Mme Maryvonne Blondin. C’est primordial !
M. René-Paul Savary. Je songe à la vaccination. Ce sujet a déjà été abordé : c’est véritablement à cet âge qu’il faut enseigner aux étudiants un certain nombre de réflexes préventifs, notamment à titre médical. Enfin, je songe au dépistage de certaines maladies, comme le sida.
Aussi la prévention revêt-elle une importance capitale. Il faut moderniser notre système de santé, mieux l’organiser et mieux le profiler. Cibler notre politique de prévention permettrait d’obtenir des résultats immédiats. A contrario, sans ciblage, les mesures mises en œuvre resteront inutiles !
Comment répondre, par exemple, au phénomène du binge drinking, cette calamité qui accable la population estudiantine ? Plutôt que d’adopter des mesures préventives, les pouvoirs publics songent à instaurer une fiscalité comportementale frappant les substances absorbées par nos jeunes. Or, à mon sens, nous avons bel et bien des actions à mener sur le front de la prévention.
Mes chers collègues, je conclurai brièvement, pour éviter toute répétition. Je souscris totalement aux propositions qui ont été formulées.
Il faut uniformiser les systèmes existants. Il faut aussi favoriser la reconnaissance du handicap, en améliorant les liens avec les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Cette préconisation n’est tout de même pas très difficile à appliquer, et elle permettrait de répondre aux problèmes de handicap que subissent nos étudiants.
En outre, je le dis sans la moindre ambiguïté : supprimons le régime délégué ! C’est là une proposition concrète. Pour éviter toute confusion avec les régimes complémentaires, il ne faut plus qualifier ces dispositifs de « mutuelles ».
De surcroît, madame la ministre, je me permets d’insister sur ce point, il faut former un plus grand nombre de médecins. Je compte sur vous pour transmettre ce message à votre collègue Marisol Touraine, ministre de la santé. Il s’agit là d’un enjeu essentiel !
Mme Catherine Procaccia. La formation des médecins est du ressort de Mme Fioraso, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. René-Paul Savary. C’est vrai, et je prie Mme la ministre de bien vouloir m’excuser. Nous sommes face à un sujet interministériel ! (Mme Catherine Procaccia opine.)
Au surplus, il faut former des médecins préventionnistes selon les méthodes modernes de prévention. Demain, la médecine prédictive, qui se fonde sur les prédispositions génétiques, permettra de mieux prendre en compte l’ensemble de ces problèmes.
Enfin, j’insisterai sur la précarité que subissent nos étudiants. Certains d’entre eux souhaiteraient exercer un travail à temps partiel.
M. Michel Le Scouarnec. Mais ils travaillent déjà le dimanche !
M. René-Paul Savary. Or la fiscalité en vigueur décourage ceux qui veulent mener de front un travail et des études. Peut-être faudrait-il revoir ce dispositif, pour lutter efficacement contre la précarité et, ainsi, permettre aux étudiants d’assumer plus facilement leurs dépenses de santé. Je salue à cet égard les propos de Ronan Kerdraon. Un statut social des étudiants apporterait une pierre à notre édifice de protection sociale. Il permettrait de mieux répondre aux préoccupations des mutuelles étudiantes.
Enfin, si le Gouvernement ne peut répondre aux propositions que nous formulons ce soir à son intention, sans doute une mission d’information parlementaire pourra-t-elle l’épauler dans sa tâche ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant la dernière oratrice à m’exprimer dans ce débat, je crains de ne pas avoir grand-chose de nouveau à vous dire. J’ai donc retiré quelques passages du texte de mon intervention. Je commencerai en félicitant les rapporteurs, qui ont réalisé un travail important, bien documenté et précieux pour nous tous.
En 2011, selon une étude menée par La Mutuelle des étudiants, LMDE, sur un échantillon représentatif de près de 8 500 étudiants, 19 % d’entre eux ne bénéficiaient pas de complémentaire de santé, soit 6 points de plus qu’en 2005.
Sachant que la sécurité sociale ne rembourse plus que 55 % des soins courants, en moyenne, on mesure aisément les grandes difficultés financières auxquelles se heurtent un certain nombre d’étudiants dans la prise en charge des actes de soin !
Comme le souligne le rapport, « les renoncements risquent d’être d’autant plus importants pour les soins dentaires, d’optique ou de gynécologie ». En effet, LMDE précise que « les consultations gynécologiques, en particulier pour la demande de contraceptifs, occupent une place importante dans l’activité de soins des SUMPPS ». Je vous rappelle, mes chers collègues, que certaines régions ont mis en place des dispositifs de type « pass contraception ».
Vous indiquez, à juste titre, que si les étudiants sont dans leur très grande majorité en bonne santé, l’appréciation qu’ils portent sur leur bien-être est plus nuancée. Cet aspect est capital. Une attention particulière doit ainsi être portée à la fragilité psychologique, au développement des conduites à risque ou des comportements addictifs et aux rappels de vaccination.
La publication du nouveau volume de l’Observatoire de la vie étudiante est imminente, mais le précédent livrait des chiffres inquiétants : 30 % des étudiants sont déprimés et 26 % se sentent seuls et isolés. Or, cela semble une évidence, un étudiant en bonne santé a plus de chance de réussir son orientation, son parcours universitaire et donc son entrée dans le monde du travail.
Vous avez en outre évoqué, madame Procaccia, la question de l’accès aux soins des étudiants les plus défavorisés, qui est devenu très compliqué. De vrais risques sanitaires existent : des maladies oubliées réapparaissent et les cas de gale, de tuberculose ou de rougeole se multiplient.
Concernant la rougeole, un virus hautement contagieux et potentiellement grave pour les adultes, l’augmentation du nombre de cas depuis cinq ans est particulièrement préoccupante. La corrélation de ce mouvement avec l’insuffisance des couvertures vaccinales dans un environnement sanitaire déficient est évidente. Des phénomènes similaires ont été constatés en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
De plus, on observe que certains des étudiants étrangers sur notre territoire se trouvent dans une situation particulière de fragilité et sont confrontés à des difficultés financières, à l’isolement et à la complexité des démarches administratives.
Votre rapport suggère d’améliorer leurs conditions d’accueil, notamment en « simplifiant leur parcours administratif une fois leur visa accordé ». Cette heureuse initiative permettrait à ces jeunes, qui nous font l’honneur d’étudier dans notre pays, de rencontrer, notamment, plus facilement le personnel de santé.
Je me félicite que l’un des objectifs affichés du Gouvernement dans son budget pour 2014 concernant l’enseignement supérieur et la recherche soit de développer la prévention. Le programme 231, « Vie étudiante », est en effet en hausse de plus de 6 %.
L’objectif est d’assurer un meilleur suivi sanitaire de la population étudiante, de garantir l’accès aux soins pour tous en renforçant le partenariat avec les mutuelles étudiantes, les différents acteurs de la santé et les associations étudiantes et, ainsi, de répondre aux urgences médicales.
Renforcer les programmes de prévention est un objectif important, compte tenu de cette situation typiquement française dans laquelle le préventif se voit accorder 3 % du budget, quand le curatif en reçoit 97 % ! L’éducation à la santé doit permettre d’acquérir les bases et les bonnes habitudes afin de préserver sa qualité de vie en adoptant les bonnes pratiques.
Mme Françoise Cartron a évoqué tout à l'heure ce que nous avons adopté au Sénat et inscrit dans la loi de refondation de l’école : le fameux parcours de santé des élèves du premier et du second degré. La continuité doit être assurée dans le supérieur. Demeure bien sûr le problème de la démographie médicale et du statut des médecins qui s’investissent dans notre système scolaire.
Les conventions entre les ARS et les SUMPPS ont également été évoquées. Malheureusement, elles existent dans les textes mais n’ont pas encore été mises en application dans tous les territoires. Il s’agit là d’un point important, et j’invite ceux d’entre nous qui sont membres d’ARS, c'est-à-dire d’agences régionales de santé, à rappeler systématiquement qu’il est nécessaire de les signer.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Maryvonne Blondin. Même si, aujourd’hui, des actions de prévention sont menées, elles sont « éparpillées et difficiles à évaluer ».
Il est donc urgent de favoriser le pilotage de la politique de santé. J’avais proposé un amendement au projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, qui avait été adopté par le Sénat en commission et en séance publique mais qui a péri, avec l’article 57 ter dans son entier, lors de la commission mixte paritaire. Il s’agissait d’insérer la rédaction suivante : « Le réseau des œuvres universitaires assure une mission d’information et d’éducation pour la santé des étudiants. »
M. Michel Le Scouarnec. Diable ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Maryvonne Blondin. En effet, l’action importante des mutuelles étudiantes dans ce domaine, les implications étroites, en bonne intelligence, des travailleurs sociaux du CROUS ou des universités, sont fondamentales pour la santé des étudiants.
Hélas, cet amendement n’a pas été conservé, alors même qu’il n’était pas incompatible, à mon sens, avec les préconisations de ce rapport.
Dans un tel contexte, un engagement politique fort est nécessaire pour améliorer la situation.
M. Michel Le Scouarnec. Tout à fait !
Mme Maryvonne Blondin. Nous aspirons tous, en effet, à réaliser la maxime : « Un esprit sain dans un corps sain » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat sur la santé et la sécurité sociale des étudiants. Il n’est pas si fréquent, en effet, que la représentation nationale s’intéresse à la vie des étudiants, qui pourtant, comme bon nombre d’entre vous l’ont dit, représentent notre avenir et constituent donc un enjeu très important pour le pays.
Je veux également féliciter les deux auteurs de ce rapport, Mme Catherine Procaccia et M. Ronan Kerdraon, de la qualité de ce document. Un an après sa publication, il reste d’actualité, ainsi qu’ils l’ont eux-mêmes souligné.
Le redressement de notre pays passe obligatoirement par une recherche et un enseignement supérieur dynamiques, et de qualité. Au travers de la loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche, la réussite des étudiants et l’amélioration de leurs conditions de vie ont été placées au cœur des priorités. Le Gouvernement a saisi à bras-le-corps la question des conditions de vie des étudiants.
Comment viser l’obtention d’un diplôme, en effet, lorsque l’on ne peut pas se loger correctement ou lorsque le loyer représente jusqu’à 70 % d’un budget, comme c’est trop souvent le cas en région parisienne ? Comment réussir sa formation quand une pauvreté grave et durable empêche de se concentrer, quand on est amené à travailler plus de quinze heures par semaine, compromettant ainsi ses chances de réussite aux contrôles et examens, ou encore quand on ne se nourrit ni régulièrement ni correctement ?
M. Roland Courteau. Eh oui, cela existe aussi…
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Entre 2012 et le projet de loi de finances pour 2014, le budget consacré aux bourses sur critères sociaux aura augmenté de 457 millions d’euros. Cet effort considérable – historique, même, selon un mouvement étudiant qui n’est pas affilié, ce dont je serai pourtant parfois heureuse (Sourires.) – a été apprécié par les étudiants, avec lesquels j’ai travaillé. Il est plus remarquable encore au regard du contexte budgétaire contraint.
Ce geste vient relancer la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, qui avait fortement régressé, et, surtout, il vise à combattre les causes sociales de l’échec à l’université.
La création d’un échelon 0 bis permet dès cette année à plus de 55 000 boursiers de recevoir une aide de 100 euros par moins, grâce à laquelle leurs chances de réussite vont s’accroître de près de 10 %. La création d’un échelon 7, dont bénéficieront plus de 30 000 boursiers particulièrement défavorisés, confère à ses bénéficiaires un niveau de ressources propice à la concentration sur leur formation, avec 550 euros par mois.
Le budget des aides individuelles annuelles a été augmenté de 4,5 millions d’euros pour permettre, au total, à 7 000 étudiants indépendants de leur famille, ou en rupture familiale, d’étudier dans des conditions plus satisfaisantes.
Quant à la santé des étudiants, le sujet de notre débat de ce soir, elle a également fait l’objet de plusieurs décisions ambitieuses, fondées sur une analyse sans concession. Nous avions d’ailleurs eu l’occasion d’aborder ces points lors de l’examen au Sénat du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche.
Dès le mois de septembre 2012, j’ai encouragé l’ouverture de centres universitaires de santé, les fameux SUMPPS, fixant l’objectif à trente centres d’ici à la rentrée 2014. Dix-neuf sont aujourd’hui ouverts, et cinq sont presque terminés. Nous profiterons de ce processus pour changer le nom de ces services : cela semble anecdotique, mais un beau logo « Campus santé » serait sans doute plus attrayant et visible que ce SUMPPS, voire parfois SIUMPPS, difficile à prononcer comme à identifier.
Cet objectif sera tenu et l’accès aux soins des étudiants en sera amélioré. Ces centres permettent, sur les campus, la prise en charge des patients et la réalisation de premières prescriptions. Ils facilitent leur orientation dans le réseau de soins. En matière de santé, aussi, l’inscription des établissements dans leur écosystème est une évidence qu’il est absolument temps de réaliser, vous l’avez tous dit.
J’ai aussi obtenu une hausse des ressources de la médecine préventive universitaire. La contribution des étudiants est passée de 4,57 euros à 5,10 euros cette année, dégageant d’importantes marges nouvelles pour renouveler les services et les actions de prévention.
Je vous rappelle enfin deux mesures qui pourraient être proposées par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, porté par ma collègue Marisol Touraine – je vous prie de bien vouloir l’excuser, car elle était retenue ce soir de façon impérative – afin d’améliorer la couverture sociale des étudiants, particulièrement des moins favorisés d’entre eux : premièrement, l’accès automatique des 7 000 étudiants en rupture familiale à une allocation individuelle annuelle et à la couverture médicale universelle complémentaire, ou CMUC ; deuxièmement, l’arrêt de la prise en compte des bourses étudiantes dans l’évaluation des ressources des demandeurs de CMUC ou d’une aide complémentaire santé.
Un deuxième effort pourrait répondre à la proposition de Corinne Bouchoux en faisant en sorte de systématiser, dès l’année prochaine, l’aide complémentaire santé au moment de la demande de bourse sur critères sociaux, ce qui simplifierait les choses et systématiserait le processus.
Beaucoup reste à faire, bien sûr. Avec ma collègue Marisol Touraine, nous travaillons à définir de nouvelles politiques plus systématiques, en matière d’accès aux soins, en particulier en matière d’odontologie, d’ophtalmologie, de gynécologie ou de santé mentale, c'est-à-dire dans les domaines susceptibles de détériorer de manière irréversible la santé des jeunes, mais également en ce qui concerne le renouvellement de la prévention.
J’ai à l’esprit le regain de l’usage du tabac chez les jeunes, ou ces alcoolisations rapides et brutales que l’on déplore trop souvent, et pas seulement dans les périodes dites « d’intégration ». Ces dernières ne portent plus le nom de « bizutage », mais elles sont encore l’occasion de violences absolument inacceptables, ainsi que nous l’avons vu récemment, qui ne se produisent pas nécessairement dans les établissements accueillant les enfants des milieux les plus populaires d'ailleurs. Nous devons mettre fin à ces actes barbares.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Nous souhaitons également encourager le pilotage des actions de santé par les établissements d’enseignement supérieur, même si, je le rappelle, l’autonomie ne favorisera pas des traitements différenciés selon les lieux. En effet, nous voulons intégrer dans les contrats de sites entre le ministère et les pôles universitaires les plans santé opérés dans ces sites. Ces dispositions seront précisées dans un plan national pour la santé des étudiants que je présenterai au printemps.
Je veux remercier les sénateurs qui ont participé au débat sur la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche et dont les contributions relatives à la santé, de niveau législatif ou non, éclairent utilement les politiques en cours d’engagement. Ainsi que l’a fait remarquer Catherine Procaccia, certains de leurs amendements ont été intégrés au texte qui a été adopté.
Je remercie Françoise Cartron d’avoir salué le projet i.Share suivi par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’INSERM, c'est-à-dire l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et l’université de Bordeaux, un projet de cohorte important, avec un financement de 9 millions d’euros au titre du programme des investissements d’avenir, et qui nous permettra d’améliorer la prévention.
D’ailleurs, la prévention n’est pas l’apanage des seuls médecins. Elle fait partie – je réponds là à une remarque de M. René-Paul Savary – des nouveaux métiers de santé sur lesquels nous menons actuellement une réflexion.
J’en viens maintenant au régime étudiant de sécurité sociale. Nous en sommes tous d’accord, les étudiants ont droit à une assurance maladie efficace. Toutefois, de nombreux problèmes, connus de tous, se posent : ils sont hétérogènes, comme l’a démontré le débat. Rétablir la clarté est donc la première des exigences.
La priorité est de rendre efficace le service apporté aux étudiants. C’est cet objectif simple que s’est assigné le Gouvernement. Cette attitude pragmatique est le fondement de notre action.
Je dirai un mot sur la situation des étudiants face aux problèmes de santé. Vous avez tous évoqué l’inégalité d’accès aux soins selon les origines sociale et territoriale des étudiants. Cette situation est réelle : les chiffres le montrent, même s’il faut les manipuler avec vigilance ; ils diffèrent en effet selon les sources, et je vous laisse deviner, mesdames, messieurs les sénateurs, lesquels, de ceux des mutuelles ou de l’Observatoire national de la vie étudiante, sont les plus inquiétants.
En moyenne, de 10 % à 20 % des étudiants – la disparité des chiffres explique cette fourchette – ne bénéficieraient pas d’une complémentaire santé. La proportion est de 40 % pour les étudiants dont les parents ont un revenu mensuel inférieur à 1 500 euros, contre 28 % – c’est encore trop ! – pour les autres.
Comme vous l’avez également souligné, les étudiants étrangers rencontrent, de leur côté, davantage de difficultés que les autres, sans compter les tracasseries administratives auxquelles ils doivent faire face. La liste des papiers qu’ils doivent fournir est totalement décourageante pour un adulte ; imaginez alors pour un jeune ! Ces étudiants sont donc confrontés à des obstacles importants pour ce qui concerne tant l’adhésion à une mutuelle que le remboursement des soins.
Face à cet état de fait, la situation des mutuelles, est, comme vous l’avez tous relevé, complexe – c’est un euphémisme.
Concrètement, ainsi que cela a été longuement rappelé au cours du débat, LMDE, La Mutuelle des étudiants, s’est trouvée, voilà quelques mois, confrontée à une situation très difficile : elle n’a plus été capable de traiter les courriers reçus dans des délais acceptables et les étudiants affiliés ne pouvaient plus joindre par téléphone le correspondant de leur mutuelle.
La Mutuelle générale de l’éducation nationale, la MGEN, s’est engagée à approfondir son partenariat avec La Mutuelle des étudiants. Un protocole a été signé. Les premières mesures d’urgence ont permis de sortir de cette situation de blocage, qui a mis les étudiants dans l’embarras.
Ainsi, le stock de courriers non traités a été fortement réduit et le service aux étudiants s’est globalement amélioré. La Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, qui est l’une des deux grandes directions du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, m’a signalé une nette décrue du nombre de courriers de réclamation qui lui parvenaient régulièrement.
L’accord entre LMDE et la MGEN n’est pas encore totalement finalisé. Je connais les points de tension qui existent entre les deux parties – je sais qu’elles accordent une vigilance toute particulière à certains sujets –, ainsi qu’avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la direction de la sécurité sociale, qui dialoguent intensément en vue de trouver des solutions sûres, fiables et durables. J’encourage chaque acteur à faire preuve d’un esprit constructif, imaginatif et rigoureux, parce que nous ne pouvons pas décevoir les étudiants.
L’amélioration incontestable du service, même si une marge importante de progression demeure, ne clôt pas le débat. Des questions plus structurelles sont posées, que vous avez rappelées dans vos interventions et que je commenterai brièvement, après avoir salué très sincèrement, encore une fois, la qualité du rapport d’information réalisé par Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon.
Je n’apporterai pas de réponses trop catégoriques aux questions posées, car le Gouvernement attend dans les toutes prochaines semaines, dans le cadre de la modernisation de l’action publique, deux rapports, réalisés par l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGF, l’Inspection générale des finances, et l’IGAENR, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, qui viendront éclairer les évolutions possibles.
En effet, à ma demande, un rapport portera sur la gestion de l’assurance maladie des étudiants, tandis que l’autre concernera la santé de ceux-ci. Le Parlement a vocation à en avoir connaissance, comme tous les documents publiés dans ce cadre.
Permettez-moi d’en venir à quelques-unes des questions structurelles posées. Je souligne, tout comme vous, le choix original opéré, en 1948, par notre pays, en créant ce régime délégué, que l’on ne retrouve pas ailleurs en Europe et qui fait aussi partie, madame, monsieur le sénateur, de l’étude que vous avez réalisée.
On connaît les arguments – je le répète, ils ne sont pas partisans – qui ont motivé la création de ce régime, et qui ont tout leur mérite : encourager la responsabilité des étudiants, prévoir une gestion démocratique, avec des conseils d’administration de pairs désignés par la voie de l’élection, conforter, ce faisant, la capacité de prévention par les jeunes eux-mêmes sont des intentions absolument louables.
Je pense, par exemple, à la prévention de la transmission du virus HIV, avec l’initiative conjointe de Sidaction, du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de l’éducation nationale et du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Ces acteurs ont lancé auprès des lycéens et des étudiants, dans le cadre de la campagne de lutte contre le sida, un concours pour réaliser des vidéos avec des téléphones portables. Je crois à l’efficacité des campagnes de prévention réalisées par les jeunes eux-mêmes et pour les jeunes : grâce à un langage commun, l’approche est beaucoup plus prescriptive que les campagnes plus institutionnelles, même si, je rassure là les orateurs qui s’en sont inquiétés, nous devons tout de même en réaliser.
Dans le même temps, se posent, en termes d’organisation du système, des questions difficiles en ce qui concerne l’articulation entre le régime étudiant et le régime général.
Comment expliquer correctement cette organisation complexe aux jeunes ? À quel moment le faire ? Au lycée, à l’entrée de l’université ? Par quel canal le faire, par celui des mutuelles délégataires ou plutôt par une voie institutionnelle plus neutre et, dirai-je, plus dépassionnée ?
Compte tenu de la complexité de la question de l’assurance maladie et de l’existence de plusieurs régimes spéciaux – chacun avec des particularités –, comment éviter que les jeunes et les familles ne se perdent dans des propositions compliquées et obscures ? Par exemple, à quel âge et dans quelles conditions les étudiants concernés dépendront-ils de l’un ou de l’autre régime de sécurité sociale ?
Avant d’assister à ce débat, les membres de mon cabinet ministériel et moi-même nous sommes demandé à quel régime étaient affiliés nos enfants étudiants... Je dois dire que nous avons tous été bien en peine de répondre à cette question. Cela prouve que nous vivons nous aussi cette complexité.
En tout état de cause, comment faciliter des mutations inter-régimes trop lentes et parfois chaotiques, qui font courir des risques sérieux de rupture des droits des étudiants ? La moindre des ambitions serait de systématiser des mutations par voie électronique – cela a été dit et cela sera fait –, alors que, trop souvent, les démarches s’opèrent encore via des imprimés, qui tardent à circuler et parfois même s’égarent.
Un point particulièrement sensible concerne les étudiants salariés. Le défaut d’articulation entre les régimes étudiant et général conduit à deux risques jumeaux.
Certains étudiants sont couverts deux fois, en tant qu’étudiants et salariés, en réglant deux cotisations. Cela peut même se produire au sein de l’université,…
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
Mme Geneviève Fioraso, ministre. … avec des doctorants qui s’affilient comme étudiants, avant de se voir proposer un contrat avec leur établissement, par lequel ils régleront des cotisations sociales. D’autres – c’est encore plus grave – peuvent ne pas du tout être couverts, alors qu’ils pensent l’être.
La complexité, déjà signalée, est renforcée, évidemment, par le fait que le régime étudiant est délégué non pas à un opérateur, mais à deux réseaux distincts, qui sont, disons-le, davantage concurrents que complémentaires ou alternatifs.
Ce n’est simple à comprendre ni pour les étudiants et leurs familles ni, d’ailleurs, pour les établissements, qui ont la charge, au moment de l’inscription, de l’affiliation à la sécurité sociale. D’ailleurs, on conçoit que les agents ne soient pas très à l’aise lorsqu’ils ont à jouer les arbitres entre LMDE et les mutuelles régionales. J’ai bien entendu le problème de décalage d’un mois qui se pose pour ce qui concerne la date d’affiliation : il sera résolu, je m’y engage, dès la rentrée de 2014, car il est tout simplement absurde. (Applaudissements.)
L’efficacité et la pertinence de cette concurrence font débat. Dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes estime que ce duopole est source de coûts inutiles et superflus. Le rapport attendu dans le cadre de la modernisation de l’action publique, la MAP, viendra préciser cette analyse, et les différents scénarios que vous avez proposés – fusion, gestion partagée avec le régime général ou adhésion au régime parental avec une affiliation distincte – seront examinés attentivement.
Il est certain que la division en deux réseaux n’est pas propice à engager les investissements de modernisation nécessaires. Il s’agit, à cause de la rotation des étudiants, de systèmes d’informations très lourds, dont le fonctionnement doit être assuré avec le maximum de sécurité, de fiabilité et de confidentialité. L’adossement de LMDE à la MGEN porte déjà ses fruits en termes d’efficacité professionnelle. Le Gouvernement veillera à ce que le régime étudiant ne prenne pas de retard, en raison d’une organisation ancienne, dans la dématérialisation des procédures et la réalisation des investissements indispensables à cet effet.
Cette exigence est confortée par la situation des finances publiques. Il ne faut pas tergiverser lorsqu’il est possible de proposer un service de qualité à un moindre coût grâce à des mutualisations. Marisol Touraine engagera en 2014 des négociations sur les conventions d’objectifs et de gestion avec les opérateurs de l’assurance maladie. Chacun doit contribuer aux économies nécessaires, y compris les opérateurs du régime étudiant de sécurité sociale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement agit avec ambition pour la modernisation de l’action publique. La riche histoire de la sécurité sociale étudiante ne justifiera jamais l’immobilisme ou l’inefficacité.
Dès ma nomination, en lien avec ma collègue Marisol Touraine et en dialogue étroit avec le Premier ministre, j’ai ouvert plusieurs chantiers afin d’améliorer la santé des étudiants.
Il est possible, j’en suis sûre, de concilier les objectifs initiaux dans ce qu’ils ont de meilleur, c'est-à-dire la responsabilisation des étudiants et leur implication, en particulier en faveur de la prévention sanitaire, avec la maîtrise des coûts et le renforcement de l’efficacité du service rendu. De premiers progrès sont sensibles, à tous les niveaux. Beaucoup reste encore à faire ; le Gouvernement en est conscient et agira sans tabou.
Dès le printemps prochain, au-delà des amendements que vous avez proposés et qui ont été intégrés au projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, et outre l’adossement de LMDE à la MGEN, en me fondant sur votre rapport d’information, mais aussi sur les rapports publiés dans le cadre de la modernisation de l’action publique, je présenterai un plan relatif à la vie étudiante, avec une composante santé qui devrait répondre à bon nombre de vos questions et satisfaire vos demandes.
Ce plan améliorera les conditions de vie et la santé des 2,4 millions d’étudiants, quels que soient leur établissement d’enseignement supérieur de rattachement, leur territoire et leur nationalité. Il fera partie du contrat de site signé entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le pôle universitaire.
Le débat dont vous avez pris l’initiative contribuera utilement à alimenter nos réflexions et à éclairer nos actions. Je vous remercie de votre convergence et de la sérénité qui a présidé à ce débat, extrêmement constructif et riche dans ses propositions. (Applaudissements.)