M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation d’une industrie forte et emblématique de notre pays, à savoir la construction navale.
Les chantiers de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, ont su construire le Normandie, le France, le Queen Mary 2 et ont lancé, voilà quelques semaines, la construction du plus grand navire de croisière du monde, l’Oasis 3. Par ailleurs, la diversification y est bien présente, avec le développement en particulier de l’éolien offshore.
La qualité de la main-d’œuvre est donc mondialement reconnue et appréciée. En revanche, ce qui est source d’inquiétude aujourd’hui, c’est que l’actionnaire à 66,6 % de ce chantier, STX France, à savoir la principale banque publique de Corée du Sud, envisage de vendre les actions qu’il détient. Cette banque est en effet en quête de liquidités, compte tenu de la situation dramatique du géant naval STX Corée.
Je rappelle que la France, quant à elle, est actionnaire depuis 2008 à hauteur de 33,3 %, par l’intermédiaire du fonds stratégique d’investissement.
On peut donc aisément mesurer le risque que cette vente potentielle représente si nous n’en maîtrisons pas suffisamment le rachat. Le risque le plus important est qu’un financier de chantier concurrent, notamment européen, se place sur les rangs, nous privant par la suite de la maîtrise de notre propre avenir.
Monsieur le ministre, il y a selon moi deux logiques à suivre face à ces informations qui, vous vous en doutez, ne cessent d’inquiéter.
La première, c’est une logique industrielle, en organisant, sur l’initiative de l’État, un tour de table de grands groupes français afin qu’ils réfléchissent rapidement à un positionnement offensif en termes de rachat partiel ou total.
La seconde, c’est une logique de précaution, qui n’exclut pas la première. Cette précaution, c’est que la puissance publique accepte, momentanément, d’être majoritaire dans le capital, afin de maîtriser l’avenir d’une filière industrielle qui fonctionne et qui a su innover et se diversifier.
Un paquebot de l’envergure du prochain – sans compter celui, identique, qui peut suivre –, c’est 2 milliards d’euros dans notre balance commerciale, ce qui est loin d’être négligeable dans la période actuelle.
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous donner les informations permettant, je le souhaite, de nous rassurer sur le destin d’une filière industrielle indispensable à l’économie de notre pays. Je souhaite que la détermination du Gouvernement soit totale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, ce dossier inquiète légitimement les élus que vous êtes, les salariés des chantiers de Saint-Nazaire et leurs familles. Au nom du Gouvernement, je voudrais leur adresser un message à la fois de confiance et de vigilance. En effet, nous suivons avec la plus grande attention les développements actuels concernant la situation financière du groupe coréen STX. Ce dernier est actionnaire majoritaire de STX Europe, qui lui-même détient plus de 66 % de STX France.
Que se passe-t-il aujourd’hui ? Le groupe STX connaît des difficultés financières, et il est en cours de redressement, sur l’initiative de la banque publique coréenne KDB.
La question ou l’option d’une cession de certains de ses actifs, notamment en Europe, est aujourd’hui posée, sans que pour autant – je tiens à vous le dire – le Gouvernement ait été officiellement informé de ses intentions.
À ce jour, l’État, actionnaire indirect de STX France via la Banque publique d’investissement, n’a pas été saisi par STX Corée. Or aucun projet de cession ne peut avoir lieu sans information préalable de l’actionnaire public français.
Plusieurs points doivent donc être soulignés.
En aucun cas la situation économique et le financement des chantiers de Saint-Nazaire ne sont en cause dans le développement de la situation du groupe STX Corée. À l’inverse, STX France a pleinement consolidé son activité ces derniers mois grâce à d’importants contrats remportés, en particulier à l’export, notamment, vous l’avez cité, monsieur le sénateur, la construction du plus grand paquebot de croisière du monde, Oasis 3. L’activité de Saint-Nazaire n’est donc pas menacée par les événements de Corée.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce dossier afin de conforter, comme vous l’avez souhaité, parmi les options que vous évoquez, l’avenir industriel des chantiers, qu’il continuera d’accompagner dans leur développement et leur diversification.
Le Gouvernement a donc confiance dans l’avenir capitalistique des chantiers. La preuve en est qu’il suit avec la plus grande attention la restructuration actuelle du groupe coréen STX. Le Premier ministre lui-même a évoqué, à la fin du mois de juillet dernier, lors de son déplacement en Corée, cette restructuration avec le Premier ministre coréen.
Cette confiance n’empêche pas la vigilance. Le principal enjeu demeure, pour nous comme pour vous, l’activité des chantiers, plus que sa structure actionnariale.
De quoi les chantiers de Saint-Nazaire ont-ils besoin aujourd’hui ? D’une part, vous l’avez dit, de continuer à engranger des commandes pour poursuivre la consolidation des perspectives de charge de travail. D’autre part, de poursuivre les actions visant à renforcer leur compétitivité et à circonscrire l’exposition de leur activité à un nombre limité de commandes dans le secteur de la croisière. C’est le sens des développements dans l’éolien offshore.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces aspects sont aussi importants pour l’entreprise que les questions actionnariales. (Mme Isabelle Pasquet s’exclame.)
Pour conclure, l’État entend rester un partenaire de long terme du groupe aux côtés d’actionnaires industriels responsables, désireux de développer la société, son activité et l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
retraites des anciens combattants
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.
Au préalable, je souhaiterais que la réponse qui me sera faite soit exempte de tout caractère polémique et sorte du sempiternel refrain : « Quand vous étiez au gouvernement… »
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Roland Courteau. C’était il n'y a pas si longtemps, pourtant !
M. Alain Dufaut. J’associe également à ma question notre collègue Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d’études des sénateurs anciens combattants.
Monsieur le ministre, le 24 septembre dernier, vous avez publié un décret amputant de 20 % la rente mutualiste du combattant, qui, je le rappelle, a été créée en 1923. Si nous ne contestons pas l’impératif de réduction de la dépense publique, nous considérons que cela ne peut se faire sur le dos de ceux qui ont combattu pour la liberté et pour les valeurs de la France.
M. Alain Fouché. C’est bien vrai !
M. Alain Dufaut. Pour les anciens combattants et pour les soldats engagés aujourd’hui dans les OPEX, c'est-à-dire dans opérations extérieures, qui sont les anciens combattants de demain, la rente mutualiste est plus qu’un simple droit qu’on pourrait ajuster au gré des impératifs budgétaires. C’est en effet un droit imprescriptible, une reconnaissance de la Nation tout entière pour leur engagement et leur sacrifice sous le drapeau français.
Monsieur le ministre, nous savons que vous avez engagé des négociations avec Bercy et les principaux organismes gestionnaires, tels que la CARAC, la Caisse autonome de retraite des anciens combattants, ou La France mutualiste. Vous avez également annoncé devant l’Assemblée nationale, la semaine dernière, la création d’un comité de suivi qui se réunirait annuellement afin d’examiner les projections démographiques et l’évolution des dépenses liées à l’abondement de l’État, afin de rétablir éventuellement le taux normal de la majoration.
Surtout, vous avez annoncé que cette mesure serait transitoire. Nous voudrions bien le croire, mais nous ne sommes jamais trop prudents et nous refusons solennellement que ce futur comité soit un palliatif d’une réduction du taux de majoration de la RMC, la retraite mutualiste du combattant, qui ferait en quelque sorte jurisprudence.
Enfin, et surtout, raboter le taux de majoration de la RMC, c’est s’attaquer aux principes fondateurs de notre défense nationale. C’est s’attaquer au principe de l’égalité entre les générations du feu, et cela, c’est inacceptable pour toute la communauté de la défense.
Monsieur le ministre, à l’heure où bon nombre de nos anciens combattants vivent en dessous du seuil de pauvreté, à l’heure où les futurs anciens combattants sont rentrés d’Afghanistan et se battent au Mali, pourriez-vous nous dire précisément combien de temps va durer cette mesure transitoire ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je n’ai aucune intention de polémiquer avec vous sur ce sujet important. Bien au contraire, j’entends répondre précisément à votre question et même faire preuve de pédagogie pour que vous y voyiez plus clair sur les intentions du ministre délégué chargé des anciens combattants, qui, retenu par ailleurs, m’a demandé de vous répondre.
Comme vous le savez, Kader Arif s’est entretenu avec les acteurs du système mutualiste. Un dialogue enrichi s’est ensuivi, qui a permis de définir des pistes pour sécuriser les dispositifs fiscaux dont bénéficient les anciens combattants et stabiliser en même temps la dépense budgétaire afférente à ce système.
Qu’en est-il ressorti ? Une baisse, c’est vrai, mais très modeste, de l’abondement de l’État, qui ne porte que sur la partie spécifique et non sur la partie légale de ces dispositifs mutualistes.
Cette concertation a permis de sécuriser la rente mutualiste comme un dispositif qui relève du droit à réparation, de préserver la double exonération fiscale à l’entrée à la sortie des rentes mutualistes, qui est leur principal avantage, de maintenir à 125 points PMI – pension militaire d’invalidité – le plafond de ces rentes, de maintenir à niveau constant le coût budgétaire de la rente mutualiste à hauteur de 255 millions d’euros, enfin – c’est un point important –, d’éviter toute remise en cause de la demi-part fiscale pour les veuves d’anciens combattants.
Deux mutuelles importantes, qui représentent environ 60 % des bénéficiaires de la RMC, ont salué ces résultats, dans un communiqué publié le 10 octobre dernier, disant à la fois leur satisfaction quant à la concertation conduite par le ministre chargé des anciens combattants et leur accord avec la solution élaborée en toute transparence.
M. Alain Gournac. Pourquoi donc sont-ils mécontents alors ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Par ailleurs, le ministre délégué chargé des anciens combattants a souligné que serait mise en place une commission de suivi – vous l’avez évoquée –, dont la mission consistera à surveiller l’impact de cette mesure sur les bénéficiaires de la rente. Par conséquent, une évaluation progressive sera menée.
Plus généralement, monsieur le sénateur, je veux souligner que, dans un contexte financier que nous savons tous difficile, tout a été fait pour préserver le budget des anciens combattants. La baisse de ce budget est certes de 2,7 %, mais elle est inférieure de moitié à la baisse de 5,4 % que la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez, lui avait imposée entre 2011 et 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et voilà ! Il y avait longtemps…
M. Alain Gournac. Pas de polémique, disiez-vous !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Grâce à la préservation des moyens de ce budget, nous avons pu tenir des promesses que vous-mêmes aviez prises voilà de nombreuses années sans jamais les tenir. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. C’est inacceptable !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je pense à l’extension des droits à la carte du combattant accordée aux personnes qui ont participé aux opérations militaires en Afrique du Nord, à l’accroissement de 6 % de l’aide sociale de l’Office national des anciens combattants, enfin, à la meilleure prise en charge des invalides mutilés – je tiens à les saluer ici –, grâce au financement de prothèses de nouvelle génération. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC.)
crédits de la gendarmerie
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, depuis votre arrivée Place Beauvau, nous sommes nombreux à adhérer à votre discours particulièrement ferme et très volontariste en matière de sécurité. Vous avez rappelé qu’il faut lutter contre les phénomènes délinquants et mafieux, démanteler les trafics et combattre l’exploitation de la misère qui s’y greffe.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Michel Savin. Toutefois, ce qui paraît évident dans vos discours l’est malheureusement moins au niveau de vos résultats, comme en atteste le dernier bilan de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
Je ne doute pas que vous aurez à cœur de nous expliquer que les chiffres manquent de fiabilité. Reste que la plupart des indicateurs sont à la hausse. C’est particulièrement vrai dans les zones de gendarmerie où, sur les douze derniers mois, les cambriolages ont augmenté de 12 % et les violences aux personnes de 10,4 %.
Dans ce contexte, nos 100 000 gendarmes ont, plus que jamais, besoin des moyens matériels indispensables pour remplir efficacement leur mission. Or ils éprouvent actuellement les plus grandes difficultés à boucler leur budget de 2013.
Lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 16 octobre dernier, le directeur général de la gendarmerie nationale avait d’ailleurs attiré l’attention sur les véritables difficultés engendrées par un budget sous tension.
À titre de simple exemple, le volume d’essence disponible pour les 30 000 véhicules de gendarmerie est en baisse de 6 % par rapport à 2012. Ces restrictions portent également sur le matériel informatique, les véhicules et les équipements nécessaires aux militaires.
M. Alain Fouché. C’est pareil pour la justice !
M. Michel Savin. Autre sujet d’inquiétude, il serait aujourd’hui question, pour la direction de la gendarmerie nationale, de reporter le paiement des loyers dus aux collectivités locales, et ce pour continuer d’assurer le bon fonctionnement des unités.
Monsieur le ministre, dans un contexte économique et social difficile, les gendarmes sont les premiers exposés à l’augmentation de la délinquance. Ils font, jour et nuit, un travail difficile et exigeant pour garantir la sécurité de nos concitoyens. Mais on ne peut pas leur demander plus de résultats, qui passent par une présence accrue sur le terrain, et, dans le même temps, réduire leurs moyens d’intervention.
Aussi, je vous remercie de m’indiquer, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement entend prendre rapidement pour garantir les crédits nécessaires au bon fonctionnement de nos gendarmeries. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l’attention que vous portez à la situation de la gendarmerie, mais, vous le savez, depuis six ans, ses crédits de fonctionnement et d’investissement ont baissé, sous la majorité que vous défendiez, de 18 %. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Autant que cela ?
M. Roland Courteau. Tiens, la droite l’a oublié !
M. Manuel Valls, ministre. Je regarde la réalité en face, et je constate que, depuis trente ans, les violences sur les personnes ne cessent d’augmenter – près de 30 % au cours de ces dix dernières années – et que, depuis cinq ans, le nombre des cambriolages explose. Ces derniers mois, ces violences et ces cambriolages, sauf dans les zones de sécurité prioritaires, ont encore augmenté.
Par conséquent, sur ces sujets difficiles, nous devons ensemble nous attaquer à de tels phénomènes. Pour cela, nous avons décidé d’arrêter l’hémorragie que la police et la gendarmerie ont connue en matière d’effectifs – 6 700 postes supprimés dans la gendarmerie en cinq ans –, de remplacer tous les départs à la retraite et de créer tous les ans de 400 à 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes. (M. Michel Vergoz s’exclame.) La priorité à la sécurité, ce sont à la fois des moyens et des effectifs en plus. C’est le choix du Gouvernement et du Président de la République.
Chaque année, des discussions ont lieu sur la fin de gestion des budgets de l’État, nous n’y avons pas échappé. Le général Favier a eu raison de souligner les difficultés qui se sont posées à la gendarmerie, pas seulement cette année, mais au cours de ces dernières années.
Le Premier ministre vient de décider de dégeler 111 millions d’euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie,…
M. Gérard Larcher. C’est indispensable !
M. Manuel Valls, ministre. … ainsi que 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour répondre aux besoins immobiliers les plus pressants dans la gendarmerie nationale pour le logement des familles. J’ai eu l’occasion de l’annoncer ce matin lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité » en commission élargie à l’Assemblée nationale, et j’ai le plaisir de le rappeler dans votre enceinte.
Cette décision du Gouvernement aura une conséquence très simple : pour la première fois depuis 2007, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits exécutés par la police nationale et la gendarmerie nationale sont en augmentation par rapport à l’année précédente de 2 %, soit 40 millions d’euros.
Dans un moment difficile pour nos finances publiques, vous l’avez rappelé, nous augmentons le nombre des postes dans la police et dans la gendarmerie, et nous donnons, en fonctionnement et en investissement, des moyens supplémentaires à la gendarmerie. C’est vrai pour les brigades de gendarmerie, les forces mobiles, le parc automobile de la gendarmerie, le carburant, les équipements informatiques.
Pour nous, la priorité à la sécurité, ce ne sont pas des mots, ce sont des actes, et nous les accomplissons sur le terrain. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
cession pour l'euro symbolique des bases de défense
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
La loi de finances pour 2009 du 27 décembre 2008 a institué, en son article 67, le contrat de redynamisation des sites de défense, ou CRSD, afin d’ouvrir le droit pour l’État de céder, à l’euro symbolique, certains terrains militaires reconnus comme étant inutiles par le ministère de la défense au profit des communes dans lesquelles ces domaines fonciers sont situés.
Le décret d’application du 3 juillet 2009 a fixé la liste des communes éligibles au dispositif. Pour la Polynésie française, il s’agit des communes de Arue, de Faa’a, de Mahina, de Papeete, de Pirae, de Punaauia, de Taiarapu-Est et de Teva-i-Uta pour l’île de Tahiti, celles de Hao et de Tureia aux îles Tuamotu, et celle de Nuku-Hiva aux îles Marquises.
Ce dispositif a été approuvé à l’unanimité des représentants élus de l’assemblée de la Polynésie française en décembre 2011, puis par les différents gouvernements locaux successifs. Depuis lors, la plupart des communes éligibles ont adopté, lors de leurs conseils municipaux, des délibérations pour approuver les projets de reconversion qu’elles souhaitaient engager.
Or, depuis 2009, les communes polynésiennes semblent être les seules à n’avoir pas encore bénéficié de ce dispositif jusqu’à ce jour. Devant une telle situation, un certain nombre de maires polynésiens ont récemment annoncé vouloir passer à la phase contentieuse, ce qui me désole. À cet égard, il serait légitime qu’un dialogue direct puisse être envisagé à Paris avec les maires concernés, dès lors qu’ils vous en feraient la demande.
Les maires polynésiens manifestent ensuite une incompréhension de fond sur le retard accumulé.
L’acquisition des terrains militaires dont il s’agit remonte aux années soixante et obéissait à une décision politique. Le dispositif CRSD de 2008 trouve encore sa source dans une décision politique. C’est bien une décision politique qu’attendent aujourd’hui ces onze communes de Polynésie française éligibles au dispositif CRSD, en vue du dénouement de cette affaire.
En votant l’amendement du rapporteur de la commission des finances visant à ajouter un nouvel article 29 bis au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, adopté lors de sa séance du 21 octobre dernier, le Sénat a rouvert la voie à cette solution politique, et je l’en félicite. Ainsi, le délai d’expiration du dispositif CRSD est repoussé au 31 décembre 2019.
Les discussions récentes entre le Gouvernement et mes collègues députés polynésiens laisseraient à penser que le CRSD sera encadré à travers l’outil du syndicat mixte. Mais une telle solution technique n’offre pas à ce dispositif, monsieur le ministre, un cadre de gouvernance qui garantisse le respect du principe de libre administration des collectivités locales. Les tensions politiques locales, à des degrés variables, risqueraient de s’envenimer.
Toutefois, d’autres solutions pourraient être trouvées à travers l’extension à ce dispositif d’outils contractuels ayant déjà fait leurs preuves en Polynésie française. Je veux parler du contrat de ville, mais aussi du contrat urbain de cohésion sociale.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Richard Tuheiava. Je termine, monsieur le président.
Ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aboutir à un dénouement rapide et concret du dispositif CRSD en faveur des communes éligibles de Polynésie française ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous présenter les excuses de M. le ministre de l’économie et des finances, car j’ai omis de le faire tout à l’heure.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la situation des communes de Polynésie française qui, quoique étant éligibles au dispositif de cession à l’euro symbolique, n’ont pu acquérir les emprises libérées par le ministère de la défense dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Cette impossibilité résulte, vous le savez et vous l’avez évoqué, du contexte institutionnel propre à la Polynésie française. En application du statut d’autonomie, les communes ne peuvent mobiliser leurs compétences aux fins de mettre en œuvre les projets d’aménagement devant être réalisés sur les sites concernés, sauf dans le cadre d’une loi de pays et de réglementation polynésienne, et sous réserve du transfert des moyens nécessaires.
À l’inverse, la collectivité de Polynésie française, qui dispose des compétences, n’est pas éligible au dispositif de cession à l’euro symbolique.
La commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l’État, organe garant du respect des procédures en matière de cession domaniale, a été saisie du dossier par deux fois. Cette commission, composée de membres des corps d’inspection et de contrôle, ainsi que des magistrats du Conseil d’État, a invariablement rendu un avis négatif, motivé principalement par la difficulté juridique que j’ai rappelée.
La situation actuelle résulte donc non pas d’un blocage du Gouvernement, mais plutôt d’un défaut du dispositif mis en place par nos prédécesseurs, qui ont omis de prendre en compte les spécificités du contexte institutionnel polynésien et les difficultés d’application qui en résulteraient.
Le Gouvernement partage, je vous le confirme, votre volonté de trouver une issue rapide à une situation dommageable à la Polynésie française et à ses habitants. Il va de soi que les engagements pris par l’État au titre de l’accompagnement des restructurations de défense doivent être tenus en métropole comme dans les outre-mer. L’État soutient et soutiendra les projets de redynamisation économique des sites concernés et de construction de logements sociaux. C’est d’ailleurs l’intérêt de l’État, qui est propriétaire de ces terrains.
La loi de programmation militaire actuellement en discussion au Parlement prévoit explicitement la prorogation du dispositif de cession de l’euro symbolique jusqu’en 2019, vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le sénateur.
Je vous confirme enfin que notre souhait est de faire émerger avant l’expiration du dispositif actuel une solution juridiquement incontestable et qui recueillerait l’assentiment des collectivités.
Je conclus en vous disant que les députés de Polynésie ont à cet égard évoqué la possibilité de constituer des syndicats mixtes. Le Gouvernement est à l’écoute de cette proposition, et le haut-commissaire assure un dialogue constant avec les collectivités. Si d’autres schémas sont proposés par les acteurs locaux et qu’ils permettent de surmonter la difficulté juridique à laquelle nous faisons face collectivement, le Gouvernement est tout naturellement prêt à les examiner avec vous et l’ensemble des acteurs concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)