M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, vous avez très bien détaillé l’essentiel des dispositions de ce projet de loi. Je serai donc brève, d’autant que l’objet de ce texte est limité.
Conformément aux dispositions du traité de Maastricht, tout ressortissant d’un État membre de l’Union européenne peut, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, voter et se présenter aux élections européennes dans un autre État membre, à condition qu’il y réside et qu’il soit en conformité avec les règles d’éligibilité de son pays de résidence comme de son pays d’origine.
Pour permettre un contrôle de la conformité aux règles d’éligibilité, le droit de l’Union européenne imposait jusqu’à présent aux intéressés de fournir, au moment du dépôt de leur candidature, une attestation de leur État d’origine certifiant qu’ils n’étaient pas déchus de leur droit d’éligibilité. Les organisations juridiques et institutionnelles étant très variables d’un État membre à l’autre, des difficultés ont pu se poser en matière d’identification de l’autorité habilitée à délivrer cette attestation.
La directive européenne du 20 décembre 2012 vise donc à lever cet obstacle. Désormais, une simple déclaration rédigée par les intéressés sera exigée ; c’est l’État enregistrant la candidature qui sera chargé de vérifier l’exactitude et la sincérité de cette déclaration auprès de l’État d’origine.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit donc un ajustement à la marge des modalités de candidature aux élections européennes. Cependant, cet ajustement a son importance, car il rend plus effective, à la veille du huitième scrutin européen au suffrage universel direct, la possibilité pour les citoyens européens résidant dans notre pays de se présenter à l’élection des représentants au Parlement de l’Union européenne.
Chaque pas, même petit, sur la voie de l’amélioration des modalités d’exercice de la démocratie doit être accueilli favorablement. C’est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de ce texte.
Vous le savez, nous sommes critiques à l’égard du modèle européen actuel. Pour autant, en ce qui me concerne, en tout cas, je suis très attachée à une construction européenne, dès lors qu’elle est sociale et démocratique. C’est pourquoi je profiterai du reste du temps de parole qui m’est imparti pour rappeler en quelques mots ce que devrait être la démocratie européenne, gage d’une participation massive aux élections auxquelles nous serons confrontées d’ici à quelques mois.
J’ose le dire, la construction de l’Union européenne souffre, depuis le début, d’un défaut de fabrication : il lui manque une pièce, et cette pièce manquante, ce sont les peuples !
L’abstention aux élections européennes, en constant accroissement, prouve que nos concitoyens sont très peu associés, ou, à tout le moins, que l’on ne tient pas compte de leur avis. Si le taux de participation était encore d’un peu plus de 42 % en 2004, il est passé à 40,6 % seulement en 2009. Malheureusement et, pour notre part, nous le regrettons, il y a fort à parier que l’abstention progressera au mois de mai prochain, le peuple marquant une nouvelle fois à cette occasion sa défiance à l’égard de politiques qu’il a le sentiment de subir et non de choisir.
La prédominance de fait de la Commission européenne et du Conseil européen, organes non élus, rend le processus législatif obscur, pour ne pas dire opaque quelquefois, et ne donne globalement qu’une faible prise au Parlement européen. Quant à la Banque centrale européenne, elle est surtout la gardienne des intérêts du marché...
Le système est donc verrouillé. Le peuple se sent évincé du processus décisionnel et ne se déplace plus pour voter. Je pourrais en dire long encore sur le sujet, car ce n’est pas seulement cela qui l’éloigne des urnes.
Il faut proposer au peuple un régime d’exercice partagé des souverainetés alliant une véritable démocratie parlementaire, une co-élaboration des directives entre le Parlement européen et les parlements nationaux et une implication active des citoyens et des salariés dans la vie politique européenne.
Les grands projets européens, les grands axes de politique européenne, discutés et votés par le Parlement européen, devraient faire l’objet d’une concertation préalable avec les parlements nationaux, les assemblées locales, les citoyens organisés en associations ou en syndicats de tous les pays concernés par ces projets et ces politiques.
Puisqu’il est question d’élections européennes, nous devons aussi parler du mode de scrutin. Aujourd’hui, le bipartisme étouffe le pluralisme et la démocratie. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Cette question est fondamentale et dépasse les clivages politiques.
M. Jean-Jacques Hyest. Il y a la proportionnelle pour les élections européennes !
M. Jean-Michel Baylet. Oui, mais par régions !
Mme Éliane Assassi. Il n’y aura apparemment pas de modifications du système électoral en 2014, donc pas de liste nationale unique. Pourtant, la gauche a critiqué en son temps ce mauvais découpage en sept circonscriptions plus une circonscription outre-mer.
Ces conscriptions continueront d’exister, alors qu’elles n’ont qu’une réalité électorale éphémère et ne sont en rien des zones identifiées par leurs habitants.
C’est surtout cela qui est important, monsieur Hyest. Les postures politiciennes, tout cela importe peu ; ce n’est pas le sujet. Ce qui me préoccupe, ce sont les citoyens. Or ces circonscriptions électorales ne favorisent pas l’implication des citoyens dans le choix de celles et ceux qui les représenteront au Parlement européen.
Cela étant, je le répète, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 7 février 1992, réunis dans la capitale du Limbourg, aux confins des Pays-Bas, de la Belgique et de l’Allemagne, les pays membres de la CEE, en signant le traité de Maastricht, donnaient une impulsion nouvelle à la construction européenne.
Parmi les nombreuses dispositions de ce traité figuraient l’amorce d’une union politique et d’une union monétaire ainsi que la création d’une citoyenneté européenne. Ainsi, l'article 8 de ce texte prévoyait le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaire aux élections européennes et municipales.
Un cadre réglementaire, aux niveaux européen et national, s’est mis en place pour appliquer ces dispositions. Ainsi, lors des élections de 2009, en France, 15 candidats ressortissants d’un autre pays de l’Union européenne se présentèrent ; ils furent 81 à l’échelle de l’Union européenne. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était un début.
L’objectif initial était de faire des étrangers communautaires des électeurs et des candidats, au même titre que les nationaux et dans les mêmes conditions. Cependant, la pratique a démontré que, malheureusement, la procédure d’obtention des attestations certifiant que les candidats étrangers n’avaient pas été déchus de leur droit d’éligibilité dans leur pays d’origine était source de lourdeurs, de contentieux et constituait un obstacle majeur à cette ambition.
C’est la raison pour laquelle la directive du Conseil européen du 20 décembre 2012, qu’il nous revient de transposer aujourd’hui, vient modifier ces conditions d’éligibilité.
La transposition d’une directive européenne s’apparente à un acte technique, de surcroît quand un consensus semble se dessiner, ainsi qu’en témoigne l’adoption de ce texte à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale ; ce n’est pas si fréquent, madame la ministre ! Elle touche cependant, même si c’est à la marge, à l’un des écueils de la construction européenne : faire émerger une conscience, une identité, une citoyenneté communes aux ressortissants des pays membres, qui transcenderaient les appartenances nationales.
Telle était l’ambition des pères fondateurs de l’Europe. La responsabilité de l’échec constaté actuellement incombe, sans conteste, au mode de scrutin.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Michel Baylet. Cela vient d’être souligné, le mode de scrutin n’est pas aujourd’hui celui qu’il faudrait pour qu’ait lieu une véritable élection européenne. Il est en effet simplement le prolongement des règles, des pratiques et des calculs électoraux nationaux.
Puisque j’aborde la question du mode de scrutin, je me dois de revenir sur les conséquences dramatiques du vote de la loi du 11 avril 2003. L’inventivité de notre pays en matière électorale semble sans limites et a abouti à la création de huit grandes régions : on commence par créer l’Europe et on finit par subdiviser la France ! Les arguments des promoteurs de ce découpage ne résistent pas à l’épreuve des élections de 2004 et de 2009.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet. Là où le redécoupage devait, selon eux, rapprocher les élus des citoyens, nous nous retrouvons avec des parlementaires dont la circonscription s’étend d’Aurillac à Dreux, pour ne prendre qu’un exemple, et qui demeurent, c’est une certitude, totalement inconnus de leurs électeurs comme de leurs concitoyens.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Michel Baylet. Là où le redécoupage devait renforcer l’attrait pour cette élection, l’abstention n’a jamais été aussi forte.
En vérité, ce mode de scrutin a seulement permis de favoriser les deux grandes formations politiques nationales que sont l’UMP et le parti socialiste. Je crois d’ailleurs qu’il avait été fait pour cela, puisque les uns le désiraient et que les autres l’ont fait…
Mme Éliane Assassi. Très juste !
M. Jean-Michel Baylet. Or, sur l’initiative des sénateurs radicaux, le Sénat, dans son immense sagesse, avait adopté, le 23 juin 2010, une proposition de loi rétablissant une circonscription nationale unique. Je regrette vivement que l'Assemblée nationale ait rejeté ce texte, le 28 mars dernier, après un revirement regrettable du groupe socialiste, qui y semblait très favorable dans un premier temps.
M. Yves Pozzo di Borgo. Nous aussi !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Jean-Michel Baylet. Je vois que la droite acquiesce. Pourtant, elle a également rejeté ce texte. Il vous arrive d’être d’accord avec la gauche sur certains sujets, chers collègues, surtout face aux partis minoritaires !
Alors que le Parlement européen voit ses prérogatives renforcées par le traité de Lisbonne, il est préjudiciable de maintenir un tel mode de scrutin.
Pour en revenir à ce projet de loi, madame la ministre, notons qu’il procède à des clarifications bienvenues. Au lieu de demander une attestation auprès de son pays d’origine, le ressortissant d’un pays de l’Union européenne, candidat aux élections européennes en France, devra désormais fournir une simple déclaration dans laquelle il indiquera qu’il n’est pas déchu du droit d’éligibilité dans l’État membre dont il est ressortissant.
La nouvelle directive européenne opère donc un heureux renversement de la charge de la preuve : ce n’est plus au candidat qu’il incombe d’apporter la preuve de son éligibilité, mais c’est à l’État de s’en assurer auprès du pays d’origine de la personne.
Ce renversement nécessite l’ajustement de certaines règles, notamment s’agissant de la fin de mandat à la suite de la découverte d’une inéligibilité après le scrutin, de modifications dans le calendrier électoral et de l’adaptation du délai maximal de délivrance, par le ministère de l’intérieur, du récépissé définitif de dépôt des déclarations de candidature.
Enfin, les modifications apportées par l’Assemblée nationale vont également dans le sens d’une convergence entre les conditions applicables aux nationaux et celles que doivent remplir les étrangers communautaires. A contrario, nous pouvons regretter, comme le fait notre collègue Jean-Yves Leconte dans son rapport, le maintien de deux listes électorales complémentaires pour les ressortissants européens installés en France, une pour les élections européennes, une pour les élections municipales.
Mes chers collègues, pour les radicaux, qui sont d’ardents fédéralistes, la constitution d’une citoyenneté européenne ne peut se faire sans la construction d’une Europe politique forte, d’une Europe puissante qui dispose de toutes les armes pour affronter la mondialisation.
Même s’il ne concerne que très peu de personnes, ce texte contribue à tendre vers une « procédure uniforme » dans l’ensemble de l’Union européenne. Il constitue, certes, un petit pas, un tout petit pas, mais dans la bonne direction. C’est la raison pour laquelle il recevra le soutien non seulement des sénateurs radicaux de gauche mais, au-delà, de tous les membres du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il ne surprendra personne que le groupe écologiste vote en faveur de ce projet de loi. Les élections européennes sont, à nos yeux, singulières parce que nous croyons fermement en la nécessité de rapprocher l’Europe de ses citoyens et de combler le déficit démocratique qui l’affaiblit encore – entreprise dans laquelle ces élections jouent, ou plutôt devraient jouer un rôle tout particulier.
Cela a été rappelé, depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, la participation n’a cessé de reculer, alors même que les prérogatives de ce parlement progressaient et que, simultanément, les attentes et les critiques légitimes qui pouvaient être adressées à l’Union européenne ne cessaient de grandir.
On l’a encore vu récemment avec l’élaboration du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, le Parlement européen reste dans l’esprit de beaucoup – électeurs comme responsables publics – le parent pauvre des institutions européennes. Dans le meilleur des cas, c’est un trublion qu’on laisse protester pendant quelque mois avant de le rappeler à l’ordre.
Dans ce contexte, toute mesure visant à faciliter la participation aux élections européennes et à les sortir du cadre hexagonal est la bienvenue. C’est évidemment l’esprit de la directive que nous transposons aujourd’hui : il s’agit d’assouplir les formalités à remplir par les citoyens européens résidant en France et qui souhaiteraient se porter candidats dans l’Hexagone.
Cet assouplissement suffira-t-il à faire affluer davantage de candidats originaires d’autres États membres en France ? Ils n’étaient au total que 15 en 2009, et un seulement a été élu – et encore est-il à lui seul un pan entier de l’histoire nationale contemporaine !
L’adoption de ce texte n’est donc qu’une étape, et bien modeste, certes, mais qu’il convient malgré tout de franchir si l’on veut aller au-delà par la suite.
Lors de l’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, mes collègues écologistes ont déposé deux amendements qui cherchaient à pousser plus loin cette logique. Nous n’avons pas souhaité les déposer à notre tour afin de faciliter un vote conforme de la Haute Assemblée, quelques mois à peine avant le renouvellement du Parlement européen, et de faire en sorte que cette loi puisse entrer en vigueur dès ces prochaines élections.
Il n’en demeure pas moins que ces amendements allaient dans le bon sens : l’un rendait possible l’inscription, sur les bulletins de vote, du nom de la personnalité soutenue dans la course à la présidence de la Commission par les listes candidates aux élections européennes ; l’autre tendait à faire en sorte que des partis politiques ne disposant d’un groupe qu’au Parlement européen puissent bénéficier, dans le cadre de la campagne audiovisuelle, du même temps d’antenne que les partis représentés par un groupe au sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Inspirés par des propositions formulées par la Commission européenne et le Parlement européen, ces amendements visaient évidemment une plus grande politisation mais aussi une plus grande européanisation de la campagne électorale et d’institutions trop souvent perçues comme techniciennes et fréquemment instrumentalisées à des fins nationales par les partis nationaux.
Il serait bon que nous nous interrogions à nouveau, à l’avenir, plus en amont des élections européennes, sur ces propositions, même si celles-ci ont, pour l’heure, été repoussées. Car, oui, il nous faut, de toute façon, aller plus loin !
Oui, les élections européennes doivent être plus européennes encore ! C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que, lors des échéances post-2014, elles puissent en partie se faire sur des listes transnationales pour lesquelles chaque électeur pourrait voter à travers l’Europe.
Oui, les élections européennes doivent être davantage débattues ! C’est la raison pour laquelle nous demandons au Gouvernement, ainsi qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel, de veiller instamment, dans le respect de leurs prérogatives respectives et de la liberté de la presse, au relais efficace de la campagne qui s’ouvrira bientôt. Les municipales ne doivent pas être les seules élections à être évoquées devant nos concitoyens en 2014.
Je précise que les écologistes ont accueilli avec soulagement la décision du Gouvernement de revenir sur sa décision de dématérialiser les professions de foi pour les seules élections européennes, ce qui aurait donné officiellement à ce scrutin un air d’élections de seconde zone, alors que, comme nous le constatons, il mobilise déjà trop peu de nos concitoyens.
C’est que, en dépit des avancées contenues dans ce projet de loi, des obstacles à la mobilisation demeurent. Je pense ici au fait qu’il existe non pas une, mais deux listes électorales complémentaires sur lesquelles les citoyens communautaires doivent s’inscrire afin de participer aux élections municipales et aux élections européennes. Deux listes, et donc deux formulaires à remplir, sachant qu’il arrive fréquemment aux agents des mairies de n’en présenter spontanément qu’un seul – comme par hasard, celui qui concerne les municipales – aux citoyens européens souhaitant pouvoir se rendre aux urnes, qui se trouvent ainsi privés, sans le réaliser immédiatement, d’une partie de leur droit de vote : venus pour voter aux élections européennes, ils ne peuvent voter qu’aux élections municipales !
Aussi ai-je adressé il y a plusieurs mois une question écrite au Gouvernement sur ce sujet, et plus particulièrement au ministre de l’intérieur, afin de lui demander de rappeler à chaque mairie l’importance de présenter simultanément ces deux formulaires aux personnes concernées. J’aimerais, madame la ministre, que vous nous indiquiez où en la situation sur cet aspect spécifique du problème, mais, la fin décembre et, donc, la clôture des listes électorales approchant, je trouve particulièrement regrettable de n’avoir pas encore obtenu de réponse.
L’année 2013, qui a été déclarée « Année européenne des citoyens » est sur le point de s’achever, et nous ne pouvons qu’être frappés par la persistance des inquiétudes, des préjugés, de la méconnaissance vis-à-vis de l’Union européenne. Contre tout cela, c’est justement la revitalisation du projet européen qui serait rendue possible par une participation accrue aux élections européennes et par un débat plus profond et plus animé sur ces questions.
À nous, donc, politiques et citoyens convaincus de la nécessité de poursuivre cette aventure, d’en démontrer tout l’intérêt et toute la vitalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mes chers collègues, Mme la ministre a très bien exposé le détail du projet de loi et M. le rapporteur l’a commenté remarquablement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il n’y a plus rien à en dire ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Si, car, en fin de compte, puisque ce texte fait consensus, on aurait pu faire le choix d’une procédure abrégée,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. … mais, comme ce n’est pas le cas, nous voici dans une discussion générale qui nous appelle à développer notre pensée, sur un texte tout de même important puisqu’il s’agit de favoriser la citoyenneté européenne !
Je suis de ceux qui ont voté tous les traités européens – et je les ai votés même quand ils me paraissaient insuffisants.
M. Richard Yung. C’est très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. À dire vrai, j’ai hésité sur le traité de Nice, je peux vous le dire, mais je m’y suis résolu, estimant que l’Europe méritait que des pas nouveaux soient franchis. Aujourd’hui, il est vrai, le Parlement européen détient des pouvoirs qu’il n’avait pas au début et qui lui ont été conférés de traité en traité, notamment en termes de codécision.
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui le dites ! Nous en reparlerons au mois de mai !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous en reparlerons en mai, ma chère collègue, mais tout ce qui favorise la citoyenneté européenne et l’émergence du Parlement européen dans nos institutions me semble positif.
Mme Éliane Assassi. Je ne suis pas sûre que les citoyens se sentent concernés !
M. Jean-Jacques Hyest. Rappelez-vous la révision qui devait aboutir à l’introduction de l’article 88-3 dans la Constitution : la France reconnaissait une citoyenneté européenne pour les élections municipales mais aussi et surtout pour les élections européennes. Très bien !
Aujourd’hui, nous verrons peut-être apparaître sur les listes les noms de quelques candidats ressortissants de l’Union européenne. Mais combien seront en position éligible ? Cela m’étonnerait qu’ils soient pléthore, d’autant qu’il risque d’y avoir une certaine « fragmentation » – c’est le moins que l’on puisse dire – des résultats compte tenu de la proportionnelle.
Mais tout cela va dans le bon sens. La directive permet, et c’est parfait, de lever tous les obstacles que devaient franchir les ressortissants européens - un vrai parcours du combattant ! – souhaitant se présenter dans notre pays, puisqu’ils devaient prouver qu’ils étaient éligibles. Dorénavant, il reviendra à l’État, en lien avec le pays d’origine, de prouver leur inéligibilité. C’est, à mon avis, bien mieux.
Les autres dispositions de ce texte me paraissent également positives. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera ce projet de loi.
J’entends raconter bien de choses, mais ne refaisons pas l’histoire : lorsque l’on a imaginé, à la demande de certains, qui s’y déclarent aujourd’hui violemment opposés, de régionaliser le scrutin européen, c’était pour rapprocher les candidats des citoyens ; mais, compte tenu du nombre de nos représentants, on ne pouvait pas trop fragmenter, sous peine que cela n’ait plus de sens. On a donc dessiné de grandes circonscriptions.
En fin de compte, cela tient peut-être à l’application du scrutin proportionnel dans notre pays : le Parlement européen est moins souvent l’occasion pour des personnalités de s’engager en faveur de l’Europe qu’une sorte de lot de consolation – c’est pire que tout ! - ou un moyen d’obtenir un mandat…
M. Yves Pozzo di Borgo. C’est l’ANPE de la politique !
M. Jean-Jacques Hyest. … pour des personnes qui ne seraient pas élues autrement.
D’ailleurs, la présence de nos représentants au Parlement européen et leur activité sont parfois bien révélatrices de la manière dont les grands partis constituent les listes. Nous y avons des personnes remarquables et très engagées, que l’on connaît, mais il en est d’autres qui ne sont curieuses que de ce qui se passe à Paris, et qui ne manifestent peut-être pas assez d’intérêt pour ce qui se fait à Strasbourg ou à Bruxelles… Ce sujet mériterait, à mon sens, une réflexion commune à tous les grands partis politiques.
Enfin, si, je dois le reconnaître, j’ai perçu un ton très européen dans les propos qui ont été tenus aujourd’hui, j’espère, madame la ministre, que ces élections européennes permettront vraiment d’aborder les enjeux de l’Europe… (Mme la ministre déléguée approuve.)
Mme Éliane Assassi. C’est clair !
M. Jean-Jacques Hyest. … et qu’elles ne seront pas l’occasion d’un défoulement collectif pour tous ceux qui souhaitent exprimer leur mécontentement, comme cela a été parfois, et même souvent le cas. C’est peut-être pour cela aussi que nombre de nos concitoyens jugent inutile d’aller voter.
Oui, j’espère que ces élections seront pour l’Europe et pour notre pays l’occasion de redire combien la construction européenne est indispensable. Malgré tous ses défauts, sans l’Europe, où en serions-nous aujourd’hui ? Si rien ne va en Europe, comme le prétendent certains, n’est-ce pas plutôt la faute des pays membres, incapables qu’ils sont de faire une Europe plus politique et une Europe plus solidaire ? Renvoyer toujours la faute à l’Europe est bien trop facile !
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai, et j’ai d’ailleurs, moi aussi, voté tous les traités.
M. Jean-Jacques Hyest. Cela ne m’étonne pas que vous les ayez votés, et il ne vous étonnera pas que je les ai votés aussi !
Mme Éliane Assassi. Cela ne veut pas dire que vous ayez raison, car, visiblement, cela ne marche pas !
M. Jean-Jacques Hyest. En tout état de cause, madame la ministre, votre texte sera sans doute adopté à l’unanimité. Notez qu’au Sénat cela devient de plus en plus rare. (Sourires.) Je ne dis pas que c’est un exploit pour vous, mais je constate, pour m’en féliciter, que le Sénat sait être unanime sur ces questions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas parce que trois textes ont été rejetés par le Sénat qu’il faut généraliser ! L’arbre ne doit pas cacher la forêt !
M. le président. Si vous le dites, cher président… (Sourires.)
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, mes chers collègues, le fait que ce texte sur l’Europe soit défendu ici par Mme la ministre chargée des Français de l’étranger constitue un mauvais signal.
Ne prenez pas en mauvaise part cette remarque, madame la ministre, qui s’adresse plus au Gouvernement qu’à vous-même, d’autant que nous sommes naturellement solidaires – et fiers - de nos collègues parlementaires devenus ministres. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mme Conway-Mouret représente tout le Gouvernement, dans sa plénitude !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je le sais bien, monsieur le président de la commission. Il n’en demeure pas moins que c’est un mauvais signal, selon moi.
Le jeune collaborateur que j’étais se souvient que, peu de temps après l’élection du président Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, un accord politique avait été conclu avec Jean Lecanuet – un grand Européen ! – pour faire en sorte que nous puissions bâtir l’Europe durant la mandature.
Cela devait se traduire par la création du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, l’accord sur le système monétaire européen, le SME – l’ancêtre de l’euro – et, surtout, l’affirmation de la volonté commune du président Valéry Giscard d’Estaing et du chancelier Helmut Schmidt de construire le Parlement européen.
Je rappelle aussi que le Sénat français a joué un très grand rôle dans ce travail préparatoire, notamment grâce aux relations qu’avait établies son groupe centriste avec le jeune leader de la CDU, un certain Helmut Kohl. Notre institution fut un acteur puissant de la création du Parlement européen ; les historiens s’en souviendront peut-être un jour.