M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de remercier et de féliciter très sincèrement Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, pour la qualité de leur rapport sur la sécurité sociale des étudiants, qui constitue la base de notre débat d’aujourd’hui.
Je ne reviendrai ni sur le mode de gestion spécifique des mutuelles étudiantes, au périmètre complexe et à la gouvernance insatisfaisante, ni sur la qualité de service globalement insuffisante, notamment en ce qui concerne les relations avec les assurés ou le remboursement des prestations ; ces difficultés ont été abordées par nos deux collègues et, bien entendu, je soutiens pleinement leurs propositions. Je centrerai principalement mon propos sur les coûts de gestion, comme l’ont fait Catherine Procaccia et Gilbert Barbier.
Après l’enquête de l’UFC-Que Choisir, publiée en 2012, qui avait suscité de nombreuses réactions de la part des mutuelles étudiantes dans nos territoires, et le rapport d’information de nos collègues, c’est la Cour des comptes qui, dans le rapport qu’elle a présenté en septembre dernier, a critiqué le système de sécurité sociale étudiante, qui est confronté à de profondes difficultés. Selon la Cour des comptes, les remises de gestion versées par la CNAMTS aux mutuelles étudiantes ont augmenté de plus de 8,1 % de 2006 à 2011. De même, après prise en compte de l’évolution des effectifs, les frais de gestion unitaires des mutuelles étudiantes ont progressé entre 2005 et 2011 de 7,2 %, alors que ceux de l’ensemble des caisses primaires ont augmenté de 5 %. En outre, les mutuelles étudiantes paraissent significativement moins productives que les caisses primaires en ce qui concerne les remboursements par assuré.
Si la plupart des mutuelles étudiantes ont, à l’image du réseau de l’assurance maladie, amélioré leur productivité entre 2007 et 2011 à la faveur de la dématérialisation croissante des feuilles de soins et par réduction de leurs effectifs, ce n’est cependant pas un cas général, comme le montrent les difficultés qu’a connues Vittavi dans un passé très récent. Quant à La Mutuelle des étudiants, elle connaît pour sa part un déséquilibre chronique.
Comme cela a été souligné, les mutuelles étudiantes ont dépensé 93 millions d’euros, en 2011, en frais de gestion pour remplir leur mission de sécurité sociale. Ce chiffre représente près de 14 % du montant des prestations versées, soit trois fois plus que l’assurance maladie. Ce mode de gestion déléguée doit donc, selon nous, être reconsidéré. Nos deux collègues auteurs du rapport ont présenté trois scénarios.
Le premier consisterait à conserver l’architecture actuelle d’un régime délégué à plusieurs structures. Un meilleur partage des tâches de gestion entre les mutuelles étudiantes et l’assurance maladie permettrait d’assurer la pérennité du système. Ainsi, les mutuelles pourraient garder leurs liens avec les étudiants en traitant l’accueil physique, les courriers et les réclamations. L’assurance maladie aurait la capacité de liquider les prestations, assurer les contrôles et la gestion des fraudes. Ce scénario demeure, à mes yeux, trop complexe.
Le deuxième scénario, qui consisterait à confier le régime délégué à une seule structure, fait débat dans notre assemblée. Nos deux collègues rapporteurs ont en effet une vision différente. Certes, la concurrence entre LMDE et les mutuelles régionales occasionne des frais commerciaux et de marketing. Le scénario ici proposé permettrait d’éviter cette concurrence, réduisant ainsi sans doute les coûts de fonctionnement. Cependant, selon moi, une fusion serait forcément mal perçue, car les mutuelles auraient le sentiment d’être mises sous la tutelle d’une autre mutuelle. Ce système me paraît injuste et, par conséquent, il n’a pas ma faveur.
Le dernier scénario consisterait à conserver l’affiliation de l’étudiant au régime dont il relève au moment de son inscription dans l’enseignement supérieur. Cette solution, que l’on pourrait qualifier de radicale, ferait disparaître la particularité d’un régime étudiant mais permettrait de réduire les coûts par la simplification des procédures.
Ce scénario a d’ailleurs été recommandé par la Cour des comptes : celle-ci a précisé que la reprise de la gestion de la population étudiante par les caisses d’assurance maladie entraînerait une économie de près de 70 millions d’euros.
À défaut, le scénario « mi-chèvre mi-chou », comme l’a dit Mme Procaccia, pourrait offrir une solution transitoire : il s’agirait de laisser aux étudiants le choix entre l’affiliation à la sécurité sociale étudiante et le maintien de leur rattachement au régime de leurs ascendants. Toutefois, chacun le sait, les régimes transitoires s’éternisent parfois…
J’ajoute que cette simplification résultant de la suppression de régimes spécifiques pourrait être étudiée pour des régimes autres que le régime étudiant, mais ce n’est pas l’objet du débat de ce soir.
Compte tenu des difficultés économiques que connaît notre pays, il me paraît nécessaire de reconsidérer la gestion déléguée de la sécurité sociale étudiante, devenue inefficace et coûteuse. Prenons en compte les différentes pistes proposées, car il y a des économies à réaliser.
Comme nombre de nos collègues, j’espère donc que cet excellent rapport ne restera pas lettre morte, madame la ministre. Des associations réclament déjà la mise en place d’une commission d’enquête sur le fonctionnement des mutuelles étudiantes. Sans en arriver là, le Gouvernement devrait, à mon sens, apporter rapidement des solutions concrètes au problème soulevé par nos collègues dans leur rapport. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la sécurité sociale et de l’état de santé des étudiants est symptomatique de notre incapacité à faire suffisamment de prévention en France, et ce pour au moins deux raisons.
La première est que, toutes choses étant égales par ailleurs, la médecine préventive estudiantine est très insuffisamment développée.
La seconde, c’est qu’elle devrait être bien plus développée que toute autre, compte tenu des populations auxquelles elle s’adresse.
Cela fait bien longtemps, depuis la dernière loi de santé publique de 2004, que sur toutes les travées de cet hémicycle des voix s’élèvent pour un basculement fondamental de notre système de santé vers la prévention. Chacun le sait bien, ce système ne peut demeurer essentiellement curatif, comme il l’est aujourd’hui. Autrement dit, il nous faut réinjecter un peu d’Orient dans notre pratique médicale occidentale.
Traditionnellement, en Chine, le médecin n’est rémunéré que si son patient demeure en bonne santé... (Sourires.) D’où l’intérêt du thérapeute à le maintenir tel ! Cette sagesse-là, nous en sommes singulièrement éloignés.
Mme Corinne Bouchoux. Eh oui !
M. Joël Guerriau. Les gains du développement de la prévention en termes de santé publique sont considérables.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dépister un cancer à ses premiers stades de développement décuple les chances de l’éradiquer. Les gains à attendre du développement de la prévention sont bien sûr aussi financiers. À l’heure où la soutenabilité des dépenses de santé pose chaque année question, il s’agit tout de même là d’une donnée à méditer.
Depuis 2004, il est vrai que certains dépistages se sont systématisés, en particulier dans le domaine des MST, les maladies sexuellement transmissibles, et du cancer, que je viens d’évoquer. Néanmoins, cela demeure encore très insuffisant ; c’est un changement beaucoup plus radical qu’il nous faut mettre en œuvre.
Notre système de santé doit pouvoir assurer le suivi global de tous les citoyens par-delà l’enfance. J’insiste sur cet aspect, parce que, à ce jour, seule la pédiatrie est une médecine autant préventive que curative. Elle constitue d’ailleurs un exemple à suivre.
Le développement de la prévention doit donc commencer dès l’autonomisation des jeunes vis-à-vis de leurs parents en matière de santé. Or, les étudiants représentant aujourd’hui 36 % de la population de dix-huit à vingt-cinq ans et n’ayant jamais été aussi nombreux, la politique de la santé estudiantine occupe naturellement une place stratégique au regard de cette problématique.
Développer la prévention en direction des étudiants, c’est développer l’éducation citoyenne à la santé et préparer des générations en meilleure santé.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Je ne peux que m’en référer à l’excellent rapport de nos collègues, qui a inspiré le présent débat. Il montre que de gros progrès peuvent et doivent encore être réalisés en la matière.
Les services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé manquent de tout. Ils manquent de moyens financiers et humains, bien sûr.
Ce phénomène a été accentué par le principe d’autonomie des universités, puisque, dorénavant, la dotation de l’État est versée aux universités de manière globale, sans qu’une partie soit fléchée sur les SUMPPS, les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Chaque université est donc libre de la ventiler comme bon lui semble, ce qui conduit à de fortes inégalités entre elles, donc entre étudiants.
Les personnels des SUMPPS manquent d’un statut homogène. Enfin, et c’est très important, ces services manquent de visibilité. Concrètement, bien peu d’étudiants en identifient l’action. Le résultat, c’est que seul un tiers des jeunes scolarisés en licence ont effectué leur visite médicale préventive. Ce seul chiffre devrait nous alarmer.
Le fond du problème est que les SUMPPS dépendent des universités, qui n’identifient pas la santé des étudiants comme une priorité ; d’où les propositions très intéressantes figurant dans ce rapport de rattacher ces services aux CROUS, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, et d’étendre leur champ de compétence à tous les étudiants, y compris à ceux qui ne relèvent pas de l’université.
Nous pourrions penser que, puisque nous ne faisons pas suffisamment de préventif, nous sommes très performants en curatif. C’est là que le rapport est des plus instructifs, et aussi des plus inquiétants. Visiblement, les mutuelles étudiantes n’ont pas encore réussi leur mue. Après le scandale de la MNEF, la Mutuelle nationale des étudiants de France, on aurait pu espérer que ce soit le cas.
Pourtant, alors que ses auteurs se veulent des plus objectifs et mesurés, le rapport est accablant : complexité du système liée à la concurrence des organismes de base et complémentaires, aux conditions tarifaires et de prestations variables, aux mutations inter-régimes lorsque l’étudiant passe de celui de ses parents à sa mutuelle ; piètre qualité des prestations d’accueil et de suivi – un tiers des nouveaux étudiants serait encore sans carte Vitale trois mois après leur affiliation ; enfin, médiocrité de la couverture complémentaire – 10 % des étudiants n’en disposeraient pas et les contrats proposés ne seraient pas toujours adaptés pour la prise en charge de certains soins spécialisés. Autant de constats qui rejoignent les conclusions de l’enquête accablante réalisée par l’UFC-Que choisir en septembre 2012.
Nous pouvons nous demander si les mauvaises pratiques ont bien été abolies. C’est un fait historique, la MNEF, qui demeure la principale mutuelle étudiante, a été créée par l’UNEF, le syndicat étudiant du parti socialiste.
À la suite des dérives de gestion, la MNEF a fait peau neuve et laissé place à LMDE, La Mutuelle des étudiants, en 2000. Pour autant, la nouvelle organisation s’est-elle départie de toute dépendance politique ? Je veux bien le croire, mais les mauvaises performances qui perdurent nous interpellent, d’autant plus que le choix d’un système de mutuelles à la fois autonomes du régime général et concurrentes n’a rien d’une évidence !
C’est là encore un apport notable du rapport : dans la plupart des autres pays européens, les étudiants relèvent du régime général. Aucun autre pays n’a créé de régime spécifique pour les étudiants. Dans ce cas, pourquoi maintenir ce système ? La question mérite d’être posée.
En y répondant, nous trancherions entre les trois scénarios envisagés dans le rapport en optant pour le troisième, comme l’a rappelé à l’instant Mme Deroche : dorénavant, pourquoi ne pas affilier les étudiants en leur nom propre au régime de leurs parents ? Ainsi, disparaîtrait tout risque de captation politicienne. Coupons le mal à la racine ; c’est aussi une logique de prévention ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation sanitaire et sociale des étudiants est aujourd’hui préoccupante.
Plus de la moitié des jeunes vivent avec moins de 400 euros par mois, se situant en dessous du seuil de pauvreté. La crise économique, on le sait, touche particulièrement les jeunes et fragilise évidemment les étudiants, ce qui doit nous amener à une vigilance accrue.
Corollaire ou conséquence, les mesures de déremboursement qui se sont succédé concernant les médicaments ou la hausse du forfait hospitalier ont contribué à l’augmentation des frais de santé et alimenté la dégradation de la situation.
La précarité financière des étudiants conduit ainsi 34 % d’entre eux à renoncer à se soigner et à sacrifier leur santé au nom d’arguments économiques. Autre chiffre : 19 % des étudiants ne bénéficient d’aucune assurance complémentaire de santé, alors qu’ils sont trois fois plus nombreux que la population générale.
C’est donc un fait, les étudiants sont particulièrement fragilisés en termes d’accès aux soins ; ils méritent une attention toute particulière.
La France a créé un régime spécifique de sécurité sociale pour les étudiants par la loi du 23 septembre 1948, cela a été rappelé. Il s’agit d’un régime délégué, affilié au régime général de sécurité sociale et géré par des mutuelles étudiantes.
L’idée était de reconnaître l’autonomie des étudiants et de leur donner un droit à une prévoyance sociale particulière, au sein de laquelle ils sont représentés. Cette représentativité leur permet de participer et de décider directement de la gestion de ce régime, de valoriser les problématiques qui sont les leurs, dans leurs intérêts et la reconnaissance de leurs spécificités.
Nous partageons cette volonté d’autonomisation des étudiants. Nous militons en effet pour l’octroi d’une allocation d’autonomie pour les étudiants, qui leur permettrait de s’assumer entièrement, sans dépendre financièrement de leurs parents ni compromettre la réussite de leurs études par un travail étudiant.
Cependant, de ce principe louable ont découlé de grandes difficultés objectives de gestion de ce régime. Au nom de l’autonomie étudiante, on a créé un système extrêmement complexe et peu lisible, dont les étudiants sont finalement les premières victimes.
Le système actuel est loin d’être satisfaisant, les difficultés de gestion restant légion. C’est un constat que nous partageons tous, et rares sont ceux qui n’en ont pas fait l’expérience, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les modalités d’affiliation sont extrêmement complexes et les situations nombreuses, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif.
C’est d’autant plus vrai que ce secteur est géré par plusieurs acteurs mis en concurrence : mutuelle nationale ou mutuelle régionale s’affrontent sur la gestion du régime général, mais également sur les couvertures de santé complémentaires facultatives qu’elles proposent.
Le brouillage est également renforcé par le fait que, le régime étudiant étant un régime de transition entre l’affiliation au régime des parents et celui du futur régime professionnel, s’ensuivent des changements qui peuvent être extrêmement complexes et se traduire par de longues périodes sans affiliation ou sans carte de sécurité sociale.
Viennent enfin s’ajouter des problèmes dans la qualité du service rendu : longues files d’attentes, difficultés à contacter les mutuelles en cas de problèmes, etc. Comme ils ont été évoqués, je ne m’y étendrai pas.
Quelles réponses apporter face à ces difficultés objectives ? La question est délicate et ne doit pas, selon nous, conduire à des conclusions hâtives et des solutions radicales.
Elle devrait, en revanche, nous inciter à nous interroger plus longuement sur les moyens dont disposent ces mutuelles pour mener à bien leur service : sont-ils réellement suffisants pour faire face à la complexité et la diversité des situations ? Ce qui est certain, c’est qu’un équilibre doit être trouvé entre la préservation d’un régime de sécurité sociale général et la reconnaissance légitime de l’autonomie étudiante.
Nous pensons en réalité que le maintien d’une sécurité sociale unifiée avec représentation de tous les acteurs concernés au sein des instances du régime général aurait été la meilleure solution. Les régimes délégués sont autant de régimes particuliers qui, in fine, affaiblissent le régime général de la sécurité sociale au détriment des affiliés, en l’occurrence les étudiants.
Cependant, ce n’est pas dans la réforme des mutuelles étudiantes et la suppression du régime délégué que se situe à notre sens l’enjeu d’une réforme en matière de santé étudiante. Si réforme il doit y avoir, c’est une réforme globale de la sécurité sociale en général, notamment en ce qui concerne les élections des administrateurs qui, je le rappelle, n’ont pas eu lieu depuis dix-sept ans !
Les dysfonctionnements du système de sécurité sociale étudiante, sans être occultés, ne sont finalement que secondaires. Ils ne sont que les symptômes d’une maladie, et non son origine. Ils sont la traduction matérielle de l’absence d’une véritable politique de prévention et d’accès aux soins pour les étudiants, que la réduction des moyens budgétaires pour 2014 va encore accentuer.
Outre une revalorisation urgente des moyens, il faut adopter sans plus tarder des mesures d’exonération de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance, ou TSCA,…
Mme Annie David. Ça…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … au moins pour les étudiants, afin de ne pas aggraver la situation des jeunes face à la santé. Nous avons défendu cette disposition lors des débats relatifs au dernier projet de loi de finances. Le Sénat l’a adoptée, mais elle est restée sans suite à l’Assemblée nationale, ce que nous ne pouvons que regretter.
Enfin, des mesures de simplification des conditions d’accès à la CMU et à l’aide pour une complémentaire de santé, dont les étudiants précaires sont exclus, doivent permettre à chaque étudiant boursier de bénéficier de ces dispositifs. À nos yeux, il s’agit de mesures bien plus fondamentales que la réforme du régime de sécurité sociale étudiante.
Mes chers collègues, telles sont selon nous les priorités pour la santé étudiante, parce que la jeunesse est le moment privilégié où se forgent les habitudes en matière de santé, pour toute la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je tiens à saluer le travail accompli l’an passé au Sénat, au sein de la commission des affaires sociales, au sujet de la sécurité sociale et de la santé des étudiants. Je songe en particulier à Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, les corapporteurs de cette étude, qui viennent de nous en présenter les principales conclusions.
Un état des lieux circonstancié a été dressé. Des propositions ont été formulées – pour les court et moyen termes – en vue d’améliorer l’accès de tous les étudiants à une couverture sociale de qualité. Des pistes ont été avancées pour renforcer, globalement, l’accompagnement des étudiants dans leurs parcours de soins, en particulier concernant la politique de prévention.
De fait, si, au moment des études, la population étudiante est majoritairement en bonne santé, des constats spécifiques doivent retenir notre attention.
D’une part, le renoncement aux soins touche davantage les étudiants que le reste de la population. Un tiers des quelque 2,4 millions d’étudiants que compte notre pays est concerné. C’est là une proportion très élevée. Parmi les facteurs explicatifs figurent le manque de temps, l’automédication et les difficultés financières, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de se rendre chez certains spécialistes, chez qui le reste à charge est plus substantiel.
D’autre part, les conduites à risques et les comportements addictifs, ainsi que les pathologies particulières comme le stress ou les fragilités psychologiques, semblent aller croissant à mesure que l’étudiant progresse dans son cursus. Les résultats de la nouvelle étude menée par l’Observatoire de la vie étudiante devraient être rendus publics mardi prochain. Il faudra leur prêter toute l’attention qu’ils méritent.
Comment tenir compte de ces spécificités, liées à une période charnière de la vie ?
Le régime délégué d’assurance maladie, qui est spécifiquement dédié aux étudiants, a peu évolué depuis sa création. Son fonctionnement est aujourd’hui d’une grande complexité, et il semble de plus en plus difficile d’atteindre un niveau de prestations satisfaisant : s’accumulent de fréquents retards dans les remboursements ou dans la délivrance de la carte vitale, ainsi que les lourdeurs administratives ou de gestion.
Pour diverses raisons qui ont déjà été exposées, notre système s’essouffle et s’écarte ainsi de sa mission de service public. Il impose aux étudiants un parcours du combattant qui peut les éloigner un peu plus encore d’un parcours de soins adapté.
Certes, les besoins des étudiants en matière de santé sont globalement plus faibles que pour le reste de la population. Toutefois, les habitudes prises à cet âge sont déterminantes pour la suite.
Mme Annie David. C’est vrai !
Mme Françoise Cartron. Par conséquent, il est de notre responsabilité de renforcer leur accompagnement, ce qui nécessite d’améliorer et de simplifier le système de protection sociale en tant que tel, pour le rendre plus accessible. Globalement, il faut donner une meilleure visibilité aux politiques de santé mises en œuvre à destination des jeunes.
Alors qu’elles font aujourd’hui défaut, les études statistiques doivent être encouragées, pour mieux appréhender l’évolution des besoins des étudiants en matière de santé et de prévention. À ce titre, j’ai pris connaissance d’une vaste enquête récemment engagée par les universités de Bordeaux III et de Versailles, en partenariat avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM. Cette étude tend à étudier la santé d’un panel d’étudiants pendant une durée de dix ans.
Le rapport présenté au Sénat il y a un an présente un grand nombre de scénarios et de propositions, dont certaines concernent directement les lieux d’enseignement, les établissements d’enseignement supérieur ou les structures rattachées, en les identifiant à juste titre comme des lieux d’accompagnement, de prévention et d’information privilégiés. Les vies scolaire et étudiante constituent en effet des phases d’apprentissage, qui permettent aux jeunes d’acquérir certains réflexes et certaines bonnes pratiques.
Par ailleurs, la santé scolaire figure au rang des apports significatifs du groupe socialiste du Sénat au titre de la loi pour la refondation de l’école de la République, puisque nous avons contribué à y introduire la notion de parcours de santé.
Mme Maryvonne Blondin. Exact !
Mme Françoise Cartron. Madame la ministre, cette démarche répond à l’ambition forte qui nous anime pour l’enseignement supérieur et en particulier pour l’université, que vous avez traduite au cœur du projet de loi adopté par le Parlement.
Parallèlement, le plan national pour la vie étudiante garantira, d’ici à la fin de 2014, l’ouverture d’une trentaine de centres de santé universitaires. Ces établissements devront jouer un rôle d’échange d’informations concernant les soins, l’offre par les praticiens et les droits existant en matière de protection sociale, tout en accentuant la lisibilité des actions menées en matière de santé, notamment sur le front de la prévention. C’est tout l’enjeu du travail qui nous attend ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours des quelques minutes qui me sont imparties, je tâcherai d’être le moins redondant possible et de compléter les éclairages qui viennent de nous être apportés.
Avant tout, je tiens à remercier ceux qui nous font rêver aujourd’hui, en suggérant des modifications législatives au sujet de la santé étudiante. Je songe en particulier à Catherine Procaccia et à Ronan Kerdraon, qui ont rédigé un rapport extrêmement important. La vie de nos étudiants, c’est celle de la France tout entière, c’est l’avenir, c’est donc un enjeu tout à fait déterminant !
Pour ce qui me concerne, j’ai pris part à quelques auditions (M. Ronan Kerdraon acquiesce.), très modestement. J’ai ainsi eu l’occasion de mesurer la complexité du système, non sans me remémorer certains souvenirs d’étudiant ! (Sourires.)
Nos jeunes découvrent véritablement la vie lorsqu’ils veulent s’affilier à une « mutuelle ». Je note d’emblée que ce terme un peu particulier prête à confusion : il peut conduire à confondre les régimes obligatoire et complémentaire, alors que les étudiants disposent, par définition, d’une couverture sociale universelle. En toute logique, la phase d’études n’est que transitoire, et les étudiants sont appelés à retrouver, par la suite, le régime commun.
La procédure d’affiliation présente également une grande complexité. Du reste, les précédents orateurs l’ont déjà souligné, l’affiliation ne correspond pas à la date effective du début des études. Il ne me semble pourtant pas très compliqué de prendre les dispositions permettant d’éviter ce mois de décalage ! (Mme la ministre acquiesce.)
Madame la ministre, avec ce seul acte symbolique, mais ô combien important pour la vie de nos étudiants, vous avez la possibilité de marquer la législature.
Mme Catherine Procaccia. C’est une étape nécessaire !
M. René-Paul Savary. Le dispositif serait ainsi mieux en phase avec la réalité temporelle qui constitue la vie de tous les jours.
Encore ne parlons-nous ici que du volet « prévention ». Pour le reste, espérons que nos pauvres étudiants ne tombent pas malades ! Dans cette hypothèse, ils devront de nouveau subir un parcours du combattant, notamment pour obtenir un remboursement. Je n’insisterai pas sur ce point, qui a été largement évoqué. Il n’empêche que, compte tenu des difficultés financières auxquelles ils se heurtent souvent, les étudiants voient leur situation se compliquer terriblement en cas de maladie. Si les remboursements ne suivent pas, leurs difficultés budgétaires s’accumulent. C’est la raison pour laquelle ils ne sont pas incités à se soigner.
Restons attentifs à ce problème. Il n’est pas normal que le système ne soit pas encore dématérialisé, que la carte vitale tarde à venir. Dans ce domaine aussi, des avancées relativement faciles peuvent être réalisées !
J’insisterai davantage sur la prévention. On ne le répétera jamais assez : pour faire de la prévention médicale, il faut des médecins ! On le rabâche depuis un certain temps, il faut élargir significativement le numerus clausus. Il faut former des praticiens aux nouveaux métiers de préventionnistes. La prévention est un métier : elle doit être ciblée, elle exige des compétences spécifiques, soumises aux innovations médicales. Il s’agit là d'ailleurs de fonctions tout à fait intéressantes. Mais encore faut-il former suffisamment de médecins dans ce domaine !
On le sait, dans le milieu étudiant, plusieurs réflexes de prévention spécifiques devraient être acquis. Je songe aux conduites addictives. Toute une part de la société française est victime de ces mauvaises pratiques, au sein de laquelle notre jeunesse figure en première ligne. Je songe également à la fragilité psychologique, qu’il ne faut pas négliger, notamment en période de crise sociétale, et, partant, à la prévention des suicides.