Mme Marie-France Beaufils. Cet article liminaire, issu de l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de finances, appelle quelques observations, et pas uniquement parce qu’il s’agit d’une nouveauté introduite par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques : il nous offre l’occasion de nous interroger sur la mise en œuvre des orientations fondamentales du Gouvernement en matière de choix budgétaires et fiscaux.
Nous ne nous attarderons pas sur la subtile distinction entre déficit conjoncturel et déficit structurel, l’un semblant se définir par référence à l’autre – un peu faute de mieux –, car ce serait entrer dans un débat assez peu intéressant, sinon peut-être pour quelques personnes férues de science économique. Nos compatriotes qui nous écoutent ou nous lisent attendent autre chose de nos débats.
On nous parle, depuis fort longtemps, de la nécessité de réduire les déficits publics. C’est même désormais l’essentiel du projet européen, puisqu’il s’agit sans cesse de faire tendre vers zéro les compteurs de nos administrations publiques.
Or c’est oublier un peu vite, me semble-t-il, un élément clé du débat : l’effort d’équipement accompli par les administrations publiques et, singulièrement, par les collectivités locales, qui est un atout pour l’économie de notre pays. Il n’est même pas besoin d’invoquer les mânes de certains économistes pourtant parfaitement libéraux pour établir que toute dépense d’investissement public, quand elle est utile, est génératrice d’une « valeur ajoutée » pour la collectivité, la société, l’économie.
Quand la SNCF a développé son réseau TGV, elle a, de manière manifeste, donné une impulsion nouvelle à l’économie dans les villes desservies, se traduisant d’ailleurs par une diversité de phénomènes plus ou moins positifs, mais en tout cas parfaitement réels.
Quand on examine la question des déficits publics, il convient donc, à notre sens, d’opérer une sorte de mise en perspective.
Prenons l’année 2012, marquée par la fin de la gestion des affaires publiques par la droite. Nous avons notifié à Bruxelles, pour cette année-là, un déficit public de 98,8 milliards d’euros, correspondant plus ou moins à cinq points de produit intérieur brut marchand, qui justifie les politiques de restriction budgétaire que nous connaissons aujourd’hui, présentées comme la seule voie possible.
Pourtant, dans le même temps, malgré le faible niveau des dépenses d’investissement du budget général, nous avons produit, grâce aux dépenses d’équipement des collectivités locales, rien de moins que 63,7 milliards d’euros de « formation brute de capital fixe », c'est-à-dire d’équipements publics nouveaux qui sont venus enrichir le patrimoine de notre pays.
Le décalage entre déficit public notifié et équipement public, qui nous préoccupe au plus haut point, s’établit donc à 35,1 milliards d’euros
Évidemment, ce sont les collectivités locales, avec 45,4 milliards d’euros de dépenses d’équipement nettes, qui ont consenti l’essentiel de l’effort public d’investissement, mais les 35,1 milliards d’euros de décalage ne représentent plus qu’environ 1,7 % du produit intérieur brut marchand…
Pour 2013, nous sommes d’ores et déjà à peu près certains que le déficit public notifié se situera aux alentours de 84,7 milliards d’euros et que les dépenses d’équipement nettes des collectivités locales atteindront 47 milliards d’euros. Cela signifie que le solde s’établit pour l’heure à 37,7 milliards d’euros, hors dépenses d’équipement de l’État et des organismes sociaux.
De fait, le solde pour 2013, tous sous-secteurs du secteur public confondus, sera nettement meilleur que celui de 2012. Il est donc d’autant plus inconsidéré, à notre sens, de demander aux collectivités territoriales et aux organismes sociaux qu’ils prennent leur part dans la réduction des déficits comptables, puisque ce sont leurs efforts d’investissement qui vont se trouver immédiatement réduits.
Le choix de limiter la progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de telle sorte qu’il ne permette pas de répondre aux besoins des établissements hospitaliers et celui de ponctionner les dotations aux collectivités locales de 1,5 milliard d’euros sont antiéconomiques et porteront préjudice aux équipements futurs.
Les réductions de dépenses publiques prévues dans le projet de loi de finances ne cesseront de nous éloigner, précisément, de l’objectif affiché. Une moindre dynamique économique, c’est moins de recettes fiscales, et moins de recettes fiscales, c’est plus de déficits, des déficits qu’il faut pourtant réduire encore et toujours : c’est une spirale infernale et sans fin…
Cet article liminaire, monsieur le ministre, montre, s’il en était besoin, que le choix opéré en 2013 – hausse des prélèvements et gel de la dépense publique – s’est révélé contre-productif ; il a d'ailleurs entraîné une réduction de la croissance de 0,8 % à une valeur comprise entre un et deux dixièmes de point.
L’année 2014 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices, comme la faiblesse de la demande de crédit et les intentions d’embauche et d’investissement des entreprises le montrent déjà. Ne soyons pas dupes, ce n’est pas le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui permettra d’inverser la tendance ; bien au contraire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article liminaire.
(L'article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2014 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2013 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2013 ;
3° À compter du 1er janvier 2014 pour les autres dispositions fiscales. – (Adopté.)
B. – Mesures fiscales
Article 2
I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 011 € le taux de :
« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 011 € et inférieure ou égale à 11 991 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 11 991 € et inférieure ou égale à 26 631 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 631 € et inférieure ou égale à 71 397 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 71 397 € et inférieure ou égale à 151 200 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 151 200 €. » ;
2° Au 4, le montant : « 480 € » est remplacé par le montant : « 508 € ».
II (nouveau). – Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 1414 A et au premier alinéa du III de l’article 1417 du code général des impôts, en 2014, les montants des abattements prévus au I de l’article 1414 A et des revenus prévus aux I et II de l’article 1417 du même code sont revalorisés de 4 %. Les montants ainsi obtenus sont arrondis à l’euro le plus proche.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Cette intervention vaudra également défense de notre amendement n° I-67.
L’article 2, relatif au barème de l’impôt sur le revenu et à la définition des seuils de plafonnement et d’exonération des impositions directes locales, s’inscrit évidemment dans une perspective tout à fait nouvelle, à la suite de l’annonce par le Premier ministre d’un « grand soir fiscal » pour 2015.
Je ne sais si cette « remise à plat » sera de la même ampleur que celle qui a affecté le portefeuille d’un grand nombre de contribuables, victimes du gel du barème de l’impôt sur le revenu décidé sous le précédent gouvernement. Ce gel, à revenu égal, aura rendu un certain nombre de nos concitoyens imposables alors qu’ils ne l’étaient pas jusqu’à présent, tandis que beaucoup d’autres sont désormais redevables d’un impôt majoré…
La grande affaire de la remise à plat à venir de notre système de prélèvements obligatoires, ce sera, incontestablement, la fusion programmée de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de l’impôt sur le revenu.
La CSG, dont l’assiette est large et le rendement progresse chaque année de manière « tranquille », constitue, avec un total de recettes attendues de plus de 93 milliards d'euros en 2014, le premier impôt direct du pays. Cet impôt est d’autant plus rentable qu’il est faiblement affecté par la dépense fiscale, puisqu’il ne connaît que peu de correctifs d’assiette.
La CSG a d’autres caractéristiques tout à fait essentielles : elle est proportionnelle, prélevée à la source et ignore superbement la situation familiale des redevables ; elle frappe au premier euro, n’étant pour l’heure assortie d’aucune forme de barème comprenant une tranche non imposable.
L’impôt sur le revenu, pour sa part, devrait produire en 2014 une recette bien plus importante que les années précédentes, d’un montant global de 75,304 milliards d'euros, soit environ 80 % du produit attendu de la CSG.
Mais, à la vérité, à y regarder de plus près, la CSG apparaît comme le premier étage de la fusée, si l’on peut dire, le « socle d’imposition », et l’impôt sur le revenu comme le second étage, à l’instar de ce que nous connûmes avant la grande réforme de 1970, avec l’impôt général sur le revenu, d’un côté, et ce que l’on appelait la surtaxe progressive, de l’autre.
Un petit calcul simple montre que si l’assiette de l’impôt sur le revenu était similaire à celle de la contribution sociale généralisée, elle se trouverait accrue de 50 milliards à 55 milliards d’euros, montant considérable et aisément manipulable pour « ajuster », par exemple, les tranches du barème…
Du point de vue de l’État, la fusion a cependant plusieurs avantages.
Le premier, théorique, est que la perception à la source, mensualisée, de l’impôt favoriserait la régularité du flux des recettes fiscales, gommant en partie les décalages de trésorerie nés de versements de contributions fiscales séparés dans le temps. Ce serait un gain de trésorerie, en quelque sorte, pouvant permettre, par exemple, de se dispenser d’une levée mensuelle de bons du Trésor de court terme.
Deuxième avantage, tout aussi théorique : la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu ferait des entreprises, plus encore qu’aujourd’hui, le principal agent du fisc, collectant à la fois la taxe sur la valeur ajoutée et le principal impôt direct.
Troisième avantage : il est évident que le produit de l’impôt serait, en quelque sorte, constitué de virements provisionnels en attente de régularisation, comme c’est le cas notamment en Allemagne. Cela ferait de la plupart des ménages salariés ou retraités les prêteurs de l’État, des prêteurs accommodants puisque ne percevant aucun intérêt.
Enfin, on ne peut manquer de souligner que la privatisation de la perception de l’impôt à l’échelon de chaque entreprise ou caisse de retraite ouvrirait la possibilité de supprimer plusieurs dizaines de milliers d’emplois dans les services de la Direction générale des finances publiques.
Cela étant, cette fusion présenterait, à notre avis, de nombreux inconvénients.
Ainsi, contrairement à bien des assertions entendues ici ou là, il n’y a aucune égalité de traitement entre revenus du capital et revenus du travail au regard de l’impôt sur le revenu. Il n’est pas pratiqué d’abattement sur le salaire de l’ouvrier ayant vingt-deux ans d’expérience dans la même entreprise, alors qu’il existe un abattement sur la plus-value réalisée lors de la vente d’un bien ayant été détenu pendant une durée équivalente.
La dépense fiscale de l’impôt sur le revenu devrait atteindre, en 2014, 30,284 milliards d'euros, dont 12,885 milliards d'euros pour les seules réductions ou crédits d’impôt et 10,284 milliards d'euros de mesures incidentes des modalités de calcul de l’impôt. Mais elle comprendra aussi 16,506 milliards d'euros de dépense fiscale partagée avec l’impôt sur les sociétés et une centaine de millions d’euros de mesures de calcul.
Si les traitements, salaires, pensions et retraites – qui représentent 85 %, ou peu s’en faut, de l’assiette de l’impôt sur le revenu – font l’objet de 9 924 millions d’euros de dépense fiscale, celle-ci mobilise encore 4 257 millions d’euros pour les revenus tirés de capitaux mobiliers. Encore faut-il souligner que la mesure du régime particulier d’imposition des plus-values, comme celle d’une bonne partie des revenus financiers, n’est pas véritablement chiffrée !
Commençons donc par mettre un terme à ces évidentes inégalités de traitement avant d’envisager la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Une telle fusion n’aurait rien d’une mesure progressiste, d’autant que, outre quelques défauts, elle s’apparente à une forme d’étatisation de la protection sociale.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-67, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 8
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 254 € le taux de :
« - 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 254 € et inférieure ou égale à 12 475 € ;
« - 14 % pour la fraction supérieure à 12 475 € et inférieure ou égale à 27 707 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 27 707 € et inférieure ou égale à 74 280 € ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 74 280 € et inférieure ou égale à110 000 € ;
« - 45% pour la fraction supérieure à 110 000 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;
« - 50 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° I-410, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. − Alinéa 7
Remplacer le montant :
151 200 €
par le montant :
134 000 €
II. − Alinéa 8
Remplacer le montant :
151 200 €
par les mots :
134 000 € et inférieure ou égale à 200 000 €
III. − En conséquence, après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – 49 % pour la fraction supérieure à 200 000 €. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Le Gouvernement ne peut pas ignorer davantage le sentiment d’injustice légitime que ressentent nombre de Français face à l’impôt.
Le groupe écologiste est favorable à l’instauration d’un impôt plus juste, et donc plus progressif, conformément aux engagements pris par François Hollande durant la campagne présidentielle. Pour atteindre cet objectif, nous proposons d’ajouter dans le barème de l’impôt sur le revenu une tranche supplémentaire pour la fraction des revenus au-delà de 200 000 euros, qui serait imposée à 49 %.
Une plus grande justice est nécessaire, à l’heure où l’ensemble des ménages sont mis à contribution pour le redressement fiscal de la France, mais aussi, et surtout, pour le financement des services publics auxquels nous sommes tous très attachés.
Les travaux de l’économiste Thomas Piketty démontrent que les très riches profitent de nombreuses niches fiscales et paient, proportionnellement, moins d’impôts que les classes moyennes et populaires. Par ailleurs, ces très riches, et nombre d’entreprises, se rendent encore trop souvent coupables d’optimisation fiscale, ce qui représente un manque à gagner pour le budget de la France.
Alors, bien sûr, certains pensent sans doute que le niveau des prélèvements obligatoires est trop important, que « trop d’impôt tue l’impôt », suivant un raisonnement inspiré par la courbe de Laffer. Il faut naturellement que nous trouvions ensemble un juste équilibre, mais la France est bien loin d’être le pays qui impose le plus les revenus. Le taux maximal d’imposition sur le revenu des personnes est de 48 % en Allemagne, de 52 % aux Pays-Bas, de 54 % en Belgique, de 55 % au Danemark, et même de 57 % en Suède ! Or la situation économique et sociale dans ces pays n’est pas catastrophique. Surtout, ils disposent de services publics de qualité et performants, et connaissent peu d’inégalités sociales, particulièrement les pays scandinaves, où la société est inclusive.
Le problème fondamental est donc non pas tant celui du taux de prélèvements que celui du poids de l’impôt sur les ménages les moins aisés. Il faut donc relancer la justice sociale et fiscale, et rendre l’impôt sur le revenu plus progressif.
Je vous invite donc à prendre en considération cet amendement, qui tend à créer une tranche supplémentaire à 49 % dans le barème de l’impôt sur le revenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances est défavorable à ces deux amendements, car l’article 2 prévoit déjà un dégel du barème de l’impôt sur le revenu à partir de cette année, complété par une forte revalorisation de la décote et des seuils du revenu fiscal de référence.
Ces trois mesures de justice sociale ont l’avantage de profiter d’abord aux ménages les plus modestes. Compte tenu de la situation actuelle, elles sont donc préférables à une réindexation rétroactive du barème de l’impôt sur le revenu sur trois ans, comme le prévoit le premier amendement, et à la création d’une nouvelle tranche à 49 %, qui fait l’objet du second amendement.
Les mesures prises permettent aussi de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, dans l’attente du débat plus large qui a été annoncé. Les mesures proposées ici nous semblent donc prématurées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Je profiterai de la discussion de ces deux amendements pour rappeler les orientations adoptées par le Gouvernement en matière de soutien au pouvoir d’achat et de réindexation du barème de l’impôt sur le revenu à la faveur du projet de loi de finances pour 2014.
Vous savez que le précédent gouvernement avait décidé de désindexer le barème de l’impôt sur le revenu et de supprimer la demi-part supplémentaire accordée aux veuves, ce qui a conduit à l’assujettissement à l’impôt sur le revenu d’un très grand nombre de Français qui ne l’acquittaient pas auparavant. Par ailleurs, un certain nombre de nos concitoyens âgés ont dû payer des taxes dont ils étaient exemptés jusqu’à présent : je pense notamment à la redevance audiovisuelle, à la taxe d’habitation, mais aussi, dans certains cas, à la contribution sociale généralisée.
Nous avons décidé, dès notre arrivée aux responsabilités, de corriger ces injustices en prenant une première mesure de décote. Contrairement à ce que l’on a pu lire dans la presse, le nombre des nouveaux contribuables n’est pas supérieur en 2013 à ce qu’il était les années précédentes : ainsi, 2,6 millions de Français sont devenus redevables de l’impôt sur le revenu en 2010, 2,9 millions en 2012 et 2,6 millions cette année. Telle est la réalité des chiffres !
Cette année, nous prenons des mesures supplémentaires. La réindexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu revient à rétrocéder à nos concitoyens 900 millions d’euros de pouvoir d’achat. Nous l’avons complétée d’une nouvelle revalorisation de la décote, après celle de l’an dernier, correspondant à un effort de 400 millions d’euros, et d’une augmentation du revenu fiscal de référence.
Ce ne sont pas les seules mesures que nous prenons en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais ce sont celles qui sont adossées à la réindexation du barème. Vous comprendrez que, compte tenu de leur importance sur les plans budgétaire et fiscal, il ne soit pas possible aujourd’hui d’en prendre d’autres. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas être favorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’amendement n° I–67.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais je voudrais tout de même rappeler que, en proposant d’abaisser le seuil de la tranche d’imposition à 45 % et de rétablir une tranche marginale d’imposition à 50 %, notre objectif était d’améliorer le rendement de l’impôt sur le revenu, grâce à une plus forte progressivité.
Il est vrai que, cette année, le Gouvernement a prévu de réindexer le barème de l’impôt sur le revenu. Néanmoins, dans la mesure où ce barème avait été gelé dans la précédente loi de finances, cela ne permettra pas de rattraper complètement le retard. Certains foyers resteront pénalisés, au regard moins de l’impôt sur le revenu, la décote allégeant celui-ci, que de la taxe d’habitation et d’un certain nombre de prestations sociales, telle l’allocation personnalisée de logement, du fait de leur assujettissement à l’impôt sur le revenu.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, pardonnez-moi de ne pas avoir répondu sur le point que vous venez d’évoquer : votre amendement prévoit en effet la création d’une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu.
Cette proposition peut paraître séduisante, mais elle pose un sérieux problème constitutionnel. Pour cette nouvelle tranche imposée à 50 %, le taux de prélèvements avoisinerait les 70 % en ajoutant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 % et les prélèvements sociaux de 15,5 %. Or le Conseil constitutionnel a censuré la taxe à 75 %, considérant que, au-delà d’un certain seuil, le taux de prélèvements obligatoires devenait inconstitutionnel. C’est aussi pour cette question de constitutionnalité que je ne peux donner un avis favorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais saluer l’habileté de M. le ministre.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Philippe Dallier. Attendez la suite : in cauda venenum…
À l’écouter, on a vraiment l’impression que tout est formidable ! On se demanderait presque pourquoi les Français ont exprimé, ces derniers mois, notamment après avoir reçu l’avis du dernier tiers provisionnel, un ras-le-bol qui a conduit le Premier ministre à annoncer le grand soir fiscal pour 2015.
Oui, nous avions procédé à une désindexation du barème de l’impôt sur le revenu, que vous avez prolongée l’année dernière. Cela a nécessairement eu des conséquences, à savoir une forte augmentation des impôts et des taxes, que les contribuables ont constatée : mieux vaut dire clairement les choses !
Annoncer maintenant un grand soir fiscal est une manière de calmer l’opinion. Ce n’est d’ailleurs pas si mal joué que cela, puisque les sondages nous apprennent que deux tiers des Français seraient plutôt satisfaits de cette perspective. Sans doute espèrent-ils que leurs impôts vont baisser : ils risquent fort d’être déçus du résultat, puisque la réforme se fera à volume de prélèvements obligatoires identique et que c’est seulement la répartition de ceux-ci qui évoluera. Il y aura forcément davantage de mécontents que de satisfaits !
M. Francis Delattre. C’est clair !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, c’est très bien, mais c’est très faux !
Je vais reprendre les différents éléments que vous avez évoqués en m’en tenant aux faits, sans faire de politique, même si cela n’est pas interdit dans cet hémicycle.
M. Francis Delattre. Cela vous arrive d’en faire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’en fais beaucoup moins que vous, et avec moins de talent ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Vous vous sous-estimez, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’essaie de faire ce que je sais faire, c’est-à-dire examiner les chiffres !
La désindexation du barème de l’impôt sur le revenu avait été décidée par le gouvernement précédent. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il nous fallait tenir nos engagements en matière de réduction des déficits publics, ce qui était contraignant. Pour autant, nous avons tout de même pris, dès l’an dernier, une première mesure de revalorisation de la décote. Cette année, nous procédons à la réindexation du barème.
Par ailleurs, vous avez évoqué le fait que les Français payent beaucoup d’impôts. Laissez-moi vous rappeler quelques chiffres : 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2011, 21 milliards en 2012, 20 milliards en 2013. Il y en a pour tout le monde !
Pour ce qui concerne les dispositions que vous avez votées, je rappelle que vous avez augmenté de 6 milliards d’euros les prélèvements sur les produits d’épargne, en faisant passer le taux de prélèvement sur ceux-ci de 11 % à 15,5 %. Par ailleurs, vous avez décidé une augmentation du taux de TVA de 19,6 % à 21,2 %, que nous avons annulée. Enfin, vous avez gelé le barème de l’impôt sur le revenu et supprimé la demi-part des veuves, mesures sur lesquelles nous sommes revenus.
Il est vrai que l’addition de nombreux prélèvements obligatoires peut conduire les Français à s’interroger sur la stratégie suivie en matière de finances publiques. Je l’ai indiqué hier, l’augmentation des prélèvements obligatoires sera cette année de 0,15 %, et même de 0,05 % en neutralisant l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, contre 0,5 % au cours des dernières années : la progression des prélèvements obligatoires se trouve donc divisée par dix.
En outre, nous entendons ajuster les prochains budgets uniquement par le biais d’économies sur les dépenses. J’ai bien l’intention de m’en tenir à cette stratégie. Cette année, nous faisons d’ailleurs déjà 15 milliards d’euros d’économies.
Enfin, je souligne que la réforme fiscale, c’est le contraire du grand soir fiscal ! Il ne s’agit pas de décider un matin de faire tabula rasa du système fiscal qui existait la veille… La réforme fiscale doit se dérouler sur la durée du quinquennat. Je rappelle que nous avons déjà réformé l’impôt de solidarité sur la fortune, réindexé le barème de l’impôt sur le revenu, soumis à celui-ci les revenus du capital, désormais taxés comme les revenus du travail, modifié les droits de succession, engagé une réforme de la fiscalité des entreprises… Nous allons poursuivre méthodiquement, sereinement la mise en œuvre de cette stratégie.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Le Premier ministre a donc annoncé une remise à plat du système fiscal français.
Je ne suis pas sûr qu’imposer les revenus du capital comme ceux du travail soit une bonne idée : peut-être en est-ce une sur le papier, mais cela a des conséquences négatives en termes d’attractivité.
Monsieur le ministre, je souhaite que notre fiscalité soit revue non pas au coup par coup, comme le Gouvernement semble le faire, mais de façon globale, en essayant de la refonder sur des assiettes larges et des taux assez bas.
En effet, il convient d’éviter que trop de nos concitoyens ne paient pas d’impôts, car moins il y aura de contribuables, moins il y aura de personnes intéressées par ce que l’on fait de leurs impôts !
Mme Hélène Lipietz. C’est vrai !
M. Vincent Delahaye. Nos compatriotes doivent bien avoir conscience que les impôts sont nécessaires pour financer les services publics.
En l’absence d’une réflexion globale, nous ne voterons pas ces amendements.
Mme la présidente. L'amendement n° I-500, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collombat et Esnol, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Remplacer le montant :
508 €
par le montant :
514 €
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.