Mme la présidente. L'amendement n° 155, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Après le mot : « accord », la fin de cet alinéa est supprimée ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article L. 138-29 du code de la sécurité sociale, qui est appelé à devenir l’article L. 4163-2 du code du travail, prévoit, à son deuxième alinéa, que les entreprises qui ne seraient pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité peuvent se voir imposer une pénalité financière correspondant au maximum à 1 % de leur masse salariale.
M. Gérard Longuet. C’est pas mal !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans les faits, cette sanction financière est tellement basse – nous ne partageons pas votre avis, monsieur Longuet – qu’elle n’incite pas fortement les employeurs à s’engager dans un réel processus de négociation sur la pénibilité. J’en veux pour preuve le fait que, selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites, seulement onze branches ont conclu un accord ; qui plus est, pour deux d’entre elles, il ne s’agit que d’un accord de méthode qui ne contient aucune proposition concrète de lutte contre la pénibilité. Le rapport du COR soulignait donc clairement que le nombre d’accords conclus était faible.
Bien évidemment, les plans d’action sont plus nombreux, puisqu’ils représentent environ 55 % des mesures prises pour lutter contre la pénibilité, tandis que les accords n’en représentent que 45 %. Les plans d’action sont moins contraignants, plus souples et moins coûteux pour les employeurs. Pour autant, malgré cette faculté, toutes les entreprises ne se sont pas engagées dans la mise en œuvre de plans d’action.
C’est pourquoi il nous semble utile de renforcer les sanctions, en précisant que le taux de la pénalité peut atteindre 10 % ; « peut » et non pas « doit » : l’autorité administrative conserverait la possibilité de fixer le montant de la pénalité, dans une fourchette comprise entre 1 % et 10 %, en fonction des efforts réellement engagés par l’employeur pour se conformer au droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à accentuer les incitations à la signature d’accords d’entreprise sur la prévention de la pénibilité, en sanctionnant les éventuels plans d’action unilatéraux adoptés par les employeurs.
Le projet de loi s’y emploie déjà, en prévoyant qu’un plan d’action ne pourra être adopté qu’en cas d’échec de la négociation d’un accord entre les partenaires sociaux dans l’entreprise, attesté par un procès-verbal. Je rappelle que c’est déjà ce qui a été retenu en matière d’égalité professionnelle et pour le contrat de génération. Il semble difficile d’aller plus loin. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour la même raison : la sanction proposée est disproportionnée.
J’en profite pour répondre à Philippe Bas.
Monsieur le sénateur, je vous invite à montrer à l’égard du ministère du travail la même bénévolence – je la salue – que vous montrez à l’égard de l’article 8. La démarche que vous avez évoquée existe déjà en matière d’égalité hommes-femmes. Quand l’employeur est à l’évidence de bonne foi, le ministère du travail, représenté par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, compétente, va dans son sens et le problème se résout.
Faisons confiance aux décisions de sagesse et de bienveillance du ministère du travail !
Mme la présidente. L'amendement n° 158, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. La réforme des retraites de 2010 comportait des mesures relatives à la pénibilité au travail, avec notamment des sanctions en cas de manquement à la loi, mais nous attendons toujours certains décrets d’application.
En pratique, on constate que peu d’entreprises respectent cette disposition, qui, au final, n’est que très peu appliquée. Par la modification de cet alinéa, nous proposons donc de mettre en œuvre une politique volontariste et incitative en relevant le seuil des pénalités dues par les entreprises de 1 % à 10 %. Le taux de cette pénalité ainsi relevée devrait avoir pour effet d’inciter les entreprises concernées à mettre en place des dispositifs de protection de leurs salariés pour les soustraire, en partie au moins, à la pénibilité de leur métier. C’est une mesure indispensable si l’on veut atteindre les objectifs fixés.
À l’heure de la sous-déclaration massive des accidents du travail, de l’augmentation des maladies professionnelles – la lecture de l’annexe 1 du PLFSS pour 2013 nous permet de constater, pour la période 2004-2011, une augmentation de 35 %, soit environ 4 % en moyenne annuelle, du nombre de maladies professionnelles reconnues – et des suicides au travail, il y a urgence à mettre en œuvre une prévention de la pénibilité efficace.
Par cet amendement, nous proposons donc de porter la pénalité due par les employeurs dont l’entreprise ne serait pas couverte par un accord ou un plan d’action de 1 % à 10 % de la masse salariale. Nous souhaitons ainsi inciter fortement les entreprises à négocier un accord avec les représentants des salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les accords de prévention de la pénibilité sont un dispositif encore récent. Il faut donc laisser le temps aux entreprises et aux partenaires sociaux de s’approprier cette problématique nouvelle.
La pénalité de 1 % a un effet incitatif indéniable. L’augmenter en la multipliant par dix représenterait un mauvais signal, alors que l’évaluation des accords et plans d’action en vigueur n’est pas encore faite. À mon sens, une telle mesure serait excessive et prématurée. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Soyez rassurés, je ne vais pas défendre l’amendement du groupe CRC. (Ah bon ? sur les travées du groupe CRC.)
Mme Catherine Procaccia. Pas à chaque fois ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Avec beaucoup de sincérité, je voudrais juste plaindre le Gouvernement d’avoir de tels alliés. Mme Demontès, avec un sang-froid que je veux saluer, a eu des mots que nous partageons totalement. Elle est intervenue sans choquer, sans brutaliser, avec retenue et mesure, mais elle nous a quand même bien fait comprendre qu’elle devait faire avec une majorité à peu près impossible à animer et à rendre cohérente.
Cet hommage diplomatique rendu à l’impossible conciliation de l’ensemble des gauches est un événement réjouissant.
M. François Trucy. In cauda venenum !
M. Roland Courteau. Ce n’est pas mieux à l’UMP !
Mme la présidente. L'amendement n° 160, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le troisième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Pour notre groupe, la question des pénalités à la charge des employeurs qui n’auraient ni conclu d’accord en faveur de la prévention de la pénibilité ni même mis en œuvre de manière unilatérale un plan d’action est centrale. Nous le savons, le nombre d’employeurs qui ne respectent pas leurs obligations en la matière est élevé, puisque le nombre d’entreprises couvertes par un accord ou un plan d’action est nettement inférieur au nombre d’entreprises satisfaisant aux obligations légales.
L’étude d’impact est en la matière particulièrement éclairante : on y apprend que, malgré l’existence d’une pénalité pouvant correspondre à 1 % de la masse salariale des salariés exposés, seulement deux branches sont aujourd’hui couvertes par un tel accord et 4 800 accords d’entreprise ont été signés. C’est dire si la menace de la sanction n’est pas particulièrement dissuasive, et ce pour au moins deux raisons : les employeurs savent pertinemment que le risque que le non-respect de leurs obligations soit constaté lors d’un contrôle est réduit ; ils peuvent également compter sur la clémence de l’autorité administrative qui est habilitée à prononcer la pénalité, puisque cette dernière peut faire varier le taux.
Je regrette d’ailleurs que l’étude d’impact soit si lapidaire sur cette disposition, car il nous manque des informations précieuses. Nous aurions notamment aimé connaître, madame la ministre, mais peut-être pouvez-vous nous le dire aujourd’hui, le nombre d’entreprises qui ont fait l’objet de contrôle, le nombre d’entre elles qui ont été sanctionnées, ainsi que le niveau moyen des sanctions.
En tout état de cause, nous sommes opposés à ce que l’autorité administrative puisse faire évoluer cette pénalité à la baisse.
Permettez-moi un parallèle un peu audacieux en apparence, mais qui a sa logique, avec la loi SRU : en l’espèce, l’absence d’application stricte des règles conduit les communes à ne pas respecter pleinement leurs obligations. S’agissant de la réforme que nous examinons, l’article 8 en particulier, on voit mal pourquoi les mêmes causes ne produiraient pas les mêmes effets. La question est pourtant majeure, puisqu’il s’agit théoriquement de contraindre des employeurs, parfois réticents, à prendre des mesures de prévention et de compensation en cas de pénibilité professionnelle.
En la matière, nous croyons en la force de la sanction, qui doit avoir une visée pédagogique. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le troisième alinéa de l’article L. 138-29 du code de la sécurité sociale, appelé à devenir l’article L. 4163-2 du code du travail, qui dispose que « le montant [de la pénalité] est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, estimant qu’il faut tenir compte des efforts faits par l’entreprise – il y en a qui en font – pour développer la prévention de la pénibilité. Néanmoins, si celle-ci se détourne totalement de ses obligations, il est évident que la pénalité sera bien de 1 % de la masse salariale, et non d’un montant inférieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Même avis.
J’en profite pour rappeler à M. Longuet, qui était tout à l’heure dans un moment d’euphorie, la très belle parabole de la paille et de la poutre…
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. La question qui nous est posée à travers cet amendement est de savoir si l’augmentation des pénalités permet d’avoir davantage d’effets sur la réalité. À l’évidence, cette problématique dépasse largement d’objet du présent projet de loi.
En tant que législateur – la législation portant sur la construction de logements sociaux par les communes a été évoquée –, nous sommes bien placés pour convenir que, face à des difficultés, nous sommes souvent tentés d’augmenter le quantum des peines et le niveau des pénalités. Or, à chaque fois que nous procédons ainsi, nous constatons que ceux qui sont en charge de prononcer ces sanctions se trouvent devant une responsabilité écrasante. En effet, plus la pénalité est forte, plus ses conséquences peuvent paraître disproportionnées par rapport à la situation qu’il convient de corriger par le mécanisme dissuasif de la sanction.
À l’instant, nous avons repoussé un amendement visant à multiplier par dix le montant des pénalités en cas d’absence d’accord de prévention de la pénibilité. À mon avis, s’engager dans ce type de démarche, qui revient à augmenter de 10 %, voire plus fortement, la masse salariale d’une entreprise est susceptible de mettre en péril son existence même. Or il y a pire que la pénibilité au travail : c’est le chômage !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Quel cynisme !
M. Philippe Bas. Il nous faut assumer nos responsabilités dans un monde réel qui n’est pas simple, ce qui doit nous conduire à faire des arbitrages entre des choix qui sont tous dignes d’être pris en considération. Mais si nous arbitrons en faveur de la sanction la plus lourde, au risque de porter atteinte à la pérennité de l’entreprise, nous risquons d’avoir à gérer des situations sociales extrêmement graves.
À l’occasion de ce débat, qui peut paraître mineur eu égard à l’objet de notre réforme, mais qui est en réalité très important, ressurgit la contradiction inhérente au discours de ceux qui veulent sans arrêt charger la barque, au point, non pas de tuer la poule aux œufs d’or, mais de mettre en péril l’activité économique de certaines entreprises.
M. Michel Le Scouarnec. Nous recherchons l’efficacité ; nous ne voulons pas mettre les entreprises à genoux !
Mme Annie David. Il n’y a pas de pénalités si elles respectent la loi !
M. Philippe Bas. Aussi, je voudrais inciter nos collègues qui ont présenté cet amendement, comme le précédent, à plus de mesure face à la complexité des enjeux sociaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis d’accord avec M. Bas pour dire que ce débat fondamental dépasse le cadre du sujet que nous examinons.
Cela étant, j’ai le regret de constater que l’étude d’impact ne répond pas à toutes les questions que nous posons. Pourquoi seules deux branches sont-elles couvertes par un tel accord et pourquoi 4 800 accords d’entreprise seulement ont-ils été signés ? C’est dire que les entreprises qui ne respectent pas la loi bénéficient de l’impunité la plus totale. Lorsqu’on le constate, c’est aussitôt pour ajouter que, finalement, il n’y a rien à faire. En fait, on admet que la loi ne s’applique qu’aux plus faibles et aux plus fragiles.
Je ne sais pas si l’aggravation du montant de l’amende peut régler le problème. J’ai donné l’exemple de la loi SRU, mais je pourrais aussi évoquer les lois sur la parité. Dans ces derniers cas, des partis politiques – pas à gauche, mais je ne citerai personne ! – préfèrent de ne pas les respecter et payer des pénalités. En l’espèce, peut-être serait-il bon de réfléchir à des sanctions autres que financières, par exemple des peines d’inéligibilité ?
En tout cas, il est assez choquant d’entendre, ici, dans la Haute Assemblée, que, certes, c’est un problème que des entreprises ne respectent pas la loi, mais qu'il n’y a rien à y faire sinon on risque de les mettre en difficulté et de faire grimper le chômage. C’est un raisonnement qui, à mon sens, ne tient pas.
Nous ne demandons rien d’autre que l’application de la loi. Quand elle n’est pas respectée, il faut faire preuve d’un peu plus de fermeté. Tel est l’objet de notre amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voudrais vous remercier, madame Delaunay de faire référence à cette culture judéo-chrétienne, qui est le socle, le creuset de notre vieux pays. À votre évocation de la parabole de la paille et de la poutre, je voudrais répondre par la parabole des talents ; c’est l’histoire d’un peuple qui, dix-huit mois après avoir élu un Président de la République à une majorité de 52 %, lui demande : « Qu’as-tu fait de mes 52 % de soutien ? Il n’en reste plus que 26 %... »
M. Gérard Larcher. Ah ! le père Longuet…
M. Gérard Longuet. Je voudrais également répondre à Mme Cohen, car son intervention est importante.
Elle nous dit, au fond, que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse – je reste sur le terrain de la culture judéo-chrétienne. Mais dans un monde où les frontières sont ouvertes, avec une concurrence que nous avons les uns et les autres acceptée, qui est le Seigneur pour une entreprise ? Je vous le concède, madame le sénateur, le groupe CRC auquel vous appartenez n’a jamais été pour l’ouverture des frontières et la construction européenne.
Mme Cécile Cukierman. C’est caricatural !
Mme Laurence Cohen. Vous devriez faire un stage au groupe CRC !
M. Gérard Longuet. Ce grief s’adresse donc davantage à ceux qui, ayant accepté l’Europe et la globalisation, ne savent pas en tirer les conséquences.
Aujourd’hui, l’autorité de l’État est en concurrence avec la réalité de l’entreprise, qui est celle du marché.
Mme Cécile Cukierman. Sortez des stéréotypes !
M. Gérard Longuet. Il se trouve qu’étant l’élu d’une région industrielle et ayant exercé la coupable activité de ministre de l’industrie au siècle précédent, je pourrais, pour simplifier, dire que, dans le domaine que je connais, celui de l’industrie, dont je reconnais qu’il ne recouvre qu’une partie de l’activité française, il y a deux catégories d’entreprises : celles qui réussissent et celles qui sont sur la défensive.
Les entreprises qui réussissent – je pense à celles du secteur de l’aéronautique, de la pharmacie ou du luxe, par exemple – cherchent à investir sur les marchés qui se développent. Elles nous abandonnent, car leur devoir est de rester leaders mondiaux dans un marché mondialisé. Pour elles, l’autorité de l’État est une contrainte toute relative.
J’en viens à l’autre catégorie d’entreprises, celles qui recouvrent les industries de main-d’œuvre, celles qui fabriquent des biens de consommation courants, les secteurs du textile, de la confection, du meuble, de l’automobile, par exemple. Quand j’étais gamin, personne n’aurait pu croire que la forteresse ouvrière de Billancourt cesserait d’exister. Aujourd’hui, l’industrie automobile française produit plus de voitures françaises à l’étranger qu’en France !
Qui représente l’autorité pour ces entreprises sur la défensive ? Est-ce le Gouvernement qui les charge de contraintes ou est-ce le client qui se détourne d’elles pour acheter à des constructeurs meilleur marché ? La réponse va de soi : pour elles, c’est le client qui commande. Vous pouvez multiplier par dix le risque de pénalité, leur problème, c’est la survie.
Mme Cécile Cukierman. Pas au détriment de la santé des travailleurs !
M. Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle votre menace est un sabre de bois. Mme Demontès a eu raison de vous le rappeler.
Mme Cécile Cukierman. On ne va pas exploiter les gens parce que ça coûte trop cher !
Mme Laurence Cohen. Ni mettre les enfants au travail !
M. Gérard Longuet. Je souhaite simplement, pour expliquer mon vote négatif sur votre amendement, rappeler – comme l’a dit Philippe Bas – que la meilleure manière de défendre le salarié, c’est de garantir l’emploi grâce à des investissements productifs réalisés par des entreprises qui réussissent sur leur marché et non d’accumuler des contraintes, que l’État s’épargne d’ailleurs à lui-même. Je vous le rappelle, toutes ces mesures visent le seul secteur privé et excluent le secteur public, ce qui pose tout de même un problème d’égalité. Mme Delaunay va certainement nous trouver une parabole pour justifier cette distinction…
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas ici pour donner un cours de politique, monsieur Longuet, mais, en ce qui concerne la position de mon groupe sur l’Europe, vous devriez réviser vos classiques.
M. Jean-Pierre Caffet. Pas à son âge !
M. Gérard Longuet. Vous avez voté contre Maastricht !
Mme Annie David. Nous sommes pour l’Europe, mais pas celle que vous défendez. Nous, nous sommes pour une Europe des peuples. Nous ne voulons pas d’une Europe forteresse avec des barbelés autour de ses frontières pour empêcher quiconque qui ne serait pas Européen d’y entrer. Nous sommes pour une Europe de la solidarité, qui permette à chaque peuple d’avoir des conditions de vie et de travail au moins égales à celles que nous avons réussi à obtenir dans notre pays.
Mmes Laurence Cohen et Isabelle Pasquet. Très bien !
Mme Annie David. C’est la raison pour laquelle nous nous battons pour construire non pas une Europe revue à la baisse, mais une Europe solidaire !
Quant à cette pénalité, elle ne s’appliquera qu’aux entreprises qui ne respectent pas la loi. Le législateur que vous êtes souhaite-t-il que les lois que nous votons ici ne soient pas respectées par les entreprises ? Pour notre part, nous demandons que la loi s’applique. Or, on le sait, aujourd’hui, même la pénalité de 1 % n’est pas appliquée. Ce sont les inspecteurs des DIRECCTE qui apprécient si l’entreprise a fait un effort. S’il apparaît que c’est le cas, on lui fera grâce de la pénalité !
Mais de quel effort s’agit-il ? D’une décision unilatérale de l’entreprise, faute d’accord avec les organisations syndicales ? On peut imaginer que si les représentants des salariés ont refusé de signer l’accord proposé par l’entreprise, c’est parce que celui-ci ne répondait pas aux besoins de prévention de la pénibilité.
Ne vous inquiétez pas, je pense que les 10 % de pénalité que nous demandons ne s’appliqueront jamais… Mais, pour nous, cet amendement a une portée symbolique.
Vous réclamez des investissements productifs au nom de la survie de l’entreprise, mais on ne peut pas le faire, comme d’autres l’ont dit avant moi avec justesse, au détriment de la santé des salariés. Lorsqu’il n’y aura plus de salariés en mesure de travailler parce qu’ils auront tous été maltraités par ces entreprises qui ne respectent pas les accords de pénibilité, je ne sais pas ce qu’ils pourront produire.
Ne dégradons pas la sécurité et la santé des salariés sous prétexte de compétitivité. C’est aussi ce que nous dénonçons au travers des conditions de travail au sein de l’Europe.
Vous êtes bien loin de ces considérations lorsqu’on voit ce qui a été fait, par exemple, avec les travailleurs détachés et ce qui continue à se faire malgré tout ce que nous pouvons dénoncer.
M. Michel Le Scouarnec. Le dumping social !
Mme Annie David. Le dumping social, en effet, mais aussi les délocalisations auxquelles vous n’avez jamais tenté de mettre un frein, soucieux que vous êtes d’accroître la compétitivité des entreprises. Eh bien oui, elles deviennent compétitives, mais au sens où vous l’entendez ! Pour nous, la compétitivité doit aussi passer par le respect des conditions de travail des salariés.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 156, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30 » sont supprimés ;
3° Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa sont supprimées.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à favoriser la négociation et l’élaboration d’un accord de prévention de la pénibilité entre les salariés et l’employeur au sein des entreprises
Le bilan d’application démontre que les entreprises ont majoritairement recours au plan d’action. Or ces mêmes bilans démontrent que le contenu des plans d’action est plus faible que celui des accords. Il convient donc, dans le prolongement de ce qui a été dit précédemment et de la volonté affichée par le Gouvernement, de mettre en place des dispositifs plus contraignants qui incitent au dialogue social.
Nous proposons, pour notre part, que la pénalité s’applique à l’ensemble des entreprises ne disposant pas d’un accord de prévention de la pénibilité. La loi permet une modulation de cette pénalité en fonction des efforts effectués par l’entreprise. Cela doit permettre de moins pénaliser celles qui disposent d’un plan d’action par rapport aux entreprises qui ne disposent d’aucun dispositif. On peut donc tout à fait assurer une certaine forme de justice.
Le montant de la pénalité applicable serait fixé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.
Par cet amendement, nous proposons donc une modulation de cette pénalité sur le modèle de ce qui est prévu en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ou encore en matière d’emploi des personnes handicapées. Nous proposons que la pénalité s’applique bien à l’ensemble des entreprises ne disposant pas d’un accord de prévention de la pénibilité.
Mme la présidente. L'amendement n° 157, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
3° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement porte sur la modification de la durée d’application du plan d’action de trois ans à un an.
L’article 8 prévoit une pénalité pour les entreprises et groupes qui ne seront pas couverts par un accord ou un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité au travail.
Ce dispositif impose donc aux entreprises l’élaboration d’un accord de prévention de la pénibilité en concertation avec les représentants des salariés. À défaut, en l’absence d’accord, il exige la mise en œuvre d’un plan d’action à durée déterminée de trois ans maximum.
Or nous savons que le plan d’action peut être décidé de façon unilatérale par l’employeur en l’absence d’accord. Nous pensons que la concertation et la négociation collective sont primordiales à l’élaboration d’un bon diagnostic pénibilité et à la mise en œuvre d’un plan d’action de prévention cohérent et pérenne.
Nous devons favoriser une politique volontariste de réduction de la pénibilité pour qu’émergent des principes, démarches et méthodes valorisant des pratiques de travail préservant la santé des travailleurs. Aussi cet amendement tend-il à établir une distinction entre le plan d’action et l’accord en prévoyant que la durée du plan d’action est d’un an, ce qui incitera à la renégociation collective annuelle, contre trois ans pour les accords. En effet, dès lors qu’il n’y a pas d’accord et que le plan a été négocié unilatéralement, nous pensons qu’il serait dommageable et dangereux de s’engager sur une durée plus longue qu’un an.