M. le président. L'amendement n° 320, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 49
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Pour l’application du présent VI, le montant global des contributions et prélèvements sociaux mentionnés à l’article L. 138–21 qui est reversé par l’État à l’Agence est réparti entre les affectataires de ces contributions et prélèvements au prorata des taux des contributions et prélèvements qui leur sont affectés à la date de leur fait générateur. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agissait d’un amendement de coordination. Toutefois, du fait de l’adoption des amendements de suppression de l’article 8, cet amendement n’a plus d’objet.
M. le président. L’amendement n° 320 n’a effectivement plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 108 rectifié est présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 148 est présenté par M. Roche, Mme Létard, MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 285 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 50 à 57
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié.
M. Alain Milon. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 50 à 57 de l’article 15 et prévoit un régime de compensation. L’article 15 a pour objet de procéder à un vaste mouvement de transfert de recettes. Notre amendement s’attache plus particulièrement à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie.
Cette contribution instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a vocation, par un prélèvement de 0,3 % sur les pensions de retraite, à venir alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour abonder le financement des mesures d’amélioration des aides à l’autonomie. L’amendement n° 108 rectifié tend à supprimer le XIII de cet article qui, pour la deuxième année consécutive, prévoit de reverser le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au FSV, le fonds de solidarité vieillesse.
L’ensemble des professionnels du secteur estime qu’il s’agit d’un détournement. Nous sommes de cet avis. Les députés socialistes ont d’ailleurs pris conscience du problème puisqu’ils ont fait adopter un amendement visant à restituer à la CNSA 100 millions d’euros ; nous considérons qu’ils ne sont pas allés jusqu’au bout de leur démarche et nous proposons d’affecter l’intégralité des 645 millions d’euros à la CNSA, afin de financer des mesures concernant la perte d’autonomie, notamment la revalorisation des emplois à domicile, le financement des missions de prévention, l’aide au retour après hospitalisation, etc.
Il va de soi qu’amorcer la réforme sur l’adaptation de la société au vieillissement est encore plus essentiel au moment où les finances publiques sont si tendues et que le besoin de réforme est incontournable. Dans les circonstances actuelles, les réorientations budgétaires sont, selon nous, inacceptables et ne sauraient se traduire au passage par des « économies » sur les prestations et services apportés aux personnes.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 148.
M. Gérard Roche. Cet amendement, que j’avais évoqué dans la discussion générale, est identique à celui que vient de présenter notre collègue Alain Milon. Il concerne la CASA, ce prélèvement de 0,3 % sur les pensions des retraités dont sont exonérées les petites retraites puisque ne sont pas assujettis à cette contribution les retraités qui ne paient pas la contribution sociale généralisée, la CSG.
Je me plais à rappeler avec malice qu’il s’agit d’un dispositif très proche de celui prévu dans la proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie, dont je suis l’auteur, que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012, sans aucune suite, bien sûr…
La CASA devrait donc être consacrée à la compensation aux départements de la prise en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant que les conseils généraux ont de plus en plus de mal à y faire face. Or la situation ne s’améliore pas, d’après mes collègues présidents de conseils généraux, dans les propositions de budget pour 2014.
Au lieu de cela, la compensation de l’APA au département, qui passe par la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG à due concurrence du produit de la CASA, au profit du FSV. C'est-à-dire que la CASA a été versée à la CNSA parce qu’on ne pouvait pas l’attribuer directement au FSV, puis on a versé le même montant de CSG au FSV.
Nous demandons tout simplement que le fruit de la CASA, qui cette année s’élèvera à environ 640 millions d’euros, soit totalement versé à la CNSA et qu’il soit attribué aux départements pour la compensation de l’APA. Il est important de sortir les départements, en particuliers ceux qui sont les plus en difficulté, de l’impasse financière dans laquelle ils se trouvent. Comment allons-nous continuer à financer l’APA sans autres financements ? C’est une question que nous nous posons.
Voilà pourquoi nous demandons formellement que le produit de la CASA soit bien dévolu aux mesures concernant la perte d’autonomie pour lesquelles cette contribution a été créée.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 285 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement est similaire aux deux précédents. L’article 15 tend à modifier l’affectation du produit de certaines recettes en maintenant une année de plus le reversement du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au fonds de solidarité vieillesse.
L’année dernière, vous avez souhaité déroger à l’affectation initiale de la CASA ; vous avez alloué en 2013 le produit de cette contribution au FSV – qui finance le minimum vieillesse – dont la situation financière est particulièrement dégradée, notamment en raison de la hausse des dépenses de prise en charge des cotisations des chômeurs.
Le Sénat s’était élevé contre ce détournement du produit de la CASA, qui aurait dû être – je le répète – affecté à la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie. Le Gouvernement nous avait alors assuré qu’il s’agissait d’une mesure exceptionnelle pour 2013, mais vous nous proposez de la reconduire en 2014.
Les personnes dépendantes, leurs familles aidantes, les associations ne comprennent pas votre choix alors que la dépendance devait être l’un des chantiers prioritaires du quinquennat.
Certes, l’Assemblée nationale a décidé d’attribuer une partie du produit de la CASA à la prise en charge de l’autonomie, soit environ 100 millions d’euros, mais c’est bien peu comparé aux 600 millions d’euros que la CASA devrait rapporter en 2014 !
Aussi, nous proposons de supprimer le paragraphe XIII de cet article pour qu’enfin le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie soit affecté à la perte d’autonomie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques tendent à affecter l’intégralité du produit de la CASA à la CNSA afin de financer des mesures concernant la perte d’autonomie.
Faut-il le rappeler, le Gouvernement a décidé, après des années d’inaction en ce domaine – je le dis tout bas pour ne pas susciter trop de réactions… –, de répondre aux attentes des Français en lançant une réforme ambitieuse en matière de prise en charge de la perte d’autonomie.
Comme nous l’a indiqué Michèle Delaunay lors de son audition par la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette réforme prendra la forme d’une loi d’orientation et de programmation sur l’adaptation de la société au vieillissement, qui sera présentée au Parlement dès le printemps prochain.
Le financement de cette réforme sera assuré par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, créée l’an dernier, dont le produit a jusqu’ici été affecté au FSV.
Si le texte initial du projet de loi prévoyait de reconduire cette affectation pour 2014, nos collègues députés ont décidé, avec l’avis favorable du Gouvernement, de « rapatrier » 100 millions d’euros sur la section 5 bis de la CNSA pour 2014.
Cette somme sera consacrée au financement d’actions concrètes en faveur des Françaises et des Français en perte d’autonomie ; je pense à l’aide à domicile ou à la modernisation des établissements qui accueillent les personnes âgées dépendantes.
Il s’agit, selon moi, d’un compromis acceptable – il s’agit bien d’un compromis – permettant de financer des mesures en direction des personnes âgées dans l’attente du vote de la loi d’orientation et de programmation sur le vieillissement de la société.
En ce qui concerne le financement des trois allocations – le revenu de solidarité active, le RSA, l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap , la PCH –, des discussions sont toujours en cours entre l’Assemblée des départements de France, les parlementaires et le Gouvernement pour mettre sur pied un dispositif qui pourrait être voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. Ce dispositif permettrait de rééquilibrer de façon sensible le financement de ces trois allocations entre l’État et les départements. Mais c’est un autre débat, sur lequel nous ne disposons pas encore de tous les éléments d’appréciation.
En tout état de cause, la commission est défavorable aux trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte ici pour apporter un certain nombre de précisions sur l’action que le Gouvernement entend mener.
D’abord, l’empressement de l’opposition à vouloir mettre en place rapidement des mesures en faveur de la dépendance contraste singulièrement avec l’immobilisme dont elle a fait preuve au cours des années précédentes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il en va de même sur beaucoup d’autres sujets : on demande au Gouvernement d’agir vite pour prendre des dispositions que l’on a soi-même longtemps promises, mais jamais mises en œuvre !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est exact !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. On reproche au Gouvernement, qui est en place depuis dix-huit mois, de ne pas en faire suffisamment et de ne pas aller assez vite, et ce avec d’autant plus d’entrain qu’on désire faire oublier tout ce que l’on n’a pas fait pendant dix ans ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je souhaite apporter aux sénatrices et aux sénateurs de l’opposition toute garantie sur la détermination qui est la nôtre d’agir en faveur de la prise en charge de la perte d’autonomie. Le Premier ministre a annoncé un projet de loi pour 2014. Non seulement il y aura bien une future loi pour cette date, mais le Gouvernement a été mobilisé, notamment le ministre du budget que je suis, pour que ces engagements ne soient pas, comme d’autres par le passé, purement déclaratoires sans aucune transcription opérationnelle, c'est-à-dire sans aucun financement, mais que nous puissions créer les conditions de la mise en œuvre concrète d’actions parce qu’elles seront financées.
M. Gilbert Barbier. Par un nouvel impôt ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Précisément non ! C’est la raison pour laquelle je ne peux accepter ces amendements identiques. Nous avons l’intention de financer cette politique non par un nouvel impôt, mais par une gestion extraordinairement rigoureuse des finances publiques. Voilà pourquoi nous n’engagerons pas de dépenses nouvelles aussi longtemps que nous n’aurons pas en face une action programmée, coordonnée, maîtrisée et déclinée selon un calendrier précis.
M. René-Paul Savary. On croit rêver !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, nous avons décidé cette année de ne pas augmenter le déficit des comptes sociaux en affectant le produit de la CASA à la CNSA dès lors que le texte spécifiquement consacré à la dépendance n’aura pas été adopté. Néanmoins, nous voulons témoigner de la volonté qui est la nôtre d’agir concrètement lorsque la future loi sera votée en 2014. Comment ? En prévoyant une première enveloppe de 100 millions d’euros qui sera allouée à la CNSA pour lui permettre d’engager un ensemble d’actions en faveur des personnes âgées dépendantes au sein, notamment, des établissements d’accueil, qui ont besoin aujourd'hui d’investissements complémentaires.
L’an dernier, les réserves de la CNSA ont pu également être mobilisées à cet effet, comme vous le savez. Notre volonté est de profiter de l’amendement qui a été adopté à l’Assemblée nationale, avec l’accord du Gouvernement, pour enclencher fortement cette dynamique.
En 2014, un texte sera soumis à la délibération de nos assemblées. Il définira des objectifs, des moyens budgétaires. Il définira aussi – c’est très important si nous voulons faire beaucoup en créant les conditions d’une gestion efficace, c'est-à-dire en faisant en sorte que la mauvaise dépense publique ne chasse pas la bonne et que chaque euro dépensé soit un euro utile – une juste articulation entre l’ensemble des acteurs concourant à la mise en œuvre des politiques en faveur de la dépendance, qu’il s’agisse de l’État, des différentes caisses ou des collectivités territoriales, au premier rang desquelles se trouvent les départements.
Dans la mesure où 2014 sera une année d’amorçage, nous pourrions mobiliser cette enveloppe de 100 millions d’euros dans le sens indiqué par le rapporteur général à l’instant. L’an prochain, à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, nous pourrons envisager une perspective d’affectation complète de la CASA aux politiques de dépendance.
Bref, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, nous aurons fait en vingt mois ce que vous n’avez pas réussi à faire en dix ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos et ceux du rapporteur général de la commission des affaires sociales sur la future loi relative à la prise en charge de la perte d’autonomie.
J’ajouterai simplement une précision. Il s’est passé deux ans entre l’annonce par le président Sarkozy d’un texte sur l’autonomie et l’élection de François Hollande. Il est vrai qu’en deux ans cette loi n’a pas été présentée. Depuis, nous n’avons pas eu l’occasion d’agir en ce sens puisque nous ne sommes plus au pouvoir. Or il s’est passé dix-huit mois entre le moment où le président Hollande a été élu et où il a annoncé une loi sur l’autonomie, et maintenant. Il vous reste donc exactement six mois avant de passer le seuil des deux ans. Nous verrons bien dans six mois si cette loi est votée avant les deux ans, puisque c’est ce que vous nous reprochez ! Mais je ne suis pas sûr qu’en 2014 vous puissiez nous présenter ce genre de loi parce que je ne suis pas certain que vous serez toujours là ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Laissez-moi terminer, je ne le dis pas que pour vous, je le dis aussi pour nous.
Pour conclure, bien évidemment, monsieur le ministre, vous avez raison d’insister là où ça fait mal, car nous avons très probablement raté ce que nous avons appelé la rupture dans la mesure où nous avons été battus aux dernières élections présidentielles. Néanmoins, je ne suis pas sûr, en voyant l’état actuel de la France et de degré d’énervement des Français, que vous soyez en train de réussir le changement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comme vous le savez, nous avions voté contre l’introduction de la CASA l’année dernière, ce qui justifiait d'ailleurs, pour une part, notre rejet du PLFSS pour 2013.
Toutefois, les amendements identiques présentés tant par nos collègues de droite que du centre soulèvent une vraie question, qui est celle du détournement de cette taxe de son objectif premier, à savoir le financement de la prise en charge de la perte d’autonomie.
Ces amendements ont le mérite de mettre en lumière ce que nous disions alors : le financement de la perte d’autonomie n’est qu’un prétexte destiné à justifier l’instauration d’une taxe sur les retraites.
En même temps, ces amendements auraient pour effet d’assurer un financement de la CNSA et de la perte d’autonomie en opposition avec le financement que nous proposons, qui doit reposer sur la taxation des revenus financiers.
En tout état de cause, leur adoption rendrait inutile un débat approfondi sur cette question de la perte d’autonomie, lequel nous semble indispensable.
C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. Milon sur plusieurs points.
Monsieur le sénateur, d’abord, vous avez laissé entendre que nous ne serions plus là en 2014 pour défendre le projet de loi sur l’autonomie. Je préfère penser que cette remarque m’était personnellement adressée. Il vaut d'ailleurs mieux pour ce texte que ce ne soit pas moi qui le défende : je ne suis pas ministre des affaires sociales et si le ministre du budget se met à présenter tous les projets de loi qui mobilisent de l’argent public, il y a peu de chance que ces lois soient à la hauteur de vos ambitions…
Par ailleurs, au regard de la longévité moyenne des ministres du budget, si je suis toujours au Gouvernement en 2014, 2015 ou 2016, cela signifiera que j’ai battu bien des records, ce qui me ferait plaisir, mais ne serait pas nécessairement de votre goût.
J’évoquerai un troisième point dont je voudrais m’assurer qu’il ne correspondait pas à votre pensée.
Nous avons été élus pour cinq ans, monsieur le sénateur.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ai entendu un certain nombre de parlementaires et de représentants de l’opposition expliquer, quasiment dès notre arrivée, que nous n’étions pas légitimes et que nous devions partir avant même d’avoir commencé à exercer le pouvoir.
M. Claude Dilain. C’est cela !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si tel était le fond de votre pensée, cela me poserait un problème, car la République, c’est le respect de la légitimité de ceux qui ont été élus pour une durée qui est définie par nos institutions.
M. Gilbert Barbier. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ajoute que nous avons été beaucoup plus souvent et beaucoup plus longtemps que vous dans l’opposition. Nous nous sommes opposés pour faire prévaloir ce à quoi nous croyions, mais jamais nous n’avons remis en cause la légitimité de ceux qui avaient été élus. Pourquoi ? Parce que c’est cela, la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Donc, si tel était bien le sens de votre propos, je vous dirais simplement, sans agressivité aucune, que de tels propos, dont on observe d'ailleurs la généralisation, ne sont pas acceptables car ils sont contraires – contraventionnels, dirais-je même – aux principes et aux valeurs de la République.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez indiqué que M. Sarkozy s’était engagé à faire une loi sur l’autonomie deux ans après son arrivée et que nous étions aujourd'hui dans la même situation. C’est vrai, mais quand M. Sarkozy annonçait, deux ans après son élection, qu’il ferait cette loi, ses amis et lui-même gouvernaient déjà depuis huit ans, ce qui n’est pas notre cas. Je rappelle que le gouvernement de la précédente majorité n’a pas commencé avec l’élection de Nicolas Sarkozy mais avec celle de Jacques Chirac en 2002 et que la précédente majorité a gouverné pendant dix ans, alors que nous gouvernons depuis dix-huit mois. Et il faudrait qu’en dix-huit mois nous ayons fait tout ce que vous n’avez pas fait pendant dix ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis troublé par vos propos, monsieur le ministre. Je pense que le Gouvernement devrait faire preuve d’un peu d’humilité dans ce débat…
M. Jean-Pierre Godefroy. L’opposition également !
M. René-Paul Savary. … et face à la préoccupation des personnes âgées.
On se rappelle les bonnes intentions et les ambitions de certains de vos prédécesseurs qui n’ont pu les mettre en œuvre faute de moyens.
Je n’ai pas l’impression, monsieur le ministre, que vous vous donniez les moyens de répondre de façon ambitieuse aux difficultés des personnes âgées. Vous auriez pu commencer à donner des signes, notamment par des économies budgétaires et par l’inscription, à travers la CASA, dont c’est véritablement la vocation, d’un certain nombre de crédits, en vue de la préparation de ce projet de loi sur l’autonomie.
Vous parlez de pause fiscale, ce qui signifie que vous ne recourrez à aucun prélèvement supplémentaire pour financer ce projet de loi. Mais comment pourrez-vous mieux prendre en charge la perte d’autonomie des personnes âgées sans y mettre les moyens nécessaires, c'est-à-dire sans augmenter encore les prélèvements ?
Sans doute serez-vous amené à modérer vos propos, en tout cas, l’histoire nous le dira.
J’en viens à la CASA, qui a pour vocation de financer la dépendance des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées, pour la partie médico-sociale et non pour la partie sanitaire. Il y a là – je ne parlerai pas de détournement de fonds ni de hold-up, qui sont des mots prohibés ici – à tout le moins un « reroutage » de crédits vers le budget de la sécurité sociale, alors qu’ils étaient au départ consacrés au financement du médico-social.
Puis vous avez abordé, monsieur le ministre, la compensation des départements. C’est l’objet de l’article 26 du projet de loi de finances qui permettra aux départements de percevoir 827 millions d'euros supplémentaires. Très bien ! D’un côté, on leur octroie 827 millions d’euros et, de l’autre, on leur prélève 476 millions d’euros correspondant aux frais de gestion des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. L’article 25, quant à lui, vise à transférer sur les régions les frais de gestion des taxes d’habitation – si, bien sûr, le PLF est voté – et, en contrepartie, on leur soustrait également un certain nombre de prélèvements, de mémoire pour 181 millions d'euros.
Par ailleurs, les présidents de conseils généraux ont la possibilité d’augmenter les DMTO, le plafond maximum passant de 3,8 % à 4,5 %, afin de compenser le financement des allocations de solidarité, qui sont des allocations de solidarité nationale, pour lesquelles les départements, avec l’aide de l’ADF, avaient revendiqué des recettes nationales. Or, en l’espèce, il s’agit de recettes locales. Non seulement les recettes ne seront pas systématiquement augmentées mais, en fait, vous allez opérer des prélèvements sur les DMTO actuels dans l’ensemble des départements pour faire de la péréquation. C’est le principe du « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure ».
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est odieux !
M. René-Paul Savary. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous apporter quelques explications sur ce sujet.
Donc, si le taux retenu est de 0,7 %, près d’un milliard d’euros sera redistribué, mais s’il est de 0,35 %, la moitié de cette somme sera redistribuée. Il n’empêche que cela ne suffira pas à financer le reste à charge des allocations de solidarité, car je vous rappelle qu’il manque sept milliards d’euros. C’est, certes, un effort supplémentaire, mais qui ne sera pas suffisant pour l’ensemble des départements concernés.
Les engagements qui avaient été annoncés lors des différentes réunions ne sont pas entièrement tenus. Là aussi, monsieur le ministre, je pense qu’il faut faire preuve d’une certaine humilité.
N’oublions pas que la CNSA – où les recettes de la CASA doivent atterrir – doit participer également à la compensation du handicap et au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Il manque énormément d’argent pour le fonctionnement de ces MDPH étant donné que les départements en sont devenus les principaux financeurs à la place de la CNSA.
Véritablement, le compte n’y est pas. C’est la raison pour laquelle ces amendements sont particulièrement judicieux. Il s’agit de faire en sorte que les prélèvements opérés en faveur de la dépendance soient bien affectés aux personnes qui doivent en être l’objet. C’est un juste retour de ce qui avait été prévu. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Savary, vous avez évoqué un grand nombre de questions très importantes, qui concernent à la fois les finances des départements, leur capacité à faire face à leurs dépenses obligatoires et nos intentions par rapport à la dépendance.
Vous parlez d’humilité ; vous avez raison, c’est une grande vertu. Compte tenu des difficultés auxquelles vous avez été confrontés dans la mise en œuvre de la politique de la dépendance, l’humilité justifierait que vous soyez moins directif et moins pressant quant à ce que nous devons faire et que nous n’avons pas encore fait depuis le peu de temps que nous sommes là.
Ces difficultés sont réelles : elles s’expliquent par des raisons budgétaires mais également par des raisons d’organisation. C’est pourquoi je suggère, en vertu de cette même humilité, aux auteurs de ces amendements de les retirer. Ce serait une excellente manière de la mettre en œuvre en disant : « Nous n’avons pas réussi, nous savons à quel point c’est difficile, et nous vous invitons à agir avec humilité et sans approche politicienne. »
Par ailleurs, vous avez posé une question extrêmement importante et judicieuse, qui a trait aux conditions financières que nous ménageons aux départements afin de leur permettre de financer leurs dépenses obligatoires. Vous considérez à juste raison que, de la résolution de ce problème, dépendra en partie la capacité de ces collectivités locales à mener, aux côtés de l’État, une bonne politique en faveur de la dépendance.
Là encore, qu’avons-nous trouvé ? Toutes tendances politiques confondues, les départements nous ont dit que leurs dépenses obligatoires évoluaient beaucoup plus vite que leurs recettes. Ces dépenses obligatoires sont de trois types : la PCH, le RSA, l’APA. Outre que les dotations de l’État évoluent beaucoup moins vite que leurs dépenses obligatoires, les recettes fiscales qu’ils perçoivent sont très volatiles. Si les DMTO sont extraordinairement dynamiques lors d’une période de prospérité, ils sont très déprimés en période de crise. Ainsi, certains départements qui avaient vu leurs DMTO exploser lorsque l’expansion était là ont ensuite assisté à leur effondrement.
En outre, il existe des différences importantes entre les départements. Ceux qui n’ont jamais perçu de DMTO étaient favorables à ce qu’on leur substitue des DMTO d’une autre nature tandis que certains départements qui se souvenaient de l’âge d’or des DMTO souhaitaient simplement que l’on compense la perte de ceux-ci.
Qu’avons-nous fait ? Nous avons décidé de donner aux départements 827 millions d’euros de recettes dynamiques émanant de frais de gestion adossés à la perception d’un certain nombre de taxes locales. Cet apport aux départements de près d’un milliard d’euros représente donc une compensation dont les départements n’avaient jamais disposé jusqu’à présent. De plus, nous leur ouvrons la possibilité d’augmenter le taux des DMTO, qui pourront passer de 3,8 % à 4,5 %.
La péréquation dont vous parlez, monsieur le sénateur, qui conduirait à prélever sur cette part de DMTO afin d’assurer la péréquation entre les départements en fonction de leurs richesses et de leurs charges, est une demande qui a été formulée par les départements après la signature du pacte de confiance.
Nous travaillons sur cette demande avec les départements pour faire en sorte qu’ils soient entendus et que, malgré la signature du pacte, nous puissions aller au-delà en faisant valoir que cette demande émane non pas du Gouvernement mais des départements eux-mêmes. Les départements avec lesquels nous avons travaillé – étaient présents autour de la table des présidents de conseils généraux de toutes sensibilités – ont reconnu, lors de la signature du pacte, qu’un tel effort en faveur des départements était sans précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)