M. le président. L’amendement n° 420, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Après la référence :
L. 351-14-1,
insérer la référence :
L. 351-17,
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À l’article L. 382-29-1 du code de la sécurité sociale, après la référence : « au 1° », est insérée la référence : « du I ».
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article.
M. Gérard Longuet. Cet article 16 est absolument passionnant, car il démontre, madame le ministre, combien vous êtes passée à côté d’une réforme de fond de nos régimes de retraite et combien est nécessaire une réflexion d’ensemble, notamment sur ce que pourrait être un autre système de retraite ; c’est même un devoir absolu.
À propos de l’équilibre du régime de retraite par répartition, j’ai évoqué la démographie, sans doute un peu longuement, mais il faut aussi prendre en compte la population active.
L’allongement de la durée des études est une réalité. Dans votre rapport, madame Demontès, vous évoquez le report de l’entrée dans la vie active. On peut espérer que ce report soit lié à une qualification supérieure ; c’est statistiquement le cas et l’immense majorité des jeunes Français, garçons et filles, entrent plus tard sur le marché du travail avec – dans la plupart des cas, heureusement ! – un niveau de qualification supérieur.
La conséquence pratique de ce report, on la mesure : avec une entrée dans la vie active à vingt-trois ans et un âge de la retraite à soixante-deux ans, les conditions de durée de cotisation pour percevoir une retraite à taux plein ne seront pas réunies.
Un problème de fond se pose donc, je dirais même un problème de société. Vous avez fait adopter un amendement tendant à la remise d’un rapport sur la prise en compte de l’égalité sociale dans l’octroi d’avantages familiaux aux retraités – soit ! Nous pourrions imaginer que vous demandiez un rapport sur le sujet qui nous occupe. D’ailleurs, pourquoi demandez-vous des rapports d’article en article, sinon parce que vous n’avez pas mené de réflexion globale ? Vous ouvrez ainsi, on ne vous le reprochera pas, toute une série de pistes de réflexion.
En ce qui concerne le rachat des années d’études, nous avions présenté, lors de l’examen du texte par la commission, un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – je le comprends. Cet amendement tendait à étaler sur vingt ans les possibilités de rachat.
En effet, contrairement au groupe communiste, nous ne sommes pas favorables à la validation des trimestres d’études supérieures.
Nous bénéficions, en France, d’un système généreux qui fait que, pour l’essentiel, les études supérieures, courtes ou longues, sont gratuites, même si l’on voit se développer des formes d’études supérieures privées payantes, sur des initiatives nombreuses et variées, et même si nous constatons que les enseignements supérieurs gratuits sont plus coûteux qu’ils ne l’ont jamais été. C’est une évolution dont nous prenons acte, même si nous restons sur ce point très en deçà des autres pays de l’OCDE.
Mais il y a tout de même un moment où il faut que chacun, en tant qu’individu, prenne sa part de responsabilité.
On ne peut pas demander à la collectivité, donc, pour l’essentiel, au contribuable, de prendre en charge les études supérieures et demander au même contribuable de payer tout ou partie de la validation des trimestres qui ne sont représentatifs ni d’une activité ni d’une production, mais qui sont des investissements pour l’avenir.
C’est la raison pour laquelle nous récusions l’idée de validation. En revanche, nous avions imaginé d’étaler des possibilités de rachat sur vingt ans. En effet, si les premières années de la vie sont, comme nous le souhaitons, des années de démarrage dans l’existence, consacrées à créer son foyer, à construire son couple, sa famille, des années où l’on supporte des charges plus nombreuses, on peut espérer que le bénéfice d’études supérieures permette, à partir d’un certain âge, de dégager une marge et de restituer à la collectivité ce que cette dernière vous a apporté, en rachetant des trimestres. C’est, d’ailleurs, une restitution très « gagnante » pour le cotisant, puisque le projet de loi que vous nous présentez, madame le ministre, permet non seulement le rachat, sur dix ans seulement, mais, de plus, subventionne ce rachat.
On aurait pu imaginer un compromis, qui aurait consisté à autoriser d’étaler le rachat sur vingt ans mais sans subventionner le rachat sur les dix dernières années, car il vient un moment où l’ancien étudiant diplômé, qui a accédé à des responsabilités, est en mesure de racheter ses années d’études sans avoir besoin du soutien de la collectivité. Ce rachat aurait été déductible des impôts.
Nous aurions pu trouver une formule, disons, de conciliation. Cette formule, nous n’avons pas pu la mettre sur pied, ne serait-ce que parce que la procédure que vous avez retenue, la procédure accélérée, ne permet pas d’approfondir des sujets qui, reconnaissons-le, doivent être travaillés en commission et travaillés en séance.
Madame le ministre, nous ne soutiendrons pas votre article 16, non pas parce que le problème ne se pose pas, mais parce que vous le réglez mal !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 n’est pas adopté.)
Article 16 bis (nouveau)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre V du livre III est complété par une section 11 ainsi rédigée :
« Section 11
« Validation des stages en entreprise
« Art. L. 351-17. – Les étudiants peuvent demander la prise en compte, par le régime général de sécurité sociale, des périodes de stages prévus à l’article L. 612-8 du code de l’éducation et éligibles à la gratification prévue à l’article L. 612-11 du même code, sous réserve du versement de cotisations et dans la limite de deux trimestres.
« Un décret précise les modalités et conditions d’application du présent article et notamment :
« 1° Le délai de présentation de la demande, dans la limite de deux ans ;
« 2° Le mode de calcul des cotisations et les modalités d’échelonnement de leur versement.
« Le nombre de trimestres ayant fait l’objet d’un versement de cotisations en application du présent article est déduit du nombre de trimestres éligibles au rachat prévu au II de l’article L. 351-14-1. » ;
2° À l’article L. 173-7, après la référence : « L. 351-14-1, », est insérée la référence : « L. 351-17, ».
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 8 et 9
Remplacer le mot :
cotisations
par le mot :
contributions
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement, qui, j’en conviens, a tout d’un amendement rédactionnel, revêt, en réalité, une grande importance pour notre groupe.
Nous plaidons, vous le savez, pour un meilleur encadrement des stages et un renforcement significatif des droits des stagiaires, y compris en ce qui concerne la retraite.
À l’image de ce que proposent le collectif « La retraite, une affaire de jeunes » ou le collectif « Génération précaire », nous soutenons l’idée que toutes les périodes de stages donnent lieu à gratification et que les employeurs soient obligatoirement tenus de cotiser.
À côté de cette cotisation sociale renforcée par rapport au droit existant, nous souhaitons que les jeunes accueillis dans les entreprises soient également appelés à cotiser, de manière symbolique, puisque les montants des gratifications sont dérisoires.
Les jeunes sont, d’ailleurs, demandeurs d’une telle mesure, ce qui témoigne de leur attachement à notre système de protection sociale, lequel repose sur l’idée que les employeurs tout comme ceux qui travaillent, participent au financement de notre système de protection sociale.
Nous n’en sommes pas encore là, et nous le déplorons. Ce mécanisme serait, en effet, bien plus créateur de droits que celui qui est mis en place dans cet article, lequel introduit, d’ailleurs, une certaine forme de confusion puisqu’il subordonne la prise en compte par le régime général des périodes de stages à la condition que ces stages aient donné lieu au versement de gratifications, ainsi qu’au versement de « cotisations ».
La référence qui est faite ici à la notion de « cotisations » nous semble abusive. Les taux des cotisations sociales sont connus dans la loi, de même que leur assiette. Dès lors, il n’y a pas besoin qu’un décret vienne définir le barème de cotisations ni les modalités de leur versement.
Qui plus est, la notion de « cotisations » sous-entend qu’elles sont acquittées par les employeurs comme par les salariés, et qu’elles sont assises sur les salaires.
Ce n’est évidemment pas le cas ici, puisqu’un seul acteur semble devoir s’acquitter de cotisations, sans que l’on sache s’il s’agit du stagiaire ou de l’employeur.
Il nous semble important que la loi soit la plus précise possible. Traditionnellement, les cotisations sociales sont présentées comme étant l’ensemble des charges, forfaitaires ou proportionnelles au salaire, supportées par l’employeur et par le salarié et servant à financer les divers dispositifs et organismes publics chargés de la protection sociale.
On voit bien que cette définition est inopérante ici. Aussi, afin d’éviter une confusion qui pourrait être utile à celles et ceux qui veulent changer radicalement notre système de financement de la protection sociale, nous vous proposons de substituer le terme de « cotisations », indûment utilisé, par celui de « contributions », qui nous paraît plus conforme à la nature du prélèvement visé par cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les auteurs de l’amendement estiment que le terme de « contributions » est juridiquement plus adapté que celui de « cotisations » quand on évoque les gratifications des stagiaires.
J’ai une interrogation sur cette proposition. En effet, la gratification peut être comprise comme une somme versée au travailleur en contrepartie ou à l’occasion du travail. Le terme de « contributions » n’implique pas de contrepartie directe pour la personne qui l’acquitte, contrairement aux cotisations sociales.
Je souhaite, pour mieux comprendre, entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la rapporteur, vous avez raison de le souligner, la question ne va pas de soi sur le plan juridique.
Je le dis d’emblée, je vais émettre, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur cet amendement n° 193. Je veux maintenant bien poser le cadre dans lequel nous nous situons pour dissiper toute ambiguïté.
Je suis favorable au terme de « contributions » – je l’ai moi-même utilisé à plusieurs reprises –, parce qu’il me semble éviter toute ambiguïté sur la nature de l’activité du stagiaire.
Le stage n’est pas une activité comme une autre. Il n’y a pas lieu de banaliser l’activité de stagiaire, il ne s’agit pas de n’importe quel contrat de travail. C’est la raison pour laquelle je suis favorable au terme de « contributions ».
Dans le même temps, si nous parlons de « contributions », il doit être bien clair que ces contributions ouvrent des droits, et des droits à retraite.
Comme l’a souligné Mme la rapporteur, en droit pur, pour que des droits puissent correspondre à des versements financiers, il faut que ces versements soient des cotisations. Je tiens à le préciser devant votre assemblée pour ne pas laisser de doute sur le sujet. Nous ouvrons des droits aux stagiaires, et des droits à retraite, mais le versement qui correspond relève, en quelque sorte, d’une catégorie nouvelle, puisqu’il n’y a pas d’activité salariée dans le cadre d’un stage.
Mme Isabelle Debré. Qu’est-ce que cette « catégorie nouvelle » ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Sous le bénéfice de ces explications, j’émets, je le répète, un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je veux remercier Mme la ministre de sa « contribution » à ce débat. (Sourires.) Néanmoins, ni vos explications ni les deux précédentes ne dissipent mes interrogations.
Je comprends bien la position du groupe CRC, qui récuse le terme de « cotisations » parce que le stagiaire ne reçoit pas un salaire et que, de plus, ces « cotisations » seraient payées uniquement par l’étudiant. J’ai, pour ma part, déposé un amendement dont l’objet est de proposer un paiement à parité par l’étudiant et par l’employeur.
Si j’ai bien suivi les explications de Mme la ministre, pour elle, il s’agit d’une contribution parce que ce n’est pas une cotisation, mais cette contribution a valeur de cotisation...
Je vais voter cet amendement, d’autant plus que Mme la ministre nous y incite, ainsi que Mme la rapporteur, qui suivra la position de Mme la ministre. Pour autant, je ne sais pas si nous avons raison de faire ce choix. En effet, la cotisation, même si elle est acquittée par un étudiant ou par un stagiaire, a aussi son sens. Le statut est différent.
Pour moi, retenir le mot « contributions » va compliquer les choses. N’aurait-il pas été plus simple de lui préférer le mot « cotisations » en tant que tel, avec un statut différent ?
Cela étant, tout le monde semble d’accord. Du moins aurai-je exprimé mes interrogations, à défaut d’avoir beaucoup fait avancer le schmilblick, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais savoir si cette évolution sera à charge égale pour le maître de stage et le stagiaire. La question mérite d’être posée, compte tenu de la difficulté déjà constatée pour trouver des stages.
M. Desessard a déposé un amendement visant à demander une répartition entre le maître de stage et le stagiaire. Je reprendrai donc mon observation au moment de la discussion de cette proposition.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les précisions fournies par Mme la ministre vont tout à fait dans le sens de l’amendement que j’ai défendu.
Je peux être critique, mais l’esprit critique, c’est aussi savoir dire ce que l’on trouve positif !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Une nouvelle fois, je regrette que ce texte soit examiné en procédure accélérée. On voit bien qu’il y a là une matière qui mériterait d’être approfondie. L’amendement du groupe CRC, qui vise à distinguer contributions et cotisations, n’est pas dénué de légitimité.
La cotisation fait référence au salarié de plein exercice, pratiquant une activité dans le cadre du code du travail. Il y a une situation intermédiaire, mais qui relève toujours du code du travail, celle des apprentis et stagiaires de la formation professionnelle. Et puis, nous avons des stagiaires, des étudiants, qui se situent en dehors de la formation professionnelle et auxquels l’article 16 bis donne la possibilité de valider deux trimestres au maximum. Dans quelle situation sont-ils effectivement ?
Nous le savons tous, pour le vivre dans nos familles, pour le vivre auprès de nos administrés, le début de la vie professionnelle est aujourd’hui pour un jeune une marche incertaine, le CDI devenant une sorte de Graal que l’on atteint au bout de plusieurs années après avoir enchaîné des stages, puis des CDD.
Madame le ministre, ce sujet méritait tout de même que l’on entre un petit peu dans le détail.
Veut-on faire en sorte que ces stagiaires soient des salariés qui commencent dans un cadre précaire, certes, mais qui leur permet de mettre le pied à l’étrier ? Ou bien allons-nous entretenir l’idée, comme vous le suggérez, que ce sont des actifs d’une nature sui generis qui ne se rapprochent en rien des salariés ?
Madame le ministre, il est de notre intérêt bien compris d’amener ces jeunes vers un statut de salarié, même au tout début du salariat et du régime qui sera plus tard celui du contrat de travail. La question est d’autant plus pertinente qu’un stage n’est intéressant que s’il y a production. Si le stage se passe à la cafétéria ou devant la photocopieuse, il n’a simplement aucun intérêt !
Or la réalité du contrat de travail, c’est d’être exécuté sous l’autorité d’un employeur, qui fixe des obligations et des objectifs en contrepartie desquels il verse une rémunération.
Le stagiaire, tel que nous en avons l’expérience, est dans une situation de subordination vis-à-vis de son employeur ; il doit exécuter une mission. On lui pardonne naturellement de ne pas avoir totalement la compétence requise, de ne pas avoir la maîtrise du poste ou le savoir-faire du professionnel, mais l’objectif est que le stagiaire soit intégré dans le processus de production. Sinon, cela n’a aucun intérêt et le « stage », qui ne mérite alors pas son nom, n’aura pas dépassé les rubriques « découverte », « visite » ou « tourisme industriel » !
Non, les stages dont je parle sont des préalables à l’embauche en CDD. Ils sont souvent pour l’employeur une façon de connaître les étudiants auxquels il proposera un contrat de travail une fois le diplôme obtenu et, parfois, avant même que le diplôme soit obtenu, ce qui n’est, hélas, pas la meilleure solution, car il est préférable d’avoir son diplôme en poche pour s’engager ainsi dans un contrat.
Votre réponse entretient l’ambiguïté sur le statut du stagiaire, madame le ministre. S’il y avait une navette, nous aurions encore le temps d’approfondir la réflexion, mais il n’y en aura pas ! Dans ces conditions, nous préférons nous abstenir sur cet amendement.
J’ajoute que, compte tenu de l’allongement de la durée des études, il semble difficile de limiter la prise en compte des stages étudiants à deux trimestres. On crève vite ce plafond si l’on fait deux mois de stage par an.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Les propos de Mme Goulet étaient très pertinents, comme d’habitude…
J’ai reçu la semaine dernière des étudiants ayant besoin d’effectuer un stage pour valider leur année scolaire. Faute d’en trouver un, ils vont devoir redoubler. Au sein de leur promotion, plus de 30 % des étudiants ne parviennent pas à obtenir un stage.
Si l’on complique encore les choses, si l’on impose de nouvelles contraintes aux employeurs, j’ai peur que l’on aboutisse à l’effet inverse de celui qui est recherché et que l’on mette en péril les études de jeunes qui peinent déjà aujourd’hui à trouver des stages.
C’est pourquoi je m’abstiendrai sur cet amendement. Je souhaiterais, madame le ministre, que vous examiniez de près ce problème, très inquiétant pour les étudiants qui ne pourront pas valider leur année scolaire, faute d’avoir effectué le stage obligatoire.
M. le président. L’amendement n° 192, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
de cotisations
insérer les mots :
versées par les entreprises d’accueil
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous considérons que la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 16 bis est peu claire et mérite d’être précisée.
Cet alinéa tend à prévoir que la prise en compte des périodes de stage dans le calcul des annuités validées au titre du régime de l’assurance vieillesse soit conditionnée, notamment, au versement de cotisations. Pour autant, un doute demeure : est-ce à l’employeur ou au stagiaire de s’acquitter de ces cotisations ?
Dans la mesure où le code de la sécurité sociale dispose déjà que les gratifications sont soumises à cotisations de la part de l’employeur, on peut raisonnablement imaginer qu’il en aille de même ici. Il aurait donc sans doute été souhaitable de préciser que les cotisations sociales en question – désormais dénommées « contributions » – sont celles visées à l’article L. 242-4-1 du code de la sécurité sociale.
L’article 16 bis prévoit qu’aucune cotisation ou contribution de sécurité sociale n’est due par l’entreprise d’accueil ou le stagiaire lorsque les sommes versées par l’employeur – en l’occurrence, la gratification – restent inférieures ou égales à 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale : devons-nous en conclure, madame la ministre, que seuls seront pris en compte les stages donnant lieu à une gratification supérieure au montant minimum ?
Tel qu’il est rédigé, cet article ne permet pas de savoir qui devra s’acquitter de ces cotisations. Afin de lever tout doute, nous proposons, par le biais de notre amendement, de préciser qu’elles seront dues par l’entreprise d’accueil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir l’obligation, pour la structure d’accueil des stagiaires, de verser des cotisations en vue de valider les périodes de stage au titre de la retraite.
Le Gouvernement a souligné, à titre indicatif – sans doute Mme la ministre nous le confirmera-t-elle –, que le montant des cotisations à acquitter pour les stagiaires pourrait représenter 12,50 euros par mois pendant deux ans ou 25 euros par mois pendant un an.
Ce montant est modeste, même si nous savons que les gratifications des stagiaires ne sont pas élevées. En tout état de cause, il ne me paraît pas nécessaire, à ce stade, de prévoir une cotisation patronale spécifique.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Mme la rapporteur vient de le rappeler, cette contribution est à la charge du stagiaire, et non de l’entreprise. Il y a donc un désaccord entre nous sur ce point, madame Pasquet, mais pas d’ambiguïté.
Le versement de cette contribution de 12,50 euros par mois pendant deux ans ou de 25 euros par mois pendant un an sera une possibilité laissée à l’étudiant, quel que soit le niveau de rémunération de son stage. Cependant, si la gratification qu’il reçoit est supérieure au niveau minimal, c’est-à-dire 436 euros par mois, l’employeur verse d’ores et déjà une cotisation pour la part au-delà de ce seuil. (M. Jean Desessard opine.)
Il appartiendra donc au jeune, s’il reçoit une gratification supérieure à 436 euros, de vérifier si les cotisations versées, à la fois par lui-même et par son employeur, lui permettent d’acquérir des droits, auquel cas il n’aura pas besoin d’acquitter une contribution de son côté.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Certes !
Mme Marisol Touraine, ministre. S’il bénéficie d’une rémunération de 500 euros, par exemple, il est bien évident que ce n’est pas la cotisation versée au titre des 64 euros au-delà du minimum qui lui permettra d’acquérir des droits.
En revanche, s’il reçoit une gratification de 1 000 euros, il est possible que la cotisation soit suffisante pour acquérir des droits et qu’il n’ait donc pas besoin d’acquitter une contribution volontaire.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je partage l’avis de Mme la rapporteur et de Mme la ministre : la faculté ouverte aux étudiants de verser une contribution ne doit pas être mise à la charge de l’entreprise.
Il s’agit d’un dispositif tout à fait particulier, sur lequel je me suis posé au départ les mêmes questions que M. Desessard, mais j’estime que la contribution éventuelle doit être versée par l’étudiant. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. C’est une question philosophique à 12,50 euros ! (Sourires.)
Tient-on à ce que les étudiants qui font un stage puissent bénéficier de droits supplémentaires au titre de la retraite ?
Mme Isabelle Debré. Il faut déjà en trouver un, de stage !
M. Jean Desessard. Pour le moment, cette question ne concerne que les stages, mais elle pourra aussi, à terme, concerner la formation.
Comme le disait M. Longuet, il existe des stages d’observation et des stages qui font participer le jeune au fonctionnement de la structure d’accueil. J’ajouterai qu’il y a aussi des stages abusifs, qui font office de premier boulot permettant de prendre contact avec l’entreprise : il s’agit en quelque sorte – dans les cas favorables – d’une pré-embauche.
Le statut du stage n’est donc pas défini, pas plus que celui de l’étudiant. On veut faire preuve de générosité en inscrivant dans la loi des droits pour les étudiants stagiaires, mais tout cela est très compliqué : si les employeurs sont trop sollicités, il sera encore plus difficile qu’aujourd’hui de trouver des stages, alors qu’il est nécessaire d’en effectuer pour obtenir le diplôme.
Pour ma part, je ne comprends pas que l’on n’inscrive pas le stage dans le droit commun. C’est le sens de l’amendement que je présenterai tout à l’heure et qui prévoit le versement d’une cotisation, moindre que pour un salarié mais partagée entre l’employeur et le stagiaire. Quitte à ce que l’on définisse un statut de l’étudiant-stagiaire qui s’appliquerait de la fin d’études à la pré-embauche, ce serait tout de même plus simple que d’instaurer, comme il est proposé, la possibilité d’une « contribution » qui sera acquittée ou pas par le seul étudiant en fonction du montant de la gratification dont il bénéficie…
Pourquoi ne pas s’en tenir au droit commun, ou du moins s’en approcher le plus possible ? Cet amendement du groupe CRC vise à faire supporter l’intégralité de la contribution à l’employeur, d’autres veulent qu’il ne paie rien du tout : dans les deux cas, ce n’est pas le droit commun. Je m’abstiendrai, préférant la solution présentée au travers de l’amendement que je vais défendre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Votre position est assurément cohérente, monsieur Desessard, mais celle du Gouvernement l’est aussi.
Je refuse toute banalisation des stages. Or inscrire ceux-ci dans le droit commun impliquerait d’accepter que l’on puisse « travailler » pour 436 euros par mois.
Je laisse de côté l’argument, qui me paraît recevable, selon lequel une cotisation supplémentaire dissuaderait les entreprises de prendre des stagiaires, alors même qu’un nombre croissant d’étudiants doivent effectuer des stages pour valider leur cursus. Nous sommes d’ores et déjà confrontés à des difficultés de cet ordre, en particulier dans le secteur médicosocial : nous devons être très attentifs à ne pas les aggraver en mettant une cotisation supplémentaire à la charge des entreprises.
Par ailleurs, certains étudiants font des stages pour se préparer à la vie professionnelle, sans que ce soit pour eux une obligation. S’ils n’en trouvent pas, cela n’aura pas de conséquences sur la validation de leur cursus.
J’insiste sur le fait que si l’on applique les mêmes règles pour les stages que pour les contrats de travail, cela aboutira à créer un nouveau type de contrat de travail, le « contrat stagiaire », permettant à une entreprise de rémunérer un collaborateur 436 euros par mois.