Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Pour moi, cette question est vraiment un combat, car, dans ce secteur, quelque chose de fondamental est en train de se jouer.
Cette fois, l’argument invoqué n’est pas financier. Non, ici, on m’oppose la conformité au droit européen.
Or le Parlement européen a voté à la grande majorité en faveur d’une modification de la directive allant dans le sens que je souhaite ; le Sénat et, je l’espère, l’Assemblée nationale vont faire de même. Tout cela va aider le Gouvernement à négocier avec la Commission européenne. Il n’y a, dans cette démarche, aucune de ces provocations à l’égard des institutions européennes qui ont pu parfois et pourraient encore nous gêner dans les négociations.
J’ai écouté tous les arguments et j’estime que, en l’espèce, nous nous appuyons à la fois sur une position majoritaire du Parlement européen et sur une exigence absolue d’équité et de rationalité portée par le Parlement français. Dans ces conditions, le Gouvernement pourra d’autant plus aisément faire bouger les lignes.
Je souhaite que mon amendement soit adopté, car il n’y a aucune raison de le contester.
Nous avons mis en place depuis longtemps, pour la presse, un taux de TVA « super réduit » – 2,1 %, ce n’est vraiment pas grand-chose ! C'est une exception française. Nous avons estimé qu’il fallait faire un effort, non pas avec des espèces sonnantes et trébuchantes, mais par une réduction de la TVA, pour favoriser le pluralisme de l’information et aider les titres de presse à se développer.
Aujourd’hui, la presse écrite en bénéficie. Elle aurait pu s’opposer à ce que la presse en ligne – si elle avait été sa concurrente – profite de ce taux de TVA. C’était d’ailleurs presque le cas au tout début de la révolution numérique. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Les syndicats de presse, donc de presse écrite, soutiennent unanimement un alignement sur le taux de TVA réduit. C’est que l’équilibre de la presse écrite dépend aujourd’hui de sa mutation vers le numérique.
Aujourd’hui, les journaux – prenez l’exemple du Figaro – proposent de nombreux services en ligne, notamment les petites annonces. Or les services de la presse papier sont taxés à 2,1 %, et ceux qui sont disponibles en ligne le sont à 19,6 %, en attendant plus.
Je conçois que la défense de la neutralité fiscale puisse se traduire à l’inverse par l’application du taux de 19,6 % à toute la presse. Mais personne ne le propose, et certainement pas moi !
Reste que personne n’est en mesure de m’expliquer pourquoi la presse en ligne est taxée à 19,6 %, alors que, dans la loi accordant à la presse le taux « super réduit », le support était neutre.
Je le répète, cet alignement est une condition de la mutation du secteur. La presse est confrontée à une crise profonde, qui s’explique par la révolution technologique. Soit on accompagne la mise en place du nouveau modèle économique, soit on laisse perdurer des distorsions qui feront péricliter la presse papier sans pour autant aider la presse numérique. Nous aurons ainsi perdu sur les deux tableaux !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je plaide vraiment en cet instant pour que le vote de la représentation nationale, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, conforté par le vote largement majoritaire du Parlement européen, puisse aider le Gouvernement à demander une révision de la directive. Il y va de l’avenir du modèle économique de la presse, celle d’aujourd’hui, mais aussi celle de demain, qui est déjà pour beaucoup une réalité, aux États-Unis, notamment, où la presse a déjà opéré sa transition numérique.
Pourquoi faut-il toujours qu’en France nous attendions d’avoir le couteau sous la gorge ? Nous avons trop attendu pour la musique. Idem pour le cinéma, où nous avons pris du retard et nous n’avons agi que lorsque nous ne pouvions plus faire autrement. Et, pour le livre, c’est limite !
Mais, pour la presse, nous devons aller vite, car la presse, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la démocratie ! (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Assouline, permettez-moi de reprendre une partie des arguments que vous venez de développer.
S’agissant des objectifs, je n’ai pas un mot à retirer à ce que vous venez de dire. Nous sommes parfaitement en phase sur la nécessité de prendre en compte, dans notre législation fiscale, l’ensemble des évolutions ayant affecté la presse au cours des dernières années, en raison, notamment, des progrès technologiques et de la numérisation de l’information.
Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison, il s’agit là d’un combat pour le pluralisme de l’expression, pour l’accès à l’information, pour le maintien d’un certain nombre d’organes de presse, qui luttent dans un contexte extraordinairement difficile. Je suis parfaitement d’accord avec vous sur ce point.
Cependant, une question se pose : peut-on adopter ici un amendement dont on sait qu’il contrevient totalement aux règles européennes, notamment à la directive TVA ?
L’adoption de cet amendement aurait deux conséquences, mesdames, messieurs les sénateurs.
Premièrement, elle rallumerait des contentieux européens, dont certains, vous le savez, étaient extraordinairement lourds sur le plan budgétaire, alors même que, depuis dix-huit mois, notre démarche a précisément consisté à les éteindre.
Deuxièmement, et ce serait beaucoup plus gênant encore, elle mettrait la France en difficulté dans le combat qu’elle mène actuellement, au sein de l’Union européenne, pour faire aboutir ce à quoi précisément tend votre amendement, la commission devant faire connaître ses intentions dès la fin de l’année 2014 – ce n’est pas loin - sur la modification de la directive TVA.
Si nous adoptons un tel amendement avant d’avoir pu persuader la Commission d’aller dans le sens que nous souhaitons, je crains que nous ne suscitions de sa part des crispations assez classiques, qui durciront les conditions de nos échanges de sorte qu’il nous faudra combattre là où nous pouvions convaincre.
Au reste, monsieur Assouline, je suis très confiant sur l’issue : je pense que nous parviendrons à convaincre la Commission, sur la base, d'ailleurs, des arguments que vous avez vous-même développés.
C’est précisément pour cette raison que nous devons faire très attention à ne pas envoyer de signaux qui puissent être interprétés par la Commission européenne comme la volonté d’engager un bras de fer avant que la négociation n’intervienne.
Je mets de côté les considérations juridiques, mais nous ne devons bien entendu pas nous en désintéresser, comme nous l’avons vu hier lors de l’examen des amendements relatifs aux centres équestres.
Pour l’heure, dans l’intérêt de la presse, et dès lors que notre position devra être arrêtée dès la fin de cette année, je propose que nous soyons à la fois efficaces, tactiques et prudents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis absolument hostile à ces amendements.
Néanmoins, mon hostilité ne se fonde ni sur des raisons idéologiques ni sur des raisons de forme, et je ne conteste pas non plus la nécessité de ne pas donner un mauvais signal dans nos négociations avec l’Europe.
Je comprends très bien ce qui a été dit par les uns comme par les autres.
Cependant, comme nous n’aurons pas l’occasion d’examiner les crédits de la mission « Médias », ce que je regrette profondément, monsieur le ministre, je veux profiter du débat sur ces amendements pour rappeler que le rapport sur l’efficacité des aides à la presse qu’a rendu la Cour des comptes nous interpelle.
En somme, nous serions devant une alternative : soit on permet à la presse de survivre en l’aidant à se moderniser, soit on ne l’aide pas et elle coule. Or il se trouve que, même quand on l’aide, la presse coule !
Il nous faut donc procéder à une revue complète de l’ensemble des aides à la presse, que ce soit pour le matériel, pour la diffusion ou encore pour la franchise postale, afin de rechercher si des économies peuvent être faites et si l’argent peut être dépensé de manière plus efficace.
M. David Assouline. Cela n’a rien à voir !
Mme Nathalie Goulet. Monsieur Assouline, il existe tout de même une certaine connexité entre les aides à la presse et la TVA ! Au bout du bout du banc, c’est bien le contribuable qui paie !
Puisque nous sommes en train de rechercher des économies à réaliser, il me semble extrêmement nécessaire de consacrer un vrai travail à l’efficacité des aides à la presse. Nous n’allons pas tenter éternellement de remplir le tonneau des Danaïdes ! Si nous faisons ce que nous avons toujours fait, nous aurons le résultat que nous avons toujours eu !
C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas les amendements identiques de M. Assouline et de M. Gattolin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je ne partage pas les arguments de notre collègue.
Pour avoir attentivement écouté la présentation des conclusions de la Cour des comptes sur le sujet, et pour avoir quelque peu examiné la question, je considère que nous devons absolument nous interroger sur les aides à la presse.
Comme je le disais hier, nous devons tout particulièrement regarder qui on aide et comment on aide.
Cela dit, nous sommes ici sur un sujet un peu particulier. La presse numérique n’est pas considérée comme la presse papier, alors que, quand on parle d’aide à la presse, c’est bien du contenu que l’on parle, puisque ces aides ont vocation à soutenir le pluralisme, l’expression et la diffusion des idées.
Le rapport remis par Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle plaide en faveur de cette neutralité technologique : un bien ou un service doit être assujetti au même taux de TVA, qu’il soit distribué physiquement ou en ligne.
Bien sûr, la France a entrepris des démarches depuis plusieurs années auprès des autorités européennes, et Mme la ministre de la culture a affirmé, lors de son audition par la commission de la culture, que la France appliquerait le taux réduit de TVA à la fin de l’année 2014, même si la réglementation européenne n’avait pas encore été complètement modifiée.
Si nous saluons cette position ferme, nous pensons qu’il est urgent de ne plus attendre et d’anticiper les décisions de la Commission européenne, comme nous avons toujours su le faire en matière de culture et de presse.
L’exception culturelle française a un sens. Il est normal que, ne partageant pas la même conception de la vie culturelle, la France se distingue, par ses attitudes, d’autres pays européens !
En outre, il me semble que marquer notre appui au Gouvernement en votant cet amendement peut lui être profitable.
Quant à l’impact économique, sur les recettes fiscales, de l’application du taux de TVA de la presse imprimée à la presse en ligne, il ressort d’une étude réalisée par le cabinet Kurt Salmon, en février 2012, pour le compte de plusieurs syndicats d’éditeurs, que « le passage à un taux de 2,1 % dès 2012 coûterait la première année environ 5 millions d’euros de manque à gagner à l’État, mais en contribuant au développement de la filière, cela lui permettrait d’augmenter ses recettes dès 2015 et de limiter ses pertes sur l’ensemble de la période. On constate par ailleurs que, malgré la baisse du taux, l’État toucherait dans ces conditions près de trois fois plus de TVA sur la presse en ligne en 2017 qu’en 2010. Au final, l’extension de la TVA à 2,1 % à la presse en ligne est une mesure qui serait bénéfique à la fois pour les éditeurs et pour l’État ».
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Personnellement, je ne voterai pas ces amendements identiques.
En effet, je n’ai pas été convaincu par la plaidoirie, certes enthousiaste mais à mes yeux un peu trop alambiquée, de notre collègue David Assouline.
Quant au courage des parlementaires européens, qui seraient très favorables à une telle évolution de la TVA, je me méfie… Tous les jours, le Parlement européen nous montre que le courage n’est pas sa vertu cardinale !
Mme Michèle André. Nous parlons de la Commission !
M. David Assouline. Il s’agit de la Commission européenne !
M. François Fortassin. Même la Commission ! Dès lors, on peut se demander quelles sont les véritables raisons de cet enthousiasme subit… S’agit-il vraiment de maintenir la santé de la presse en ligne et de la presse papier ?
Je ne suis sans doute pas assez intelligent pour tout comprendre, mais je pense qu’il y a, derrière, d’autres enjeux, au moins aussi importants que ceux qui sont exposés !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Notre collègue David Assouline a ouvert un débat de fond, qui rejoint d’ailleurs celui, plus général, qu’alimentent les niches fiscales, mais avec un éclairage tout particulier : non pas celui de l’économie de la presse, mais celui du droit d’accès de nos compatriotes à l’information, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Lorsque l’État a accepté d’assujettir à un taux extrêmement réduit les activités de presse, l’idée n’était pas d’assurer la fortune des éditeurs de presse. Il s’agissait de permettre aux lecteurs de choisir leurs journaux : journaux d’opinion, journaux de proximité, journaux spécialisés…
Ce choix a survécu aux différentes alternances et a été confirmé par les majorités successives.
La presse écrite sur support papier a progressivement évolué. Des changements significatifs sont intervenus : la photocomposition, l’écriture directe par les journalistes, la mise en page de manière quasi automatique ont permis d’alléger sensiblement les coûts de production.
Dans le même temps, nous sommes entrés dans un univers où l’offre d’information est largement pléthorique. Force est de reconnaître que, si l’économie de la presse connaît aujourd'hui des difficultés, c’est aussi parce qu’à côté des formes traditionnelles, imprimées, d’expression écrite ont naturellement surgi des formes nouvelles, dites « audiovisuelles ».
La presse numérique a fait naître une nouvelle forme d’expression et d’accès à l’information écrite pour le plus grand nombre. Elle possède un immense avantage, celui d’être adossée à la fois au savoir-faire des journalistes de la presse écrite et à une technologie qui libère totalement cette dernière du support matériel coûteux – pour ne pas dire « ruineux » – que constitue le papier.
Monsieur le ministre, tout le problème pour l’État est de savoir s’il doit, par une niche fiscale, favoriser une évolution ou, au contraire, s’il doit encaisser à son profit, sur le long terme, de très fortes plus-values économiques.
M. André Gattolin. Mais non !
M. Gérard Longuet. Ces plus-values bénéficient aux lecteurs, qui peuvent accéder à une presse écrite par des supports numériques dans des conditions beaucoup plus avantageuses, avec un accès gratuit à une partie des articles et des abonnements moins chers que ceux que pratique la presse écrite traditionnelle.
En outre, sans vouloir être désobligeant pour d’autres formes d’expression, ces plus-values permettent aux journalistes de la presse écrite traditionnelle de continuer à exercer leur métier spécifique, qui consiste à rédiger des articles approfondis, théoriquement plus aboutis et plus nuancés que ne le sont les informations audiovisuelles, nécessairement ramassées dans des séquences extrêmement courtes et, par conséquent, sous une forme plus brute.
Nous avons donc une véritable espérance.
Cette espérance, M. Assouline nous invite à l’accompagner d’un taux de TVA à 2,1 %. Pour ma part, j’estime que l’État a le devoir de se poser la question inverse.
La marge considérable dégagée par le progrès technologique est partagée entre les trois acteurs que sont les lecteurs, les éditeurs et la collectivité, à travers l’État. Pourquoi, en renonçant aujourd'hui à taxer au taux normal de TVA une activité dont la productivité est singulièrement différente et plus performante que celle de la presse écrite, l’État renoncerait-il par avance à un bénéfice, de toute façon inéluctable ? Pourquoi ce bénéfice ne profiterait-il qu’aux seuls lecteurs et aux seuls éditeurs ?
Nous sommes au cœur d’une révolution technologique. Pourquoi l’État devrait-il s’enfermer, en cet instant, dans une fiscalité de soutien et de survie, alors que les nouvelles technologies permettront précisément à ces trois acteurs que sont les lecteurs, les éditeurs et l’État d’y trouver leur compte ?
Pour l’ensemble de ces raisons, et dans le doute, je suggère que nous nous abstenions. À mon sens, même si l’amendement de M. Assouline tend à résoudre un réel problème, il ne doit pas prospérer. La pérennisation d’une niche serait une réponse trop simple. Je le répète, grâce au progrès technologique, nous pouvons précisément espérer nous en dégager !
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. La Cour des comptes s’est élevée contre le doublement des subventions à la presse, qui ont été portées de 165 millions d’euros en 2009 à 324 millions d’euros en 2011. Elle a notamment dénoncé l’inefficacité de ce dispositif et son défaut de ciblage.
M. David Assouline. Cela n’a rien à voir !
M. Aymeri de Montesquiou. Cela étant, nous sommes en 2013 et, pour que nous puissions fonder notre vote sur des chiffres, j’aurais souhaité que les données relatives à cette année nous soient communiquées.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Connaissant assez bien l’économie des médias, et notamment celle des nouveaux médias, je ne peux pas laisser M. Longuet affirmer que les journaux électroniques constituent des ressources et un bénéfice potentiel incroyables.
Mon cher collègue, vous n’omettez qu’un fait : il n’y a pas de ressource, presque aucun modèle payant ne fonctionne en la matière. (M. Gérard Longuet proteste.) Laissez-moi poursuivre, je vous prie ! Vous venez de vous exprimer longuement. Pour ma part, je ne compte pas accaparer la parole sur le sujet.
Mon cher collègue, comprenez bien que l’Internet est fondé sur la gratuité.
Le domaine de la culture bénéficie, pour sa part, du système des droits d’auteur, archiprotégés. En revanche, si un journal publie une information exclusive, celle-ci est reprise gratuitement et diffusée dans les cinq minutes par les antennes de radio et de télévision. Ainsi, les médias gratuits phagocytent le travail des journalistes, qui était rémunéré via les achats de journaux effectués par les lecteurs et via les recettes publicitaires.
Sur les sites d’information en ligne, les systèmes d’agrégation permettent aujourd’hui à M. Google de savoir qui visite tel ou tel site. Si vous allez sur Slate, Slate ne dispose pas de la ressource publicitaire ! L’économie de la gratuité qui s’est instaurée sur l’ensemble de l’Internet ne permet pas non plus aux journaux de disposer d’une rémunération de la part des lecteurs. Mediapart parvient à peine à l’équilibre. Encore faudrait-il étudier ses comptes de près…
Bref, on ne peut pas prétendre que ces amendements tendent à créer une niche fiscale qui coûtera une fortune. Allez aux États-Unis : même le site du principal quotidien de référence au monde, le New York Times, ne parvient pas à l’équilibre !
Il s’agit tout simplement de défendre une liberté, le pluralisme. Les journalistes doivent pouvoir être payés à travers les médias. Sinon, que l’État cesse d’aider toute antenne de télévision ou de radio, qu’elle soit publique ou privée ! On accorde des fréquences à n’importe quelle station de radio et, jusqu’à présent, on autorise la revente pour ainsi dire sans la taxer. La puissance publique doit participer à l’équilibre et réguler ce secteur pour garantir le pluralisme.
Aujourd’hui, la presse papier est en train de disparaître. Elle dispose d’une petite chance de mutation vers l’Internet, mais avec des ressources minimes. Les Échos d’avant-hier ont consacré un article à ce sujet : on peut y observer l’évolution des investissements publicitaires en ligne, notamment en France. Il faudrait au moins vingt ans pour qu’une véritable ressource se dégage, si toutefois ces supports n’ont pas disparu d’ici là !
Cher collègue, je suis prêt à débattre longuement de cette question avec vous, mais, je le répète, on ne peut pas présenter ces amendements comme tendant à créer une nouvelle niche. La neutralité fiscale est essentielle, d’autant que ce sont les mêmes rédactions qui tentent d’évoluer d’un support vers l’autre, et que le passage au numérique coûte très cher.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Au cours de ce débat, certains se sont interrogés sur la prise de position de la commission des finances dans cette affaire. Je tiens à apporter quelques précisions.
Hier, j’ai émis un avis défavorable sur un amendement relatif à un sujet très sensible : la France encourait une amende de 30 millions d’euros de la part de Bruxelles. Il n’est pas indifférent à la commission de savoir que notre pays devra payer une telle somme si l’on ne remédie pas rapidement à tel ou tel problème !
Concernant le présent sujet, les mêmes motifs sont avancés par M. le ministre. Je le souligne, la commission a toute légitimité pour tenter d’anticiper une telle situation. Sur cette base, nous nous employons à nous prémunir et nous adhérons à la position que M. Cazeneuve vient de défendre. Les négociations devant intervenir assez rapidement, mieux vaut ne pas s’exposer au risque d’une amende et négocier au plus vite pour obtenir la réponse souhaitée par les auteurs des deux amendements identiques.
Telle est la position de la commission des finances.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, l’amendement n° I-144 rectifié est-il maintenu ?
M. David Assouline. J’ai bien entendu les différents arguments invoqués. Je souligne d’emblée que je ne m’oppose pas sur le fond à M. le ministre. Une seule différence se fait jour entre nous, concernant la stratégie à adopter face à Bruxelles.
Au demeurant, il n’y a pas d’e risque d’amende dès cette année ! Cet amendement ne va donc pas valoir une pénalité financière à la France et, partant, lui créer une difficulté budgétaire supplémentaire. Le danger est que la Commission européenne engage une procédure de sanction, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Je tenais à apporter cette précision.
Parallèlement, j’entends que la France va négocier dès cette année avec la Commission pour obtenir, avant 2014 – ce n’est donc pas dans trois ou quatre ans – que la presse soit exclue du champ d’application de la directive Services. De fait, c’est bien parce qu’elle y est englobée que la presse ne peut aujourd’hui se voir appliquer un taux de TVA différencié !
Peut-être Mme la ministre de la culture s’était-elle avancée sur ce sujet. Quoi qu’il en soit, elle nous avait affirmé, pour sa part, que ce projet était prévu pour la fin de l’année 2014.
Je le répète, il ne s’agit pas d’une opposition de fond ! En tant que parlementaire, je mesure les différents enjeux de la question. Le Gouvernement a donné sa position. Pour sa part, le Parlement peut exprimer son point de vue, sans craindre de le voir interprété comme une provocation vis-à-vis de la Commission. Lors de ses négociations, le Gouvernement pourra s’appuyer ou non sur cette disposition !
Je note par ailleurs, monsieur Fortassin, que le Parlement européen est composé de députés élus par les peuples de l’Union, comme nous le sommes par nos électeurs, et qu’il considère, à l’instar du Sénat français, la presse comme un bien précieux pour la démocratie. Pour le Parlement européen, la presse ne peut être ainsi englobée dans un « paquet services » et mêlée à tout et n’importe quoi. En revanche, c’est la Commission européenne, dont vous combattez tant de décisions en les dénonçant comme injustes, qui a intégré la presse dans les services. C’est bien contre elle que nous souhaitons faire bouger les lignes !
J’ai également entendu invoquer la question des aides à la presse, qui n’a pourtant rien à voir avec le sujet. Je conclurai sur ce point.
Les aides à la presse vont être remises à plat. À cet égard, ce ne sont pas les quelques organes de presse numériques qui posent problème. Les deux amendements identiques représentent, au maximum, 10 millions d’euros. Par rapport à la masse des aides, la véritable injustice mérite d’être pointée du doigt avec sévérité, mais nous n’aurons peut-être pas l’occasion de la dénoncer plus avant, si nous n’examinons pas les rapports pour avis. En effet, aujourd’hui, les aides sont indifférenciées, qu’elles s’appliquent à la presse de loisir – relevant parfois du publi-rédactionnel – à des organes fragilisés de la presse quotidienne régionale, pourtant nécessaires à l’information de nos concitoyens, ou à des organes nationaux qui, eux aussi, sont dans des situations très préoccupantes.
Mes chers collègues, ce ne sont tout de même pas les quelques organes de presse numériques existants qui accaparent les aides publiques ! C’est même l’inverse : le principal organe de cette nature connu dans notre pays ne bénéficie d’aucune aide. Si vous souhaitez dénoncer une injustice en la matière, ne tapez pas sur ceux qui ne profitent en rien des subventions et qui, de surcroît, subissent une TVA à 19,6 % quand les autres, non contents de bénéficier d’un taux à 2,1 %, perçoivent des aides, et massivement !
Je me permets de lancer l’alerte sur ce point : le système actuel est irrationnel et, que l’on soit de droite ou de gauche, il faut prendre ce problème à bras-le-corps !
Fort de ces arguments, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-144 rectifié et I-401 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-168 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Boog et Cayeux, MM. Milon, Savary, Cardoux et Laménie et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts, après le mot : « réglementées », sont insérés les mots : « , y compris les actes de chirurgie esthétique indispensables au bien-être physique ou psychologique de la personne, ».
II. – Le I s’applique aux actes de chirurgie esthétique pratiqués à compter du 1er janvier 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-169 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Boog et Cayeux, MM. Milon, Savary, Cardoux et Laménie et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 3 du III de l’article 293 B du code général des impôts, il est inséré un 4 ainsi rédigé :
« 4. Pour les actes de chirurgie esthétique n’ayant pas une finalité thérapeutique pratiqués par les médecins. »
II. – Le I s’applique aux actes de chirurgie esthétique pratiqués à compter du 1er janvier 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° I-170 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Boog et Cayeux, MM. Milon, Savary, Cardoux et Laménie et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 3 du III de l’article 293 B du code général des impôts, il est inséré un 4 ainsi rédigé :
« 4. Pour les actes de chirurgie esthétique n’ayant pas une finalité thérapeutique pratiqués par les médecins.
« Le seuil de franchise sera relevé de 50 % dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale en médecine. »
II. – Le I s’applique aux actes de chirurgie esthétique pratiqués à compter du 1er janvier 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Nous en revenons à l’article 7 ter, qui a été réservé hier et qui a fait cet après-midi l’objet d’une demande de priorité.
Article 7 ter (précédemment réservé) (priorité)
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après l’article 278-0 bis, il est inséré un article 278-0 ter ainsi rédigé :
« Art. 278-0 ter. – 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit mentionné au premier alinéa de l’article 278-0 bis sur les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans. Ces travaux portent sur la pose, l’installation et l’entretien des matériaux et équipements mentionnés au 1 de l’article 200 quater, sous réserve que ces matériaux et équipements respectent des caractéristiques techniques et des critères de performances minimales fixés par arrêté du ministre chargé du budget.
« 2. Par dérogation au 1 du présent article, le taux prévu à l’article 278 s’applique aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus :
« a) Qui concourent à la production d’un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l’article 257 ;
« b) À l’issue desquels la surface de plancher des locaux existants est augmentée de plus de 10 %.
« 3. Le taux réduit prévu au 1 du présent article est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l’occupant des locaux ou à leur représentant, à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Il est également applicable, dans les mêmes conditions, aux travaux réalisés par l’intermédiaire d’une société d’économie mixte intervenant comme tiers financeur. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l’appui de sa comptabilité.
« Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux, jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux.
« Le preneur est solidairement tenu au paiement du complément de taxe si les mentions portées sur l’attestation s’avèrent inexactes de son fait. » ;
2° Au 1 de l’article 279-0 bis, après le mot : « entretien », sont insérés les mots : « autres que ceux mentionnés à l’article 278-0 ter ».
II. – À l’article L. 16 BA du livre des procédures fiscales, après le mot : « prévu », est insérée la référence : « à l’article 278-0 ter ou ».
III. – Le 1° du I s’applique aux opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er janvier 2014.