M. Pierre Hérisson. Clemenceau nous manque, ce soir !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 7, 27 et 40.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 93 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 41.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Pour l’adoption | 178 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 95 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 347 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Je mets aux voix l'amendement n° 43.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 178 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 97 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 44.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 98 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art… L’action menée en faveur de l’accompagnement et l’insertion des personnes dites gens du voyage s’inscrit dans un cadre interministériel avec le souci de préserver l’équilibre entre la reconnaissance des droits et l’abrogation des mesures discriminatoires d’une part, le rappel des devoirs et la nécessité de conduire des politiques spécifiques à l’égard d’une population particulière dont l’habitat traditionnel est constitué de résidence mobile ou qui se trouve en situation de semi-sédentarisation, d’autre part.
« Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de cette communauté et des collectivités territoriales chargées de les accueillir.
« Elle est mise en œuvre par l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi que les associations qui représentent les gens du voyage dans leurs relations avec les pouvoirs publics. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Les politiques conduites en matière d’accueil et d’accompagnement des gens du voyage mettent en jeu un grand nombre d’acteurs – collectivités territoriales, administrations d’État, opérateurs privés, associations – et impliquent, au sein même de l’État, l’intervention de plusieurs ministères.
Les ministères chargés du logement et des affaires sociales sont les principaux concernés. Le ministère de l’intérieur est également intéressé par les enjeux relatifs à l’ordre public en matière de stationnement des gens du voyage et par les questions liées à l’état civil. Le ministère de l’éducation nationale – madame la ministre, votre présence n’est pas un hasard ! – intervient en matière de scolarisation des enfants du voyage. Enfin, d’autres ministères sont concernés de manière plus ponctuelle : le ministère de la défense, ainsi que le ministère des affaires sociales et de la santé en matière de prévention et de prise en charge sanitaire de cette population.
Tous les observateurs conviennent de façon unanime du défaut de coordination interministérielle à l’échelon national. Les ministères agissent chacun dans leur champ de compétence, sans nécessairement recouper leur action avec les autres départements ministériels.
Ce n’est que dans le cadre d’événement exceptionnel de portée nationale, comme les grands rassemblements qui se déroulent pendant la période estivale, que l’on peut voir les pouvoirs publics sortir de leur logique de verticalité pour s’appuyer sur une logique interministérielle.
À l’échelon local, le pilotage se révèle inégal. La concertation avec les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les conseils généraux se heurte à des difficultés dans certains départements. Il existe également un manque de coordination à l’échelle régionale.
On peut se montrer très surpris que, après de si nombreuses études menées sur le sujet, la population des gens du voyage reste mal connue, en l’absence de données statistiques actualisées.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a pleinement conscience de cette situation. Il a enjoint à l’ensemble de ses ministres d’établir une stratégie interministérielle renouvelée en faveur des gens du voyage. L’objectif est clair ; élaborer une stratégie fondée sur une approche globale et harmonisée destinée à mieux appréhender et accompagner la communauté des voyageurs dans tous ses aspects.
Nous pensons utile de rassembler dans la loi les fondements sur lesquels doit reposer la définition d’une politique globale conduite en faveur des gens du voyage afin de traduire, sur le plan législatif, l’action qu’entend mener le Premier ministre dans la définition de cette stratégie interministérielle.
Nous souhaitons, au travers du présent amendement, mettre en avant, à la fois la multiplicité des actions menées et celles des acteurs concernés, et rappeler la nécessité de veiller à une juste répartition entre les droits et devoirs réciproques des gens du voyage et des collectivités territoriales, qui ont pour responsabilité de les accueillir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement tend à décrire les fondements d’une politique globale en faveur des gens du voyage. La commission y est favorable, même si des doutes peuvent apparaître quant à sa cohérence avec les précédents votes en termes d’intégration des gens du voyage dans la communauté nationale.
Mme Cécile Cukierman. C’est certain !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. En l’occurrence, cet avis rejoint la déclaration de Jean-Pierre Michel, ainsi que les suggestions du préfet Hubert Derache et la proposition de loi de Dominique Raimbourg.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Diplomatie et sagesse caractérisent M. Leconte !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. On ne peut que souscrire à la logique qui sous-tend cet amendement : la nécessité, pour l’État et les collectivités, de travailler en coordination.
Toutefois, nous sommes quelque peu perplexes quant à ce qu’apportera réellement son adoption. En effet, les différents services des ministères concernés ont déjà l’habitude de travailler ensemble ; j’en veux pour preuve la circulaire relative au schéma départemental d’accueil des gens du voyage.
En outre, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées a pour vocation de coordonner l’action de différents ministères. Par conséquent, il ne nous semble pas absolument nécessaire de prévoir une disposition législative de portée générale pour traduire ce qui existe déjà sous l’égide du Premier ministre.
Par ailleurs, l’amendement tel qu’il est rédigé a-t-il une véritable portée normative ? Vous le savez, le Conseil constitutionnel est de plus en plus intransigeant concernant le réel caractère législatif des normes qui lui sont soumises. En l’espèce, l’intention nous paraît tout à fait louable, mais elle ne semble pas avoir abouti à la définition d’une norme claire.
C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas très favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 99 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 166 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 75 est présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, le mot : « traditionnel » est remplacé par le mot : « permanent ».
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Esther Benbassa. À l’article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000, est utilisé l’adjectif « traditionnel » pour qualifier l’habitat des gens du voyage. Or ce qualificatif me semble à la fois stigmatisant et inopérant. En effet, les gens du voyage appartiennent à une catégorie administrative désignant une population hétérogène, du point de vue culturel, social ou ethnique, qui réside habituellement en abri mobile terrestre. L’adjectif « permanent » paraît alors à la fois plus approprié et plus adapté à notre société actuelle.
Je voudrais rappeler en cet instant que l’expression « gens du voyage » est apparue en France en 1938, lors de la sortie du film du réalisateur belge Jacques Feyder intitulé Les gens du voyage. L’action, dramatique, se déroule au sein d’un cirque.
Le législateur l’emploie officiellement pour la première fois lors des travaux préparatoires de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969. Pierre Schiele, sénateur, parlant également d’« hommes du voyage », l’utilise dans son rapport du 19 décembre 1968.
À l’époque, cette catégorisation regroupe les forains, les caravaniers et les « voyageurs », ancienne catégorie des nomades. Lors d’une discussion en séance le même jour, le secrétaire d’État à l’intérieur, André Bord, reprend le terme de « voyageur » et lui ajoute ceux de « peuple du voyage ».
En 1972, cette expression est largement mentionnée dans une circulaire sur le stationnement des caravanes. Son utilisation se généralise ensuite dans les textes officiels et au sein de l’administration, pour figurer dans une loi en 1990.
Peu à peu, elle est employée dans le langage commun et est usitée par les médias, les politiques, etc., remplaçant les anciens termes « forains » et « nomades ».
Cette terminologie a en réalité deux sens, un légal et un autre commun.
Dans sa conception légale, cette dénomination vise une catégorie administrative française désignant une population hétérogène, du point de vue culturel, social ou ethnique, qui réside habituellement en abri mobile terrestre. Cette définition se retrouve dans la loi du 3 janvier 1969 et dans le décret du 31 juillet 1970, qui qualifie ces personnes de « sans domicile ni résidence fixe », SDRF, circulant en France ou exerçant des activités ambulantes.
Dans le langage commun, cette expression vise des personnes itinérantes vivant habituellement en caravanes, perçues comme appartenant à un groupe social, culturel ou ethnique transgénérationnel particulier et dangereux.
Dans la loi française, cette notion ne comporte aucune connotation ethnique ou communautariste, conformément aux principes constitutionnels de la Ve République. Ce vocable devrait recouvrir différentes réalités sociologiques, historiques ou ethniques, et l’adjectif « traditionnel » n’a plus lieu d’être utilisé pour qualifier l’habitat. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de le remplacer par l’adjectif « permanent ».
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 34.
Mme Cécile Cukierman. Comme l’a rappelé Mme Benbassa, cet amendement vise à remplacer le mot « traditionnel » par le mot « permanent » dans l’article 1er de la loi de 2010, dite « loi Besson ».
Cet amendement est cher aux associations que nous avons consultées. Comme je vous le disais lors de la discussion générale, celles-ci travaillent notamment afin que la stigmatisation des personnes concernées ne soit plus leur quotidien.
Elles nous ont expliqué que, lorsque l’on creuse le sujet et que l’on compare les différents mots employés ici et là dans notre législation pour désigner le type d’habitat de ces personnes, cet adjectif « traditionnel », en apparence neutre et non stigmatisant, comporte tout de même un peu ce dernier caractère.
En effet, la loi de 1969 définit la catégorie administrative des gens du voyage en fonction du critère de la résidence en abri mobile. Le code de l’urbanisme utilise une notion neutre et vise des « caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » lorsqu’il traite des conditions dans lesquelles un terrain doit être aménagé afin de permettre l’installation de ces véhicules. Or la loi Besson introduit le terme « traditionnel », ce qui participe à une vision communautariste inutile et contraire à l’objectif que notre groupe, comme d’autres, tente de poursuivre depuis le début de ce débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement est identique aux précédents.
Mes deux collègues l’ont indiqué, le mot « traditionnel » fait référence à l’origine des populations concernées. Il peut partant suggérer une ethnicisation des gens du voyage. La notion d’habitat permanent est plus précise : il s’agit d’une catégorie administrative. Pour ces raisons, il semble logique de le remplacer par l’adjectif « permanent ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Le Gouvernement est, lui aussi, animé par la volonté de ne stigmatiser aucune catégorie de la population. À cet égard, je remercie Mme Benbassa, qui nous apprend toujours beaucoup de choses, des explications qu’elle nous a apportées.
Cela étant, remplacer le mot « traditionnel » par l’adjectif « permanent » me semble incongru pour ce qui concerne les gens du voyage. Parler d’« habitat permanent mobile », c’est presque faire un oxymore ! À cet égard, je ne peux pas être très favorable à de tels amendements.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bravo pour l’oxymore !
Mme Cécile Cukierman. Mais il n’y a pas de contradiction !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Pour ma part, je ne vois pas en quoi l’adjectif « traditionnel » serait péjoratif, stigmatisant ou inopérant.
Mme Esther Benbassa. Il ne s’agit pas de cela !
M. Jean-Claude Requier. Je viens du monde rural et je suis favorable à la tradition. Le titre de sous-préfet contient le mot « sous » ; il n’en sert pas moins à désigner le représentant de l’État dans les arrondissements ! Pourquoi changer des expressions qui sont ancrées dans le langage courant ?
Je remercie, en toute honnêteté, Mme Benbassa du cours qu’elle nous a dispensé. Mais nous ne sommes pas ici en Sorbonne,…
Mme Esther Benbassa. Et alors ?
M. Jean-Claude Requier. … nous sommes au Sénat !
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai que nous sommes dans le VIe arrondissement !
M. Philippe Dallier. Décidément, nous avons bien fait de venir !
M. Jean-Claude Requier. Ce n’est pas une affaire d’État, mais, à mon sens, c’est tout de même beaucoup de bruit pour pas grand-chose… (Marques d’approbation sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.
M. Antoine Lefèvre. Alors que nous nous apprêtons à suspendre nos travaux, je remarque que, durant ces débats, nous avons beaucoup parlé de tradition et de stigmatisation, en invoquant l’histoire mais aussi la poésie, avec Baudelaire, ce qui est plutôt agréable. (Mme Esther Benbassa opine.) Cela étant, il faut également rappeler ce qui se passe sur le terrain. Il faut indiquer les situations auxquelles les élus locaux sont confrontés. De fait, tel est le sens de cette proposition de loi !
Dans cette perspective, il convient de prendre en compte les nombreux débordements et les manquements à la loi qui sont constatés.
Madame la ministre, vous l’avez dit, pour que la société soit vivable pour tous, il faut que chacun respecte les lois de la République. Certains ont répondu : « Que les élus commencent par respecter la loi ! » Néanmoins, si l’on veut inciter les élus à appliquer la législation, il faut précisément leur garantir que, dès lors qu’ils ont fait les efforts d’aménagement et d’accueil qui leur sont demandés, les occupations illégales et les saccages de terrains aménagés seront sanctionnés.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Mais cela ne suffit pas…
M. Antoine Lefèvre. À ce titre, je tiens à citer l’exemple de mon territoire, la communauté de communes du Laonnois. En 2008, nous avons inauguré, non sans une certaine fierté, notre aire d’accueil des gens du voyage. Hélas ! le 29 avril 2010, j’ai dû signer un arrêté de fermeture de cet équipement. Ce territoire, qui compte 44 000 habitants et qui ne dispose pas de ressources mirifiques, y avait investi 1,4 million d’euros. Quant au coût de la gestion, il s’élevait à 87 000 euros par an. Le coût des réparations, lui, représentait 120 000 euros !
Mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, cette aire d’accueil n’a pas été reconstruite, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Au reste, à l’époque où elle était ouverte, des occupations sauvages ont été constatées dans les limites de l’intercommunalité. Nous avons aussitôt alerté le représentant de l’État, mais aucune action n’a, malheureusement, pu être mise en œuvre. Il nous faut également évoquer cette problématique, qui figure au nombre des difficultés auxquelles les élus sont confrontés ! Le Sénat ne peut pas méconnaître ces difficultés.
L’argent public doit être dépensé utilement, la loi Besson doit pouvoir s’appliquer dans les faits. Le tout-répressif n’est pas une solution, nous en avons conscience. Néanmoins, à l’heure où les fonds publics se font de plus en plus rares, la réalisation de ces investissements, nécessaires et indispensables, va devenir de plus en plus difficile, notamment compte tenu des importantes destructions d’équipements subies par nos collectivités !
Je n’emploierai pas le terme « angélisme », que j’ai entendu prononcer au cours de nos débats en commission des lois. Je n’en tenais pas moins à rappeler cette réalité du terrain.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, pour ma part, je tiens à formuler trois remarques.
Tout d’abord, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, il n’y a pas d’angélisme en la matière. Quel que soit leur mode de vie, nos concitoyens doivent être punis dès lors qu’ils ne respectent pas la loi. (M. Antoine Lefèvre acquiesce.) Toutefois, il ne faut pas punir davantage un contrevenant au prétexte qu’il ne vit pas de manière sédentaire, mais qu’il a, au contraire, choisi de rejoindre les gens du voyage !
Le non-respect de la loi – notamment la dégradation des biens publics – doit être condamné. Je suis persuadée que, dans cet hémicycle, nous nous accordons tous sur ce point. Cela étant, d’aucuns, parfois involontairement, semblent suggérer que certaines personnes ayant choisi un mode de vie nomade respectent plus ou moins la loi. Monsieur Lefèvre, je ne sous-entends pas que tel était votre propos ! Je constate simplement qu’il faut se garder de toutes les dérives, qu’elles soient sécuritaires ou angéliques.
J’ai bien entendu vos propos, qui ne me posent pas le moindre problème. Je l’ai dit moi-même, pour sortir de cette situation, pour garantir le vivre ensemble, le bien-vivre de toutes et de tous, quels que soient les modes de vie des uns et des autres, toutes les communes de plus de 5 000 habitants auraient dû respecter la loi en aménageant des aires d’accueil et en les développant. Cette méthode aurait sans doute été plus simple, même si, on le sait bien, elle n’aurait pas suffi à résoudre tous les problèmes.
Ensuite, personne n’affirme que le terme « traditionnel » est péjoratif.
Mme Esther Benbassa. Bien sûr !
Mme Cécile Cukierman. Ce qui est péjoratif, c’est uniquement son mauvais usage ! En l’espèce, il nous semble effectivement que cet adjectif n’est pas pertinent. Comme M. le rapporteur l’a indiqué, le terme « traditionnel » ethnicise, il renvoie à une communauté. Or, depuis le début de nos discussions, nous souhaitons précisément, pour notre part, dépasser l’opposition stérile entre une « communauté » des gens du voyage et une « communauté » des sédentaires, entre lesquelles l’affrontement finirait presque par devenir inévitable ! On le sait également, lorsqu’on renvoie les citoyens à leur communauté – même si toutes les traditions sont bien sûr respectables – on ne les invite pas à s’ouvrir et à partager leur propre héritage avec les autres. Cette politique n’améliore en rien le vivre ensemble.
Je le répète, personne dans cet hémicycle ne rejette les traditions des uns et des autres. Cependant, veillons à employer ce terme à bon escient.
Enfin, madame la ministre, il ne me semble pas que le mot « mobile » donne lieu à un oxymore. On peut très bien concevoir un habitat à la fois mobile et permanent. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.) On peut au demeurant changer d’habitat plusieurs fois dans sa vie, que ce dernier soit mobile ou immobile. J’entends les réserves que vous émettez, mais, sur le fond, il me semble que les termes ne sont pas si opposés que cela !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. J’approuve tout à fait les propos de Mme Cukierman.
Monsieur Lefèvre, je souscris également aux constats que vous avez dressés. Toutefois, il ne s’agit pas, en l’occurrence, des problèmes que vous évoquez. Ces amendements n’ont pas pour objet de permettre aux gens du voyage de s’affranchir de la loi, loin de là ! Vous nous avez détaillé les initiatives que vous avez prises pour votre territoire, et je vous félicite pour ces réalisations. Mais l’expérience de terrain ne vous empêche pas de réfléchir au mot « traditionnel » en tant que tel. Seriez-vous heureux d’entendre dire que les Français sont « traditionnels » ?
M. Antoine Lefèvre. Oui !
M. François Fortassin. Ah oui, j’en serais très content !
Mme Esther Benbassa. Cette expression serait réductrice : certains sont très traditionnels, d’autres le sont moins. L’adjectif a également une connotation religieuse.
M. Jean-Claude Requier. La cuisine est traditionnelle ! (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. La tradition a du bon ! (Nouveaux sourires.)
Mme Esther Benbassa. Chers collègues, nous n’avons rien contre la tradition ! Mais le fait est qu’en matière de religion, on distingue ceux qui sont « traditionalistes » et ceux qui ne le sont pas. Pourquoi stigmatiser davantage certains de nos concitoyens en les réduisant à une tradition de nomadisme ? Les représentants du syndicat des forains nous l’ont affirmé lorsque nous les avons auditionnés, plus de 60 % des gens du voyage sont désormais sédentarisés.