compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2014
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2014, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 155, rapport n° 156).
Nous poursuivons l’examen des dispositions relatives aux ressources.
article 41 et participation de la france au budget de l’union européenne
M. le président. Nous allons examiner l’article 41 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Dans la discussion, la parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte devant vous la contribution française au budget de l’Union européenne dans le projet de loi de finances pour 2014. Cette contribution prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État. L’article 41 du projet de loi de finances pour 2014 évalue ce prélèvement, qui est voté chaque année, à 20,14 milliards d’euros, soit une augmentation notable par rapport au prélèvement voté pour 2013 : la contribution française augmente en effet de 540 millions d’euros, c'est-à-dire de 2,7 %, et cette augmentation fait suite à une progression de 720 millions d’euros respectivement en 2012 et en 2013.
Je commencerai cette présentation en évoquant le cadre financier pluriannuel, le CFP, 2014-2020, également appelé « perspectives financières », qui a finalement été adopté par le Parlement européen le 19 novembre dernier, à une nette majorité : 537 voix pour et 126 voix contre. Le CFP 2014-2020 est largement issu d’un accord du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, accord qui a été obtenu au terme de longues négociations, qui se sont déroulées en 2012 et en 2013. Il fixe le nouveau CFP, en euros constants, à 960 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 908,4 milliards d’euros en crédits de paiement. En euros courants, le CFP prévoit 1 082,55 milliards d’euros en crédits d’engagement et 1 023,95 milliards d’euros en crédits de paiement. L’écart atteint donc 58,6 milliards d’euros.
Je relève que cet écart de près de 60 milliards d’euros contribuera à aggraver l’état déjà préoccupant du stock de restes à liquider, ou RAL. Ces derniers correspondent aux engagements de l’Union européenne non encore couverts par des paiements. Ce stock de RAL devrait s’élever à 225 milliards d’euros à la fin de l’année 2013, et il est probable qu’il continuera à augmenter à partir de l’année prochaine sans qu’aucune mesure soit prise pour contrer cette évolution dangereuse. Monsieur le ministre, je me permets de vous demander quelles propositions la France entend formuler en la matière. Il s’agit en effet de l’une de nos préoccupations constantes, à Jean Arthuis et à moi-même.
La structure du nouveau CFP s’inscrit dans une certaine continuité avec le CFP 2007-2013. Seules trois rubriques connaissent des variations importantes : la rubrique 1a, « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », qui croît de 58 % ; la rubrique 3, « Sécurité et citoyenneté », en augmentation de 45 % ; la rubrique 5, « Administration », qui croît de 25 %.
Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen n’ont pas tant porté sur les montants globaux des rubriques ou la structure des dépenses, qui a peu évolué pendant les négociations, que sur l’établissement d’une flexibilité en crédits d’engagement et en crédits de paiement entre les années et les rubriques. De nouveaux instruments de flexibilité ont ainsi été introduits : la marge globale pour les paiements, la marge globale en faveur de la croissance et de l’emploi, la flexibilité pour faire face au chômage des jeunes et renforcer la recherche, et, enfin, la marge pour imprévus.
Je me félicite tout particulièrement que le CFP 2014-2020 ait prévu la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, qui est appelé à succéder au Programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis, le PEAD. Ce fonds fera désormais partie de la sphère de la politique de cohésion – rubrique 1b –, alors que le financement du PEAD relevait jusqu’ici de la politique agricole commune, la PAC.
La dotation du PEAD s’élevait à 500 millions d’euros par an depuis 2009, mais, dans le CFP 2014-2020, les crédits consacrés au FEAD seront portés à un niveau maximal de 557 millions d’euros par an : 2,8 milliards d’euros y sont en effet dédiés sur sept ans. Les États membres auront la possibilité de compléter cette allocation à hauteur de 1,1 milliard d’euros. Pour mémoire, en 2013, quatre associations organisent la distribution des produits financés par le PEAD en France : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du cœur, le Secours populaire français et la Croix-Rouge française.
J’en arrive maintenant à la négociation budgétaire communautaire pour l’année 2014, qui a abouti avec le vote du Parlement européen en séance plénière, le 19 novembre dernier. Comme à l’accoutumée, mes chers collègues, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps. Cette dernière a proposé une baisse de 6 %, c'est-à-dire de 142 milliards d’euros, des crédits d’engagement par rapport à 2013. Les hausses ne concernent que la rubrique 1a, « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », dont les crédits augmentent de 3,3 %. Les réductions visent surtout la rubrique 1b, consacrée à la politique de cohésion, dont les crédits diminuent de 13,5 %, et les rubriques 3 et 4, dont les crédits diminuent respectivement de 9,4 % et 12,5 %. Les crédits de paiement affichent quant à eux une hausse de 2,1 %, pour atteindre 136 milliards d’euros.
Le projet de budget adopté par le Conseil en septembre 2013 se veut plus rigoureux. Cette pratique est habituelle, mais elle prend pour la troisième année consécutive un sens encore plus significatif, dans le contexte des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques nationales et de stratégie de retour à l’équilibre budgétaire. Des coupes ont ainsi été réalisées en crédits d’engagement, à hauteur de 310 millions d’euros, et surtout en crédits de paiement, à hauteur de 1,06 milliard d’euros. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation d’une discipline budgétaire renforcée, qui a été exprimée par de nombreux États membres.
Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2013, un budget très proche des propositions initiales de la Commission. Il prévoit ainsi, pour 2014, une baisse de 5,5 % des crédits d’engagement et une hausse de 2,2 % des crédits de paiement.
J’indique également que les négociations entre les deux branches de l’autorité budgétaire dans le cadre de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne ont abouti le 11 novembre 2013, et que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 19 novembre dernier, le compromis issu du comité de conciliation. Le texte final est proche des propositions initiales de la Commission européenne en matière de crédits d’engagement, avec 142 milliards d’euros, mais il est un peu plus restrictif en matière de crédits de paiement : avec 135 milliards d’euros, il rejoint la position du Conseil.
J’en viens à quelques remarques sur l’évolution de notre solde net. La France devrait demeurer en 2014 le deuxième contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne et devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. La contribution française représentera 16,7 % du total des ressources de l’Union européenne ; cette part semble enfin se stabiliser. Cependant, la France n’est plus que le troisième pays bénéficiaire, derrière l’Espagne et la Pologne : elle reçoit un peu plus de 11 % des dépenses de l’Union européenne. Et notre situation, qui se dégrade année après année, est très fragile, puisqu’elle ne résulte que du poids de la PAC, qui représente 75 % des crédits européens dépensés en France.
Si l’on rapporte notre contribution aux dépenses, l’évolution de la situation semble alarmante. Mes chers collègues, notre solde net ne cesse de se dégrader : l’écart entre les sommes versées et les sommes reçues a été multiplié – j’y insiste – par dix-huit en douze ans. Notre solde net dépasse la barre des 7 milliards d’euros par an depuis 2011, ce qui doit nous conduire à nous interroger. Je n’ignore pas les limites inhérentes à la notion de solde net, qui ne retrace qu’imparfaitement les gains économiques, et en aucune façon les gains politiques, que les États membres retirent de leur adhésion à l’Union européenne, mais la situation est tout de même préoccupante ; cela mérite d’être souligné.
Mes chers collègues, en conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je vous recommande, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014. Une défaillance serait un manquement à la parole de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean Bizet. C’est juste !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur spécial.
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Marc Massion de son intervention, mais je n’en tirerai pas la même conclusion que lui. Je veux tenter de vous en donner les raisons.
Je commencerai par une remarque sur la programmation 2014-2020. Je déplore que la structure du budget communautaire n’ait pas été remise en question à cette occasion : nous avons choisi de reconduire la PAC et les fonds structurels, ainsi que les rabais et les corrections, chaque État membre ayant évidemment défendu ses positions en fonction de ses intérêts bien compris. Au moment où la dépense publique doit plus que jamais répondre à une exigence d’efficacité, une telle inertie est une folie. Mes chers collègues, le budget européen est devenu une cagnotte, mais distribuer de l’argent ne suffit pas à faire une politique !
De même, on a choisi de conserver le système actuel des ressources propres, système complexe, opaque et injuste, avec le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels. Ce système anti-communautaire, qui perpétue des logiques strictement nationales au détriment de toute intégration politique, est même renforcé : le Danemark bénéficiera d’un nouveau rabais sur sa contribution RNB ; les rabais forfaitaires sur la contribution RNB accordés à la Suède et aux Pays-Bas sont augmentés ; l’Autriche a obtenu un nouveau rabais forfaitaire pour sa ressource TVA ; enfin, le « chèque déguisé » en faveur des Pays-Bas, qui concerne essentiellement les droits de douane, est maintenu, même s’il est réduit. Aux Pays-Bas, les frais de perception sur les ressources propres de l’Union européenne que sont les droits de douane s’élevaient à 25 %, alors que les frais réels sont de l’ordre de 2 % du produit fiscal ; il s’agissait donc d’un cadeau au profit de nos amis néerlandais. Ces frais de perception élevés vont certes diminuer, mais ils passeront seulement de 25 % à 20 %.
Au fond, derrière les procédures et l’affichage convenu, le budget communautaire reste un système généralisé de Give my money back !, illustration de la force des égoïsmes nationaux, comme si l’Union européenne était l’addition d’égoïsmes nationaux.
Enfin, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a prévu un écart de 58,6 milliards d’euros entre les crédits d’engagement et les crédits de paiement. Comme cela a été relevé, cet écart va aggraver le stock inquiétant de « restes à liquider », qui fragilise le budget communautaire. Je souhaite tirer la sonnette d’alarme, monsieur le ministre : à la fin de cette année, le stock de RAL atteindra environ 225 milliards d’euros, et il va continuer à augmenter.
Je rejoins mon collègue Marc Massion dans son interrogation : monsieur le ministre, quelle stratégie la France compte-t-elle défendre auprès de nos partenaires européens pour résoudre ce problème grave ?
J’en arrive maintenant à quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l’objet de notre débat d’aujourd’hui, ainsi que sur l’évolution de son exécution.
Le projet de loi de finances pour 2014 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne à 20,14 milliards d’euros, soit une hausse de 2,7 % en un an. Je souligne qu’en vingt ans ce montant a été multiplié par cinq.
Cependant, nous savons d’expérience que, au terme de l’exécution 2014, des ouvertures nouvelles de crédits de paiement seront intervenues et que, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances et ce qu’il sera finalement, il y aura forcément des écarts.
En 2013, la sous-estimation du prélèvement a ainsi été élevée, puisqu’il s’agit d’un écart d’environ 1,8 milliard d’euros en exécution, portant notre contribution pour 2013 à plus de 22,2 milliards d’euros !
Le phénomène des « restes à liquider », dont je viens de parler, explique l’essentiel de ces écarts récents en exécution et laisse planer l’aléa de budgets rectificatifs d’envergure à partir de l’année prochaine.
Vous l’aurez compris, je vous ai rappelé ces données sur les exécutions constatées pour vous dire que l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable, monsieur le ministre.
Notre contribution effective excédant régulièrement le montant inscrit en loi de finances initiale, je souhaite donc vous interroger sur l’incidence à venir des « restes à liquider » sur notre contribution nationale non seulement en 2014, mais aussi plus généralement pour les années futures.
Avant de conclure, j’ajouterai quelques mots sur l’avenir de la zone euro qui a fait l’objet d’un rapport que j’ai remis le 6 mars 2012 à François Fillon, alors Premier ministre. Son titre, Avenir de l’euro : l’intégration politique ou le chaos, exprime l’alternative qui demeure.
J’avais à cette occasion formulé quelques propositions, notamment le projet de nomination d’un ministre de l’économie et des finances appuyé sur une véritable direction générale du Trésor européenne, ainsi que la mise en place d’une capacité renforcée de coordination budgétaire de la zone euro. Or j’observe que des avancées en ce sens sont perceptibles, avec par exemple une meilleure harmonisation budgétaire, la mise en place de l’union bancaire, même si beaucoup reste à faire, et, enfin, la montée en puissance d’Eurostat et du Mécanisme européen de stabilité. Ces deux organismes font en effet figure d’embryons de ce que l’on pourrait appeler une direction générale de la comptabilité publique et d’une direction du Trésor de l’Europe.
S’agissant tout d’abord d’Eurostat, je relève que ce service a fortement fait évoluer son rôle à l’occasion de la crise des dettes souveraines. Il propose désormais à la Commission européenne de dresser des amendes en cas de manipulation des statistiques nationales. D’une administration de statisticiens, Eurostat cesse de se consacrer exclusivement à la macroéconomie pour faire sa juste place à la comptabilité publique. Je crois pouvoir affirmer que cet organisme s’érige progressivement en direction générale de la comptabilité publique européenne.
Cette révolution du rôle et de la place d’Eurostat aurait dû être conduite plus tôt, soit dès 1999 pour la création de l’euro, soit après la première crise grecque de 2005, mais l’Allemagne n’a pas voulu réformer les règles d’Eurostat. Elle a eu tort ! Jusqu’au déclenchement de la crise des dettes souveraines, en 2009, les comptes publics étaient réputés souverainement sincères. Il n’était donc pas question d’aller observer ce qui se passait effectivement et de détecter les turpitudes qui pouvaient avoir cours ici ou là. La suite est connue…
Je suis convaincu que cette future direction générale de la comptabilité publique de l’Eurozone, voire de l’Union européenne, qui se dessine du côté d’Eurostat, sera un jalon majeur pour le progrès du gouvernement économique, financier et budgétaire de la zone euro.
J’en viens au Mécanisme européen de stabilité, le MES, et au Fonds européen de stabilité financière, le FESF, dans lesquels je vois les prémices d’une direction générale du Trésor de la zone euro et peut-être bien de l’Union budgétaire européenne.
En effet, lors de mon déplacement à Luxembourg en compagnie de Marc Massion, j’ai été frappé par le fait que ces institutions dirigées par Klaus Regling veillent à se coordonner avec les directions du Trésor des États de l’Eurogroupe. Ainsi, ses émissions de titres font l’objet d’une organisation et d’un calendrier préparé en amont avec l’ensemble des États concernés. Voilà un autre exemple concret de gouvernance européenne des finances publiques, véritable préfiguration – c’est du moins ce que je veux y voir – de l’union budgétaire !
Derrière les 188 milliards d’euros de prêts du FESF et les 700 milliards d’euros de capital du MES, dont 80 milliards sont effectivement appelés et 620 milliards correspondent au capital appelable, se dessine, mes chers collègues, une véritable capacité budgétaire de la zone euro.
La mutualisation des dettes souveraines, si elle advient, passera par le MES, bien que la perspective des eurobonds soit à ce stade plutôt lointaine. Pour le moment, nous devons progresser sur le chantier de l’union bancaire, qui constitue un progrès prometteur.
Le MES devrait en outre rapidement avoir le droit de recapitaliser directement les banques, ce qui le conduira à participer aux conseils d’administration des structures concernées et à y exercer son droit de vote.
Pour conclure mon intervention, je voudrais plaider en faveur d’une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux. Dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sur les recettes de l’État. Nous ne débattons pas du niveau de ce prélèvement ni de l’usage qui en sera fait au travers des dépenses de l’Union européenne. Une telle situation n’est pas satisfaisante.
Nous devons, mes chers collègues, prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des États membres. À cet égard, j’attends de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l’Union européenne, qui s’est réunie pour la première fois les 16 et 17 octobre 2013, qu’elle se dote d’un programme de travail ambitieux.
Dans le même ordre d’idée, je propose que nous soyons appelés à voter en loi de finances initiale non seulement notre contribution au budget communautaire, mais aussi la totalité de nos engagements à l’égard de la zone euro, comme notre contribution au MES, directement par apports en capital ou par engagements hors bilan. Les montants en cause s’élèvent respectivement à 16,3 milliards et à 126,4 milliards d’euros pour la France. Au total, cela représente 142,7 milliards d’ici à 2016, soit 20 % de l’ensemble des contributions.
Aussi, mes chers collègues, pour l’heure, je vous recommande de vous abstenir sur l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014, de manière à traduire le haut niveau d’exigences que nous formulons à l’égard de l’Union européenne. En tout état de cause, vous l’avez bien compris, notre vote, quel qu’il soit, n’est que symbolique, puisque la contribution de la France résulte des traités et non pas de notre vote.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. C’est parce que je crois en l’Europe que je critique son fonctionnement actuel. L’Europe ne peut plus demeurer le miroir de nos turpitudes nationales ; elle a impérativement besoin d’un pilotage politique en phase avec les enjeux de la mondialisation.
Nos souverainetés nationales en matière budgétaire sont devenues illusoires, et ce n’est qu’en partageant ces prérogatives au plan européen que nous retrouverons collectivement notre souveraineté. Alors, assumons ce partage de souveraineté et tirons-en les conséquences pour doter l’Union européenne d’une véritable gouvernance politique. (M. le président de la commission des finances, ainsi que MM. Jean Boyer, André Gattolin et Jean Bizet applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des affaires européennes.
Mme Bernadette Bourzai, vice-présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la commission des affaires européennes, M. Simon Sutour, m’a confié le soin de m’exprimer au nom de la commission dans ce débat consacré à la contribution que la France prélève sur ses recettes pour participer au budget de l’Union européenne. J’en suis très honorée, d’autant qu’il s’agit d’une première : je tiens donc d’abord à me réjouir que la commission des affaires européennes de notre assemblée ait aujourd’hui voix au chapitre tant ce débat est riche d’enjeux importants non seulement pour notre pays, mais aussi pour l’Europe.
Tout récemment, le Parlement européen et le Conseil ont fini par s’entendre sur le budget 2014 de l’Union européenne : les crédits de paiement seront donc de 135,5 milliards d’euros et les crédits d’engagement de 142,6 milliards d’euros l’an prochain, ce qui correspond quasiment à la proposition de la Commission européenne. Parallèlement, et heureusement, un accord final sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a aussi pu être dégagé. Nous pouvons en effet nous en réjouir, car, au-delà des inévitables déceptions, le cadre financier pluriannuel participera à la réorientation de l’Europe, à laquelle s’est attelé le Président de la République dès son élection. Il garantit en effet plus de financements pour les politiques en faveur de la croissance et de la protection des plus fragiles : ainsi, la politique de la recherche, grâce au programme Horizon 2020, la politique de la mobilité, qui dépassera le seul champ de l’éducation grâce au nouveau programme Erasmus +, le Fonds social européen, soit autant de programmes déterminants pour l’emploi, se verront consacrer davantage de fonds. De plus, la lutte contre le chômage des jeunes bénéficiera pour la première fois d’une ligne budgétaire identifiée.
Je tiens sur ce point à souligner la mobilisation de la France, laquelle vient d’accueillir un sommet européen pour l’emploi des jeunes. Rappelons que 6 milliards d’euros ont été dégagés, lesquels s’ajoutent aux 3 milliards d’euros provenant du Fonds social européen ainsi qu’aux interventions de la Banque européenne d’investissement.
L’objectif est de mettre en place la « garantie pour la jeunesse », qui offrira à chaque jeune Européen, au bout de quatre mois de chômage, une solution : emploi, formation ou accompagnement. Les chefs de gouvernement européens, les institutions européennes et les partenaires sociaux se sont réunis à Paris, voilà deux semaines, pour faire en sorte que ces financements décidés à l’échelon européen bénéficient au plus vite à l’emploi des jeunes. Il a ainsi été décidé, au cours de ce sommet, que, dès le 1er janvier, les financements pourront être mis à disposition des pays qui auront adressé à la Commission européenne leur programme pour la mise en place de la « garantie pour la jeunesse ». Les fonds européens vont ainsi soutenir les services publics pour l’emploi, dont les antennes locales forment un réseau puissant pour l’orientation, la formation professionnelle et l’insertion des jeunes.
Nous pouvons aussi nous féliciter que le programme européen d’aide aux plus démunis, qui a bien failli être supprimé, soit finalement sauvé : l’aide est reconduite avec un budget de 3,5 milliards d’euros pour les sept prochaines, années, c’est-à-dire un montant identique à celui qui était alloué pour la période 2007-2013. Il s’agit d’un motif de satisfaction, car la mobilisation de notre pays y est pour beaucoup.
Enfin, nous devons souligner que l’esprit de solidarité progresse aussi dans les deux grandes politiques européennes : la politique agricole commune et la politique de cohésion territoriale.
D’une part, la nouvelle PAC sera plus verte, plus équitable et plus adaptée aux spécificités agricoles des territoires. Là encore, l’implication du Président de la République a été décisive : le bénéfice que la France retire de la PAC est quasiment stabilisé, alors même que son budget global est en recul sensible.
D’autre part, la politique régionale gagne aussi en équité : comme le Sénat l’avait d’emblée soutenu, la nouvelle politique de cohésion bénéficiera à une nouvelle catégorie de régions, à savoir les régions en transition, qui sont assez pauvres pour avoir besoin d’aide, mais trop riches pour être éligibles dans le cadre actuel. C’est une bonne nouvelle pour la dizaine de régions françaises concernées qui sont particulièrement vulnérables en ces temps de crise.
Malgré ces progrès, force est de reconnaître que les ambitions que nous pouvons avoir pour l’Europe restent contraintes. L’examen de ce projet de loi de finances en est la preuve : la contradiction persiste entre nos ambitions européennes et le financement majoritaire de l’Union par les contributions budgétaires des États membres. Tant que notre vision de l’Europe restera tributaire des budgets nationaux, rien de grand ne pourra se faire. Tout en approuvant, bien sûr, le prélèvement prévu sur notre budget au profit de l’Union européenne, la commission des affaires européennes plaide donc pour la mise en place de véritables ressources propres pour financer l’Union. Le Parlement européen ayant obtenu la création d’un groupe de travail, nous attendons qu’il en sorte le plus rapidement possible des propositions concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre ayant des contraintes d’horaires, je vous invite à respecter les temps de parole de sorte qu’il puisse répondre à tous les orateurs.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je dirai simplement que ce débat consacré à la contribution de la France au budget européen m’apparaît comme un moment essentiel de notre discussion budgétaire. Il est nécessaire qu’une fois par an nous nous interrogions ensemble, en notre âme et conscience, sur l’effort qu’en tant que nation nous voulons bien consentir pour la construction européenne entendue au sens large de l’expression. L’Europe des bonnes intentions ne saurait suffire, et notre engagement européen doit aussi s’illustrer par les moyens dont nous le dotons.
Ce débat se teinte naturellement des couleurs de la crise économique financière et budgétaire que nous traversons, et la raison, la prudence – certains diront « la rigueur », et je les renvoie à la situation en Espagne, au Portugal ou en Italie – l’ont emporté : le budget de l’Europe ne croîtra pas plus que les budgets nationaux.
Cependant, nous devons nous réjouir que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 même contraint – ou peut-être parce qu’il a été contraint – cerne mieux les priorités essentielles qui découlent de la crise elle-même : les politiques en faveur de la croissance, de l’emploi des jeunes et de l’éducation s’y trouvent renforcées.
Songeons, par exemple, que le programme Erasmus +, qui regroupe tous les programmes de mobilité, se voit attribuer des fonds en progression de 70 % par rapport au précédent cadre pluriannuel. Dans ces conditions, il nous est plus facile d’apporter la contribution de la France à ce budget, qui a pour lui d’avoir fait les bons choix.
La France mettra donc à disposition du budget européen en 2014, ressources propres traditionnelles comprises et nettes des frais de perception, plus de 22 milliards d’euros, soit 16,4 % du total du budget européen et 7,8 % des recettes fiscales nettes françaises. Hors ressources propres versées directement à l’Union européenne, le prélèvement s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros. La France n’a donc pas à rougir de son effort européen, loin de là, d’autant que, en tendance, la contribution française est en progression.
En outre, comme vous le savez, la France est un contributeur net important : le deuxième pays contributeur net, après l’Allemagne ; parallèlement, elle est le troisième pays bénéficiaire, essentiellement grâce à l’importance des dépenses de la politique agricole commune : elle perçoit ainsi 17 % de l’ensemble de la PAC.
Bien sûr, le raisonnement sur le solde net de chaque pays a ses limites. Cependant, aussi longtemps que le budget européen sera financé principalement par un prélèvement sur les budgets nationaux, ce raisonnement l’emportera au détriment de l’esprit européen. Et compte tenu de la situation budgétaire dans laquelle se trouvent de nombreux pays membres, dont la France, il y a une contradiction inévitable entre le développement des politiques de l’Union et le respect des règles européennes concernant le déficit et la dette.
C’est pourquoi la grande faiblesse du nouveau cadre financier de l’Union européenne est l’absence de remise à plat des ressources du budget européen.
Et vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, si, à l’occasion du vote de la participation française au budget européen, je pose à nouveau la question des corrections dont bénéficient certains pays, en particulier celle qui est liée au « rabais britannique ». Notre collègue Jean Arthuis s’est clairement exprimé sur le sujet. Il est entré dans les détails, ce que je ne ferai pas. Le mécanisme est complexe, et il nuit à la clarté budgétaire et au principe de transparence.
Le rabais britannique s’explique par d’indéniables raisons historiques : en 1974, le Royaume-Uni souffrait à la fois d’une situation économique difficile et d’un déséquilibre entre ce qu’elle apportait à l’Union et ce qu’elle en recevait. Depuis, les temps ont changé et le moment est maintenant venu de tendre vers un mécanisme plus respectueux du principe de la solidarité budgétaire européenne. Aujourd’hui, le rabais britannique apparaît comme une survivance injustifiable. Nous l’avons dit et dénoncé à plusieurs reprises, tant ici qu’en commission des affaires européennes.
Si je souligne ce point, c’est parce que la France participe au rabais britannique pour une somme annuelle variant de 1,25 à 1,5 milliard d’euros.
D’une manière générale, la France assume une part prépondérante dans le financement de l’ensemble des mécanismes de correction. Là encore, compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’entrerai pas dans les détails.
En dépit de ces imperfections des mécanismes budgétaires européens, la France doit continuer à montrer que, pour sa part, elle participe pleinement à la solidarité budgétaire européenne.
Comptables, si j’ose m’exprimer ainsi, des traités internationaux, nous savons très bien l’exercice auquel nous sommes conviés. Néanmoins, en mon nom personnel, et en celui de mon groupe, je m’abstiendrai sur cet article 41.
Je tiens à dire que les contraintes budgétaires dont nous faisons la dure expérience devraient se retrouver dans le budget de fonctionnement des institutions européennes. Or, sur ce point, les efforts des institutions européennes ne sont pas suffisants.
Je m’inquiète également des dépenses entraînées par le développement du service européen de l’action extérieure, dont les résultats restent modestes à un prix qui, lui, ne l’est pas. Je préférerais que l’effort porte plutôt sur la préparation d’une défense commune.
Enfin, je répète qu’un budget par temps de crise se juge moins sur sa taille que sur la légitimité des priorités qu’il a su dégager.
Cela dit, mes chers collègues, en payant notre quote-part, nous ne faisons que remplir nos obligations, et cela ne devrait pas suffire à nous donner bonne conscience. Pour être parfaitement européens, il nous faudrait aussi, au-delà de la solidarité européenne, qui passe par le budget, garder à l’esprit que la construction européenne ne se réduit pas à un budget européen solidaire : c’est aussi et surtout une coordination efficace des politiques dans le respect des disciplines communes.
Je terminerai donc mon propos en émettant le souhait que la France affiche sa volonté européenne par une mise en œuvre effective des engagements pris avec ses partenaires en matière de discipline budgétaire et de coordination des politiques économiques.
Je l’ai dit à plusieurs reprises et je vous le dis à nouveau, monsieur le ministre, comme je l’avais indiqué à votre prédécesseur : en la matière, il y a deux discours, l’un à Paris, l’autre à Bruxelles. Je sais que vous m’entendez avec quelques difficultés…