M. le président. L'amendement n° I-90, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement de substitution au texte de l’article 11 prévoit de revenir sur l’équilibre auquel est parvenue notre fiscalité en matière de droits d’enregistrement.
Depuis la loi TEPA, les donations et successions ont été l’objet de multiples évolutions, qui, malgré quelques correctifs apportés récemment, demeurent de notre point de vue par trop exorbitants du droit commun. À la vérité, force est de constater que les successions et les donations, ici visées, bénéficient aujourd’hui d’allégements fiscaux essentiels, qu’il importe de remettre en question.
Pour 2010, qui constitue la dernière année connue pour notre dossier, nous avons enregistré auprès des services de la Direction générale des finances publiques près de 160 000 opérations de donation imposables, générant 931 millions d’euros de recettes fiscales – on observe un mouvement de baisse depuis l’adoption de la loi TEPA – et environ 80 000 successions, générant un produit fiscal de 6,9 milliards d’euros.
Pour 2014, si l’on en croit les documents du ministère, nous en serions normalement à près de 1,6 milliard d’euros en droits sur donation et à près de 9,7 milliards d’euros – un peu moins que le coût du CICE – en termes de droits de succession.
Dans les faits, la remontée des droits, qui s’est opérée à la suite du premier « recalibrage » de la législation de l’enregistrement mis en œuvre par l’actuelle majorité parlementaire, sera en quelque sorte bonifiée par notre proposition, tout en maintenant clairement la plus grande partie des opérations, notamment des successions, libres de toute imposition.
C’est donc à la fois une mesure de rendement et de justice fiscale que nous vous invitons à adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer une réforme de l’imposition des plus-values mobilières à la fois juste et favorable au développement des PME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-91, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 775 ter est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 775 ter. – Il est effectué un abattement de 50 000 euros sur l’actif net successoral recueilli soit par les enfants vivants ou représentés ou les ascendants du défunt. » ;
2° L’article 779 est ainsi rédigé :
« Art. 779. – I. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés.
« Entre les représentants des enfants prédécédés, cet abattement se divise d’après les règles de la dévolution légale.
« En cas de donation, les enfants décédés du donateur sont, pour l’application de l’abattement, représentés par leurs descendants donataires dans les conditions prévues par le code civil en matière de représentation successorale.
« II. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du premier alinéa.
« III. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué en cas de donation ou, lorsque les dispositions de l’article 796-0 ter ne sont pas applicables, en cas de succession, un abattement de 5 000 euros sur la part de chacun des frères et sœurs. » ;
3° Le I de l’article 788 est rétabli dans la rédaction suivante :
« I. – L’abattement mentionné à l’article 775 ter se répartit entre les bénéficiaires cités à cet article au prorata de leurs droits légaux dans la succession. Il s’impute sur la part de chaque héritier déterminée après application des abattements mentionnés au I et au II de l’article 779. La fraction de l’abattement non utilisée par un ou plusieurs bénéficiaires est répartie entre les autres bénéficiaires au prorata de leurs droits dans la succession. » ;
4° L’article 790 C est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 790 C. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 5 000 euros sur la part de chacun des neveux et nièces du donateur. » ;
5° L’article 790 G est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2013.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° I-6 rectifié, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Au premier alinéa, après les mots : « et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci », sont insérés les mots : « diminué, le cas échéant, des réductions d’impôt effectivement obtenues dans les conditions prévues à l'article 199 terdecies-0 A » ;
II. – Alinéa 61
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à concilier l'incitation à l'investissement dans les PME les plus risquées avec l'imposition des plus-values tirées de ces investissements. Aussi, il est proposé de calculer les plus-values mobilières en tenant compte, le cas échéant, de la réduction d'impôt dite « Madelin » que le cédant a obtenue au moment de son investissement dans la société dont il cède des parts, droits ou titres.
Ainsi, au moment de l’investissement, la réduction d’impôt dite « Madelin » pourrait pleinement jouer son rôle d’encouragement dans des investissements risqués. Puis, au moment de la revente, l’investisseur serait taxé sur son gain réel, tenant compte de la réduction d’impôt qu’il a obtenue.
M. le président. L'amendement n° I-487, présenté par MM. Savary, Bécot, Bizet et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cointat et Cornu, Mmes Debré et Deroche, MM. Doligé, Husson, Laménie et Lefèvre, Mmes Masson-Maret et Mélot et MM. Milon et Pointereau, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 66
Remplacer les mots :
fixe de 500 000 €
par les mots :
de 100 % sur le montant de la plus-value en cas de cession de droits sociaux des dirigeants partant à la retraite
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. L’article 11 prévoit de supprimer l’ensemble des régimes dérogatoires existant pour les plus-values mobilières et de ne garder que deux régimes de référence indexés sur les taux d’imposition sur le revenu : un régime de droit commun finançant l’investissement de long terme et un régime « incitatif » favorisant la création d’entreprise.
Cet article, dans sa rédaction actuelle, ne serait pas très avantageux pour les dirigeants des petites entreprises qui partent à la retraite. Certes, un abattement complémentaire de 500 000 euros sera pratiqué sur le montant de la plus-value, mais il sera insuffisant dans la majorité des cas pour exonérer ce type de dirigeants partant à la retraite, lesquels seront donc finalement imposables sur les plus-values de cession.
Or il convient de rappeler le profil des dirigeants qui vont partir à la retraite dans les prochaines années : ils détiennent généralement leur société depuis plus de quinze ans et ne se sont alloué qu’un faible salaire pendant toutes ces années, avec l’espoir de compenser cette perte par la plus-value de cession réalisée lors de la vente de leur PME. La plus-value réalisée lors de la cession d’entreprise est donc, dans la majorité des cas, destinée à compléter la faible retraite du dirigeant. Il s’agit donc d’une épargne retraite complémentaire.
Avec le nouveau dispositif, ces dirigeants auront un complément de revenu moins élevé. De plus, au lieu de rassurer les contribuables, cette mesure a plutôt pour effet de renforcer l’insécurité fiscale et de rendre les opérations de ventes d’entreprise encore plus frileuses dans un contexte économique critique. C’est pourquoi il est demandé un abattement de 100 % sur la cession des droits sociaux de ces dirigeants de PME partant à la retraite.
M. le président. L'amendement n° I-540, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 66
Après les mots :
d'un abattement fixe
insérer les mots :
dans la limite
II.- Après l'alinéa 66
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'abattement fixe prévu au premier alinéa s'apprécie globalement pour l'ensemble des gains afférents à des actions, parts ou droits portant sur ces actions ou parts émis par une même société.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-540 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos I-91 et I-487.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement « anti-saucissonnage » vise à préciser les modalités d’appréciation de l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de PME partant à la retraite pour le calcul de leur plus-value de cession.
Il tend à indiquer clairement dans la loi que cet abattement s’applique pour l’ensemble des gains afférents à une même société cible, et non par cession. Ainsi, si un dirigeant vend par fraction ses parts de capital, c’est bien l’ensemble de l’opération qui sera prise en compte, afin qu’il ne soit pas tenté d’échapper à l’imposition en cédant son entreprise par tranche de 499 000 euros. Il s’agit donc d’un amendement « anti-optimisation ».
J’en viens à l’avis de la commission des finances.
La commission est défavorable à l’amendement n° I-91, qui, en réécrivant totalement l’article 11, supprimerait la réforme des plus-values mobilières que nous soutenons. Elle est également défavorable à l’amendement n° I-487, qui vise à recréer une niche là où la réforme proposée, qui réserve déjà un sort très favorable aux dirigeants de PME partant à la retraite, instaure plus de simplicité et plus de justice.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I-91, qui aurait tout simplement pour conséquence de supprimer une législation qui nous semble efficace et équilibrée.
M. Savary veut également remettre en cause cet équilibre en s’attaquant, à travers l’amendement n° I-487, à l’abattement de 500 000 euros sur la plus-value de cession, qui nous semble déjà constituer une franchise importante. Nous souhaitons maintenir ce dispositif en l’état et émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Par l’amendement n° I-6 rectifié, monsieur le rapporteur général, vous proposez de modifier la clause de non-cumul de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin » avec l’abattement renforcé pour durée de détention, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Vous envisagez de lui substituer un mécanisme de retraitement du prix d’acquisition des titres cédés pour le calcul de la plus-value de cession.
Le Gouvernement est favorable à cette proposition. Si la clause de non-cumul votée par l’Assemblée nationale en première lecture se justifiait dans son principe, elle était imparfaite. Outre qu’elle prenait en compte l’abattement incitatif et non pas l’abattement de droit commun, elle ne permettait pas aux contribuables de faire un choix éclairé entre deux avantages fiscaux.
Au contraire, votre proposition permet, quant à elle, d’atteindre l’objectif recherché de non-cumul d’avantages fiscaux par un mécanisme plus juste et plus cohérent, consistant à retraiter le prix d’acquisition des titres cédés pour déterminer la plus-value brute imposable, que celle-ci soit éligible à l’abattement incitatif ou à l’abattement de droit commun.
Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° I-540. En effet, il convient de préciser que l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficie le dirigeant de PME partant à la retraite s’applique globalement à l’ensemble des gains afférents à la cession d’une même société, y compris en cas de cession échelonnée de ces titres de société.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’article 11.)
Article additionnel après l'article 11
M. le président. L'amendement n° I-92, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est complété par les mots : « et 46 % lorsque les dividendes versés aux actionnaires représentent plus de 10 % du bénéfice imposable »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La France est un pays de bas salaires. Des études ont été menées à ce sujet : la moitié des salariés de notre pays gagnent moins de 1 600 euros par mois ; plus d’un tiers d’entre eux gagnent moins que le SMIC et plus de la moitié se trouvent sous le seuil fatidique de 1,6 SMIC, en deçà duquel les employeurs ont droit à des allégements de cotisations. De là à dire que les employeurs maintiennent les salaires au plus bas pour bénéficier d’exonérations, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons d’ailleurs. N’est-ce pas pour cette raison que la Cour des comptes définit les mécanismes d’exonération de cotisations sociales comme étant de véritables trappes à bas salaires ? Et cela ne va pas s’arranger avec le CICE !
Notre pays n’est donc pas, soulignons-le pour tordre une fois encore le cou à certaines idées reçues, celui où le travail coûte le plus cher. L'INSEE a ainsi mis en évidence que le taux de prélèvements sociaux est de 32,1 % du SMIC aujourd’hui, contre 31,9 % en 1972.
De plus, la vérité commande de dire que si, il y a quarante ans, c’est au compte des cotisations patronales que l’essentiel de ces prélèvements était réalisé, il n’en est pas de même aujourd’hui. En effet, sur la fiche de paye d’un smicard figurent non seulement un prélèvement au titre de la CSG – c’est l’impôt sur le revenu que paient clairement tous les salariés non imposables –, mais aussi une dernière ligne, précédée de guillemets, représentant la ristourne dont bénéficie l’employeur.
En outre, la part des salaires dans la valeur ajoutée est en diminution. Ainsi, avant la récession de 1974-1975, elle était supérieure de 5 points à ce qu’elle est aujourd’hui, et l’écart atteint 10 points par rapport au pic de 1982. En revanche, il est une part de la valeur ajoutée qui ne cesse de croître, celle des dividendes : ils représentent aujourd’hui environ 25 %, contre 5 % seulement en 1985. Cette explosion des dividendes est assise sur la faiblesse des salaires, mais les salariés sont en réalité deux fois perdants, puisqu’ils sont aussi victimes des politiques de délocalisation de l’emploi.
Plus les dividendes versés aux actionnaires croissent, plus les réinvestissements, notamment dans les nouvelles technologies ou la réorientation industrielle, diminuent. En effet, l’effort d’investissement ne représente plus aujourd’hui que 19 % de la valeur ajoutée, contre près de 24 % dans les années 1970.
Pour notre part, nous sommes convaincus que, plutôt que de geler les salaires, l’heure est venue de geler les dividendes à leur niveau actuel et de les transférer à un fonds de mutualisation destiné à d’autres usages, qui serait placé sous le contrôle des salariés. Notre amendement, dont l’objet se limite à porter le taux d’imposition des dividendes à 46 %, s’inscrit dans cette logique de valorisation de l’emploi face à la spéculation.
Si vous refusez, pour des raisons qui n’échappent à personne, d’augmenter les salaires et de reconnaître réellement le travail, alors vous devez taxer les dividendes en conséquence, c’est-à-dire davantage que le travail, afin d’inciter les entreprises à repenser leurs politiques salariales et d’investissement. Les millions d’euros versés aux actionnaires sont précisément des millions qui échappent à l’investissement, c’est-à-dire à l’entreprise, et donc au maintien de l’emploi qualifié et adapté aux exigences nouvelles. Ce sont ceux-là qui peuvent apporter de la croissance à notre pays. Et c’est aussi sans doute là la meilleure manière de renforcer les fonds propres de nos entreprises !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je partage l’objectif de favoriser le réinvestissement des bénéfices dans la production et les salaires plutôt que dans l’augmentation des dividendes. Cependant, la solution qui a été mise en œuvre par ce gouvernement dès la loi de finances rectificative de juillet 2012 me semble plus adaptée, à savoir la création d’une taxe de 3 % sur les dividendes distribués. Cette contribution rapporte plus de 1,6 milliard d’euros par an.
De plus, la création d’une nouvelle tranche d’impôt sur les sociétés serait inopportune au moment où vont se constituer les assises de la fiscalité des entreprises, pour redéfinir un nouveau système de fiscalité avec une progressivité plus grande entre les PME et les grands groupes, comme l’a indiqué le Premier ministre.
Je suggère donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-92 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, vous savez très bien que l'argent gangrène notre pays. Prenons l’exemple de Renault. En trois ans, les salariés ont vu leurs salaires progresser de 2,7 %. Dans le même temps, les dividendes distribués aux actionnaires ont augmenté de plus de 30 %. Voilà la situation !
Ne restez pas au milieu du gué. Choisissez votre camp pour que nous puissions avancer ! En tout état de cause, je maintiens l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-92.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
Au cinquième alinéa du I de l’article 150 VC du code général des impôts, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 5 % ». – (Adopté.)
Article 11 ter (nouveau)
Le II de l’article 150 VK du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 1°, le taux : « 7,5 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;
2° Au 2°, le taux : « 4,5 % » est remplacé par le taux : « 6 % ».
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’article 11 ter a trait à la fiscalité sur les métaux précieux.
La taxe forfaitaire, due au moment de la cession, devrait, selon cet article, passer de 7,5 % à 10 %, soit une hausse d’un tiers, tandis que le taux applicable à la cession des bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité passerait, lui, de 4,5 % à 6 %.
Monsieur le ministre, je ne peux que vous mettre en garde contre les possibles conséquences d’une telle décision, qui me semble avoir été prise avec une certaine légèreté. En effet, il s’agit là d’une hausse substantielle sur un marché déjà caractérisé par une fiscalité lourde, dérogatoire et presque unique au monde, puisque cette taxe forfaitaire, créée en 1976 pour tenir compte de l’anonymat qui s’attache traditionnellement aux transactions de métaux précieux, n’a presque aucun équivalent dans le monde. Or nous savons qu’il existe en la matière des traditions anciennes, des habitudes sociales : nous parlons ici du « bas de laine », d’une valeur refuge, d’une épargne souvent populaire, peut-être en particulier dans le centre de la France, chère Michèle André. (Sourires.)
Mme Michèle André. Ce n’est pas sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cette épargne est constituée de quelque 3 000 tonnes d’or : « Napoléons », lingots et bijoux. Or vous savez que la particularité de l’or est qu’il ne disparaît pas, du moins économiquement. Le stock est majoré d’année en année en fonction de la production qui arrive sur le marché.
En augmentant le taux de la taxe, on prend le risque de figer le marché, déjà fortement atteint par la baisse actuelle du cours de l’or – de l’ordre de 30 % entre 2012 et 2013 –, à un moment où il ne serait pas inutile qu’une partie de cette richesse stérile circule, afin d’être réinjectée dans l’économie réelle.
Plus grave, on prend le risque d’entraîner un véritable détournement des transactions vers des pays où la fiscalité sur l’or est plus légère, si ce n’est inexistante, comme en Belgique, en Allemagne, au Grand-Duché, que nous affectionnons particulièrement Jean Arthuis et moi-même. (Sourires.) C’est également le cas, bien sûr, en Suisse. Même en France, certains intermédiaires assurément très peu recommandables seraient certainement ravis d’apporter leur concours à des transactions non déclarées, et donc non taxées.
Il faut enfin signaler que la taxe sur les métaux précieux est actuellement contestée par la Commission européenne, dans un avis motivé du 17 octobre 2013, ce qui ne laisse pas forcément augurer d’un avenir radieux pour cette forme de fiscalité.
Au total, cette taxe rapporte aujourd’hui 100 millions d’euros par an. Par rapport aux montants considérables que nous évoquions précédemment, c’est un moyen ruisseau. Si vos prévisions sont exactes, elle devrait demain rapporter près de 120 millions d’euros. Cependant, tout dépendra de la manière dont le marché fonctionnera et du volume effectif des transactions. Il se pourrait que, en augmentant le taux, on diminue le produit et que, l’an prochain, on ne constate plus que 80 ou 90 millions d’euros de recettes à ce titre.
Enfin, je souhaiterais appeler votre attention sur le fait qu’il n’existe à ce jour aucune cotation indépendante et pluraliste de l’or en France. La cotation qui figure sur le site de la Banque de France, parée de toute la respectabilité de la vieille dame de la rue la Vrillière, n’est en fait que la reprise de la cotation établie par l’un des acteurs du secteur, la Compagnie parisienne de réescompte, aujourd’hui filiale du Crédit agricole. L’absence de cotation officielle constitue donc un monopole de fait au bénéfice d’un seul acteur et au préjudice du consommateur, qui ne peut qu’être la victime du manque de transparence qui règne sur ce marché.
Pourquoi un cours officiel est-il nécessaire ? Parce qu’une pièce frappée par la Monnaie de Paris et dont la valeur faciale est de 1 000 euros peut avoir une valeur métal de 530 euros et un prix chez les marchands de 1 189 euros. À cette fin, j’ai signalé le problème au gouverneur de la Banque de France, qui s’est récemment engagé à cesser d’afficher les cours litigieux, pour ne conserver que la valeur de l’once sur le marché de gros, plus objective.
En absence de conclusion des travaux de la Banque de France, je me permets d’appeler toute l’attention du Gouvernement sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je souhaiterais apporter une précision à M. Philippe Marini, au moins pour ce qui concerne la fin de son intervention.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'était donc mieux à la fin ? (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. C'était bien du début à la fin, mais nous ne sommes pas forcément d'accord !
Ainsi, à la fin de votre propos, vous avez exprimé certaines préoccupations sur la protection du consommateur. Je tenais donc à vous dire que la loi sur la consommation, qui est venue devant votre assemblée, d'ailleurs sur votre initiative, permet aujourd'hui, à la faveur de plusieurs amendements parlementaires, un bien meilleur encadrement des opérations de rachat d'or.
En période de crise, le « bas de laine » de nombreux consommateurs que vous évoquez à juste titre fait l'objet de rachats d'or. Il arrive que ces derniers se fassent, à vil prix, auprès de personnes vulnérables, et portent sur ce qui constitue le dernier patrimoine de ces dernières– ou, du moins, une partie importante de celui-ci. Dorénavant, ces transactions seront beaucoup mieux encadrées, notamment par l'information des consommateurs.
Concernant le point précis de cet article 11 ter que vous évoquiez, je vous indique que cette taxe forfaitaire a été relevée par le biais d’un amendement parlementaire, afin de gager la baisse de la TVA sur les entrées de cinéma. Même si le lien n’est pas explicite, c'est en ces termes que le débat s'est conclu à l’Assemblée nationale.
Il s'agit d'une hausse mesurée, qui doit être appréciée en rappelant que la fiscalité de droit commun sur les plus-values est beaucoup plus lourde, notamment parce qu'elle inclut 15,5 % de prélèvements sociaux qui ne sont pas dus dans le cadre de ces transactions sur les objets précieux, à l'exception de la CRDS au taux de 0,5 % pour les opérations qui y sont soumises.
Je voulais aussi vous renvoyer aux débats sur la loi sur la consommation – elle est actuellement examinée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et vous sera soumise au début de l'année 2014 – sur l'information des consommateurs, l'encadrement de ses transactions et une meilleure protection de ces opérations de rachat.