compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Hubert Falco,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Cambodge

M. le président. Mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Chea Cheth, président de la commission des finances. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et M. les ministres se lèvent.)

Au sein de cette délégation, je veux aussi saluer la présence de M. Yang Sem, président de la commission des droits de l’homme de cette assemblée.

Cette délégation vient, durant trois jours, dans le cadre du programme annuel de coopération conclu entre nos deux assemblées, étudier la déontologie parlementaire et notamment le travail de notre comité de déontologie, présidé par notre collègue Catherine Tasca. Elle rencontrera également notre collègue questeur, Alain Anziani.

Elle est accueillie par Vincent Eblé, président du groupe d’amitié France-Cambodge.

Nous formons tous le vœu que cette visite soit profitable à l’ensemble de la délégation et nous lui souhaitons la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)

3

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2014

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (projet n°117, rapport n° 126, avis n° 127).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Première partie

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment de ne pas vous quitter. (Sourires.) Il y a quelques jours encore, nous étions rassemblés ici pour un autre débat, portant sur l’avenir et la justice de notre système de retraites,…

M. Jean-Claude Lenoir. Ce débat s’est mal terminé !

Mme Marisol Touraine, ministre. … qui n’est pas sans lien avec notre discussion d’aujourd’hui…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien parti !

Mme Marisol Touraine, ministre. … puisque nous allons débattre de l’avenir de notre protection sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je veux indiquer le choix opéré par le Gouvernement depuis un an, celui de maintenir un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens. Nous affirmons résolument ce choix, y compris dans la situation économique et financière difficile que nous connaissons. Cela ne signifie pas que des réformes de fond ne soient pas nécessaires ; au contraire, ce sont elles que le Gouvernement engage.

Alors que des voix s’élèvent appelant à la remise en question de notre modèle social, il paraît nécessaire d’affirmer avec force, à cette tribune, la volonté du Gouvernement de maintenir et de renforcer les droits sociaux. En effet, renoncer à notre modèle social reviendrait à renvoyer chacune et chacun à sa responsabilité individuelle, autrement dit permettre à ceux qui en ont les moyens de s’assurer individuellement et abandonner les autres. Ce choix n’est pas celui du Gouvernement ; il ne s’y résout pas et ne le fera pas.

C’est la raison pour laquelle nous avons dès notre arrivée aux responsabilités pris des mesures importantes afin de redresser les comptes sociaux, condition nécessaire pour le maintien de politiques sociales fortes.

Grâce au travail engagé dès l’été 2012, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, a progressivement baissé. Établi à 21 milliards d’euros lors de notre arrivée au Gouvernement, il sera de 16 milliards d’euros pour l’année 2013. En outre, l’objectif que nous fixons pour 2014 est ambitieux : ramener le déficit à hauteur de 12,8 milliards d’euros.

Ces résultats, nous les obtenons dans le cadre d’une maîtrise des dépenses assumée. Elle s’est traduite pour l’année 2013 par des dépenses d’assurance maladie inférieures à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et ce malgré un contexte sanitaire difficile. Vous le savez, la pandémie grippale que nous avons connue a été parmi les plus rudes des dernières années, représentant un surcoût important pour les finances publiques.

Pourtant, notre politique de maîtrise des dépenses d’assurance maladie ne s’accompagne d’aucun déremboursement. C’est l’un des choix que nous faisons.

C’est dans ce même esprit de maîtrise des comptes, d’affirmation de politiques structurelles et de volonté de ne pas faire porter aux assurés la charge des économies à engager que nous abordons ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Face aux inquiétudes de nos concitoyens, nous voulons renforcer les piliers de la protection sociale. Grâce à des politiques de fond, à des politiques structurelles, il s’agit d’affirmer des priorités et d’afficher les objectifs auxquels nous devons nous tenir.

Le présent texte tire à l’évidence les conséquences de la réforme garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites. Le débat étant encore frais à nos esprits, je ne reviens pas sur les grandes orientations de cette loi. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale nous permettra d’avancer sur la voie de l’adoption de cette réforme décisive pour les années à venir. Évidemment, nous trouvons dans les comptes sociaux la traduction concrète des choix opérés par le Gouvernement en la matière.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale concrétise nos orientations et notre action en direction des familles, Dominique Bertinotti y reviendra dans un instant.

Nous assumons notre volonté d’adapter notre politique familiale aux évolutions de la société. C’est ainsi que nous proposons la modulation de certaines prestations tout en affirmant qu’une politique familiale ne peut aujourd’hui se limiter à l’appréciation du niveau des prestations versées aux familles. Une politique familiale réside aussi dans la possibilité donnée aux familles de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale. C’est ainsi que, d’ici à 2017, 275 000 places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans seront créées. Il s’agit d’un engagement fort et d’un choix structurant pour nos politiques.

Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous marquons également un soutien net en faveur des personnes âgées et handicapées. Michèle Delaunay puis Marie-Arlette Carlotti auront l’occasion d’y revenir ultérieurement.

L’ONDAM médico-social évoluera de 3 %. Concrètement, 130 millions d’euros de crédits supplémentaires seront consacrés à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

De même, nous mettrons en œuvre nos engagements au titre du plan Alzheimer, en poursuivant sa déclinaison.

Avec Michèle Delaunay, nous porterons dans les prochains mois un projet de loi d’orientation et de programmation pour adapter notre société au vieillissement de la population. L’un des grands enjeux de ce texte est de retarder le plus possible la perte d’autonomie et de permettre aux personnes âgées perdant progressivement leur autonomie d’être mieux accompagnées et mieux intégrées.

Les premières mesures de cette loi seront applicables dès le 1er janvier 2015. Sans attendre, 100 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, permettront, dès 2014, de soutenir la politique en faveur des personnes âgées. Je sais que cette évolution et cet engagement du Gouvernement ont été suivis avec attention par la commission des affaires sociales et, à n’en pas douter, par l’ensemble de la Haute Assemblée.

Poursuivre l’effort sur le secteur médico-social, c’est aussi renforcer le soutien aux personnes en situation de handicap. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra de financer la première annuité du plan autisme. En outre, plus de 150 millions d’euros seront consacrés à la création de places dans les établissements et les services pour personnes handicapées.

Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue la première étape, décisive, de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, dont le principal objectif est la réduction des inégalités en matière de santé.

C’est dans le cadre de cette approche globale que nous avons construit l’ONDAM pour 2014. Cet objectif national des dépenses d’assurance maladie progressera en 2014 de 2,4 %, ce qui représente un effort exigeant pour la politique que nous menons. Plus de 2,4 milliards d’euros d’économies seront ainsi opérés, auxquels s’ajoutera l’impact des dépenses non réalisées en 2013. Tous les secteurs de l’offre de santé, sans exception, participeront à la maîtrise de la dépense.

Toutefois, comme l’an dernier, aucun déremboursement, aucune franchise nouvelle ni aucun transfert vers les organismes complémentaires n’interviendront. Il s’agit d’une volonté de notre part et d’une priorité que nous affichons.

L’assurance maladie, je veux le dire ici avec force, doit rester le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé. Depuis 2004, nous assistons à un effritement de cette prise en charge, avec un report sur les organismes complémentaires. J’ai donc pris l’engagement d’enrayer cette tendance et, dès l’année prochaine, un bilan annuel sur la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie sera remis au Parlement.

Dès maintenant, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, nous posons les premiers jalons de la stratégie nationale de santé. Ce texte tend d’abord à prolonger et à amplifier le combat pour l’accès aux soins et pour l’égalité de cet accès.

À cet égard, il est nécessaire de franchir une nouvelle étape dans la généralisation de la complémentaire santé. La priorité est, avant tout, de simplifier les procédures pour lutter contre le non-recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. Par ailleurs, l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, sera facilité pour les étudiants en situation de précarité ou d’isolement familial. Le texte prévoit également le renouvellement automatique du droit à l’ACS pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA.

Cette mesure, ainsi que l’accès facilité au dispositif de couverture maladie universelle pour certains étudiants et la mise en place d’un appel d’offres national pour arrêter, dès l’année prochaine, les contrats vers lesquels seront orientées les personnes éligibles à l’ACS sont autant de dispositions visant à lutter contre le non-recours à ce droit. C’est une avancée importante et, je veux le souligner, cohérente avec les propositions formulées par Mme Archimbaud, que je tiens à saluer ici, dans le rapport qu’elle a remis au Gouvernement.

Avec ce projet de loi, nous ouvrons un autre grand chantier, celui qui concerne l’amélioration des contrats proposés aux bénéficiaires de l’ACS. Nous voulons favoriser le recours à des contrats dits « responsables et solidaires », en permettant une meilleure identification des critères correspondants à ce label. L’Assemblée nationale a souhaité soutenir cette démarche en prévoyant une différenciation plus forte, en termes de taxation, entre les contrats responsables et ceux qui ne le sont pas. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une initiative positive.

Par ailleurs, nous avons à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en matière de protection complémentaire collective de branche : les branches pourront donc recommander des organismes dans le cadre de contrats offrant un haut niveau de solidarité, qui feront l’objet d’incitations par le biais du forfait social.

Enfin, des avancées significatives sont prévues en matière d’accès à l’optique pour l’ensemble des bénéficiaires de l’ACS.

La prochaine étape pour lever les barrières financières entravant l’accès aux soins relève d’une ambition plus grande encore : nous généraliserons le tiers payant pour l’ensemble des soins de ville avant 2017, cette mesure étant ouverte, dès 2014, aux bénéficiaires de l’ACS. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’aborder cette question au cours de nos débats.

Au-delà de la réduction des inégalités en matière d’accès aux soins de santé, nous engageons, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la refondation de notre organisation des soins. Il s’agit là du deuxième pilier de la stratégie nationale de santé.

Ce que j’ai appelé la « révolution du premier recours » en référence à la formule employée par les Canadiens – eux parlent de « virage ambulatoire » – en sera la pierre angulaire. Nous prolongerons donc d’une année les expérimentations des nouveaux modes de rémunération, tout en étendant ce dispositif à 150 nouvelles équipes. Les centres de santé ont suscité de nombreux débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des affaires sociales du Sénat. Ils seront pleinement concernés par le développement des nouveaux modes de rémunération.

En parallèle, le texte tend à initier la réforme du financement des hôpitaux, en prenant mieux en compte la situation des établissements isolés. Une dégressivité tarifaire sera également mise en place de manière ponctuelle pour réguler les effets parfois inflationnistes de la tarification à l’activité. Autre nouveauté, nous expérimenterons le financement au parcours pour la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie.

Enfin, pour parvenir à un pilotage financier plus adapté aux réalités de terrain, les agences régionales de santé seront autorisées à procéder à des transferts entre enveloppes – c’est ce qu’on appelle la fongibilité, un terme que seules les personnes travaillant au quotidien sur ces questions peuvent comprendre – dans le cadre qui aura été fixé par le Parlement.

La stratégie nationale de santé investit aussi largement le champ de la santé publique. C’est ainsi que, dans le cadre de ce texte, deux objectifs majeurs sont fixés : la lutte contre le tabagisme et l’accès à la contraception.

S’agissant du premier objectif, il ne fait aucun doute que la situation la plus préoccupante est celle des jeunes fumeurs. Je propose donc de mettre en place une aide au sevrage tabagique pour les jeunes adultes, avec une prise en charge renforcée des substituts nicotiniques. Cela signifie très concrètement un triplement de cette prise en charge.

S’agissant du second objectif, nous prolongeons les mesures prises l’année dernière, qui ont déjà permis d’améliorer l’accès à la contraception des jeunes femmes, en particulier des mineures. Nous poursuivons dans cette voie en instaurant le tiers payant pour les actes associés à la prescription de contraception pour les mineures.

Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à renforcer l’efficience de notre politique du médicament.

Une politique du médicament efficace, c’est une politique qui refuse la course en avant pour soutenir le « bon usage » des produits de santé, d’abord en luttant contre leur surconsommation, ensuite en permettant leur utilisation correcte. Dans ce cadre, je souhaite que nous expérimentions la dispensation à l’unité par les pharmacies d’officine, en commençant, par exemple, par certains antibiotiques. Par la suite, la mise en place d’un répertoire des médicaments biosimilaires devra permettre le développement du recours à ces médicaments, dans un cadre sécurisé qui n’existe pas aujourd’hui.

Une politique du médicament efficace, c’est aussi une politique qui favorise la diffusion de l’innovation. Nous avons eu l’occasion de discuter récemment de ce sujet lors du débat organisé par M. Gilbert Barbier et son groupe. Nous constatons que certaines procédures sont trop longues. Il convient donc de réduire leur délai pour permettre une prise de décision rapide, dans un contexte sécurisé. C’est le sens des engagements que le Gouvernement a pris dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, qui trouvent une traduction concrète dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous maintenons avec ce texte le cap fixé depuis le début du quinquennat, celui du redressement de nos comptes et d’une transformation en profondeur de notre modèle social. Cette constance dans nos choix est aussi une condition nécessaire pour rétablir la confiance des Français dans le pacte social et retrouver le sens du progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais en quelques mots compléter l’intervention que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé vient de faire. J’essaierai dans ce cadre de mettre l’accent sur quelques aspects budgétaires et fiscaux qui sont complémentaires des questions évoquées à l’instant, ce qui me permettra, je l’espère, d’apporter toute information utile à votre assemblée concernant le contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est la démarche de redressement des comptes publics que nous mettons en œuvre depuis maintenant plus de dix-huit mois. Non seulement cette démarche nous engage devant le pays et devant les institutions de l’Union européenne, puisque nous avons des objectifs à remplir en la matière au titre du pacte de stabilité et de croissance, mais elle est essentielle au regard de la préservation de nos services publics, de leur montée en gamme et de la consolidation du modèle social français.

En effet, si nous ne parvenons pas à faire en sorte que, sur chaque sujet, la bonne dépense publique chasse la mauvaise, nous serons en difficulté pour maintenir la qualité de notre système de protection sociale et de nos services publics. Or, parce que ce patrimoine est celui de tous ceux qui n’en ont pas, il nous faut le préserver avec une très grande vigilance.

Ce redressement des comptes publics commence à donner des résultats. Il m’arrive d’entendre que l’existence d’un décalage entre les objectifs de déficits nominaux que nous nous sommes assignés et ceux qui sont réellement constatés en fin d’année est le signe d’un dérapage dans ce domaine. Non, les déficits sont bien en diminution et, pour être extrêmement précis, je voudrais vous donner la séquence des déficits constatés depuis 2012. Celle-ci montre bien que la trajectoire est tenue et les objectifs respectés, même si, pour des raisons tenant à l’absence de croissance, le redressement de nos comptes est moins rapide que nous aurions pu le souhaiter.

Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le déficit nominal représentait 5,3 % du produit intérieur brut, ou PIB, pour l’année 2011. En 2012, après que des mesures ont été prises en loi de finances rectificative, il atteignait 4,8 % du PIB.

Certes, il aurait dû atteindre le niveau de 4,5 % du PIB, mais nous avons dû, en fin de gestion de l’exercice 2012, absorber la dette de Dexia, la banque étant confrontée à de sérieuses difficultés. Nous avons également dû contribuer au rétablissement du budget de l’Union européenne, à la suite d’une décision prise par le précédent gouvernement en novembre 2010, en lien avec d’autres gouvernements européens, et contingentant les crédits de paiement alloués à l’Union européenne pour lui permettre d’atteindre ses objectifs budgétaires.

Ce sont là les deux principales raisons qui expliquent le décalage entre le déficit constaté de 4,8 % et l’objectif de 4,5 %. Ainsi, vous pouvez le constater, la plus grande partie de ce décalage est imputable à des décisions prises avant notre arrivée au pouvoir, décisions que nous avons dû éponger en prenant des dispositions en loi de finances rectificatives pour des montants significatifs.

En 2013, le déficit nominal atteindra 4,1 % du PIB et, en 2014, 3,6 %. Nous serons donc passés, en quelques années, d’un taux de 5,3 % à un taux de 3,6 %, quand la moyenne des déficits nominaux enregistrés au cours du précédent quinquennat dépassait 5 % du PIB. Cela confirme bien que le déficit nominal diminue et que les efforts auxquels les Français sont appelés commencent à porter leurs fruits.

Les comptes sociaux n’échappent pas à cette tendance. Ainsi, je voudrais rappeler, à la suite de Mme la ministre, quelle est la séquence des chiffres dans ce domaine. L’année précédant notre arrivée au pouvoir, les comptes sociaux ont enregistré un déficit de 20,8 milliards d’euros. Si nous n’avions pas pris de dispositions en 2012, le déficit aurait été supérieur à 21 milliards d’euros. En réalité, il a atteint 17,5 milliards d’euros en 2012. En 2013, il sera de 16,2 milliards d’euros et, si nous tenons nos objectifs en 2014, le budget que nous vous présentons permettra d’afficher un déficit de 12,8 milliards d’euros.

En l’espace de dix-huit mois, au travers des efforts que nous aurons accomplis et de la volonté de maîtrise des comptes publics et des comptes sociaux dont nous aurons témoigné, nous aurons réduit le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 8 milliards d’euros. Si cette tendance se maintient, le déficit sera de 4 milliards d’euros à la fin du quinquennat, ce qui signifie que nous aurons, en l’espace de quatre ans et demi, divisé par cinq le déficit des comptes sociaux.

Je rappelle ces chiffres, car il arrive que, dans l’espace public, le vacarme ou le tohu-bohu médiatique aidant, on ait le sentiment que les difficultés de l’économie empêchent la maîtrise des comptes sociaux. Il n’en est rien, aussi bien pour les déficits nominaux que pour l’évolution des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse.

Comme Marisol Touraine l’a rappelé à l’instant, cette maîtrise des comptes n’est pas le but de notre stratégie ; elle n’est qu’un moyen. En effet, si nous voulons maîtriser les comptes sociaux et si nous nous attachons au respect de cette trajectoire des finances publiques, c’est parce que nous savons que, sans cela, le modèle social français se trouvera remis en cause dans ses équilibres, son identité, sa structure même. Nous devons prendre des dispositions au niveau de la gestion de ce modèle pour en assurer la pérennité.

Je veux d'ailleurs faire écho à un certain nombre de documents de la Cour des comptes, dont les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat évoquent très souvent le contenu. La Cour des comptes prévoyait, sur la période 2011-2018, une augmentation de 70 milliards d'euros du déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et une augmentation de 72 milliards d'euros du déficit des branches maladie et famille. En réalité, compte tenu de l’effort de maîtrise que nous réalisons, le déficit total de ces branches s’établira à 82 milliards d'euros au lieu de 142 milliards d’euros, ce qui signifie que nous évitons une dégradation de l’ordre de 60 milliards d'euros des comptes sociaux et, par conséquent, de la dette sociale. Ces chiffres permettent de bien mesurer l’effort que nous réalisons pour tenir rigoureusement le budget et maîtriser la dépense sociale.

Je voudrais insister également – ce sera mon dernier point pour ce qui concerne les aspects budgétaires et comptables – sur le fait que nos efforts de maîtrise des déficits, et notamment du déficit de la branche vieillesse, nous permettront, grâce au dispositif de reprise de la dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, mis en place en 2010, avec un niveau annuel de 10 milliards d'euros et un plafond de 62 milliards d'euros sur la période 2012-2018, de reprendre une partie de la dette des branches famille et maladie en 2014, pour un montant de 4 milliards d'euros. Nous pourrons ainsi contenir la dette des comptes sociaux sans prendre de mesure générale de prélèvement.

Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de l’évolution des déficits et de la maîtrise des dépenses et des comptes.

J’en viens aux mesures de prélèvement inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, qui sont destinées, d'une part, à assurer le rééquilibrage de comptes qui nous ont été laissés dans une situation de déficit préoccupante, et, d'autre part, à financer de nouvelles orientations politiques répondant à un objectif de justice. Je prendrai des exemples précis en vous expliquant les raisons de nos décisions.

S'agissant des retraites, l’augmentation de la cotisation et la fiscalisation des majorations de pension permettront le rééquilibrage de notre régime, ce qui est la garantie de sa pérennité. Nous avons également la volonté – les articles 9 et 10 du projet de loi en témoignent – de financer les engagements pris pour le régime des indépendants, mais aussi le régime agricole, à travers la mise en sommeil d’un certain nombre de pratiques d’optimisation dans les exploitations agricoles. Là encore, nous poursuivons un objectif de solidarité et de justice.

S'agissant de la branche famille, les mesures relatives au quotient familial doivent dégager un milliard d'euros d’économies. Ces mesures de quotient seront financées essentiellement par les 13 % de familles françaises dont la capacité contributive est la plus importante. Elles permettront de diminuer le déficit de la branche famille, qui atteignait 2,5 milliards d'euros lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, mais également de financer des politiques nouvelles. Ces politiques nouvelles, dont le financement proviendra aussi des 200 millions d'euros d’économies prévues par le budget 2014, qui devraient monter en puissance pour atteindre 800 millions d'euros à l’horizon 2017, sont notamment la création de 270 000 places d’accueil pour les jeunes enfants et l’augmentation du complément familial et de l’allocation de soutien familial, dans le cadre du plan pauvreté pour les familles les plus en difficulté.

La fiscalisation de la contribution des entreprises aux contrats collectifs de complémentaire santé traduit la volonté du Gouvernement de généraliser ces contrats collectifs, conformément aux termes de l’accord national interprofessionnel. C’est donc une mesure de justice. De la même manière, nous avons décidé d’augmenter le plafond de la couverture maladie universelle, la CMU, afin de permettre à 750 000 familles d’avoir accès à ce service auquel elles n’avaient pas accès jusqu’à présent.

Je voudrais enfin dire quelques mots d’une mesure qui a fait débat au cours des dernières semaines, et dont on ne comprendrait pas que je la passe sous silence, à savoir la simplification et l’harmonisation des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne. Contrairement à ce qui a pu être dit, parfois sans que la rigueur ait été convoquée, cette mesure n’est pas une taxe nouvelle. Les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne s’établissaient déjà à 15,5 %. Il n’a donc pas été décidé de créer de nouveaux prélèvements sociaux sur les produits d’épargne.

Une grande partie des produits d’épargne était déjà soumise à des prélèvements sociaux de 15,5 % à la sortie des fonds : je pense notamment aux plans épargne logement, les PEL, ouverts à partir de 2011 ou ayant une durée de vie de plus de dix ans, et aux produits d’assurance vie pour les versements intervenus après 1997. Le système en vigueur était confus et prévoyait, du fait de la superposition de dispositifs hérités de l’histoire, des niveaux de taxation différents pour des produits de même nature.

Il est faux de dire qu’une taxe nouvelle de 15,5 % applicable aux produits d’épargne au moment de la sortie des fonds a été décidée par le Gouvernement. Le taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne, comme d'ailleurs sur d’autres plus-values, était déjà de 15,5 %. Il a été décidé non pas de créer ce prélèvement mais, par souci d’harmonisation, d’appliquer les prélèvements existants à l’ensemble des produits d’épargne identiques.

Il n’a pas non plus été décidé d’augmenter le taux des prélèvements sociaux.