M. Francis Delattre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cela fait des mois que les parlementaires attendent ce collectif budgétaire pour mesurer la réalité des comptes publics et les contrôler.
M. le ministre chargé du budget considère à raison que la seule réalité qui vaille est celle des chiffres. Il semble cependant que nous ne constations pas la même réalité. La dépense publique brute passe de 395,5 milliards d'euros en 2013 à 407,4 milliards d'euros en 2014. Elle n’est donc pas stabilisée, contrairement à ses affirmations. Sa proposition d’établir des instruments à l’aune desquels il pourrait mesurer et comparer les trajectoires des finances publiques des vingt dernières années éclairera-t-elle le présent et préparera-t-elle l’avenir ? N’est-elle pas uniquement accessoire ?
Après dix-huit mois de pouvoir, est-il possible de cesser enfin les querelles stériles sur l’héritage ? Ce qui est sûr, c’est que vous êtes responsables du présent. Je rappelle que la dette s’est accrue de 194,9 milliards d'euros depuis mai 2012 passant de 1 717,3 milliards d'euros à 1 912,2 milliards d'euros au 30 juin dernier, selon l’INSEE. Alors avançons ensemble dans l’intérêt du pays en nous affranchissant d’affirmations partisanes et, surtout, vaines.
Monsieur le ministre, j’ai deux suggestions à vous faire, qui, malheureusement, eurent peu de succès sous le précédent quinquennat.
D’une part, il faudrait opter pour une présentation des dépenses du même montant d’une année sur l’autre en euros courants. Cela engendrerait spontanément une baisse des dépenses du montant de l’inflation. D’autre part, nous pourrions baser nos prévisions budgétaires sur une croissance nulle, ce qui serait pragmatique et réaliste, car les prévisionnistes et les gouvernements se trompent le plus souvent. Les éventuels résultats budgétaires excédentaires seraient à verser au bénéfice de nos comptes publics.
Tous les Français s’interrogent : à quoi sert une charge fiscale d’une intensité inégalée pesant sur les contribuables depuis 2012 si le déficit continue d’augmenter inexorablement ? En valeur absolue, nous sommes passés de 71,9 milliards d’euros en loi de finances initiale à près de 82 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014, si l’on y intègre les investissements d’avenir. C’est 30 milliards d'euros de plus que le déficit prévu par la loi de programmation votée l’année dernière.
Les recettes espérées sont inférieures de 11 milliards d'euros à ce que vous aviez anticipé et annoncé.
Vous avez surestimé les recettes de l’impôt sur les sociétés. Vous attendiez 53,5 milliards d'euros, vous avez collecté 49,7 milliards d’euros, soit une perte de 3,8 milliards d'euros. La pression fiscale sur les entreprises est si forte et stérilisante que c’était prévisible.
Les baisses de recettes de TVA, de droits de mutation à titre onéreux ou DMTO et de cotisations sociales sont bien évidemment imputables à une baisse de la croissance, due en partie à la pression fiscale ainsi qu’au travail au noir qui en est la conséquence. Vous estimez que la disparition de près de 1 milliard d’euros de recettes de TVA serait imputable à de nouvelles techniques de fraude à la TVA. Cela me semble une raison annexe.
Vous ne pouvez, d’une part, avancer que l’effritement de la dynamique des recettes fiscales est lié à des facteurs conjoncturels et, d’autre part, affirmer que la situation structurelle s’améliore, les chiffres démontrant l’inverse. Notre solde structurel est déficitaire, il passe de 2 % dans la loi de programmation à 2,6 %. Le solde conjoncturel est resté presque stable, il n’est passé que de 1,2 % dans la loi de programmation à 1,4 %. Comment ce 0,2 point de variation suffirait-il à expliquer 1,1 point de PIB de déficit public imprévu ?
Face à la même crise, nos partenaires européens ont accompli un effort colossal pour redresser leur solde structurel, voire pour le rendre excédentaire. Nous sommes dans la démarche inverse et, en conséquence, nous voilà guettés par le mécanisme de correction, comme vient de le rappeler le président de la commission des finances. Baissez vite les dépenses, monsieur le ministre, ou vous serez obligé d’augmenter les impôts avec un résultat contraire à celui qui est escompté ! Mais tout cela, vous le savez.
Vous avez méconnu la difficulté de la collecte de l’impôt, car vous n’avez pas anticipé le désarroi fiscal des Français, qui considèrent que trop c’est trop.
M. Philippe Dallier. Attention, c’est populiste !
M. Aymeri de Montesquiou. La réalité est cruelle : nous assistons consternés à la démonstration de la réalité visionnaire et de la justesse de la courbe de Laffer. Tout le monde l’a rappelé, mais je ne résiste pas au plaisir de le faire à mon tour : « Trop d’impôt tue l’impôt ». Même le Président Mitterrand, qui était pragmatique et qui n’était pas un économiste, l’affirmait.
Monsieur le ministre, redonnez aux Français l’envie d’investir, l’envie d’entreprendre, l’envie de travailler. Pour cela, ils doivent être convaincus que l’impôt n’est pas confiscatoire. À l’échelon politique, encouragez la coopération entre parlementaires de toutes sensibilités. Œuvrez pour retrouver l’esprit consensuel qui a présidé à la création de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et même à la discussion de la loi sur la régulation bancaire, afin de construire une véritable réforme fiscale qui aura l’assentiment des Français. Vous aurez alors pour cela l’approbation des sénateurs du groupe UDI-UC.
Je me dois de reconnaître que certaines dispositions du PLFR sont enfin incitatives : la création de deux nouveaux produits d’assurance vie qui visent à améliorer le financement des entreprises, un dispositif stimulant le capital-investissement pour les entreprises à l’article 8, les mesures en faveur de l’exportation à l’article 32 et diverses mesures sectorielles comme celle qui concerne la filière bois. Cela est positif, mais n’est pas à la hauteur des attentes des Français, qui veulent de l’État un effort équivalent à celui que vous exigez d’eux par l’impôt. Rien de majeur n’est mis en place en ce sens, car vous vous entêtez dans votre idée fausse que la baisse des dépenses est plus récessive que la hausse des impôts.
C’est pourquoi le groupe UDI-UC ne peut voter en faveur de ce texte.
Monsieur le ministre, la CDU et le SPD en Allemagne viennent de parvenir à un projet d’union nationale dans l’intérêt du pays. Dans un état d’esprit louable, le Premier ministre consulte tous les partis pour préparer une réforme fiscale. Il a pris l’excellente initiative de confier à MM. Malvy et Lambert, deux anciens ministres du budget aux philosophies politiques différentes, une mission pour réduire la dépense publique. Étendez aux groupes politiques cette action en faveur d’une convergence et nous pourrons nous retrouver et nous rapprocher. (M. Vincent Delahaye applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi tous les articles de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, il peut paraître difficile de rendre saillant tel ou tel point, tant, avant la « remise à plat » de notre fiscalité, nous assistons à celle des modalités de recouvrement de l’impôt et à la mise en discussion de quelques dispositions purement techniques.
Selon nous, le premier débat réside dans la réalité de la très faible croissance économique – un dixième de point –, puisque c’est l’hypothèse finalement retenue pour la conception et la réalisation de ce texte.
Cette faible croissance économique trouve une traduction dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Elle se manifeste par la poursuite de l’augmentation du nombre des personnes privées d’emploi, lequel s'élève aujourd’hui, toutes catégories confondues, à plus de 5,8 millions.
Elle trouve aussi son expression dans le mouvement de faillite des entreprises, des faillites qui sont autant de drames pour les entrepreneurs qui mettent la clef sous la porte que pour les salariés de ces entreprises.
Le nombre de défaillances d’entreprises s'élevait en effet à 46 903 entre janvier et septembre, soit un rythme annuel supérieur à 62 000, alors qu’il était de 61 189 pour l’année 2012, et de 59 521 pour l’année 2011.
Bien entendu, compte tenu de la forme même de notre tissu économique, largement composé de très petites entreprises ne comptant parfois aucun salarié, ces défaillances ne se traduisent pas chaque fois par un plan social.
Néanmoins, cette tendance justifie tout de même quelques inquiétudes sur l’avenir.
Songez qu’en 2008 le nombre de défaillances s'établissait à 55 423, contre 63 454 en 2009, le record de ces dernières années ! Ces chiffres montrent, s'il en était besoin, que nous ne sommes pas vraiment sortis de la crise économique – les 5,8 millions de chômeurs sont de toute manière là pour nous le rappeler.
Certains imputeront bien sûr ce piètre résultat au passif du gouvernement actuel, aux impôts trop lourds, au « ras-le- bol » fiscal. Qu’ils ne comptent cependant pas sur nous pour chanter cette rengaine trop facile, car nous sommes nombreux au sein du groupe CRC à estimer que la fiscalité n’explique pas tout.
Bien évidemment, la hausse des tarifs du gaz, de l’électricité, des transports publics – la hausse de la TVA sera répercutée intégralement en 2014 –, les effets du gel du barème de l’impôt sur le revenu, la « mécanique » de hausse de la fiscalité locale qui en découle, tout cela pèse sur la consommation populaire, sur la situation des ménages.
Mais pas plus que le quasi-gel du SMIC ni que la modération salariale encouragée au plus haut niveau ; pas plus également que la mise en cause des prestations sociales, dont on sent confusément qu’elles seront la cible principale des prétendues « économies » que le Gouvernement entend réaliser ces prochaines années pour parvenir à l’équilibre budgétaire.
La précarisation du fonctionnement des hôpitaux, à travers un objectif national des dépenses d’assurance maladie, ou ONDAM, sans cesse plus contraint, la mise en cause du caractère universel des allocations familiales, maquillée derrière la « justice » et la « priorité » affichée en direction des plus démunis, l’objectif de réduction des pensions et retraites par désindexation, le report de la revalorisation, l'adoption éventuelle du système des comptes notionnels, voilà quels peuvent être les outils conçus pour réaliser de telles économies.
Toutefois, la vérité commande de dire que c’est aussi dans l’insuffisante mobilisation des capacités de production et, notoirement, dans celle du crédit bancaire que nous trouvons les motifs principaux de cette croissance atone.
Qu’on y songe : selon la Banque de France, la moitié des crédits disponibles pour les activités manufacturières et industrielles n’est pas mobilisée. Autant les plus grands groupes semblent avoir renoncé à investir en France ou privilégient ce qu’on appelle le shadow banking, c’est-à-dire le prêt avec intérêt à l’intérieur du groupe, autant nos PME et TPE sont confrontées à des difficultés nouvelles pour solliciter l’appui des banques.
Tout porte à croire, d’ailleurs, que ni la création de la Banque publique d’investissement, ni la séparation des activités des établissements de crédit n’ont eu la moindre efficacité concrète sur la situation de distribution du crédit aux entreprises,…
M. Philippe Marini. Le contraire aurait été surprenant !
M. Thierry Foucaud. … et que les choses, qui n’étaient déjà pas simples avant 2012, se sont encore dégradées.
Serait-ce cette situation qui est à l'origine de la principale mesure contenue dans ce collectif, à savoir la mise en place d’une réforme de l’assurance vie, l’un des principaux placements financiers des Français ?
Enfin, des Français... Il en est de l’assurance vie comme d’autres produits d’épargne : elle épouse étroitement les contours abrupts des inégalités sociales.
C’est que l’encours important de l’assurance vie – plus ou moins 1 450 milliards d’euros aujourd’hui – est très inégalement réparti.
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Pour 90 % des 17 millions de souscripteurs, le montant épargné cumulé est inférieur à 50 000 euros, tandis que les 10 % restants rassemblent rien de moins que 64,8 % de l’encours, soit une somme de plus de 880 milliards d’euros et une moyenne légèrement inférieure à 530 000 euros.
Au demeurant, le centile d’épargnants disposant des plus gros contrats se situe aux alentours de deux millions d’euros. Une somme qui, rappelons-le, si elle était soumise à l’impôt de solidarité sur la fortune, serait susceptible, monsieur le ministre, de produire plus de 1 milliard d’euros de recettes nouvelles.
Nous nous sommes d'ailleurs livrés à une petite estimation. Si les 170 000 ménages disposant des contrats d’assurance vie les plus richement pourvus étaient soumis à l’imposition sur les grandes fortunes, le budget de l’État s’en trouverait bonifié d’une recette fiscale comprise entre 1,2 milliard et 5,1 milliards d’euros.
L’article 7 du projet de loi est, selon nous, un article d’opportunité. Nous sommes convaincus que les ménages salariés dont l’assurance vie capitalisée est comprise entre 0 et 50 000 euros ne se sentiront guère concernés par les modifications proposées à cet article.
Seulement voilà, nous sommes dans une période de taux directeurs faibles et les titres de court terme comme de moyen et long termes du Trésor public portent eux aussi un rendement de plus en plus faible.
L’Agence France Trésor propose aujourd’hui des OAT, des obligations assimilables du Trésor, à 0,25 % – certes indexées sur l’inflation – ainsi que des bons du Trésor à 0,45 %. Vous conviendrez qu’il n’y a pas là de quoi assurer vraiment le rendement d’un contrat d’assurance vie.
En revanche, les plus importants détenteurs de contrats, que la Cour des comptes a pu estimer à quelque 1 700 000 ménages, pourraient être intéressés par les mesures prévues à l’article 7. La valeur de leurs contrats s'élève en moyenne à au moins 530 000 euros et le centile le plus riche, nous l’avons dit, dispose de contrats d’une valeur moyenne de deux millions d'euros qui sont directement concernés par le changement de support.
L’affaire pourrait s’avérer attractive, parce que, par principe, le rendement des actions est supérieur à celui des obligations, même si elle doit être quelque peu « bordée ».
Premièrement, son régime fiscal ne sera pas aussi directement favorable que celui de l’assurance vie ordinaire et l’encours des nouveaux contrats pourra être ajouté à l’évaluation du patrimoine imposable au titre de l’ISF. Deuxièmement, cependant, notons que, tout au long de son développement, le contrat dégagera des dividendes et donc des crédits d’impôt successifs. Troisièmement, l’essentiel sera préservé, puisque l’apport de fonds propres ne changera rien à la gestion des entreprises concernées, car il y a fort à parier que ce seront les compagnies d’assurance, et non les souscripteurs, qui seront éventuellement représentées dans les organes dirigeants des entreprises.
On peut toutefois se demander, mes chers collègues, ce qui pousse ainsi un gouvernement de cette sensibilité politique à proposer une mesure dont la pertinence n’est évidemment avérée que pour un nombre assez restreint de personnes. Qui plus est, les niches fiscales qui découlent de l’article 7 n’entretiennent qu’un rapport lointain avec le principe de l'égalité de traitement devant l’impôt !
De notre point de vue, il y a deux manières plus vertueuses pour une entreprise de renforcer ses fonds propres.
La première, c’est de réinvestir la plus grande partie de ses résultats en vue d’autofinancer son développement, autant que faire se peut, avec le produit de son activité. La seconde, c’est d’obtenir des établissements de crédit des conditions plus favorables de financement pour que le recours au crédit bancaire ne soit plus un boulet.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nous pensons même que deux mesures pourraient être envisagées en ce sens : d’une part, renforcer l’affectation de l’encours de l’épargne défiscalisée – livret A, livret de développement durable – vers le développement économique et, d’autre part, chercher à transformer une partie de la dépense fiscale destinée aux entreprises en charges de bonification de prêts bancaires.
Nous sommes convaincus que l’effet de levier et l’efficacité de l’allocation de l’argent public s’en trouveraient renforcés.
Pour le reste, que contient ce collectif ? Nombre de mesures de caractère technique sans grands enjeux, qui tendent notamment à favoriser le développement d’une administration électronique dont on pressent qu’elle souffrira très vite de deux travers : engendrer des suppressions de postes budgétaires au sein de l’administration fiscale et ne pas résoudre tout à fait, loin de là, le problème récurrent du bien-fondé de l’impôt, de sa justice et de son efficacité sociale et économique.
Par ailleurs, le projet de loi comporte également une validation de la gestion quotidienne des affaires de l’État par les services de Bercy, et notamment l’annulation de plus de 3,2 milliards d’euros de crédits inscrits, à l’origine, au sein de quatre-vingt-trois programmes budgétaires.
Même si les dépenses d’équipement militaire se trouvent frappées d’une réduction causée par le coût des opérations extérieures, ce sont aussi des crédits civils qui sont amputés à cette fin.
Et les 3,2 milliards d’euros annulés sont à rapprocher des sommes votées par le Parlement lors de la loi de finances initiale. Nous avions voté 299,32 milliards d’euros de crédits – 290,7 milliards d’euros en 2012 –, ce qui signifie que près de 40 % des ouvertures nouvelles de crédits votées par le Parlement ont été purement et simplement supprimées. Et si l’on retire du volume des dépenses publiques les crédits de personnel, le compte des pensions et le service de la dette, le montant des annulations est encore plus net.
Un tel mépris pour les votes de la représentation nationale ne peut être accepté. Ce n’est pas ce type de procédure d’exécution budgétaire qui nous permettra de modifier dans un sens positif notre position sur le projet de loi de finances 2013 ainsi révisé.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant une décennie notre pays s’est accommodé d’un déficit croissant de ses finances publiques. Depuis que la crise s’est installée en 2008, l’équation budgétaire est devenue encore plus difficile à résoudre. Les recettes de l’État ont été affectées par la récession, tandis que les dépenses ont continué inexorablement d’augmenter. Pour de nombreux Français, cet effet de ciseaux s’est traduit, monsieur le ministre, par une pression fiscale qui a nourri l’actualité du mois de novembre.
J’entends bien nos collègues de l’opposition qui commentaient encore récemment les rassemblements de « bonnet rouges » et l’expression des différents groupes de « volatiles » se sentant – à tort ou à raison – « plumés » : selon eux, tout ce désordre serait la conséquence de la politique fiscale du Gouvernement menée depuis dix-huit mois.
En réalité, que constatons-nous ? Il aura fallu seulement deux exercices budgétaires pour amorcer une trajectoire vertueuse et responsable, et ce dans un contexte économique délicat pour l’ensemble de la zone euro en particulier. Je rappellerai, sans insister trop longtemps sur le reproche éculé de l’héritage, que l’ancien gouvernement a exécuté pas moins de cinq budgets dont on a bien mesuré les dégâts, puisque nous en avons tiré les conséquences durant l’été 2012. Le déficit public avait atteint 5,3 % du PIB en 2011. M. le président Marini souscrit à cette analyse.
M. Philippe Marini. Non, non, je n’opine pas ! Il y a des explications à tout !
M. Yvon Collin. M. le ministre a rappelé les chiffres qui confirment une évolution heureusement plus favorable aujourd’hui : le déficit a été ramené à 4,1 % en 2013. Le déficit structurel est également en voie d’amélioration : il est passé de 5,1 % du PIB en 2011 à 2,6 % en 2013 et devrait s'établir à 1,7 % l’année prochaine. C’est un indice supplémentaire du sérieux budgétaire qui caractérise l’action du Gouvernement depuis son arrivée au pouvoir, et les radicaux de gauche s’en félicitent.
Nous pouvons donc aborder le projet de loi de finances rectificative pour 2013 dans un esprit serein, même s'il est vrai que les prévisions du solde public en 2013 ont été révisées pour tenir compte du moindre rendement des recettes, en particulier de la taxe sur la valeur ajoutée, de l’impôt sur les sociétés, des cotisations sociales et des droits de mutation à titre onéreux. (M. Vincent Delahaye s’exclame.)
Comme vous le savez, mes chers collègues, si le solde du budget de l’État s’améliore de plus de 15 milliards d’euros par rapport à 2012 – je le répète, c’est une excellente nouvelle –, il subit néanmoins une dégradation de 10,4 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2013.
Vous avez donc dû trancher, monsieur le ministre – c’est souvent le rôle des ministres ! –, et ainsi procéder à des ouvertures et des annulations de crédits.
Le dérapage des dépenses sociales, qui est une constante, conduit à abonder plusieurs missions. À cet égard, il me paraît souhaitable d’arrêter la sous-budgétisation de mesures dont on sait, de surcroît en période de crise, qu’elles sont toujours dynamiques, hélas !
Deux ministères ont été fortement mis à contribution : le ministère de l’écologie et le ministère de la défense. Pour le premier, je laisserai à mes collègues du groupe écologiste, plus qualifiés que moi sur ce sujet,…
M. Jean-Vincent Placé. Vous êtes trop modeste, mon cher collègue !
M. Yvon Collin. … le soin de commenter les annulations nettes de 577 millions d’euros.
S’agissant du second, je soulignerai juste que l’adoption, avant-hier, de la loi de programmation militaire oblige à une certaine rigueur si l’on veut préserver le modèle capacitaire de l’armée française. Or le report de charges de 3,6 milliards d’euros suscite des inquiétudes. Nous savons, mes chers collègues, que plusieurs actions du budget de la défense contribuent au soutien de l’industrie. Je souhaite le rappeler au moment où EADS envisage des suppressions d’emplois au sein de sa division défense et spatiale.
J’en viens ainsi au second volet du projet de loi de finances rectificative, qui consiste à améliorer le financement de l’économie.
En effet, au-delà des mesures d’ajustement budgétaire, vous avez, monsieur le ministre, introduit différents dispositifs pour lesquels vous pouvez compter sur notre soutien.
Je pense notamment aux deux nouveaux produits d’assurance vie qui devraient drainer utilement l’épargne vers des secteurs au fort potentiel de croissance.
La fusion de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage est un bon début, mais, selon moi, seulement un début du très attendu chantier de la réforme de l’apprentissage. Je me réjouis de l’affectation de 55 % des ressources de cette taxe fusionnée aux régions (M. Philippe Dallier s’exclame.), car nous avons besoin d’un échelon pivot pour améliorer la gouvernance d’un dispositif essentiel à l’emploi des jeunes, priorité, faut-il le rappeler, du Président de la République.
En ce qui concerne les collectivités locales, je remercie M. le rapporteur général François Marc, qui a proposé un excellent amendement à l’article 22 pour revenir sur la perte de recettes automatique des communes de plus de 2 000 habitants qui ne perçoivent pas la taxe communale sur la consommation finale d’électricité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bon amendement !
M. Yvon Collin. Enfin, ce projet de loi n’oublie pas de renforcer l’équité fiscale, un principe auquel les radicaux sont attachés. Dans cet esprit, l’aménagement de l’exit tax est une nécessité pour ne pas soustraire à l’impôt les plus-values latentes des contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France, l’assiette de la taxe ayant été progressivement « mitée ». Je partage votre souci, monsieur le ministre, d’éliminer les effets d’aubaine, qui profitent le plus souvent aux plus aisés.
D’une façon plus générale, j’imagine d’ores et déjà que ce souci de justice sera au cœur de la grande réforme fiscale annoncée. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, les radicaux de gauche ont fait des propositions sur ce point depuis longtemps. Le Premier ministre a déclaré samedi dernier qu’il faudrait deux quinquennats pour mener à terme cette réforme. Si l’embellie économique qui se profile se confirme, il serait souhaitable d’aller plus vite. Il y a urgence, me semble-t-il, pour ne pas décourager les forces vives de notre pays.
En attendant ce fameux grand soir fiscal, mes chers collègues, la majorité du groupe RDSE approuvera le projet de loi de finances rectificative pour 2013, qui permettra la clôture d’un budget relativement maîtrisé. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Richard Yung applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’en venir au fond du texte qui nous réunit ce soir, permettez-moi un commentaire sur la manière dont s’organisent les travaux de notre assemblée en matière budgétaire.
Contrairement à une tendance qui s’était amplifiée notablement ces dernières années, on ne peut pas dire qu’en 2013 le Gouvernement aura abusé de sa prérogative de déposer des lois de finances rectificatives,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Jean-Vincent Placé. … puisque ce PLFR sera, de toute évidence, le seul de l’année.
Mme Michèle André. C’est une très bonne chose !
M. Jean-Vincent Placé. Pour autant, il aura sacrifié à la pratique consistant à amender massivement son propre texte, en l’occurrence à l’Assemblée nationale : ce ne sont pas moins de soixante-dix amendements que le Gouvernement y a déposés et qui ont ainsi presque triplé le nombre d’articles de ce projet de loi.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ces amendements ont souvent été puisés à bonne source !
M. Jean-Vincent Placé. Le travail d’analyse à fournir et le calendrier d’examen sont donc tels que notre rapporteur général François Marc, que je salue, n’a pas été en mesure – et c’est bien normal quand il s’agit d’ausculter un tel œdème législatif ! – de publier son rapport plus de vingt-quatre heures avant le début de l’examen du texte.
À cela s’ajoute le fait que les quelque deux cents amendements qui seront examinés demain n’ont été achevés de diffuser qu’au cours de cet après-midi. Chacun conviendra qu’il s’agit là de conditions peu propices à un travail sérieux...