M. Roland Courteau. En effet !
M. Philippe Martin, ministre. L’idée est non pas de réduire les exigences en matière de protection de l’environnement, mais de rationaliser les procédures, afin de supprimer les redondances, de diminuer les délais et d’assurer une plus grande sécurité juridique à des projets qui sont bons pour la transition énergétique, notre souveraineté et notre redressement économique.
C’est dans cet esprit que mon ministère a lancé des expérimentations prévues dans la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Ainsi en est-il de l’expérimentation concernant la mise en place d’une autorisation unique ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement – pour les éoliennes et les installations de méthanisation. Le projet de loi de programmation sur la transition énergétique contiendra aussi des mesures allant dans le sens de la modernisation du droit et de la simplification des procédures.
Pour les filières moins matures – je pense notamment à l’hydrolien –, mais tout aussi nécessaires à la transition énergétique, le Gouvernement a mis en place un second volet des investissements d’avenir, qui permettra de soutenir le développement de solutions de stockage innovantes, nécessaires à la meilleure intégration des énergies renouvelables.
M. Courteau a évoqué l’autoconsommation. Quant à Mme Schurch, elle est revenue, comme elle le fait souvent, sur les compteurs intelligents. Pour ce qui concerne le compteur Linky, la phase d’instruction est en cours. S’agissant du compteur Gazpar, plusieurs entreprises ont été sélectionnées et nous allons entrer dans une phase décisionnelle. Je rappelle que plus d’un millier d’emplois sont en jeu dans le cadre de la production de ces compteurs intelligents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2013 aura été l’année du débat national sur la transition énergétique, un débat utile qui n’avait jamais eu lieu en France. Cela nous permet d’aborder l’année 2014 avec l’examen du projet de loi de programmation sur la transition énergétique, qui constituera la traduction des pistes évoquées à cette occasion.
Permettez-moi de vous donner quelques informations sur ce texte, qui comprendra six titres. Le titre Ier concernera les objectifs et les orientations générales. Le titre II sera centré sur la stratégie de développement des énergies « bas carbone ». Nous y traiterons de la gouvernance, notamment du rôle des collectivités locales. À cet égard, monsieur Lenoir, il n’a jamais été question d’une autonomie des régions sur la question énergétique. Tout cela se fait dans un cadre national, sur le fondement d’une solidarité avec les politiques menées par les régions, auxquelles nous devons faire confiance. Puisque nous sommes entre nous ce soir, je vous ferai une confidence : même si Colbert se tient derrière moi et vous fait face, surplombant cet hémicycle, je lui ai toujours préféré, personnellement, Defferre, considérant qu’il fallait, pour le développement économique, faire confiance à la décentralisation, aux régions et à la capacité des collectivités territoriales de s’inscrire dans des démarches permettant d’aller plus vite et plus loin dans le développement des énergies.
M. Ladislas Poniatowski. À la condition de ne pas remettre en cause la péréquation, monsieur le ministre !
M. Philippe Martin, ministre. Absolument, vous avez raison ! Vous le savez, la péréquation est une question centrale posée par la Commission européenne, laquelle, sous la patte du commissaire à l’énergie, M. Oettinger, voudrait remettre en cause, notamment, les aides d’État, qui existent en France et en Allemagne. Dans notre pays, celles-ci nous permettent de mettre en place une péréquation tarifaire et de nous préoccuper de nos outre-mer ainsi que des tarifs sociaux. En effet, c’est aussi grâce à cette péréquation, nous avons tendance à l’oublier, que nous parvenons désormais à faire bénéficier quatre millions de foyers des tarifs sociaux.
Le titre III du projet de loi précité traitera de la maîtrise de la demande et de l’efficacité énergétique ; le titre IV s’intéressera aux énergies renouvelables et le titre V à la sûreté nucléaire. Quant au titre VI, il regroupera diverses dispositions.
À plusieurs reprises, le Président de la République a rappelé que ce projet de loi, qui fait le lien avec les questions relatives à la qualité de l’air et au climat, sera l’un des textes les plus importants de son quinquennat.
Permettez-moi d’ajouter un mot sur un sujet important à vos yeux. Il a d’ailleurs été évoqué, notamment, par MM. François Fortassin et Jean-Jacques Mirassou, dont je connais l’intérêt pour cette question. Il s’agit des dispositions concernant le secteur historique des grands barrages, avec la mise en œuvre de solutions de renouvellement des concessions, à la fois conformes aux règles européennes de la concurrence, que l’on sait libre et non faussée, et protectrices des spécificités françaises d’intégration de ces moyens de production dans nos territoires et de préservation de la compétitivité des industries électro-intensives.
Les solutions proposées seront moins brutales que celles qui avaient été voulues par le précédent gouvernement. Vous le savez, c’est un sujet auquel j’attache beaucoup d’importance. Je me suis battu pour faire en sorte que le patrimoine national que constituent ces petits barrages puisse être préservé. Certes, en la matière, l’État s’intéresse aux redevances dont il peut bénéficier. Mais surtout, il s’agit de faire en sorte, en lien avec les collectivités locales, de préserver des emplois qui revêtent, dans certaines vallées, une grande importance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de ce débat, qui aura été utile, du moins pour moi, je voudrais remercier tous ceux qui en ont été les initiateurs. Si je ne souhaite pas l’adoption de cette proposition de résolution, ce n’est pas en raison du manque d’intérêt du texte soumis à notre examen, mais parce que nous examinerons dans quelques mois, ici même, un projet de loi de programmation sur la transition énergétique, que j’aurai l’honneur de défendre et qui mérite toute votre attention.
J’ai beaucoup apprécié la belle démonstration de M. Lenoir, qui a fait étalage de sa grande connaissance d’un secteur, à propos duquel nous avons parfois quelques différends. Certes, j’ai eu l’impression, de temps à autre, qu’il souhaitait piloter le mix énergétique en regardant un peu trop vers le passé. J’ai également apprécié les propos de M. Chevènement sur les époques et la transition.
Toutefois, j’ai le sentiment, et ce n’est pas faire injure à tous ceux qui se sont exprimés ce soir, que le débat sur la transition énergétique dépasse tout cela. Il doit nous faire choisir entre un monde ancien, dans lequel on répéterait sans fin ce qui a été fait jusqu’à présent, et un monde nouveau, dans lequel nous nous préoccupons de l’avenir de nos petits-enfants. J’ai la fierté et le plaisir d’être un militant de ce nouveau monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,
Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,
Considérant que le développement de la filière nucléaire a permis à la France de répondre aux priorités de la politique énergétique que sont la sécurité de l’approvisionnement et l’indépendance énergétique, de bénéficier de l’énergie la moins chère et la moins carbonée d’Europe, de contribuer simultanément à la compétitivité de l’appareil productif, à l’emploi, à la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et à la prévention du changement climatique, et enfin de développer une filière scientifique et industrielle d’excellence ;
Considérant que la production française d’énergie décarbonée s’appuie également sur l’exploitation d’un important potentiel hydroélectrique et sur une incontestable maîtrise technologique en ce domaine ;
Considérant que, dans le cadre de ses engagements internationaux et européens et à la suite du Grenelle de l’environnement, la France s’est fixé, à l’horizon 2020, des objectifs ambitieux en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique et de développement de la part des énergies renouvelables dans la production d’énergie, objectifs qui gardent tout leur intérêt ;
Considérant toutefois que l’expérience acquise dans le cadre de l’effort important consenti, entre 2005 et 2011, pour accroître la production d’énergies nouvelles d’origine renouvelable a mis en évidence que cet effort achoppe sur des technologies encore peu matures, aussi bien en ce qui concerne la production de ces énergies que la maîtrise de leur intermittence et leur intégration dans le système électrique ;
Considérant que le renouvellement de notre capacité de production énergétique exigera, quels que soient les choix retenus, un effort important d’investissement, et qu’il importe, tout particulièrement dans le contexte économique et financier actuel, de pouvoir échelonner dans le temps cet effort, pour que son impact sur le prix de l’énergie demeure soutenable et pour permettre à la France d’acquérir dans de nouvelles filières de production d’énergie la même maîtrise technologique que dans les secteurs de l’énergie nucléaire et de l’hydroélectricité ;
Considérant que la recherche de l’efficacité énergétique doit demeurer une priorité, en particulier pour réduire notre dépendance à l’égard des importations d’énergie fossile et pour lutter contre le développement de la précarité énergétique ;
– Se prononce en faveur de la prolongation de la durée d’exploitation du parc nucléaire actuel, sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, afin, d’une part, d’éviter de consacrer des dépenses à la destruction d’emplois et d’un outil de production rentable et sûr et de bénéficier, d’autre part, des délais nécessaires pour effectuer des choix qui nous engageront pour plusieurs décennies ;
– Souhaite la poursuite du programme de remplacement partiel des générateurs nucléaires de deuxième génération par des EPR ainsi que celle du programme de recherche sur les réacteurs de quatrième génération ;
– Souligne que le maintien de l’excellence industrielle et du niveau de recherche français dans le secteur de l’énergie nucléaire, outre le bénéfice qu’en retirera notre pays en termes d’indépendance énergétique et de production d’une énergie de base durablement compétitive, contribuera aussi, à travers le rayonnement des technologies nationales, à soutenir l’effort international de lutte contre le changement climatique et à promouvoir la recherche du plus haut niveau de sûreté de la production d’énergie nucléaire ;
– Rappelant que l’hydroélectricité est la première source nationale d’énergie renouvelable et qu’elle présente un intérêt tout particulier en termes d’ajustement de l’offre et de stockage de l’énergie, insiste sur la nécessité d’un renouvellement rapide des concessions hydroélectriques, pour permettre de moderniser l’outil de production et d’optimiser la valorisation de la ressource hydraulique, mais aussi pour faire bénéficier les collectivités publiques d’une redevance représentative de la rente des concessions amorties ;
– Estime nécessaire de prendre en compte les interrogations relatives au coût du soutien accordé au développement de nouvelles filières de production d’énergie issue de sources renouvelables et aux modalités de son financement, d’examiner ce coût à l’aune de son impact sur le prix de l’énergie, sur la construction de nouvelles filières industrielles, sur l’emploi, sur l’équilibre de la balance commerciale, et en fonction de l’apport potentiel de ces nouvelles filières à notre indépendance énergétique ;
– Juge souhaitable de cibler l’effort nécessaire sur les filières les plus compétitives et de soutenir par ailleurs la recherche pour développer des technologies nouvelles et favoriser l’émergence de solutions innovantes et compétitives aux problèmes du stockage de l’énergie et du développement de réseaux intelligents ;
– Souhaite également que soit soutenu l’effort de production de chaleur renouvelable et que soit mise à profit l’expertise développée en ce domaine par les collectivités territoriales ;
– Estime en tout état de cause indispensable, pour éviter les pointes de consommation et dans la perspective du développement d’énergies intermittentes, de mettre en place le plus rapidement possible le mécanisme de capacité prévue par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation des marchés de l’énergie ;
– Préconise une orientation prioritaire de la politique de maîtrise de la consommation d’énergie vers l’amélioration de l’efficacité énergétique des processus de production, des biens de consommation, des secteurs du bâtiment et des transports, afin que cette politique contribue aussi à la croissance économique, à la compétitivité, au développement des territoires et à l’emploi en s’appuyant sur l’innovation, la mise en place de filières industrielles, la formation professionnelle et l’information des consommateurs ;
– Attire l’attention sur la nécessité de prendre en compte les charges résultant pour les collectivités territoriales et les ménages de l’effort d’équipement nécessaire à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments et des transports.
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 159 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 163 |
Le Sénat a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 26 février 2014 :
À quatorze heures trente :
1. Désignation des trente-trois membres de la mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.
2. Débat sur la situation des outre-mer.
À dix-sept heures :
3. Débat sur l’épargne populaire
À vingt et une heures trente :
3. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (n° 335, 2013-2014) ;
Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 382, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 383, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART