M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Patriat, Michel Sapin aurait souhaité vous répondre. Quant à moi, j’associe à ma réponse Sylvia Pinel, qui travaille sur les questions que vous avez évoquées.

Dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de faire progresser le nombre d’apprentis, de 435 000 à la fin de 2012 à 500 000 en 2017. Pour y parvenir, il a déjà pris un certain nombre d’initiatives, en particulier le renouvellement des développeurs de l’apprentissage – vous y avez fait allusion – et l’accélération du programme des investissements d’avenir consacrés à la formation et à l’hébergement des apprentis, un aspect qui a été trop souvent oublié.

Par ailleurs, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, actuellement soumis à l’examen du Sénat, prévoit d’améliorer de façon substantielle les droits à la retraite des apprentis ; cet aspect aussi avait été oublié.

Une étape de plus grande ampleur sera franchie avec la mise en œuvre d’une réforme plus globale de l’apprentissage et de son financement. Celle-ci interviendra au terme d’une première phase de concertation conduite par Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et par Sylvia Pinel avec les grands acteurs de l’apprentissage, les partenaires sociaux, les régions et les chambres consulaires.

Monsieur Patriat, les principaux axes de cette réforme, que le Gouvernement vient de rendre publics, correspondent, pour la plupart, aux conclusions de votre rapport d’information, dont tout le monde loue la très grande qualité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Plus précisément, nous voulons orienter davantage les ressources vers le financement de l’apprentissage et simplifier le dispositif de collecte de la taxe d’apprentissage en réduisant le nombre d’organismes collecteurs – monsieur le sénateur, vous serez entendu à cet égard. Notre intention est également de renforcer le dialogue social et territorial en vue de la répartition de cette taxe et de sécuriser le parcours de formation des apprentis.

Dans le nouveau dispositif, les régions, compétentes dans le domaine de l’apprentissage depuis les premières lois de décentralisation, seront confortées dans leur rôle de financement et de régulation ; monsieur Patriat, vous serez donc exaucé. Leurs moyens seront renforcés, conformément aux engagements pris dans le cadre du pacte national : pour cela, une part de la taxe d’apprentissage sera régionalisée, et son produit réparti selon des règles favorables au développement de l’apprentissage.

En outre, une concertation sera organisée entre les régions et les organismes collecteurs sur la répartition des fonds libres, afin d’optimiser l’articulation des politiques de développement de l’alternance des branches et des territoires.

Cette réforme d’ampleur, nous entendons qu’elle entre en vigueur dès le 1er janvier 2015 ; monsieur Patriat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous comptons sur votre soutien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Marc. Bravo !

défense des ong environnementales

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Ma question s’adressait à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

Depuis six semaines, l’équipage de l’Arctic Sunrise, navire de l’ONG Greenpeace, est en détention provisoire dans la prison de Mourmansk, en Russie. Son crime : avoir dénoncé, de manière non violente, les projets de forage de la société Gazprom au-delà du cercle polaire.

Pouvons-nous laisser condamner des citoyens lanceurs d’alerte, accusés parce qu’ils refusent le saccage de l’Arctique ? Bien évidemment, non !

L’Arctique abrite un écosystème fragile et unique au monde, et de nombreuses espèces protégées y vivent ; elles sont en voie de disparition, alors qu’elles sont nécessaires – ô combien ! – au devenir de l’humanité. Mes chers collègues, songez que, en trente ans, la superficie moyenne de la banquise est passée de 6,5 à 3,4 millions de kilomètres carrés, soit une diminution équivalente à près de cinq fois la superficie totale de la France !

Or, dans la mesure où la banquise réfléchit les rayonnements solaires et contribue directement à la régulation des températures, sa disparition marquerait un point de non-retour dans le réchauffement climatique ; elle provoquerait la montée du niveau des eaux et l’acidification des océans, ce qui affecterait nécessairement les ressources halieutiques.

L’Arctique, qui renfermerait 22 % des réserves mondiales d’hydrocarbures, fait l’objet d’une sinistre convoitise de la part des groupes pétroliers et miniers. Plus grave encore : l’accroissement inéluctable des stress environnementaux et énergétiques dans cette région du monde sera source, à terme, de tensions et de conflits ; c’est la raison pour laquelle nous autres, écologistes, plaidons en faveur du concept de green defense.

Alors que, dans deux semaines, la communauté internationale débattra à Varsovie des moyens de faire face au réchauffement climatique, le Premier ministre, actuellement à Moscou, ne peut ignorer les activités néfastes pour l’environnement des groupes pétroliers, notamment de Gazprom, poids lourd de l’industrie russe. Il semblerait qu’il ait prévu d’évoquer le sujet avec les autorités russes. Dont acte !

Il est impératif que notre diplomatie use de toute son influence pour libérer les trente prisonniers et lancer un nouvel élan international en faveur d’une convention maritime mieux adaptée aux problèmes d’aujourd’hui.

Madame la ministre, l’Arctique ne doit pas être un enjeu géoéconomique. Seule la sanctuarisation de cette zone permettra, à terme, de prévenir les risques inhérents à l’exploitation massive des matières premières et à la pêche industrielle, comme les marées noires, et de pallier ainsi les insuffisances de la convention de Montego Bay.

Devant l’indifférence coupable des nations et le dramatique silence de l’ONU et de l’Europe, les ONG environnementales mènent, parfois au péril de la vie de certains militants, une action essentielle pour le bien-être des générations futures et pour la survie de l’humanité. Les « Trente de l’Arctique » ont d’abord été injustement qualifiés de terroristes, de pirates, de hooligans et de vandales ; en réalité, ces militants sont des héros ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Il ne faut pas exagérer !

Mme Leila Aïchi. Oui, des héros, au même titre que Chico Mendes, mort pour la défense de l’Amazonie, et que le capitaine Paul Watson, de l’ONG Sea Shepherd, sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour sa lutte contre la pêche industrielle et illégale, et que le Gouvernement a ignoré.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Leila Aïchi. Madame la ministre, quelle action le Gouvernement compte-t-il mener pour obtenir la libération des trente héros de Greenpeace ? (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. La question !

M. le président. Ma chère collègue, il faut vraiment conclure !

Mme Leila Aïchi. Comment la France peut-elle protéger les lanceurs d’alerte internationaux, à commencer par le capitaine Watson, en favorisant la création d’un statut international de réfugié politique écologiste ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, l’Arctic Sunrise a été arraisonné il y a maintenant plus d’un mois par les autorités russes. Les trente militants de Greenpeace qui étaient à son bord sont depuis lors en détention préventive dans la ville de Mourmansk. Parmi eux figure l’un de nos compatriotes, Francesco Pisanu. La France lui a immédiatement accordé la protection consulaire, et je veux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous suivons avec la plus grande attention les développements de cette affaire.

Le Premier ministre, vous le savez, est en ce moment même en Russie, et il ne m’appartient pas, vous le comprendrez, d’évoquer à sa place sa visite. Toutefois, je peux vous dire avec certitude que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette affaire. Il agit de la façon la plus efficace possible, en particulier dans l’intérêt de notre compatriote.

Ces questions font partie de la politique étrangère de la France, quel que soit le déplacement ministériel effectué. En Russie comme dans les autres pays, les autorités françaises les évoquent avec franchise, mais aussi dans le respect des interlocuteurs. Je crois en effet que c’est en créant les conditions du dialogue, en examinant posément la situation, notamment celle de notre compatriote, qu’on pourra apporter une réponse concrète à ce problème.

S’agissant du sujet de fond que vous évoquez, madame la sénatrice, à savoir la question de l’exploitation des ressources naturelles en Arctique, vous savez qu’elle fait aujourd'hui l’objet de débats au sein du Conseil de l’Arctique. Sachez que, en tant qu’observatrice au sein de cette institution, la France compte bien y prendre toute sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)

situation en bretagne

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Madame Vallaud-Belkacem, depuis plus d’un an, la Bretagne est saignée, soumise à un véritable désastre économique et social. Dans cette déroute, elle est loin d’être la seule région frappée par un système à bout de souffle, qui conduit à la faillite d’entreprises et à des licenciements massifs et souvent abusifs.

Ce que vous appelez la compétitivité représente, pour nos concitoyens, une réalité tragique, à l’opposé d’une visée humaniste. Au regard du contexte actuel, l’annonce de la suspension de l’application de l’écotaxe sur l’ensemble du territoire national était la seule décision adaptée face à l’urgence sociale et la cristallisation des mobilisations et des tensions.

Pour autant, l’écotaxe ne doit pas être rejetée par principe. Sa mise en œuvre doit s’inscrire dans une réflexion globale sur la transition écologique des territoires, par le développement du ferroutage et la relocalisation des modes de production et de distribution. Un grand débat sur les coûts du transport s’impose !

Toutefois, une telle volonté est loin d’apparaître clairement pour la Bretagne, d’autant que vous avez annoncé le non-financement de la ligne de chemin de fer Brest-Quimper-Rennes. Comment, dans ces conditions, changer les pratiques et développer de nouvelles infrastructures de transports, si l’État n’accorde pas les moyens suffisants ?

Toutefois, l’écotaxe n’est pas la seule cause de la crise du monde agricole et du modèle économique breton. Guidées par les seuls signaux du marché, les entreprises se livrent à la plus farouche concurrence, s’efforçant de baisser le coût du travail, pour affronter des cours agricoles au plus bas. Seuls les actionnaires s’engraissent, alors que des milliers de salariés sont abandonnés à leur sort ! Il n’y a pas de fatalité aux politiques d’austérité, de chômage de masse, de dumping social, à la LME, c'est-à-dire à la loi de modernisation de l’économie, dont les conséquences sont désastreuses, et aux tentatives de contractualisation plus favorables aux grands distributeurs qu’aux producteurs.

Il faut engager la bataille de la ré-industrialisation agroalimentaire ! L’avenir de ce secteur et une nouvelle ambition agricole passent par la juste rémunération du travail des salariés et des paysans, dans le cadre d’un soutien aux filières de production relocalisées.

Pour s’en sortir, il faut d’urgence s’engager dans une autre voie. Le Gouvernement doit s’opposer aux licenciements boursiers, mettre en place de nouveaux systèmes de régulation, mais surtout mener prioritairement une réforme fiscale d’envergure plaçant la justice et l’équité au centre de notre fiscalité.

Madame la ministre, la Bretagne veut vivre ! Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre dans les prochains mois pour qu’elle retrouve espoir en l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet faisant l’objet, vous le savez, de toutes nos préoccupations.

Le Premier ministre réunissait encore mardi dernier à Matignon les élus de Bretagne. C’était une réunion exceptionnelle, justifiée par une situation exceptionnelle, associant non seulement les parlementaires, mais aussi les élus de la région et du département. Vous y étiez, monsieur le sénateur, et je vous en remercie.

La Bretagne est une région dynamique, qui dispose de nombreux atouts.

M. Alain Gournac. Et les Yvelines ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Elle traverse aujourd'hui une crise, en particulier dans le secteur de l’agroalimentaire. Dès le début, le Gouvernement s’est mobilisé, prenant l’initiative. Je pense notamment à la situation que nous avons trouvée au groupe Doux ou au groupe Gad.

Le 12 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé non seulement un plan agroalimentaire pour la Bretagne, mais aussi des mesures d’urgence, sous forme de moyens financiers immédiatement disponibles, notamment pour accompagner les salariés de ces entreprises et celles qui sont le plus touchées.

Aujourd'hui, nos objectifs sont simples : préserver l’emploi et rendre des perspectives économiques à la région. Le 16 octobre dernier, Jean-Marc Ayrault a proposé une deuxième étape dans la mobilisation, avec le pacte d’avenir pour la Bretagne, qui a pour priorité de moderniser l’appareil productif. Un contrat de plan État-région anticipé a été annoncé, qui est déjà en préparation entre le préfet de région et les élus du territoire.

Force est de constater aujourd'hui que ce travail doit être collectif ; c’est ce qui fera la force de la Bretagne. Or il a été bloqué, vous l’avez dit, concernant l’écotaxe. La mise en œuvre de ce projet voté en 2009, conçu par l’ancienne majorité…

M. Alain Gournac. Voté par vous !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et préparé par le gouvernement précédent, avait déjà été reportée une fois, preuve des difficultés qu’elle posait. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Fouché. Prenez vos responsabilités !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez pas su la mettre en place !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Chacun sait ici que l’écotaxe n’est pas la cause de la crise de l’agroalimentaire en Bretagne. Toutefois, elle soulève indéniablement des questions de mise en œuvre, qui n’ont pas été anticipées par le gouvernement précédent. (Mêmes mouvements.)

Le gouvernement actuel a déjà corrigé certains effets négatifs de cette écotaxe, mais, à l’évidence, ce n’était pas suffisant. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a choisi de recréer les conditions d’un dialogue constructif dans la région, en suspendant la mise en œuvre de cette mesure.

M. François Marc. C’est une bonne décision !

M. Alain Gournac. Il fallait y penser avant !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ce dialogue devra associer toutes les bonnes volontés. Je sais qu’elles sont nombreuses, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’en faire partie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

sécurité sociale des frontaliers

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Ma question s’adressait au ministre de l’économie et des finances, mais il n’est pas là. Pourtant, il avait, au mois d’août dernier, avec beaucoup de raison, mis en garde contre le « ras-le-bol » fiscal. Le Président de la République avait répondu par la promesse d’une « pause » en la matière ; aujourd’hui, plus personne n’y croit.

Après les énormes efforts qui leur ont été demandés l’an dernier, les ménages vont payer 12 milliards d’euros de plus en 2014.

M. Roland Courteau. La faute à qui ?

M. Gilbert Barbier. Le premier moteur de la croissance, c’est la confiance. Mais celle-ci suppose un cap et une certaine stabilité.

M. Alain Gournac. Alors là !

M. Gilbert Barbier. Or il n’est pas une semaine sans que vous inventiez un nouvel impôt ou changiez les règles du jeu ! On ne compte plus les revirements ou les volte-face : taxe sur le diesel, taxe sur l’EBE, l’excédent brut d’exploitation, TVA réduite sur les produits de première nécessité, taxe à 75 % sur les hauts revenus, fiscalité sur l’épargne ou encore écotaxe.

M. Roland Courteau. Et la dette ?

M. Gilbert Barbier. Comment voulez-vous que nos concitoyens vous fassent confiance ? Au mécontentement des retraités, des salariés et des consommateurs s’ajoute celui des quelque 170 000 travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse. Ils ont été plusieurs milliers à défiler, il y a quinze jours, devant les portes de l’Assemblée nationale et, le week-end dernier, dans certaines villes, notamment à Pontarlier, que M. le ministre de l’économie connaît bien, puisqu’elle se situe dans son département, pour défendre le droit d’option dont ils bénéficient en matière d’assurance maladie.

Comme vous le savez, ce droit d’option arrive à échéance en mai 2014. Malgré l’appel des élus des zones frontalières de Franche-Comté, d’Alsace, de l’Ain et de la Haute-Savoie, vous avez décidé de ne pas proroger ce dispositif, au nom de l’égalité de tous au regard des droits sociaux.

Toutefois, de quelle égalité s’agit-il ? Ces personnes travaillent dans un pays où le droit du travail est bien moins protecteur que le nôtre ; ils supportent des contraintes liées aux déplacements, au logement et aux congés ! Et demain, il leur en coûtera environ le double d’aujourd’hui pour être assurés contre le risque maladie, soit environ 150 euros à 250 euros par mois, sous forme de prélèvement.

En leur imposant d’abandonner leur assurance privée pour rejoindre le régime de sécurité sociale, vous faites un choix idéologique, qui, de surcroît, pose la question de la poursuite des soins engagés en Suisse.

Madame la ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter à tous ces frontaliers, qui demandent seulement qu’on ne les décourage pas d’aller au travail ?

M. Alain Gournac. Une table ronde ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Touraine, qui ne peut pas vous répondre aujourd'hui.

Vous avez raison, jusqu’ici les frontaliers ont bénéficié d’un droit d’option entre l’assurance maladie française et l’assurance privée. Ce droit d’option étant réversible, certains d’entre eux s’adressaient d’ailleurs à l’assurance privée quand ils étaient jeunes et bien portants, pour revenir vers l’assurance maladie française quand ils étaient plus âgés, ce qui contrevient bien évidemment à nos valeurs.

À l’inverse, sachons aussi que l’un d’eux a été radié de l’assurance privée, alors qu’il venait d’apprendre qu’il était atteint, malgré son jeune âge, d’un cancer. Il a alors appelé les autres frontaliers à s’orienter vers l’assurance française.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle, mais vous le savez, que l’agenda de la fin du droit d’option a été fixé par le gouvernement de droite soutenu par la majorité précédente. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Donc, à nous la faute !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Je n’ai pas parlé de faute ! Simplement, vous en avez fixé l’agenda. Nous nous sommes cantonnés, de notre côté, à améliorer les conditions de cette transition.

C’est ainsi qu’un tarif dégressif a été mis en place : la cotisation atteindra seulement 6 % la première année et 8 % la seconde, ce qui permettra à 50 % des frontaliers, dont 3 500 Jurassiens, qui vous sont chers, monsieur le sénateur, de ne pas débourser un euro de plus et, dans la période suivante, de bénéficier d’un tarif de cotisation raisonnable.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez affirmé, Mme Touraine a pris l’engagement formel que tous les patients qui auraient commencé un traitement lourd en Suisse pourront le poursuivre sans aucun problème.

Enfin, vous le savez, ce droit d’option était anticonstitutionnel et contrevenait aux valeurs qui ont présidé à la mise en place de l’assurance maladie à la française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Daudigny. Excellente réponse !

roms

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François-Noël Buffet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

M. Alain Gournac. Enfin ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François-Noël Buffet. Dans le département du Rhône, le préfet vient de prendre une décision de réquisition d’un terrain situé sur la commune d’Oullins, afin d’y installer 300 demandeurs d’asile, expulsés de la ville de Lyon, à la suite d’une procédure d’expulsion engagée par le maire de cette ville, président du Grand Lyon.

Le terrain choisi se situe sur une petite commune de 26 000 habitants, un petit territoire dans le cadre de la politique de la ville et qui, de surcroît, accueille déjà 225 demandeurs d’asile depuis longtemps.

L’émotion est extrêmement grande, d’abord parce que la pression migratoire sur le département du Rhône est très importante, ensuite parce que les habitants se sont mobilisés fortement contre la manière dont cette décision a été prise : avec plus de 6 000 pétitionnaires dans une commune de 26 000 habitants, vous conviendrez, monsieur le ministre, que l’opposition est importante.

Au plan national, nous le savons, les demandes d’asile sont en très forte augmentation. Le rapport du sénateur Roger Karoutchi (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un excellent rapport !

M. François-Noël Buffet. … indique même que, pour 2013, nous enregistrerons plus de 70 000 demandes. Par ailleurs, aujourd'hui, l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et la Cour nationale du droit d’asile ne rendent pas leurs décisions dans un délai inférieur à dix-neuf mois, ce qui est considérable. Je tiens à souligner que, sous le précédent gouvernement, ce délai avait été réduit, passant à dix mois.

Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que le problème tient à plusieurs facteurs.

Le premier tient à la difficulté de définir ce qu’est un pays d’origine sûr, et en particulier de trouver une position commune sur ce point à l’échelle européenne.

Le deuxième facteur est lié aux délais d’instruction, très longs, qui favorisent bien évidemment les filières d’immigration clandestine. Ces dernières profitent de la situation pour maintenir sur le territoire des gens qui ne relèvent pas du droit d’asile, auquel nous sommes tous attachés.

Enfin, je rappelle que, les années précédentes, sur les 53 000 décisions d’expulsion du territoire, seules 20 000 ont été exécutées. Les étrangers non expulsés sont donc restés sur le territoire national. De fait, comme l’ont fait remarquer nos collègues Christophe-André Frassa et Roger Karoutchi, nous produisons nos propres situations irrégulières.

Monsieur le ministre, je vous pose trois questions.

Tout d'abord, pouvez-vous intervenir auprès du préfet du Rhône pour qu’il revienne sur sa décision et reconsidère la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui ?

Ensuite, sur le plan national, ne serait-il pas opportun d’envoyer des représentants de l’OFPRA en Albanie, notamment, pour instruire sur place, immédiatement, les demandes d’asile qui pourraient être déposées ?

Enfin, quelles initiatives allez-vous prendre pour que l’Europe adopte une définition unique des pays d’origine sûrs et quels moyens allez-vous engager pour que soient exécutées les décisions de retour ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Vincent Placé s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la situation est très tendue en Rhône-Alpes et dans le département du Rhône. La région a connu une hausse de plus de 50 % du nombre des demandeurs d’asile et dans votre département ce nombre a doublé. Tant la ville de Lyon que le Grand Lyon sont touchés.

Le Rhône n’est pas le seul département à vivre une telle situation critique, à connaître une saturation des capacités d’hébergement. Ce sont 5 700 personnes qui y sont hébergées chaque jour par l’État et le préfet – c’est son devoir – veille à leur répartition sur l’ensemble du département. Toutefois, malgré ces efforts importants, il n’est pas possible de trouver des solutions d’hébergement pour tous. À la veille de l’hiver, nous vivons des situations particulièrement difficiles.

Dans le Rhône, la capacité d’accueil sera augmentée de 900 places durant la période hivernale. C’est pourquoi le préfet a décidé – j’y reviendrai – d’héberger sur un terrain de votre commune 290 demandeurs d’asile, dont près de 110 enfants, qui occupaient depuis le début de juillet 2013 une zone située à côté de la gare de Lyon-Perrache, sous un autopont, dans des conditions terribles que j’ai pu moi-même constater de visu voilà quelques jours.

Depuis 2011, d’autres communes de l’agglomération lyonnaise, dont la vôtre, ont participé à cet effort collectif d’hébergement, mais il est évident que nous ne tiendrons pas très longtemps avec des solutions de ce type.

S’agissant du terrain d’Oullins, je vais demander au préfet d’organiser autrement la répartition des demandeurs d’asile. Je vous connais bien, monsieur le sénateur, et je ne doute pas que vous participerez à cet effort. Je prends l’engagement auprès de vous de faire en sorte que l’accueil de ces populations soit organisé autrement.

Concernant la réforme du droit d’asile, elle est en cours. Depuis plusieurs mois, une concertation est menée par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, notamment pour réduire les délais. Ceux-ci étaient d’environ vingt mois sous le gouvernement précédent ; nous essayons de les réduire à seize mois, avec un objectif final de neuf mois. C’est difficile et c’est pourquoi nous avons donné des moyens à l’OFPRA. C’est toute la procédure qui doit être revue pour réduire les délais au niveau national, et la concertation doit s’engager au niveau européen. L’accueil sur notre territoire doit faire l’objet d’une organisation beaucoup plus directive.

Monsieur le sénateur, j’espère que nous parviendrons à une proposition consensuelle ; en tout cas, c’est mon souhait. En effet, nous avons besoin, au plan national comme à l’échelon local, de trouver les voies d’un consensus pour régler le problème de l’asile et le sort des déboutés de ce droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

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