M. Roland Courteau, rapporteur. Merci, monsieur le ministre.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … et de me féliciter de la tenue de ce débat important, qui fait honneur à votre assemblée.
J’ai toujours plaisir à venir participer aux travaux du Sénat. Ce rapport vient renforcer encore davantage ma conviction que, lorsque les élus – ce point a été souligné à l’instant – se saisissent de questions stratégiques, il y a toujours beaucoup d’enseignements à en tirer ! Le débat que nous avons cet après-midi est intéressant non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour l’avenir, car il permet d’orienter et de confirmer l’enjeu des investissements publics.
Monsieur Courteau, votre rapport, qui fait déjà référence, dresse une analyse juste et pertinente. Il souligne les difficultés du secteur et les interrogations qui se font jour.
Les enjeux sont à long terme, ce qui rend difficile la définition des choix stratégiques, et ne sont pas perceptibles immédiatement : toute erreur peut avoir des conséquences insurmontables. C’est une forme d’hommage que nous rendons à nos prédécesseurs, qui ont su à la fois construire une filière, relever des défis et bâtir cet avenir qui est aujourd’hui notre quotidien.
M. Roland Courteau, rapporteur. C’est vrai !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous devons être à la hauteur de ce qui fut réalisé de belle manière.
Au-delà des choix géographiques identifiés, cher Jean-Jacques Mirassou, il est évident que toute une industrie, toute une filière est concernée.
L’aviation civile est, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, une industrie où notre pays est un acteur de rang mondial, qu’il s’agisse des aéroports, de l’activité de sa principale compagnie aérienne ou de son offre d’avions, domaine dans lequel la France est peut-être le seul pays, avec les États-Unis, à posséder un grand constructeur, un grand motoriste et un grand spécialiste d’avionique.
Ce secteur représente, nombre d’intervenants l’ont souligné, plus de 800 000 emplois et 4 % du PIB. L’enjeu est donc important. Le secteur aéronautique a un effet d’entraînement pour le pays tout entier et représente un modèle d’organisation. J’en ai été à plusieurs reprises témoin. Je mesure la passion des industriels, et de celles et ceux qui sont impliqués, qui forment des grappes d’entreprises, des solidarités d’entreprises de filière. Dans une perspective d’avenir, les plus gros acteurs aident et accompagnent les PME et les chercheurs.
Ce secteur se caractérise cependant par des situations contrastées. Si la construction aéronautique connaît une situation favorable, tout comme les aéroports, toutes les compagnies aériennes françaises sont confrontées à un déficit de compétitivité qui leur fait perdre des parts de marché et fragilise leur avenir. Le Gouvernement assume les difficultés et cherche à apporter une réponse quotidienne aux plans sociaux douloureux, qui doivent redonner de la compétitivité aux entreprises et aux compagnies aériennes.
L’action que mène le Gouvernement depuis plus d’un an s’articule autour de trois objectifs principaux, qui répondront peut-être à vos constats, à vos inquiétudes ou correspondront à vos suggestions.
Tout d’abord, il s’agit de maintenir dans la durée l’excellence des secteurs de la construction aéronautique et des aéroports. Il s’agit, ensuite, d’assurer la mise en œuvre de la modernisation des systèmes de navigation aérienne, au niveau français et surtout européen. Ce point nourrit d’intenses débats lors des réunions du conseil des ministres européens des transports. Enfin, il s’agit d’accompagner immédiatement les efforts de productivité et de restructuration des compagnies aériennes françaises.
Ainsi, comme vous avez pu le constater lors de notre débat, monsieur le rapporteur, une grande partie de vos propositions, indispensables pour maintenir notre place jusqu’en 2040 et au-delà, ont déjà été mises en œuvre ou sont sur le point de l’être. Elles inspireront l’action du Gouvernement, d’autant que le constat et le désir d’efficacité sont partagés sur toutes les travées, quelles que soient les sensibilités politiques.
Vous avez tous évoqué les soutiens publics à la recherche aéronautique. Ceux-ci, contrairement à ce qui a pu être dit, sont restés très élevés dans un contexte de finances publiques contraint.
Fleuron de l’industrie nationale, l’industrie aéronautique participe à la reconstruction industrielle de notre pays par sa création continue d’emplois très qualifiés : 60 000 embauches depuis 2008 et près de 15 000 embauches prévues en 2013. Elle contribue également à la création de la richesse nationale en étant, en particulier, le premier contributeur à la balance commerciale, avec un excédent de plus de 20 milliards d’euros en 2012.
L’industrie aéronautique réalise des investissements considérables sur le territoire, dans le domaine de la recherche et du développement. Cet effort important est consenti sur des cycles très longs, car la rentabilité financière n’est souvent atteinte que vingt ans à vingt-cinq ans après le début des investissements. Il faut essayer de se projeter et de guider le mieux possible les premiers investissements. Dans la mesure où il s’agit d’une projection à long terme, l’action de l’État et la mobilisation des moyens publics n’en sont que plus fondamentales, voire indispensables, pour impulser le mouvement.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le nouveau programme d’investissements d’avenir, le PIA, a ainsi apporté une nouvelle dotation à l’action aéronautique de 1,22 milliard d’euros. Mme Laborde a jugé cet effort insuffisant, j’y reviendrai.
Parmi cette dotation, selon les termes du projet de loi de finances, 150 millions à 320 millions d’euros seront consacrés au soutien des propositions du Conseil pour la recherche aéronautique civile, le CORAC,…
M. Roland Courteau, rapporteur. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … suivant en cela les préconisations et les attentes des chercheurs ainsi que des industriels.
Monsieur le sénateur Capo-Canellas, je veux vous rassurer. Nous faisons preuve d’une détermination totale dans notre engagement : dans le cadre des huit programmes-cadres de recherche et développement, les PCRD, plus de 1,8 milliard d’euros seront affectés à l’initiative Clean Sky 2. Je suis heureux de livrer cette information récente à votre assemblée.
Le soutien de l’État reste donc indispensable pour accompagner la filière dans sa démarche de progrès technologique et nous permettre de rester à l’avant-garde dans un environnement de plus en plus concurrentiel, avec l’émergence prévisible de nouveaux acteurs, tels que le Brésil, la Russie, l’Inde, le Japon. Aujourd’hui, le défi est de faire voler des avions qui seront plus économes en énergie, plus légers, moins bruyants et toujours plus sûrs.
Un certain nombre de propositions, qui sont autant d’impulsions nécessaires, ont été avancées dans votre rapport, monsieur le rapporteur, notamment sur la question du biocarburant, dont le développement ne doit pas se faire au détriment d’un certain nombre de productions agricoles.
C’est un aspect que vous avez aussi souligné, madame Cukierman. Je craignais que vous ne vous contentiez de nous dire qu’il y avait un risque par rapport aux productions agricoles, mais vous avez fort justement poursuivi votre raisonnement, ce qui a soulagé d’ailleurs un certain nombre d’auditeurs (Sourires.), en soulignant que les biocarburants doivent être développés dans un esprit de complémentarité et dans une perspective raisonnée.
Monsieur le rapporteur, j’ai souhaité que les soutiens apportés par la DGAC depuis 2011 aux recherches spécifiques sur les biocarburants aéronautiques soient poursuivis. Je pense notamment aux « algocarburants » : nous avons encore tant à découvrir sur la potentialité énergétique des micro-algues, par exemple.
M. Roland Courteau, rapporteur. Oui !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’est un enjeu majeur pour la compétitivité de notre pays, qui – n’est-ce pas, monsieur Revet ? – souffre peut-être toujours d’un manque de reconnaissance de son caractère maritime. Voilà en tout cas un argument supplémentaire qui montre combien le fait de se situer au deuxième rang mondial en termes de surface maritime peut être utile, y compris pour ses avions. Il n’y a donc pas de concurrence entre le rail et l’aviation, mais une complémentarité.
M. Charles Revet. Beaucoup trop d’entraves empêchent d’exploiter cette complémentarité !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Les entraves doivent être supprimées et ce débat constituera une impulsion supplémentaire en ce sens.
Lors de la cinquantième édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace, qui s’est déroulée au Bourget du 17 au 23 juin dernier, le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé l’engagement du Gouvernement de soutenir les démonstrateurs de recherche technologique dont la filière a besoin pour préparer son avenir et de mener avec détermination les actions nécessaires pour que les besoins de l’industrie aéronautique demeurent au plus haut niveau de ses priorités d’investissements d’avenir.
J’en profite d’ailleurs pour noter que ce salon, qui réunit tous les deux ans l’ensemble des acteurs de l’industrie aéronautique et spatiale mondiale pour un événement qui est majeur et unique au monde, a été un parfait reflet de l’excellence de l’industrie aéronautique française et européenne.
M. Roland Courteau, rapporteur. C’est vrai !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cette rencontre fut, cette fois encore, un excellent cru. Pour ma part, j’ai souhaité mobiliser tous les services et profiter de ce rendez-vous pour multiplier les rencontres avec mes homologues, puisqu’une invitation a été adressée à tous les ministres des transports avec lesquels nous avons des contacts pour qu’à cette occasion soient mis en avant nos savoir-faire.
La question de la formation a été également évoquée de façon tout à fait légitime, monsieur le rapporteur.
Il est essentiel de pouvoir trouver – c’est une préoccupation des industriels – suffisamment de jeunes, de pouvoir les former et de s’assurer que les métiers soient en adéquation avec l’évolution des technologies. Dans le cadre des orientations du comité stratégique de la filière aéronautique, coprésidé par les ministres du redressement productif et des transports, un partenariat entre les grandes entreprises et les PME visant à favoriser le recrutement des jeunes en alternance a pu être spécifiquement mis en place dans l’aéronautique.
C’est extrêmement important. D’ailleurs, au Bourget, nous avons également multiplié les actions de sensibilisation en direction des jeunes issus de toutes les filières, de tous les lycées professionnels ou tout simplement des quartiers. Plus de 5 000 jeunes sont employés en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation depuis le début de 2013. Ce chiffre a progressé de 15 % sur un an ; c’est dire la nécessité de faire correspondre les métiers, l’enjeu et la perspective. C’est dire aussi la sécurité que cela peut amener dans un parcours qualifiant ou professionnalisant.
Permettez-moi d’aborder ici un sujet qui me passionne et même de m’y attarder – mais vous m’y avez invité – : je veux parler des drones. Nous devons également être présents dans des filières d’avenir telles que celle des drones, avec leurs applications civiles et militaires. M. le président Sido y a fait référence également, c’est un enjeu majeur.
La France, compte tenu de la forte tradition aéronautique qui la caractérise, est naturellement très présente sur ce nouveau marché des drones, et ses entreprises – pour avoir visité bon nombre de leurs stands, je peux l’affirmer – ont la capacité de faire fructifier leurs compétences et leurs savoir-faire. Encore faut-il que nous puissions élaborer mais aussi simplifier un certain nombre de réglementations afin de rendre opérante l’utilisation de ces nouvelles technologies.
Le Gouvernement, comme je le suis moi-même, est particulièrement favorable à l’émergence de ces technologies et au développement des services qu’elles peuvent rendre. Il est important que les entreprises françaises soient très présentes dans ce domaine. Elles sont en mesure de l’être, encore faut-il que nous leur donnions, notamment par l’affirmation d’une volonté publique, une perspective, une impulsion.
M. Roland Courteau, rapporteur. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je tiens donc à réaffirmer la nécessité stratégique d’être présent dans ces filières d’avenir et la nécessité de cet engagement industriel, car, dans cette optique, nous souhaitons rendre plus faciles et plus abordables non seulement des marchés, mais aussi des utilisations.
Un premier référentiel réglementaire a été mis en place en France après une concertation approfondie, l’objectif ayant été de trouver un premier équilibre entre la garantie de la sécurité et l’ouverture aux innovations technologiques, tout en étant attentifs aux questions de société qui en découlent. Nous avons été interpellés sur ce point : il faut évidemment que nous ayons présente à l’esprit la question du respect de la vie privée, grand enjeu de société.
Plus de 350 opérateurs ont reçu une autorisation pour des opérations de travail aérien avec des drones dans les cadres prédéfinis par une réglementation adaptée : la dynamique a donc été lancée. Je souhaite que nous puissions lever certains obstacles sans toutefois remettre en cause la sécurité et la protection de la propriété et de la vie privée. C’est d’ailleurs – les services de la DGAC le savent bien – une demande expresse de ma part : je souhaite que nous puissions non seulement simplifier les règlements, mais également soutenir ces jeunes entreprises, les start-up des drones, qui, aujourd’hui, n’en sont qu’aux balbutiements dans l’utilisation de cette technologie.
M. Charles Revet. Il y a là un potentiel important !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Très important, et il nous appartient de ne pas brider ce potentiel par une réglementation qui serait, de ce point de vue, limitative.
Si la création d’une « mission interministérielle » ne doit pas être écartée d’emblée, il n’est pas certain, à ce stade, qu’elle soit garante d’une plus grande efficacité ni qu’elle permette de simplifier les procédures. Peut-être faut-il, au contraire, éviter de créer une nouvelle structure administrative qui ne serait pas particulièrement efficiente.
La problématique d’intégration d’un espace aérien civil est en effet primordiale. Il appartient à la DGAC, en liaison avec les institutions européennes, de continuer à travailler sur ce sujet. La France sera tout à fait leader, soyez-en convaincus !
Là encore, de nouveaux dispositifs publics peuvent accompagner financièrement et technologiquement l’émergence de ces acteurs sur les marchés, dès lors que ceux-ci sont à même d’apporter la preuve de la pertinence des concepts proposés pour de nouveaux services aériens.
Mme Laborde et M. Mirassou ont évoqué la question de la cession de parts de capital, en se demandant comment nous pouvions concilier notre vision de l’État stratège et le redéploiement du capital de certaines sociétés, notamment d’EADS. Je serai très clair sur cette question : une réorganisation de la gouvernance d’EADS a été mise en place, d’ailleurs soutenue par la France, qui a conduit à aligner la participation de la France sur celle de l’Allemagne. Cette démarche, qui n’a en rien affaibli les relations avec l’entreprise, visait simplement à réajuster, au sein même de la gouvernance, la part de chacun.
Concernant Aéroports de Paris, l’État a ramené sa participation de 58 % à un peu plus de 50 %. Je pense que la position du Gouvernement a été très claire. Si elle ne l’a pas été suffisamment, je la réaffirme : il n’est en rien question d’aller en deçà de 50 % ; l’État gardera évidemment la majorité dans la composition du capital d’ADP.
M. Bruno Sido, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. C’est un scoop !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. D’ailleurs, je vous rassure sur ce point, mais vous le savez, cela ne pourrait se faire que par un vote du Parlement. Donc, tant que vous n’avez pas été saisis – et vous ne le serez pas par le Gouvernement –, la question ne se pose pas.
Une autre question a trait à l’adaptation progressive des capacités aéroportuaires aux besoins de transport aérien. Nous avons parlé de complémentarité entre les différents modes de transport. Nous avons évoqué, j’y reviendrai dans quelques instants, l’optimisation nécessaire de l’organisation de l’espace aérien, notamment des voies aériennes. C’est pourquoi il importe de soutenir, au niveau européen, les programmes d’innovation relatifs aux espaces aériens. Mais il est des moments où les choix politiques s’imposent à nous.
J’ai bien entendu l’appel de Mme Corinne Bouchoux, qui est revenu sur un sujet d’actualité. Il est effectivement compliqué de vouloir protéger l’environnement – protection sonore, non-survol de zones – et de refuser la création d’aéroports.
Vous connaissez ma position sur ce point. La croissance du trafic aéroportuaire dans toute cette région de l’Ouest, une croissance à plus de deux chiffres, est la plus importante de France. Il est absolument nécessaire d’envisager un équipement aéroportuaire qui protège l’environnement – les populations y ont droit –, mais qui puisse aussi absorber à long terme le trafic sur cette partie du territoire. Là où il est possible d’optimiser les plates-formes existantes, nous devons le faire. L’exemple de Toulouse en est une parfaite illustration.
Nous devons le faire aussi en étant attentifs à la qualité de l’environnement des populations. Je reçois, pour ma part, des délégations d’élus, des associations de riverains et je sais que la perspective d’éventuels travaux ou extensions – je pense à Orly – peut susciter beaucoup d’anxiété.
L’optimisation de l’existant est la piste prioritaire, mais le redéploiement des capacités aéroportuaires ne doit pas être écarté lorsqu’il devient une nécessité absolue.
S’agissant des infrastructures indispensables à l’augmentation des capacités pour les aéroports parisiens de Roissy et d’Orly, c’est-à-dire les aérogares, les aires de stationnement et les accès terrestres, vous avez raison de souligner combien les programmes d’investissements d’Aéroports de Paris doivent être étroitement encadrés par les contrats de régulation économique signés tous les cinq ans avec l’État. Ces contrats ont permis, depuis 2005, la mise en œuvre d’investissements structurants sur une base de programmation pluriannuelle.
Par ailleurs, ces aéroports, sources de richesse économique et d’emplois pour les communes voisines, doivent pouvoir se développer dans le respect des riverains avec un plafonnement de leurs émissions sonores. J’attire l’attention sur l’importance des emplois fournis par les plates-formes aéroportuaires à des populations qui en ont aujourd’hui besoin. Il est nécessaire de veiller à l’équilibre social que permettent ces métiers.
Bref, il y a là des enjeux qui concernent la chaîne de décision, les relations économiques entre les entreprises et leurs sous-traitants, le respect des populations et le rapport social. Il faut bien évidemment, aussi, respecter les riverains, ce qui passe par l’amélioration des performances acoustiques des aéronefs, mais aussi par la mise en place de nouvelles solutions de navigation aérienne.
Puisque je viens d’évoquer les nouvelles solutions de navigation aérienne qui permettront de réduire les nuisances autour des aéroports, je souhaite confirmer la nécessité, largement soulignée dans le rapport, de moderniser les systèmes de navigation aérienne. Cet enjeu majeur très complexe doit être traité au niveau européen. Je me félicite qu’un ambitieux programme européen dit « Ciel unique » ait été lancé dès 2004 et que la France y joue un rôle tout à fait important.
Notre pays est en particulier engagé, avec cinq autres États – l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse –, dans la mise en place du FABEC, le bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Centrale ». L’objectif est de gérer l’espace aérien et le trafic aérien dans cette zone indépendamment des frontières nationales, pour rendre plus fluide la circulation aérienne, grâce à une organisation groupée, et augmenter la performance. J’y ai fait référence précédemment.
Ce projet extrêmement important doit permettre d’absorber la croissance attendue du trafic, d’optimiser notre capacité d’y répondre avec des niveaux de sécurité et de ponctualité aussi élevés qu’aujourd’hui et de réduire, dans le même temps, l’impact environnemental des vols, grâce notamment à des trajectoires optimisées. Des travaux sont en cours, et la DGAC doit régulièrement adapter les logiciels et les schémas pour permettre des améliorations, notamment dans le domaine des trajectoires d’approche. Il est nécessaire d’optimiser les trajectoires pour générer des gains de consommation de carburant.
Le FABEC est le bloc d’espace aérien fonctionnel le plus important d’Europe, car il représente 55 % des vols en Europe. Sa réussite est primordiale. Lors du dernier conseil des ministres européens informel, j’ai demandé au commissaire Kallas une pause dans la réglementation aérienne - je pense notamment au « Ciel unique 2 + ».
En effet, il faut laisser le temps à la réglementation, qui date de 2009, de porter tous ses fruits avant de remettre celle-ci en cause. Nous avons en France une organisation administrative de grande qualité, qui est d’ailleurs, je le souligne, une référence européenne et mondiale. Je le répète, nous devons prendre le temps d’appliquer les réglementations existantes et éviter cette forme de harcèlement textuel !
Je me réjouis que l’Europe ait lancé à ce sujet un programme technologique de premier ordre, dénommé SESAR. Ce partenariat entre la Commission européenne, l’agence européenne Eurocontrol et les acteurs opérationnels et industriels est unique dans le secteur de la recherche et du développement en matière de gestion du trafic aérien. Le programme est d’une ampleur sans précédent : 2,1 milliards d’euros sont investis dans la phase de développement, de 2008 à 2016, avec près de 3 000 personnes impliquées dans les différents secteurs aéronautiques. C’est dire combien la recherche-développement peut permettre de tracer de grandes perspectives pour l’organisation même des services aériens au niveau européen. L’enjeu est de mettre en service, d’ici à 2020-2025, le futur système européen de gestion du trafic aérien intégrant de nouveaux concepts opérationnels.
La phase de développement de SESAR comprend un programme de travail de 310 projets. La DGAC, en association avec l’École nationale de l’aviation civile, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, Météo France et ses partenaires associés, participe à 75 projets pour un montant de 69 millions d’euros.
Le Gouvernement mène donc une politique déterminée pour maintenir, dans la durée, le leadership de notre construction aéronautique et de nos aéroports. J’ai d’ailleurs reçu aujourd’hui l’un de mes homologues. Nous pouvons apporter notre savoir-faire et faire bénéficier de la pertinence de nos analyses et de nos solutions des pays qui connaissent des taux de croissance beaucoup plus forts que le nôtre, notamment dans le domaine aérien. Notre système de navigation aérienne doit pouvoir nous permettre de garder notre leadership dans la durée.
Monsieur le rapporteur, vos propositions seront une source d’inspiration pour l’impulsion que nous voulons donner au secteur de l’aviation civile, et je m’en réjouis. Beaucoup reste à faire. Il nous faut, et vous l’avez dit dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, porter une attention de tous les instants aux choix budgétaires de long terme que nous arrêterons. Ils doivent nous permettre de maintenir un haut niveau d’investissement et de recherche, et de faire en sorte que la route tracée par nos prédécesseurs puisse être suivie. Les perspectives sont encourageantes. Il nous appartient, en cette période où les finances publiques sont contraintes, de nous assurer que les investissements d’aujourd’hui deviennent les emplois de demain, et de respecter tant l’environnement que les populations concernées.
Je souhaite souligner l’une des priorités actuelles du Gouvernement, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une communication de ma part en conseil des ministres en janvier dernier : il s’agit du rétablissement de la compétitivité de nos compagnies aériennes. Vous avez tous évoqué cette question, et particulièrement Charles Revet, Vincent Capo-Canellas et Françoise Laborde. Je voudrais vous apporter un certain nombre de précisions sur les charges que supportent nos compagnies, et particulièrement notre compagnie leader.
Le transport aérien connaît une croissance soutenue, mais qui reste cependant faible en France, en Europe et aux États-Unis. Les compagnies françaises sont dans une situation extrêmement difficile, car elles sont soumises à la concurrence des transporteurs à bas coûts sur les vols moyen-courriers et celle des compagnies du Golfe sur les vols long-courriers.
La survie des compagnies aériennes à l’horizon de 2040 se joue dès aujourd’hui, avec les choix stratégiques que nous ferons. C’est vrai pour notre compagnie nationale. Il suffit de regarder l’exemple des compagnies de nos voisins pour nous convaincre des difficultés qui nous attendent – je pense notamment au Royaume-Uni, à l’Allemagne et, plus récemment, à l’Italie – et mesurer combien les choix seront incontournables.
M. Charles Revet. Déterminants !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il faudra que les parties concernées acceptent les décisions qui devront être prises pour sauver la compagnie Air France.
Je veux rendre hommage à tous ceux, notamment les salariés et les représentants des organisations syndicales, qui acceptent aujourd’hui la réalité de l’absence de compétitivité de la compagnie et la nécessité de faire bouger les lignes. Cette acceptation ne relève pas forcément d’une évidence absolue, elle est donc d’autant plus remarquable qu’elle est extrêmement difficile. Les transporteurs français mènent donc actuellement un plan de redressement extrêmement important et réalisent les efforts de productivité nécessaires.
Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, le Gouvernement a décidé d’accompagner ces efforts par des mesures fiscales et financières leur permettant de rétablir leur compétitivité ; je profite de l’occasion pour le rappeler, car ces mesures ne sont peut-être pas suffisamment visibles.
Je pense notamment à l’allégement de deux taxes spécifiques au transport aérien, qui représentent elles aussi des enjeux majeurs : la taxe d’aéroport et la taxe sur les nuisances sonores aériennes, que j’ai fait diminuer dès le 1er avril dernier à Roissy pour favoriser la compétitivité du transport aérien. Ainsi, la taxe d’aéroport a été réduite de 40 % pour les passagers en correspondance, ce qui fait gagner 30 millions d’euros à Air France.
Dans le même temps, nous avons fait baisser la taxe sur les nuisances sonores aériennes, qui faisait peser des prélèvements trop importants – de l’ordre de 5 millions d’euros par an – sur les compagnies, tout en maintenant l’effectivité du dispositif. Il existe là encore un déséquilibre entre les résultats des aéroports et ceux des compagnies : comme je le disais en introduction de mon propos, si les aéroports se portent très bien, les compagnies vont beaucoup moins bien lorsqu’il s’agit de Roissy ou d’Orly, particulièrement notre compagnie nationale. Il nous faut corriger ce déséquilibre budgétaire, dans le respect de la concurrence, bien évidemment, et avec un traitement qui soit égalitaire – nous ne saurions nous faire attaquer pour discrimination positive.
Surtout, j’ai souhaité encourager ADP à modérer la hausse des redevances aéroportuaires pour 2014. Alors que le contrat de régulation économique qui a été signé il y a quelques années, et qui ne porte donc pas ma signature, aurait pu permettre une hausse de ces redevances de 3,74 %, nous sommes convenus avec ADP que cette augmentation soit limitée à moins de 3 % – en l’occurrence, elle s’élèvera à 2,95 %. Cet effort, considérable, est à la hauteur des enjeux.
Vous le voyez, ces mesures annoncées en conseil des ministres ont trouvé pleine application dans le plan de relance et de soutien de notre compagnie nationale. Au demeurant, d’autres pistes sont encore à l’étude.
Enfin, l’État veille également à ce que les conditions de concurrence soient équitables. Il entend mener toutes les enquêtes nécessaires pour vérifier que le droit est bien respecté par les transporteurs.
Ainsi, comme je l’ai souligné lors de l’avant-dernier conseil des ministres, on ne peut être que satisfait de certains jugements exemplaires intervenus dans ce domaine, notamment celui rendu le 2 octobre 2013, qui condamne les pratiques sociales de la compagnie Ryanair.