M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 42, dernière phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

dix

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. L’alinéa 42 de l’article 6 prévoit, afin de garantir la stabilité et l’équilibre du dispositif, que les gestionnaires, c’est-à-dire la CNAV à l’échelon national et les CARSAT à l’échelon local, seront habilités à opérer sur pièces et sur place.

Les contrôles pourront porter sur la nature des informations consignées sur les fiches de prévention de la pénibilité, ainsi que sur l’effectivité et l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.

Ce contrôle pourra conduire l’employeur à créditer le compte de prévention de la pénibilité de points supplémentaires, afin que les droits ouverts au salarié soient assis sur la réalité de l’exposition subie.

Toutefois, le délai de recours prévu nous semble particulièrement court : cinq ans à compter de la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été, ou auraient dû être, inscrits au compte.

Afin de rendre réellement effectifs les droits des salariés et de responsabiliser pleinement les employeurs, nous proposons que ce délai d’action des gestionnaires soit porté de cinq à dix ans.

À nos yeux, la fusion des CARSAT et la suppression des emplois publics au sein des organismes de contrôle et de l’inspection du travail rendent l’extension de ce délai d’autant plus impérative. Nous ne saurions en effet nous satisfaire d’une situation dans laquelle les redressements ne pourraient intervenir pour cause de forclusion des délais, en raison d’un déficit d’agents. C’est la raison pour laquelle nous proposons de doubler le délai de recours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ce délai a déjà été porté de trois à cinq ans à l’Assemblée nationale. Je ne pense pas qu’il faille aller plus loin.

D’une part, au bout de dix ans, de nombreux salariés pourront avoir quitté l’entreprise. D’autre part, les informations relatives à des expositions si éloignées dans le temps seront-elles encore disponibles ?

Devant ces obstacles, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Il s’agit d’ouvrir une possibilité, et non d’instaurer une obligation.

Bien entendu, certains salariés auront sans doute quitté l’entreprise au bout de dix ans, mais d’autres y seront encore. Un délai de dix années pourrait permettre à ces derniers de faire valoir leurs droits plus facilement, en remontant plus loin dans le temps. Il s’agit d’offrir un peu plus de droits aux salariés concernés.

M. Jean Desessard. C’est de l’archéologie ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je suis préoccupé par la réponse du Gouvernement et de Mme le rapporteur.

En matière pénale, je suis partisan de la prescription. L’oubli est un facteur de paix sociale lorsqu’un délit n’a pas été découvert, n’a pas gêné la société, lorsque les faits sont anciens et difficiles à comprendre. Le législateur a été avisé de maintenir la prescription délictuelle de cinq ans pour les délits et de vingt ans pour les crimes.

En matière civile, la prescription est, si je ne me trompe – mes cours de droit sur l’usucapion et la prescription acquisitive remontent à loin –, de vingt ans. Je suis de l’avis de Mme David : si le salarié a droit à l’attribution de points supplémentaires sur son compte de prévention de la pénibilité, pourquoi lui opposer une prescription de cinq ans ? Pourquoi empêcher l’établissement de la preuve d’une atteinte à un droit en fixant un tel délai ?

Madame le ministre, j’aimerais vous entendre sur ce point. Je ne suis pas sûr d’avoir raison, mais j’ai tout de même l’impression qu’il ne faut pas confondre prescription délictuelle et prescription civile.

Mme Michelle Demessine. C’est l’union sacrée ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean Desessard. Il y a une collusion !

M. le président. L'amendement n° 370 rectifié bis, présenté par Mmes Deroche, Procaccia et Bruguière, MM. Milon et Husson, Mme Debré et MM. Cardoux et Gilles, est ainsi libellé :

Alinéa 42

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les contrôles mis en œuvre en vertu du présent article sont diligentés dans le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. L’effectivité du contrôle prévu par le texte implique que l’employeur se soumette à des investigations poussées, portant notamment sur les processus de fabrication et les conditions de travail de ses salariés.

La responsabilité du législateur est de rappeler que les contrôles mis en œuvre en vertu de la loi doivent être diligentés dans des conditions respectueuses des principes du contradictoire et des droits de la défense.

C’est peut-être évident, mais il nous semble important de le rappeler : une des raisons de notre opposition initiale à la mise en place du compte de prévention de la pénibilité tient au fait que nous craignons la survenance d’un grand nombre d’abus et de contentieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement étant satisfait par le droit et la pratique en vigueur, il n’est pas besoin d’ajouter à nouveau cette précision dans la loi.

Les principes de la procédure contradictoire et du respect des droits de la défense sont protégés par la jurisprudence, notamment dans le cadre des contrôles des URSSAF.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. Longuet a un avis sur beaucoup de choses ! (Sourires.)

Mme Michelle Demessine. Il est intarissable !

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, j’ai beaucoup réfléchi et je prends la peine de vous écouter, ce qui me permet de faire mûrir mon jugement ! (Nouveaux sourires.)

Ce qui va sans dire va mieux en le disant : pourquoi ne pas rappeler la jurisprudence, madame la rapporteur ? Cela ne coûte rien et fait du bien aux droits de l’homme !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 276, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 44, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Alinéa 66

Supprimer les mots :

, ainsi que la prise en charge des dépenses liées aux frais des expertises mentionnées à l’article L. 4162-12

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Le futur « fonds pénibilité » ne doit pas être mobilisé pour financer les contentieux éventuels liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.

Dans la mesure où le coût total du dispositif relatif à la pénibilité est encore très incertain, cet amendement vise à ne pas faire financer les frais d’expertise demandés par les tribunaux des affaires de sécurité sociale par le fonds pénibilité, c’est-à-dire par les entreprises, qui en seront les financeurs exclusifs, et donc à revenir au droit commun selon lequel ces frais sont pris en charge par l’État et la CNAV.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. La commission ne partage pas votre point de vue, monsieur le sénateur. Cette prise en charge par le fonds constitue une véritable avancée, sur laquelle il ne faut pas revenir. Il est logique que les cotisations versées au titre de la compensation de la pénibilité financent les expertises permettant de déterminer la réalité des expositions aux facteurs de risques et leurs effets.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 276.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Godefroy et Labazée, Mme Claireaux et M. Rainaud, est ainsi libellé :

Alinéa 45, première phrase

Remplacer les mots :

que s’il

par les mots :

que si lui-même ou un représentant du personnel choisi par lui

La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Le présent amendement a pour objet de préciser les conditions de saisine de la CARSAT en cas de réclamation du salarié portant sur le compte de prévention de la pénibilité.

En effet, le texte conditionne cette saisine à une contestation préalable devant l’employeur par le salarié. Comme le projet de loi prévoit que le salarié peut être représenté ou assisté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, il convient de préciser que la contestation effectuée par ce représentant pour le compte du salarié devant l’employeur doit remplir la même condition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. S’il est logique qu’un salarié puisse être appuyé, en cas de désaccord avec son employeur, par un autre membre du personnel de l’entreprise, la situation est différente lorsqu’il s’agit de saisir la CARSAT. Il me semble que cette démarche doit être celle du salarié lui-même, qui pourra, bien sûr, recevoir le soutien des élus du personnel, mais sans que ceux-ci puissent se substituer à lui.

C’est pourquoi la commission demande aux auteurs de l’amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis : il est important que la démarche soit engagée par le salarié lui-même, puisqu’il s’agit de ses droits propres, même s’il peut bien entendu demander à être épaulé, appuyé, conseillé par des représentants du personnel. Dans la mesure où il s’agit d’une contestation qui porte sur un cas personnel, et non pas sur la collectivité de travail, il est absolument nécessaire que la démarche soit entreprise par le salarié lui-même.

M. le président. Monsieur Labazée, l’amendement n° 13 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Georges Labazée. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 153 est présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 245 est présenté par M. Godefroy et Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 45, seconde phrase

Après le mot :

appartenant

insérer les mots :

ou non

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l’amendement n° 153.

Mme Michelle Demessine. L’alinéa 45 de l’article 6 est important, dans la mesure où il permet d’équilibrer le dispositif mis en place. En effet, il prévoit que, « lorsque le différend est lié à un désaccord avec son employeur sur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1, le salarié ne peut saisir la caisse d’une réclamation relative à l’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité ou au nombre de points enregistrés sur celui-ci que s’il a préalablement porté cette contestation devant l’employeur, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État. Le salarié peut être assisté ou représenté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. »

Cet alinéa prévoit donc la possibilité d’un recours au sein de l’entreprise, ce qui évitera d’embouteiller la CARSAT. On peut tout à fait imaginer que la personne qui assistera ou représentera le salarié sera un représentant du personnel, car, pour soutenir une telle contestation, il faut connaître le droit applicable. Le représentant du personnel pourra apporter l’assistance nécessaire à la tenue d’un véritable débat contradictoire entre l’employeur et le salarié.

Par cet amendement, nous proposons de prévoir que cette personne de son choix puisse ne pas appartenir à l’entreprise. En effet, beaucoup d’entreprises, par exemple celles comptant moins de cinquante salariés ou faisant l’objet d’un constat de carence, ne disposent pas de représentants du personnel, qualifiés pour assurer l’assistance au salarié. Dans une telle situation, le code du travail dispose d’ailleurs que, au cours de la phase d’entretien préalable au licenciement, le salarié peut se faire assister par un conseiller de son choix inscrit sur la liste départementale.

Il faut bien admettre, mes chers collègues, que le dispositif de la pénibilité est un peu compliqué : les salariés ne vont pas d’emblée s’approprier ce nouveau droit, et ils doivent donc pouvoir être assistés par une personne compétente, le cas échéant extérieure à l’entreprise. C’est la condition de la tenue d’un réel débat contradictoire au sein de l’entreprise, à même d’éviter les recours devant la CARSAT, sachant qu’il y aura, à n’en pas douter, des contestations.

M. le président. L’amendement n° 245 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 153 ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Madame la sénatrice, vous abordez un point important : la prise en compte du cas des petites entreprises dépourvues d’instances représentatives du personnel et de délégués du personnel.

La commission a émis un avis favorable sur votre amendement, sous réserve que vous acceptiez de le rectifier, en complétant la seconde phrase de l’alinéa 45 par ces mots : « ou, lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative ».

M. le président. Madame Demessine, que pensez-vous de la rectification suggérée par Mme la rapporteur ?

Mme Michelle Demessine. Je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président. (Mme Annie David marque son approbation.)

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 153 rectifié, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Alinéa 45, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou, lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée, mais s’interroge sur la procédure proposée. Je ne crois pas opportun d’aborder la question de la représentation du personnel dans les petites et très petites entreprises à l’occasion de ce débat sur la pénibilité. De plus, il est souhaitable que la personne qui assiste le salarié connaisse directement la réalité de l’entreprise concernée.

Le Gouvernement émet un donc avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Madame la ministre, il ne s’agit pas d’une procédure nouvelle : elle existe déjà dans le droit du travail. Dans les entreprises ne disposant pas de représentants du personnel, en raison de leur faible effectif ou d’un constat de carence, par exemple, les salariés menacés de licenciement peuvent être assistés par des personnes extérieures à l’entreprise, les conseillers du salarié, qui sont inscrits sur une liste et sont munis d’une carte spécifique, émise par la DIRECCTE. Ils sont répertoriés et connus des différentes organisations syndicales, tant de salariés que d’employeurs.

Michelle Demessine l’a dit, certains salariés peuvent être un peu démunis face au droit, ou être impressionnés quand ils sont confrontés à leur employeur. Pour se défendre correctement et faire respecter leurs droits, ils ont alors besoin d’être représentés. Il ne s’agit donc pas d’un droit nouveau, madame la ministre.

Je remercie Mme la rapporteur de sa proposition de rectification, car la rédaction de notre amendement était probablement insuffisante : elle permettait d’imaginer que l’on puisse recourir à une personne extérieure n’ayant aucun lien avec le monde de l’entreprise, un avocat par exemple, alors que nous visions les conseillers du salarié.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. La politique, c’est l’art de la répétition… (Sourires.) On se cherche,…

M. Gérard Longuet. Surtout vous !

M. Jean Desessard. … on complète les propos des autres, afin de pouvoir cheminer ensemble ! Cela étant, je pourrais comprendre que ceux qui suivent nos débats les trouvent un peu répétitifs… (Rires.)

Vous l’avez dit, madame David, la rédaction initiale de cet amendement était un peu courte : vous auriez pu faire référence à « une certaine personne qui s’y connaît » ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) Mais cela aurait été un peu familier, et la rédaction proposée par Mme la rapporteur est plus satisfaisante. Le groupe écologiste votera donc l’amendement n° 153 rectifié avec enthousiasme.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’aurais volontiers rejoint Mme David, une fois encore (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.), n’eût été une petite difficulté : un conseiller du salarié est compétent en droit du travail, lequel s’applique à l’ensemble des salariés. Or nous traitons ici de l’application des règles relatives à la prise en compte de la pénibilité, qui doit tenir compte de la spécificité de chaque entreprise.

Nous nous abstiendrons sur cet amendement. En effet, le débat qu’il suscite à l’intérieur de la majorité sénatoriale est la démonstration absolue de la complexité et du caractère vraisemblablement à peu près inapplicable du texte, en tout cas dans les très nombreuses entreprises de moins de dix salariés, où l’on ne dispose pas, comme sur les grands sites industriels, des compétences nécessaires, tant du côté des travailleurs, en l’absence de représentants du personnel, que de celui du chef d’entreprise, lequel ne peut s’appuyer sur un service des ressources humaines.

Si un conseiller extérieur à l’entreprise intervient, il sera sans doute très compétent en droit du travail, mais en quoi pourra-t-il apporter une réponse à des problèmes de pénibilité spécifiques à une entreprise ? En prévoyant la possibilité de recourir à des personnes extérieures à l’entreprise, vous affaiblissez le dispositif. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la position de Mme le ministre, qui paraît, en l’espèce, plus réaliste.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 154, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 50, première phrase

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

cinq

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l'amendement n° 152, qu’a tout à l'heure présenté notre collègue Michel Le Scouarnec, puisqu’il s’agit, là aussi, de délais.

La rédaction actuelle de l’article 6 confère aux organismes gestionnaires la possibilité d’engager une action en justice à l’encontre des employeurs qui n’auraient pas respecté leurs obligations.

Or l’alinéa 50 prévoit que le salarié ne peut, quant à lui, faire valoir ses droits que pendant une période de trois ans, encore plus brève que celle de cinq ans initialement prévue. Rien ne justifie que le délai de prescription imposé aux salariés soit plus court que celui dont disposent les organismes gestionnaires.

Si nous voulons permettre aux organismes gestionnaires d’agir dans la durée et aux salariés de saisir lesdits organismes pendant toute leur durée d’action, il faut que les deux délais coïncident. À défaut, en conservant un délai d’action de trois ans pour les salariés – nous l’avons porté à dix ans pour les organismes –, on limite l’action des caisses. En effet, soyons clairs, les recours naîtront, pour l’essentiel, de la contestation des salariés.

Pour ces raisons, nous proposons de porter à cinq ans le délai de prescription pour la contestation des salariés.

M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 50, première phrase

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

deux

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Étant un peu gêné par cet amendement (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.), je préfère le retirer.

M. le président. L’amendement n° 277 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 154 ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’Assemblée nationale a porté de deux à trois ans le délai de prescription de l’action du salarié. Deux ans, c’est le délai de droit commun : je ne crois pas qu’il faille trop s’en écarter. Un délai de trois ans permet, me semble-t-il, à un salarié de s’apercevoir d’un mauvais abondement de son compte de prévention de la pénibilité.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est également défavorable.

Plus on s’éloigne du moment où se sont censément produits les faits contestés, plus il est difficile pour le salarié d’établir qu’il a été exposé à des facteurs de pénibilité. L’allongement du délai de prescription que vous souhaitez, madame David, ne paraît guère porteur d’effectivité du droit en question. Il nous paraît préférable de rester aussi près que possible du droit commun.

Mme Michelle Demessine. Et si les tribunaux sont engorgés ?

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je souhaiterais poser une question au Gouvernement : pourquoi l’employeur dispose-t-il d’un délai de cinq ans et le salarié d’un délai de trois ans ? Je ne comprends cette différence de droits.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suis incapable de répondre à la question de Mme Génisson… (Sourires.) Toutefois, j’en ai une autre, adressé elle aussi à Mme la ministre.

Je suppose que les critères de pénibilité seront périodiquement actualisés : ils évolueront sans doute au cours du temps.

Imaginons qu’une personne fasse un travail pénible non reconnu comme tel.

Mme Catherine Génisson. Les sénateurs qui siègent en séance de nuit, par exemple ? (Sourires.)

M. Jean Desessard. Si, quelques années plus tard, la pénibilité de ce travail est reconnue, y aura-t-il rétroactivité ? Ne vaudrait-il pas mieux, dans cette hypothèse, porter le délai de prescription de trois à cinq ans ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il n’y a évidemment pas de rétroactivité : c’est un principe fondamental du droit. Une évolution des critères n’entraînerait pas une révision du nombre des points inscrits aux comptes de prévention de la pénibilité des salariés. C’est au regard du droit existant qu’est appréciée leur situation.

Madame Génisson, s’agissant de la différence entre le délai laissé au salarié et celui dont dispose non pas l’employeur, mais la caisse, je souligne que le salarié connaît sa situation directement. En revanche, la caisse ne vérifie pas chaque situation ; elle procède à des contrôles inopinés ou statistiques. C’est pourquoi un délai plus long lui est accordé : elle n’a pas forcément une connaissance directe d’une situation donnée.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je vais m’abstenir sur cet amendement, car je suis un peu perdu. Je considère que les salariés qui ont des droits doivent avoir le temps de les faire reconnaître, le cas échéant : un délai de trois ans avant de perdre ses droits me semble extraordinairement court.

C’est Créon contre Antigone. L’État, l’ordre public ont intérêt à une prescription rapide, de manière à éviter de rouvrir les dossiers et de créer une instabilité, en particulier pour l’employeur. Cependant, la liberté, le patrimoine de l’individu, ce sont ses droits. S’il en a été privé par un manque d’information, pourquoi diable lui imposer une prescription de trois ans, alors que sa requête ne déstabilisera pas l’ordre public ? Il s’agit ici, je le redis, d’une matière civile, de droits patrimoniaux. Pourquoi limiter à trois ans la recherche de ces droits ?

Je cherche une réponse à cette question : il n’y en a pas d’autre que la tranquillité des comptabilités. Soit ! Mais, au regard de la protection de la liberté individuelle et des droits patrimoniaux attachés à l’individu, je trouve que trois ans, c’est un peu court.

M. Jean Desessard. Alors pourquoi vous abstenir ?

M. Gérard Longuet. Parce que je ne comprends pas tout ! Alors je préfère m’abstenir, plutôt que d’émettre un vote que je regretterais ensuite.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Je n’entends pas, avec l’argument que je vais utiliser, convaincre mes collègues du groupe CRC, mais je souhaite éclairer l’ensemble de notre assemblée.

Je souligne que ce délai de trois ans est en harmonie avec un certain nombre de dispositions du code du travail, notamment celles qui ont été réactualisées à la faveur de l’élaboration de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, récemment adoptée.