Berson. C’est excessif, donc insignifiant !
M. François Zocchetto. Aujourd'hui, c’est le vôtre, mais cela pourrait tout aussi bien être un autre.
Ce gouvernement n’a pas été capable d’intégrer le moindre représentant de la société civile parmi ses ministres, mais il vient opportunément d’accueillir le premier secrétaire du PS,…