M. Gérard Miquel. Cette fois-ci, la répartition a été faite selon des critères objectifs. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Politiques !
M. Gérard Miquel. Je vais vous donner les chiffres : 160 millions d’euros en 2011, donc, rien en 2012, 170 millions d’euros en 2013 et 827 millions d’euros en 2014, auxquels s’ajoutent 568 millions d’euros par le biais du prélèvement sur les DMTO. Nous n’avions jamais reçu autant : je vous en remercie, madame la ministre.
M. Éric Doligé. On n’a jamais été aussi mal !
M. Gérard Miquel. Cher Jacques Mézard, le reste à charge par habitant, pour les trois allocations individuelles de solidarité, est passé de 115 euros à 70 euros pour le Cantal, de 152 euros à 70 euros pour le Lot, de 135 euros à 74 euros pour la Corrèze, de 146 euros à 76 euros pour l’Aveyron, madame la ministre, de 126 euros à 71 euros pour les Ardennes, de 90 euros à 69 euros pour le Loiret…
M. Bruno Sido. Et la Haute-Marne ?
M. Gérard Miquel. Je n’ai pas les chiffres concernant votre département, monsieur Sido !
Vous le voyez, mes chers collègues, la fourchette s’est très nettement resserrée ! Les écarts ont été réduits dans une mesure considérable ; tel était bien l’objectif.
M. René-Paul Savary. Mais le compte n’y est pas, il y a toujours des écarts ! Il manque toujours de l’argent !
M. Gérard Miquel. Sans doute, mon cher collègue, mais si vous aviez pris des mesures analogues lorsque vous étiez au pouvoir, nous serions beaucoup plus avancés aujourd'hui dans la réduction des écarts ! Vous ne l’avez pas fait, alors ne critiquez pas un gouvernement qui a fait progresser de façon importante la compensation des trois allocations individuelles de solidarité !
Il nous reste du chemin à parcourir.
M. René-Paul Savary. Une autoroute !
M. Gérard Miquel. C’est en augmentant le prélèvement sur les droits de mutation que nous parviendrons à établir la justice pour l’ensemble des départements de France et leurs habitants.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Éric Doligé. Il va rétablir la vérité !
M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, responsabiliser tous les acteurs et faire de l’économie une nouvelle « vertu publique », une condition d’indépendance et presque de souveraineté pour notre pays et l’Union européenne : voilà un défi à la hauteur d’un Parlement qui tient pleinement sa place.
Parce que les mots ont un sens, cessons enfin de parler de crise pour désigner une mutation profonde de notre modèle de société, bâti à crédit sur un État providence aujourd’hui acculé à la réforme, contraint à l’action – heureusement, serais-je presque tenté d’ajouter.
Les structures politique, administrative et territoriale ont longtemps paru déconnectées des réalités économiques et, année après année, décennie après décennie, par lâcheté, par conformisme, par insuffisance de culture économique, nous avons fait du déficit public la variable d’ajustement de l’immobilisme et donné à nos concitoyens l’illusion que, en ne changeant rien, notre situation resterait stable et que nos perspectives d’avenir seraient préservées. Or c’est tout le contraire qui s’est produit.
Au lieu de consentir des efforts raisonnés mais continus, nous avons d’abord opté pour une forme de déni de réalité avant de devoir, aujourd’hui, dans l’intérêt général, envisager des réformes sans doute plus dures et plus violentes aussi pour le corps social dans son ensemble, notamment pour les jeunes, qui peinent à trouver leur place dans notre société.
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », disait très justement La Fontaine. Mais ce luxe, nous ne pouvons plus nous l’offrir. « Il faut que tout change pour que rien ne change », écrit Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard. Il faut réformer pour maintenir notre place dans le concert des nations.
Aujourd'hui, quel est le résultat ? On constate une phobie collective devant la moindre réforme, une défiance en l’avenir et une confiance insuffisante en nous-mêmes. Surtout, la culture du conservatisme et la résistance au changement sont propagées dans le corps social, quand l’ouverture au monde commande de faire preuve d’audace, d’aller de l’avant, presque de développer le goût du changement, de l’innovation et du renouveau.
Mais ce qui fige sans doute le plus notre société, c’est le sentiment d’injustice, ce poison qui nourrit les attitudes de repli. L’effort auquel la situation financière du pays nous appelle doit être partagé par tous pour être équitable, et donc accepté, mais aussi pour être efficace, et donc salutaire pour les finances publiques.
Plutôt que d’employer les termes savants de « péréquation horizontale » ou « de péréquation verticale », je préfère envisager le débat sous l’angle de l’équité et de l’efficacité.
Au final, de quoi parle-t-on ? De mécanismes de solidarité entre les collectivités, d’une part, entre l’État et les collectivités locales, d’autre part.
Le budget de 2014 associe les communes, les intercommunalités, les départements et les régions à l’effort de redressement des comptes publics ; c’est une bonne chose. Là encore, l’effort doit être partagé par tous. En 2014, les dotations de l’État reculent de 1,5 milliard d’euros, et ce sera la même chose en 2015. Les conseils généraux ont naturellement pris leur part du fardeau, à hauteur de 476 millions d’euros.
Cet effort, le Gouvernement l’a rendu légitime, en instaurant davantage de péréquation, c’est-à-dire d’équité.
Pour aider les conseils généraux à faire face au coût des politiques sociales, qui représentent, rappelons-le, quelque 60 % de leurs dépenses courantes hors investissement, l’article 42 de la loi de finances de 2014 leur transfère une ressource nouvelle, à savoir les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit 827 millions d’euros. Pourtant, cela ne va pas assez loin et, encore une fois, nous avons cédé à la facilité.
Ainsi, l’article 77 de la loi précitée permet le relèvement des droits de mutation à titre onéreux, appelés plus simplement « frais de notaire », de 0,7 point du taux plafond applicable. Si les départements recourent pleinement à cette possibilité, leurs recettes fiscales progresseront de 930 millions d’euros en 2014.
Pour ma part, je le dis d’emblée, mes chers collègues, j’ai utilisé cette possibilité en tant que président du conseil général de la Haute-Marne. Rester vertueux quand on nous incite à commettre des entorses est, en ce domaine comme dans d’autres, d’ailleurs, presque surhumain ! (Sourires.)
Je forme le vœu que le Gouvernement et toutes les collectivités locales qui lèvent l’impôt décident un moratoire fiscal de plusieurs années pour conforter le pouvoir d’achat de nos concitoyens, pour nous contraindre à remettre à plat un modèle qui craque de toutes parts, pour enfin cesser de faire passer la France pour un « épouvantail fiscal » aux yeux des investisseurs internationaux. À cet égard, je rappelle que les investissements étrangers en France ont baissé de 77 % en 2013. Que nous faut-il de plus ? Le chiffre n’est-il pas suffisamment éloquent ?
Parce que la pression fiscale atteint des sommets, réduire la dépense publique suppose plus de péréquation pour plus de justice dans l’effort.
Pour ce qui concerne tant les communes et les EPCI que les départements, Mme la ministre a fait part de la volonté du Gouvernement d’accroître la péréquation horizontale, c’est-à-dire le soutien des communes riches aux communes pauvres, des départements riches aux départements pauvres.
Oui, mes chers collègues, mon propos manque sans doute quelque peu de nuances, mais l’idée est tout de même que nous soyons tous égaux devant la loi en matière de charges publiques. Dans ce domaine, le principe est le suivant : « À chacun selon ses besoins. »
En effet, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre, pour le compte de l’État, des politiques sociales, les départements où la population est plus âgée, plus en difficulté aussi du fait des mutations industrielles, font face à une demande de solidarité plus forte qu’en d’autres lieux, plus ensoleillés ou mieux dotés en sièges sociaux, par exemple. Ce constat vaut tout autant pour les communes et leurs groupements, d’ailleurs.
À l’heure où la situation du pays commande des choix courageux, je voudrais inviter le Gouvernement à l’audace réformatrice. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Pourquoi pas ? On peut toujours essayer…
M. Éric Doligé. C’est dangereux !
M. Bruno Sido. Plutôt que d’instiller telle ou telle légère évolution vers plus de péréquation, qu’elle soit horizontale ou verticale, interrogeons-nous sur le fondement même de l’édifice : si l’autonomie financière est essentielle aux collectivités, l’autonomie fiscale a-t-elle encore un sens ?
M. Bruno Sido. Je n’ai pas peur de poser la question ! Disons-le franchement : ce qui fait la noblesse et le sens de l’action publique, c’est le service à nos concitoyens. Cela suppose d’avoir les moyens d’assumer ses responsabilités, certes, mais pas obligatoirement d’avoir le droit de lever l’impôt.
M. Bruno Sido. Chez nos voisins Allemands, qui ont un système fédéral, aucun des Länder – pas même la puissante Bavière ou la prospère Hesse – ne jouit d’une véritable autonomie budgétaire. Ce sont pourtant des États fédérés, qui disposent de certains attributs de souveraineté : gouvernement, pouvoir législatif, appareil judiciaire. Leurs compétences sont très vastes : police, culture, système scolaire, organisation des collectivités locales et même, en partage avec l’État fédéral, droit civil, droit fiscal, justice, gestion de la fonction publique ou encore transports.
L’exercice de ces compétences étendues s’accommode très bien d’une quasi-absence d’autonomie fiscale. Leurs recettes proviennent, pour l’essentiel, d’impôts communs partagés sur le plan fédéral.
Il existe un système de double péréquation : une péréquation horizontale entre Länder, dont l’objectif est de relever les ressources fiscales des Länder les moins riches à hauteur de 95 % de la moyenne, et une péréquation verticale, assurée par la fédération au bénéfice des Länder les plus pauvres, avec un dispositif complémentaire en faveur des territoires de l’ex-RDA.
En outre, lorsqu’un Land estime que sa contribution est excessive, un mécanisme constitutionnel lui permet de faire trancher le différend.
Personne, outre-Rhin, ne s’offusque de cette situation. Si un tel système fait l’unanimité dans un État fédéral, pourquoi serait-il si difficile de le mettre en place dans la République, certes décentralisée, mais néanmoins unitaire, qu’est désormais la France ? Si nous l’adoptions, l’effet des politiques de péréquation, c’est-à-dire de solidarité entre les territoires, serait grandement démultiplié, et l’effort d’économie demandé aux collectivités territoriales mieux accepté, car plus équitable.
J’entends déjà les critiques. Bien sûr, la France et l’Allemagne sont très différentes, très complémentaires. C’est très bien ainsi, mais l’exception française ne doit pas devenir synonyme de gaspillage, et encore moins de déclin en Europe.
À mon sens, l’État reste le garant des grands équilibres territoriaux : à lui de jouer pleinement son rôle ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Vairetto.
M. André Vairetto. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de remercier le groupe RDSE d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’évolution des péréquations communale, intercommunale et départementale après l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014.
Chacun aura compris que l’objet de ce débat n’est pas de remettre en cause le principe de la péréquation, qu’elle soit verticale ou horizontale. L’égalité des territoires suppose que des accompagnements financiers soient mis en œuvre en faveur des collectivités territoriales dont les ressources sont le plus faibles, alors qu’elles ont des contraintes à assumer et que leur population doit bénéficier des mêmes services que les habitants des autres territoires. Aujourd’hui, la péréquation est une exigence constitutionnelle.
L’une des vraies questions soulevées par ce débat concerne la situation des collectivités territoriales soumises à la péréquation horizontale ; c’est sur ce sujet que je souhaite insister.
En réalité, le débat doit être élargi à l’évolution des recettes des collectivités territoriales,…
M. Bruno Sido. En effet !
M. André Vairetto. … dont certaines connaissent, depuis 2008, une mutation sans précédent de leurs ressources, liée à une réforme de la fiscalité directe locale sans cesse ajustée, marquée par la suppression de la taxe professionnelle, la baisse des dotations de l’État eu égard à l’objectif de retour à l’équilibre des comptes publics et la montée en puissance du FPIC dans le cadre du nouveau schéma de péréquation.
La suppression de la taxe professionnelle, en 2010, a conduit à la création, pour remplacer cette dernière, de nouvelles impositions sur les entreprises, ainsi que, dans le même temps, à une nouvelle répartition de la fiscalité entre les différents échelons de collectivités territoriales.
Le premier constat que l’on peut dresser est celui du moindre dynamisme des ressources qui remplacent la taxe professionnelle. Ainsi, selon les dernières prévisions, les produits de la CVAE devraient connaître une baisse globale de 4,5 % cette année. En outre, ces produits présentent une grande instabilité, en fonction de la part de la valeur ajoutée dans le chiffre d’affaires des entreprises, ce qui rend la lisibilité budgétaire encore plus aléatoire.
Par ailleurs, les mécanismes de compensation destinés à assurer aux collectivités territoriales le maintien du niveau de leurs recettes après réforme, c’est-à-dire le Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales, le FNGIR, et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, portent sur des montants figés pour les années à venir.
Quant à la DGF des communes, qui représentait 16,5 milliards d’euros en 2013, elle connaît une baisse significative.
L’enveloppe de dotation forfaitaire des communes est souvent caractérisée par un accroissement naturel de la dotation de base, liée à la population, et par une diminution des deux composantes utilisées pour assurer le financement interne de la DGF : le complément de garantie et, en tant que de besoin, la dotation correspondant à la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle. C’est ainsi que, en Savoie, la première de ces composantes a diminué de 4,50 % l’année dernière, et la seconde de 2,66 %.
Dans le cadre de la péréquation, l’État majore certaines dotations, comme la DSR et la DSU.
Cependant, certaines communes sont devenues inéligibles depuis la redéfinition, en 2011, des critères d’éligibilité. Cette situation résulte notamment du mode de calcul du potentiel financier communal, qui intègre une part des ressources de l’intercommunalité.
Cela a conduit l’État à mettre en place, au travers de la loi de finances pour 2012, un dispositif pour aider ces communes, assorti d’une garantie de sortie dégressive sur trois ans. J’observe que, dans le département de la Savoie, les collectivités territoriales apparaissent plus riches depuis cette redéfinition des critères d’éligibilité, alors même que leurs recettes ont fortement diminué.
Même si le nombre de communes éligibles diminue, certains considèrent que les critères d’éligibilité sont trop larges, de sorte que le nombre de communes bénéficiaires serait trop important.
Pour les communes, la contribution au redressement des finances publiques se traduit, sur le plan national, par une diminution moyenne de 4,43 % de la dotation forfaitaire en 2013, et, pour les EPCI, par une diminution moyenne de 3,47 % de la DGF la même année.
Le principal motif d’inquiétude réside dans la concomitance de la baisse des dotations et de la montée en puissance du FPIC pour les communes contributrices dans le cadre du nouveau schéma de péréquation. Instauré par l’article 144 de la loi de finances pour 2012, ce dispositif, qui vise à corriger les inégalités de ressources entre collectivités territoriales du bloc communal, n’est pas remis en cause, tant est unanime le constat de l’insuffisance des dispositifs de péréquation au sein de la DGF.
Conformément aux orientations du pacte de confiance et de responsabilité présenté le 16 juillet dernier par le Gouvernement, la progression du FPIC suivra les objectifs de ressources suivants : 360 millions d’euros en 2013, 570 millions d’euros en 2014, 780 millions d’euros en 2015 et, en 2016, 2 % des recettes fiscales du bloc communal, soit 1 milliard d’euros.
Le calcul se fonde sur le potentiel financier agrégé par habitant, auquel est appliqué un coefficient visant à prendre en compte le rapport entre la population d’une collectivité territoriale et la combinaison du montant des charges qu’elle supporte, pour 75 %, et du revenu par habitant de l’intercommunalité, pour 25 %.
C’est précisément cet indice synthétique de ressources et de charges qui pose problème ; il a fait l’objet de nombreux débats, notamment au sein du Comité des finances locales.
En effet, du fait de ce mode de calcul, des communes parmi les plus pauvres, dont certaines perçoivent même la dotation de solidarité rurale, se retrouvent contributrices au FPIC dès lors qu’elles font partie d’un EPCI dont le potentiel financier agrégé est important. Ce cas de figure illustre combien la diversité des critères rend la péréquation difficilement lisible. En tout cas, il convient de trouver un dispositif pour protéger les communes pauvres qui font partie d’un EPCI contributeur au titre du FPIC.
Par ailleurs, l’indice synthétique ne tient pas suffisamment compte des spécificités des territoires, alors qu’il existe de fortes disparités en termes de charges. En particulier, les collectivités des zones de montagne doivent faire face à des dépenses plus élevées, du fait de l’altitude.
À cet égard, permettez-moi, madame la ministre, de rappeler certains chiffres que j’ai déjà exposés en présentant une question orale : le coût annuel de la maintenance, de l’entretien et de l’exploitation du réseau routier est en moyenne de 10 000 euros par kilomètre en haute montagne, de 5 000 à 6 000 euros en moyenne montagne et de 3 000 à 4 000 euros en plaine ; les surcoûts liés à l’altitude sont comparables pour la construction, l’organisation des secours ou la prévention des risques naturels.
Afin de pondérer le prélèvement pour les communes de montagne, je propose d’intégrer dans le mode de calcul le critère de la charge de voirie par habitant. Du reste, la longueur de la voirie à la charge de la commune était l’un des critères initialement pris en compte pour le calcul de la dotation forfaitaire de la DGF.
Pour les territoires confrontés à une baisse de la DGF concomitante à un accroissement des prélèvements au titre de la péréquation par le biais du FPIC, les conséquences budgétaires sont particulièrement lourdes. Une mise en cohérence des divers dispositifs est nécessaire afin d’éviter que les collectivités territoriales contributrices ne se trouvent, en définitive, moins riches que la moyenne.
Il en va de même en ce qui concerne la péréquation entre les départements.
S’il est légitime que les départements les plus riches soient solidaires de ceux dont les ressources sont plus faibles, cette péréquation doit aussi tenir compte d’autres charges.
Par exemple, si le département de la Savoie va percevoir plus de 10 millions d’euros en exerçant la faculté qui lui est offerte de relever de 3,8 % à 4,5 % le taux des droits de mutation à titre onéreux et grâce au transfert des frais de gestion de la taxe sur les propriétés bâties, il doit reverser 8,5 millions d’euros au titre de la péréquation, au moment où les dépenses de fonctionnement augmentent de 8 millions d’euros, malgré un effort de rigueur sans précédent, et où des investissements très importants sont nécessaires, notamment pour sécuriser des tunnels ou organiser les services de secours.
Pour les départements aussi, il importe de définir d’autres critères de charges.
Ainsi, la minoration des dotations, d’une part, et les ponctions sur leurs budgets, d’autre part, contraignent les collectivités territoriales à faire des choix. Elles devront soit diminuer leurs dépenses de fonctionnement, ce qui n’est pas simple à faire en un si bref délai, surtout dans un contexte de crise économique qui entraîne une accentuation des demandes sociales, soit réduire leurs investissements ou alourdir la fiscalité.
Madame la ministre, le tableau que je viens de brosser peut paraître apocalyptique, mais il est l’expression d’une réalité vécue au quotidien par les élus confrontés à la préparation de leur budget.
Que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort national de redressement des comptes publics, nul ne le conteste. Personne non plus ne remet en cause le bien-fondé de la péréquation, mais encore faut-il raison garder et prendre en compte la spécificité des territoires, notamment celle des zones de montagne, où les collectivités territoriales font face à des charges spécifiques avec une population souvent peu nombreuse. Sinon, c’est le principe même de la péréquation qui, demain, sera remis en cause.
Le rythme de la montée en charge du FPIC doit ralentir et les critères doivent prendre en compte la diversité des charges supportées par les collectivités territoriales : c’est la condition de l’émergence de la péréquation juste et efficace que M. Mézard appelle de ses vœux !
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après Jacques Mézard qui a tout dit, et fort bien, je vais tenter d’apporter ma pierre à ce débat sur l’évolution de la péréquation après l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014, en m’attachant uniquement à l’échelon départemental.
En général, nous naviguons dans le grand flou, dans l’improvisation, dans l’approximation, chacun établissant sa propre simulation en fonction de ses propres critères.
Qu’est-ce que cette fameuse péréquation ? Elle peut être verticale ou/et transversale.
La péréquation verticale est une répartition opérée par l’État, qui établit, selon certains critères, la manière dont il distribue ses dotations, d’ailleurs de plus en plus maigres.
La péréquation transversale s’effectue à l’échelon d’une strate de collectivités territoriales ; en général, les critères en sont également définis par l’État. Nous verrons que c’est la méthode que celui-ci vient d’utiliser pour faire croire, à grand renfort de communication, qu’il est fort généreux ; en réalité, il l’est avec les moyens des départements : il a pris aux uns pour donner aux autres ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
La péréquation créatrice d’équité, oui : personne ne pourrait aller contre ; la péréquation créatrice d’inégalité, reposant sur des choix partisans ou la démagogie, je dis clairement : non ! Or ce que j’ai pu constater sur le terrain ces derniers mois m’a convaincu que l’État privilégiait cette seconde forme de péréquation.
Quelle est la situation des départements après l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014 ?
L’origine de cette nouvelle péréquation remonte au pacte de confiance et de responsabilité présenté le 16 juillet dernier par le Premier ministre. Contrairement aux engagements qui ont été pris, ce pacte ne reprend pratiquement aucune des propositions du groupe de travail de l’ADF sur les allocations individuelles de solidarité.
L’État devait formuler des propositions pour financer les restes à charge.
Chacun doit savoir que c’est le RSA qui pèse le plus lourdement sur les budgets sociaux des départements. Que le Gouvernement reprenne à sa charge le RSA, et il n’y aura plus de problème d’argent entre nous ! (M. René-Paul Savary applaudit.)
Deux nouvelles ressources d’État sont censées remédier aux insuffisances du financement des allocations individuelles de solidarité. Or, après l’adoption de la loi de finances pour 2014, quel constat peut-on dresser ?
En premier lieu, les critères d’éligibilité au reversement du fonds de solidarité en faveur des départements créé par l’article 78 de la loi de finances n’ont rien à voir avec les restes à charge au titre des allocations individuelles de solidarité. En effet, il a été choisi de retenir comme critères le revenu par habitant, le potentiel fiscal et le taux des DMTO. Par ailleurs, le reversement de ce nouveau fonds de péréquation des DMTO est assorti d’un abattement qui dépend du niveau de ces derniers. Aucun de ces éléments n’a de rapport avec la réalité de la charge sociale que la péréquation est censée couvrir !
En second lieu, le reversement des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, prévu à l’article 42 de la loi de finances et qui représente 830 millions d’euros, est le seul effort consenti par l’État, alors que celui-ci avait reconnu que le montant des compensations dues aux départements s’élevait à 4,8 milliards d’euros. L’État a introduit un mécanisme de péréquation diluant la part du reste à charge au titre du RSA.
Après les quatre versions successives ayant fait suite à celle qui avait été présentée par l’ADF en octobre 2013 et le choc de complexification qui en résulte (M. Bruno Sido rit.), ces nouveaux mécanismes de péréquation sont devenus totalement illisibles, incontrôlables et de moins en moins équitables entre départements.
Que s’est-il donc passé pour que l’on en arrive là ?
Le ministre, au terme d’une négociation très politique, a conclu avec M. le maire de Paris un pacte de non-agression et plafonné le prélèvement sur Paris-département. La perte qui en résulte a été compensée par d’autres.
Quel est le résultat de la péréquation issue du pacte de confiance et de responsabilité ?
Ce pacte ne répond que très partiellement à son objectif initial, à savoir compenser 4,8 milliards d’euros aux départements.
Le 22 octobre dernier, j’ai eu le grand honneur d’être reçu, avec d’autres présidents de conseil général, par le Président de la République, entouré de treize membres du Gouvernement, dont le Premier ministre et vous-même, madame le ministre. Le chef de l’État nous a assuré qu’il comprenait d’autant mieux notre situation très difficile que, quelques mois plus tôt, il était encore l’un des nôtres, en tant que président du conseil général de la Corrèze.
En définitive, les 4,8 milliards d’euros attendus sont devenus 2,3 milliards, dont il faut retrancher 476 millions d’euros au titre de la participation des départements à l’effort national de redressement des finances publiques.
L’apport réel de l’État s’est résumé à 830 millions d’euros, pris sur ses frais de gestion. Le solde, soit environ 1,3 milliard d’euros, résultait d’une autorisation « quasi forcée » donnée aux départements d’augmenter leurs DMTO de 18,4 %, sur lesquels 50 % sont prélevés d’office, que le relèvement des DMTO soit décidé ou non, pour être reversés à un fonds de péréquation.
Dans mon département, par exemple, si je procède à cette augmentation, la recette sera de 6,3 millions d’euros. Mais, quoi que je décide, 5 millions d’euros seront prélevés ! Le relèvement du taux des DMTO et la loi ALUR, c’est la mort de l’immobilier !
Quelle habileté ! À l’analyse, il apparaît que toutes ces manipulations ne sont qu’un stratagème maladroit pour masquer un plan de sauvetage de départements plutôt amis…
Je vais en apporter la preuve au travers de deux exemples.