Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mais dans un esprit positif !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon groupe m’a désigné ce matin pour faire connaître sa position, mais n’étant pas spécialiste des questions sociales, je serai bref.
Tout d’abord, je souhaite remercier Mme le rapporteur, ainsi que Mmes Cayeux et David, qui ont toujours porté un très vif intérêt aux questions qui nous occupent aujourd’hui.
Je ferai trois observations. Je n’entrerai toutefois pas dans les détails concernant les modifications dont le texte a pu faire l’objet ou la question de savoir si les dépenses de fonctionnement peuvent être cumulées ou confondues avec d’autres dépenses, notamment culturelles.
Premièrement, il faut tenir compte du principe de réalité : il existe aujourd’hui un vide juridique considérable dans le domaine dont nous devons traiter. Un praticien du droit m’a d’ailleurs expliqué que voilà une vingtaine d’années, pour la première fois, une cour d’appel avait rendu une décision permettant au président d’un établissement de surveiller les comptes, et ce afin de pallier la grande incertitude juridique.
Deuxièmement, ce désordre juridique conduit à des désordres financiers. Les avis de la Cour des comptes relatifs aux comités d’entreprise d’Air France, de la RATP, d’EDF ont été rappelés. Tous ces éléments ont été évoqués dans le rapport Perruchot qui est passé à la trappe. Nous connaissons cette mésaventure. Je n’y reviendrai pas.
Troisièmement, malgré certains dysfonctionnements observés dans de grands comités d’entreprise, n’oublions pas la qualité des personnels qui gèrent les comités d’entreprise. Ils font preuve de dévouement et font l’impossible pour améliorer le sort des salariés, indépendamment des difficultés qu’ils peuvent rencontrer.
En fait, le seul problème qui se pose, c’est celui du retard que nous constatons en matière de démocratie sociale par rapport à la démocratie politique. Le financement des partis politiques a été encadré, alors que demeurent de grands vides, qu’il faut combler, par rapport aux organisations syndicales.
J’en viens au texte lui-même, qui présente un réel intérêt. Nous ne pouvons que l’approuver, d’autant que la version initiale a été grandement améliorée. J’en veux pour preuve la certification des comptes, la distinction entre grandes et petites entreprises, les lanceurs d’alerte – si ce dispositif avait existé, la situation ne serait pas ce qu’elle est actuellement ! –, sans oublier les marchés publics, la publication des comptes.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention. Si je n’avais pas été le porte-parole de mon groupe, j’aurais probablement voté cette proposition de loi. Cependant il ressort toujours des débats des choses intéressantes qui peuvent faire évoluer nos positions.
À cet égard, et je prends toujours en considération le principe de réalité, il a été question de calendrier, de l’engagement du Premier ministre, de la conférence sociale.
Je comprends votre sentiment de frustration, madame la rapporteur. Toutefois, ne faudrait-il pas faire nôtre la formule de Foch : « Allons lentement, nous sommes pressés » ?
Qu’adviendrait-il si la présente proposition de loi était adoptée ? Peut-être perdrions-nous plus de temps en empruntant cette voie au lieu d’attendre l’examen du grand projet de loi que vous avez évoqué, monsieur le ministre. Certes, encore faut-il que vous teniez votre engagement, et en temps et en heure, faute de quoi nous pourrions regretter le vote que nous nous apprêtons à émettre… Mais l’adoption d’un tel texte permettra de faire comprendre à l’opinion qu’une grande réforme a été menée à bien, à laquelle vous aurez apporté votre contribution, madame la rapporteur.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe RDSE s’abstiendront.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, alors que nous parlons, depuis un certain temps déjà, de transparence de la vie publique et de la démocratie sociale, la présente proposition de loi vise à améliorer la transparence en matière de gestion des comités d’entreprise.
Elle répond à une demande pressante des principaux intéressés : les salariés, les chefs d’entreprise et les dirigeants des comités d’entreprise eux-mêmes. Pourquoi ont-ils formulé une telle demande ? Pour des raisons autant juridiques que pratiques.
Pendant longtemps les comités d’entreprise n’ont été soumis à aucune réglementation relative à la transparence financière. Si les associations et les syndicats connaissent aujourd’hui une procédure de contrôle de leurs comptes, la situation des comités d’entreprise ne s’est guère clarifiée.
Certes, en 2008, la recodification du code du travail a rendu obligatoire la certification des comptes dans tous les comités d’entreprise. Mais cette mesure étant coûteuse – certains intervenants nous l’ont indiqué lors des auditions –, elle pose problème aux comités d’entreprise de taille modeste. En effet, il faut garder à l’esprit que les ressources de certains comités d’entreprise peuvent ne pas excéder 1 600 euros par an. Par ailleurs, la procédure prévue en 2008 peut engendrer des risques de conflits d’intérêts.
Nous nous trouvons donc devant des vides juridiques, qu’il me semble important de palier.
De plus, l’actualité judiciaire des dernières années a été mouvementée. Plusieurs jugements concernant de grands comités d’entreprise ont été fortement médiatisés. Il est évident que la médiatisation jette le trouble sur les activités des comités d’entreprise dans leur ensemble, ce qui est injustifié et dommageable pour eux.
Dans un rapport publié en 2011, la Cour des comptes a préconisé une réforme en profondeur de la législation applicable aux comités d’entreprise.
Contrairement à ce qui vient d’être dit, il me semble qu’il nous revient à nous, législateurs, de nous saisir de cette question sans attendre.
Alertée par des juristes, j’avais décidé de déposer une proposition de loi sur la gestion des comités d’entreprise au mois de juillet 2012. Notre collègue Catherine Procaccia, spécialiste des questions de droit du travail, avait fait de même un peu plus tôt et m’a associée à son travail, ce dont je la remercie.
Nos deux textes prévoyaient un contrôle des comptes des comités d’entreprise et confiaient cette tâche aux commissaires aux comptes. Il nous a également paru essentiel de différencier les comités d’entreprise en fonction de leurs ressources financières, de leur bilan et du nombre de leurs salariés.
Ces principes de fond figurent, mes chers collègues, dans la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui. Ce nouveau texte, fruit de nombreuses auditions, reprend les préconisations des partenaires sociaux.
En effet, parallèlement au dépôt de nos deux propositions de loi, une réflexion engagée par les partenaires sociaux et animée par la Direction générale du travail sous la forme d’un groupe de travail tripartite a abouti à l’adoption, à l’unanimité, de conclusions permettant de construire un dispositif assurant la transparence des comptes des comités d’entreprise, quelle que soit leur taille. Lors des auditions que nous avons conduites, Catherine Procaccia et moi-même, nous avons retrouvé cette unanimité. Il nous a donc semblé plus pragmatique et plus enrichissant de retranscrire fidèlement les vœux des partenaires sociaux, tout en conservant l’esprit de nos deux propositions de loi.
Catherine Procaccia, dont je tiens à féliciter la qualité du travail, l’écoute, ainsi que la connaissance du dossier, a présenté un certain nombre d’amendements en commission afin de faire évoluer le texte. Ces amendements visaient à assurer un traitement différencié des comités d’entreprise selon leur taille, à donner accès aux salariés aux informations comptables relatives à leur comité d’entreprise, à éviter les conflits d’intérêts au cours de la procédure de certification ou de consolidation des comptes, et à permettre de conclure des marchés dans la transparence.
À titre personnel, je souhaite souligner que ma proposition de loi visait à faire en sorte que les documents comptables produits annuellement par le comité d’entreprise soient fournis non seulement aux membres de celui-ci, mais aussi au président du conseil d’administration de l’entreprise. Elle prévoyait également une publication de ces données. Je regrette que les partenaires sociaux n’aient pas retenu de telles mesures, qui permettraient aux comités d’entreprise de faire preuve d’une transparence totale. Cependant, comme l’a rappelé notre rapporteur en commission, le présent texte est un premier pas.
L’essentiel est que, dorénavant, les comités d’entreprise soient soumis à des obligations vis-à-vis de leurs membres. Cela les incitera à améliorer leur gestion. De ce point de vue, le texte remplit totalement sa mission.
Monsieur le ministre, lors de la conférence sociale de 2012, le Gouvernement avait annoncé un projet de loi pour le début de l’année 2013. J’ai cru comprendre, en vous écoutant, que la présentation du texte avait été repoussée en raison d’un calendrier parlementaire chargé et qu’elle interviendrait finalement au début de l’année prochaine – j’espère que ce sera au mois de janvier. Je regrette que nous ne puissions saisir l’occasion de cette semaine d’initiative parlementaire pour avancer sans attendre. Du moins aurons-nous peut-être, Catherine Procaccia et moi-même, servi d’aiguillon pour que le Gouvernement s’empare définitivement du sujet. En tout cas, nous participerons à la discussion du projet de loi que vous nous présenterez.
Les membres du groupe UMP voteront bien évidemment cette proposition de loi, même s’ils déplorent que le consensus qui s’était dégagé lors de nos auditions ne conduise pas à l’unanimité des suffrages aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Je veux redire mon respect pour la personne et le travail de Catherine Procaccia. Je salue également le travail des nombreux autres qui s’intéressent à ce sujet.
De nos échanges, je retiens que nous en revenons à une question de calendrier. Je plaisantais un peu sur les calendes grecques, mais j’avais oublié quelles étaient exactement ces calendes. Cependant, je suis maintenant en mesure de vous dire les choses très précisément ; je terminerai mon propos ainsi.
Il n’existe pas de désaccord entre nous sur l’objectif. Nous sommes d'accord sur la nécessité de surveiller la comptabilité des comités d’entreprise, d’assurer leur transparence et de permettre aux salariés de contrôler leur activité.
Des désaccords auraient pu apparaître. Dans le passé, le sujet a parfois été présenté de manière extrêmement polémique. On a mis en cause telle ou telle organisation syndicale, telle ou telle entreprise, publique ou privée, quoique plus souvent publique. Il s’agissait de dénonciation et non de proposition. Tel n’a pas été le cas aujourd'hui, et je m’en félicite.
Un travail préliminaire, je n’ose pas dire parallèle, au vôtre, et dont vous avez tenu compte – la présidente de la commission l’a également souligné – a été réalisé au sein de la Direction générale du travail en lien avec les partenaires sociaux. Ce travail a permis de parvenir à un consensus de l’ensemble des organisations patronales et syndicales. Tel n’est pas le cas tous les jours, même si cela arrive de plus en plus souvent.
Nous n’avons aucune difficulté. Je vous dirai même, madame la rapporteur, que certaines de vos propositions seront extrêmement utiles à la rédaction du projet de loi que je vous présenterai. Vous aurez vraiment joué un rôle dans l’élaboration de ce texte. La seule difficulté qui demeure porte sur le calendrier.
Je ne veux pas que vous considériez cette question de calendrier comme une forme de prétexte pour mettre en cause l’initiative parlementaire. Monsieur Vanlerenberghe, vous avez employé des mots forts ; j’espère qu’il ne s’agit que d’une expression et qu’ils ne reflètent pas un sentiment profond à mon égard.
Sur un sujet comme celui dont nous traitons aujourd’hui, il est très important d’avoir une méthode et une vision globale des choses. On ne légifère pas seulement pour les comités d’entreprise ; on légifère pour donner des bases solides et pérennes à la démocratie sociale.
Parmi ces bases, il y a l’article L. 1 du code du travail, qui a été adopté par une majorité précédente mais que nous soutenons. Il y a la représentativité syndicale, dont le principe a été voté précédemment et que nous mettons en œuvre ; c’est une bonne chose. Il y a la représentativité patronale, dont vous savez, madame la rapporteur, pour avoir travaillé sur le sujet, combien elle est délicate ; je l’instaurerai, car il n’y a aucune raison qu’il existe des règles de représentativité d’un côté et pas de l’autre. Il y a enfin le financement global du dialogue social ; la discussion engagée doit se dérouler de la manière la plus consensuelle possible, même s’il s’agit là aussi d’un sujet délicat, et selon des principes de transparence et de rationalité dans l’utilisation des fonds publics – il peut y en avoir, et c’est légitime – ou privés. Ce sont ces bases qui donneront de la force au dialogue social. Elles répondront en même temps à votre préoccupation s'agissant des comités d’entreprise.
Je reviens sur la question du calendrier, car je ne veux vraiment pas que vous la considériez comme un prétexte. Il est urgent – nous l’avons dit aux partenaires sociaux – de réformer la formation professionnelle. Pas pour le plaisir de réformer, pas pour faire une réforme de plus dans ce domaine – la dernière n’est pas si ancienne –, mais pour répondre profondément aux besoins des salariés – en particulier des moins qualifiés d’entre eux –, des jeunes insuffisamment qualifiés et des chômeurs, qui sont beaucoup trop nombreux et pour lesquels la formation, qui promeut leurs talents, leurs compétences, leur valeur, représente une voie de sortie par le haut.
M. Jacky Le Menn. Absolument !
M. Michel Sapin, ministre. La réforme de la formation professionnelle est urgente ; vous le savez. Les partenaires sociaux doivent terminer leurs travaux bien avant la fin de l’année : au début du mois de décembre, pour être précis. Je m’engage à ce que le texte, dont un volet concernera la formation professionnelle, avec quelques dispositions relatives à l’alternance, et un autre portera sur les fondements du dialogue social, à savoir la représentativité patronale, le financement du dialogue social et donc la transparence du financement des comités d’entreprise, soit adopté par les partenaires sociaux avant la fin de l’année.
Je terminerai en revenant sur les fameuses calendes grecques. Comme vous le savez, il n’y avait pas de calendes grecques : les calendes sont romaines. Selon Suétone, Auguste, qui n’était alors qu’Octave, a déclaré un jour qu’il fallait renvoyer telle chose aux calendes grecques, c'est-à-dire à jamais, puisque les calendes grecques n’existent pas. Pour ma part, je peux vous dire très clairement que mon projet de loi aura été soumis au Parlement et, je l’espère, adopté, aux calendes de mars, qui commencent au tout début du mois de mars. Ces calendes seront respectées, madame la rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
Article 1er
Après l’article L. 2325-1 du code du travail, sont insérés des articles L. 2325-1-1 à L. 2325-1-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 2325-1-1. – Le comité d’entreprise est soumis aux obligations comptables définies à l’article L. 123-12 du code de commerce. Ses comptes annuels sont arrêtés par le ou les membres du comité d’entreprise désignés selon le règlement intérieur prévu à l’article L. 2325-2 du présent code et sont approuvés à l’occasion d’une réunion spécifique du comité d’entreprise. Un décret détermine les modalités d’application de ces dispositions en fonction des ressources financières, du bilan et du nombre de salariés employés à temps plein par le comité d’entreprise. Dans les conditions définies par ce décret, le comité peut adopter une présentation simplifiée de ses comptes avec la possibilité de n’enregistrer ses créances et ses dettes qu’à la clôture de l’exercice. Si ses ressources annuelles totales n’excèdent pas un seuil fixé par décret, il peut tenir un livre enregistrant chronologiquement l’ensemble des mouvements de son patrimoine.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret et par un règlement de l’Autorité des normes comptables.
« Art. L. 2325-1-2. – Le comité d’entreprise soumis à l’obligation de certifier ses comptes, dans les conditions définies à l’article L. 2325-1-1, nomme au moins un commissaire aux comptes et un suppléant, qui ne peuvent pas remplir concomitamment les missions mentionnées à l’article L. 2323-8.
« Si le comité d’entreprise contrôle une ou plusieurs personnes morales, il est tenu d’établir des comptes consolidés, dans des conditions fixées par décret et selon les prescriptions d’un règlement de l’Autorité des normes comptables.
« Art. L. 2325-1-3. – Lorsque le commissaire aux comptes relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du comité d’entreprise, il en informe le secrétaire et le président de celui-ci dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« À défaut de réponse dans un délai fixé par ce décret, ou si celle-ci ne permet pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes invite, par un écrit dont la copie est transmise au président du tribunal de grande instance, l’employeur à réunir le comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 2325-14 pour délibérer sur les faits relevés. Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance.
« Lorsque le comité d’entreprise n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance ou si le commissaire aux comptes constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, il informe de ses démarches le président du tribunal et lui en communique les résultats.
« Art. L. 2325-1-4 (nouveau). – Le comité d’entreprise soumis à l’obligation de certifier ses comptes instaure, dans son règlement intérieur, une commission des marchés chargée de mettre en œuvre les procédures relatives à l’engagement et au paiement de ses travaux et achats de biens et de services. Ces procédures comprennent, au-delà de seuils fixés par le règlement, la consultation obligatoire de plusieurs cocontractants potentiels, une comparaison de leurs offres fondée sur des éléments objectifs et vérifiables et une conservation des pièces afférentes pour une durée fixée par ledit règlement.
« Art. L. 2325-1-5 (nouveau). – Au plus tard trois jours avant la réunion annuelle de présentation des comptes du comité d’entreprise, le ou les membres du comité d’entreprise désignés selon le règlement intérieur prévu à l’article L. 2325-2 communiquent le rapport de gestion à l’attention de ses membres, dont le contenu est fixé par décret.
« Le comité d’entreprise assure la publication de ses comptes et du rapport de gestion auprès des salariés. »
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments. Je ne reviendrai pas sur le consensus qui s’est dégagé de la proposition de loi rédigée par Catherine Procaccia en lien avec Caroline Cayeux.
Vous nous dites que ce n’est pas une question de calendrier, mais je rappelle qu’un groupe de travail a été lancé dès 2011 par Xavier Bertrand : nous en serons donc à trois ans en mars 2014. Il est vrai que, en France, nous avons une notion du temps un peu particulière. À cet égard, je vous invite à lire un essai récent, intitulé Plus vite ! La France malade de son temps. Cela fait tout de même trois ans que nous attendons un texte sur les comités d’entreprise !
Vous nous dites que ce texte sera inclus dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle. Peut-être sera-t-il plutôt noyé ! Les entreprises et les partenaires sociaux attendent un texte sur les comités d’entreprise, mais les Français attendent aussi un signal fort. Les médias se sont fait l’écho de scandales, heureusement peu nombreux dans la mesure où la majorité des comités d’entreprise se comportent de manière tout à fait correcte.
J’estime que le fait de noyer le texte sur les comités d’entreprise dans le texte relatif à la formation professionnelle nuira à sa lisibilité. Vous nous dites que ce n’est pas un choix politique, mais vous ne m’empêcherez pas de penser – peut-être ai-je un mauvais esprit – que vous voulez avoir la paternité de la future loi.
Je m’associe aux propos de Jean-Marie Vanlerenberghe. Il est surprenant de refuser une proposition de loi, même si elle vient de l’opposition, pour inclure toutes ses dispositions dans un projet de loi qui sera présenté quelques mois plus tard. Votre attitude est d’autant plus étonnante que vous avez souligné la qualité du travail de Catherine Procaccia.
Les membres du groupe UMP voteront bien évidemment l’article 1er, tout en regrettant qu’il ne recueille pas l’unanimité des suffrages de notre assemblée. Cela aurait constitué un signal fort non seulement pour les comités d’entreprise, mais également pour l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne pourrai pas voter contre l’article 1er, ni contre les autres articles de la présente proposition de loi. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, j’estime que les mesures proposées relèvent du bon sens et je souhaite qu’elles soient adoptées d’ici à quelques mois. Pour autant, je voterai contre la proposition de loi, pour des raisons d’opportunité. J’ignore s’il s’agit de calendes grecques ou de calendes romaines, mais il faut attendre la fin de la négociation entre les partenaires sociaux.
Si je ne m’oppose pas à l’article 1er, c’est pour signifier que tout ne doit pas être laissé aux partenaires sociaux. Si, dans quelques mois, M. le ministre nous demande un vote bloqué sur le résultat des négociations en matière de formation professionnelle, de démocratie sociale et de transparence des comités d’entreprise, je lui dirai « non ! ». Il faudra qu’il y ait un débat parlementaire, parce que la négociation entre les partenaires sociaux ne reflète pas l’ensemble des engagements de la société.
Il y a d’autres associations, en particulier dans le domaine de l’environnement, qui est parfois un peu oublié et qu’il est nécessaire d’introduire dans les débats.
Je ne dis pas que l’essentiel des dispositions négociées avec les partenaires sociaux ne doit pas être approuvé, mais il est du rôle du Parlement de donner aux négociations une envergure globale.
D’ailleurs, certains partenaires sociaux, tels que Force ouvrière, ne disent pas autre chose lorsqu’ils avouent clairement défendre non pas l’intérêt général, mais celui des salariés.
À l’évidence, à partir d’un certain moment, la démocratie parlementaire doit donc compléter, sans le contredire, le travail de concertation fait avec les syndicats.
Le fait que je ne m’oppose pas aux articles montre qu’il est aujourd’hui nécessaire d’aller dans ce sens. Toutefois, je comprends très bien ce que vous avez dit, monsieur le ministre : il s’agit d’une opportunité de travailler avec les partenaires sociaux. C’est pourquoi mon vote final sera différent de mon vote sur les articles.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. En tout cas, c’est clair !
M. le président. Mon cher collègue, vous avez tout compris de la subtilité du règlement du travail sénatorial ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il a dit que j’étais jésuite ! (M. Jean Desessard désigne M. Jean-Marie Vanlerenberghe.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Nous avons les mêmes préoccupations et les mêmes scrupules que M. Desessard, mais nous essayons de les surmonter d’une autre façon, si j’ose m’exprimer ainsi.
Le groupe RDSE s’abstiendra sur l’ensemble de la proposition de loi pour ne pas donner le sentiment d’être un peu contradictoire en votant en faveur des articles pour, au final, voter contre l’ensemble du texte.
Néanmoins, il s’agit bien du même état d’esprit que celui qu’a manifesté M. Desessard. Sachez seulement que M. Robert Hue votera contre, tandis que M. Gilbert Barbier votera pour.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Nous ne pouvons pas nous lancer dans une dramatisation d’un texte sur lequel, en fin de compte, tout le monde est d’accord.
Mon cher collègue, ce n’est pas une injonction du ministre au Parlement, c’est une information sur le déroulement à partir d’une cadence de travail sur un texte qui a recueilli l’accord de tous.
La proposition qui nous est faite aujourd’hui tient lieu de référence en termes de cohérence : on appelle cela calendrier. Selon M. le ministre, c’est une vision de la démocratie sociale, tous les volets, tels que la formation professionnelle ou ce qui fait l’objet de la présente proposition de loi, doivent tenir dans un même texte.
Cela me semble cohérent, même si ce qui peut être perçu, pour les uns, comme de la précipitation est vécu, par les autres, comme une longue attente à laquelle il est mis fin. À cet égard, j’ai en tête le souvenir du texte, important lui aussi, sur la biologie médicale, qui a attendu trois ans et pour lequel on est tout de même parvenu à un consensus afin qu’il soit adopté. Il est parfois urgent d’attendre ! En l’occurrence, d’ailleurs, je le précise puisque les calendes grecques ont été évoquées, l’attente sera courte.
À mon sens, la proposition qui nous est faite, je le répète après M. Jeannerot, a encore besoin d’éléments d’information pour être la plus parfaite possible. En effet, une réflexion est en cours au ministère de l’économie en ce qui concerne les normes. Or un tel travail, au-delà de son aspect pratique, est nécessaire car il est destiné à porter ses fruits dans l’avenir : la démocratie sociale, bien assise.
Il importe d’attendre un peu et le dire n’est pas faire injure au travail de notre collègue rapporteur, qui n’est pas seulement un travail de réflexion. Ainsi, alors que nous sommes en octobre, nous aurons à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine un bon texte, qui rendra service à l’ensemble de nos concitoyens s’agissant de la démocratie sociale. C’est dans cet esprit que le groupe socialiste votera contre, non pas l’esprit du texte, mais le texte lui-même, afin de respecter le déroulement de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.