M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je réserverai pour l’article 12 les développements concernant la métropole du Grand Paris. Contentons-nous en cet instant du schéma régional de coopération intercommunale de la grande couronne.
La commission des lois, fidèle à la position qu’elle avait arrêtée en première lecture, a veillé à ne pas bouleverser les équilibres locaux établis dans le cadre du dispositif d’achèvement de la carte intercommunale des départements de la grande couronne, dont la mise en œuvre, rappelons-le, viens de se terminer, ni à remettre en cause les accords intervenus dans le cadre des schémas départementaux qui, d’ailleurs, notez-le bien, feront l’objet, j’allais dire « mécaniquement », d’une révision en 2015, comme le prévoit l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010.
La commission a, en conséquence, rejeté l’élaboration d’un schéma régional de coopération intercommunale de la grande couronne.
L’amendement n° 414 est inutile au regard de la constitution du périmètre de la métropole du Grand Paris prévue par l’article 12. Y seront intégrées l’ensemble des communes des trois départements de la petite couronne.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement dont M. Richard est le premier cosignataire tend à fixer, dans les départements de la grande couronne, un seuil minimal pour la création d’EPCI à fiscalité propre situés dans l’unité urbaine de Paris. Les communes situées dans des EPCI à fiscalité propre comportant au moins 30 000 habitants ou une commune d’au moins 10 000 habitants dans l’unité urbaine de Paris ne pourraient être insérées que dans un établissement public à fiscalité propre comptant au moins 100 000 habitants.
La commission est favorable à cet amendement.
Mes chers collègues, au fil des auditions, j’ai vérifié que cette disposition correspondait à une attente commune aux divers territoires concernés. Il s’agit là d’une démarche ascendante. Je le souligne d’ores et déjà, même si nous y reviendrons sans doute longuement dans la suite de nos discussions : lorsque l’on se donne la peine de rencontrer et d’écouter les représentants des territoires, ce que Mme la ministre a fait et ce que j’ai tenté de faire à mon modeste niveau, on se rend compte que cette dimension est bel et bien souhaitée, et pas seulement par certains sénateurs.
Quant à l’amendement n° 414, qui a pour objet l’achèvement de la carte intercommunale dans la petite couronne, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La métropole du Grand Paris, telle que l’envisage désormais le Gouvernement, regroupe l’ensemble des communes de la première couronne parisienne. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 414.
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable au seuil de 100 000 habitants, et partant à l’amendement n° 494 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote sur l’amendement n° 414.
M. Philippe Dallier. Je laisserai mes collègues de la grande couronne s’exprimer au sujet de leurs territoires respectifs. Toutefois, je souligne qu’avec l’amendement n° 414 présenté par nos collègues du groupe CRC, lequel a pour objet l’achèvement de la carte de l’intercommunalité dans la petite couronne, nous abordons le débat sur le Grand Paris d’une drôle de manière !
En effet, à l’heure où, je l’espère, nous nous apprêtons à faire un grand pas en avant, l’amendement défendu par M. Favier nous ramène trois ans en arrière !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Et même cinq ans !
M. Philippe Dallier. Or, en 2010, au titre de la dernière réforme, j’avais précisément déposé un amendement tendant à éviter, pour les communes de la petite couronne, toute obligation d’achèvement de la carte intercommunale. La raison en était simple : je souhaitais l’avènement de ce débat relatif au Grand Paris, je proposais à cet égard le périmètre de la petite couronne et j’espérais bien que ce ne serait pas le modèle retenu.
Si j’ai bonne mémoire – et il me semble que tel est le cas – cet amendement avait été adopté avec l’avis favorable du gouvernement de l’époque, et à l’unanimité du Sénat ! J’imagine donc – il sera possible de consulter les comptes rendus pour s’en assurer – que nos collègues du groupe CRC étaient alors favorables à cette mesure.
Mme Catherine Procaccia. À moins qu’ils ne se soient abstenus !
M. Philippe Dallier. Monsieur Favier, permettez-moi de vous signaler un second paradoxe : en première lecture ici, vous nous avez dit, en long, en large et en travers, tout le mal que vous pensiez de l’intercommunalité au sein de la petite couronne. En effet, toutes les communes y disposent peu ou prou de la taille critique pour assurer les services de proximité. Vous étiez monté au créneau - et à la tribune ! - pour nous enjoindre de ne pas contraindre les communes ! (M. Alain Gournac s’exclame.)
Aujourd’hui, vous revoilà, mais vous nous expliquez exactement le contraire. Vous vous êtes rangé à l’avis du syndicat Paris Métropole – est-il au reste représentatif ? De fait, vous craignez que le Sénat n’adopte, via l’article 12, un véritable projet permettant, comme je l’espère, moi, de construire enfin la métropole du Grand Paris.
De grâce, mes chers collègues ! Nous ne pouvons que rejeter cet amendement. Il faut que nous puissions débattre de l’article 12 en écoutant tous les points de vue. Engager cette discussion en examinant un tel amendement, c’est un paradoxe que je tenais absolument à souligner !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, errare humanum est, perseverare diabolicum ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. René Garrec. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. À ce jour, en dépit des difficultés, tous les départements de la grande couronne ont pour ainsi dire achevé la carte des intercommunalités. Ces dernières sont constituées et fonctionnent. Dans moins d’un an, les délégués communautaires seront élus. Et voilà que l’on nous dit : « Allez, refaites tout, qui plus est sous la coupe du préfet de région ! » C’est insensé ! De surcroît, le seuil serait porté à 250 000 habitants ! Où est-on allé chercher cela ? Comment va-t-on créer des intercommunalités de cette taille dans certains départements de la grande couronne ?
En Seine-et-Marne, il faudrait rassembler toute l’agglomération de Melun-Sénart et je ne sais quelle ville encore !
M. Roger Karoutchi. Fontainebleau, tant qu’on y est !
M. Jean-Jacques Hyest. Non, mon cher collègue, car, fort heureusement, la forêt coupe l’unité urbaine de Paris ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
De telles dispositions sont totalement aberrantes.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. La commission des lois en a convenu, les communes ou intercommunalités qui appartiennent à cette unité urbaine doivent pouvoir rejoindre librement la métropole si elles le souhaitent. Certaines d’entre elles peuvent y avoir intérêt. Mais laissons à chacune la liberté de choisir !
Par ailleurs, j’ai lu attentivement l’amendement de M. Richard et cette multiplication de conditions et de seuils me gêne beaucoup : 30 000, 10 000 habitants… Il s’agit presque de mesures ad hominem, ou plutôt, en l’occurrence, ad civitatem ! Ce type de critères me semble un peu suspect. Attendons plutôt la révision ! Nous n’avons pas besoin de nous presser.
Je le répète, je n’aime pas ce foisonnement de dispositions, qui ne peut que susciter des soupçons. Les seuils sont nécessaires, mais ils ne doivent pas être trop nombreux. La liberté d’organisation doit primer.
Pour ma part, j’ai défendu un seuil démographique minimal pour les intercommunalités. On le voit d’ailleurs clairement, si ces dernières sont trop petites, elles ne peuvent pas fonctionner, ou plutôt elles ne fonctionnent qu’avec des services locaux. Or, ce n’est pas cela, une intercommunalité ! Aussi, je suis hostile à ces trois amendements.
Je ne dis pas que certaines communes de la frange urbaine des départements de la grande couronne ne méritent pas une réflexion et une évolution. C’est bien entendu le cas !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais le sujet n’est pas mûr. Nous rencontrons déjà suffisamment de difficultés : laissons la situation évoluer et ne fixons pas, pour l’après-2015, des règles que nous n’appliquerons pas nécessairement !
Enfin, madame la ministre, je vous avoue que, pour avoir lu certains propos et entendu certains discours, je constate parfois comme un dédoublement de personnalité qui me choque.
M. Jean-Jacques Hyest. Il ne s’agit pas de vous ! Je dresse simplement ce constat : dans cet hémicycle, on défend beaucoup les communes, cependant que, dans d’autres enceintes, certains, parfois maires eux-mêmes, soutiennent les intercommunalités avec une telle force qu’ils semblent, au total, douter des communes. C’est tellement beau d’être président d’intercommunalité et d’avoir plus de pouvoirs !
Je suis attaché à ce que l’intercommunalité reste ce qu’elle doit être. Si l’on veut passer à un autre stade, il faut le dire ! Il y a l’exemple de la métropole de Lyon, que j’approuve, car il s’agit d’une réelle innovation. Dans d’autres cas, il ne s’agit hélas que de petits conflits de pouvoir et d’egos. On imagine la tentation de certains de laisser aux maires l’état civil, les cimetières et quelques miettes, bref tout ce qui n’est pas intéressant, pour mieux se réserver les belles compétences… (Mme la ministre manifeste sa circonspection.) Madame la ministre, si vous le voulez, je peux vous donner lecture de documents rédigés par certaines associations d’élus ! Mais, après ce que vous nous avez rapporté des propos tenus ce matin par les représentants des intercommunalités de France, je m’en voudrais de ruiner votre enthousiasme !
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.
M. Vincent Eblé. J’observe avec intérêt que quatre des six signataires de l’amendement n° 494 rectifié ont des attaches électorales assez étroites dans ces territoires particuliers que sont les anciennes villes nouvelles de la région parisienne. C’est vrai pour Alain Richard et Dominique Gillot à Cergy. C’est vrai pour Catherine Tasca à Saint-Quentin-en-Yvelines. C’est vrai pour moi-même à Marne-la-Vallée.
On ne peut pas reprocher à ces élus de négliger l’intérêt que peut revêtir une intercommunalité puissante.
M. Jean-Jacques Hyest. Il ne s’agit pas de cela !
M. Vincent Eblé. Nos territoires pratiquent la coopération intercommunale depuis trente ou quarante ans ! Ainsi, si nous proposons le seuil de 100 000 habitants, ce n’est pas pour réduire la capacité d’action de ces EPCI. C’est au contraire pour leur permettre de se développer au sein d’un regroupement et de manière extrêmement utile par rapport à la métropole, c’est-à-dire selon des logiques d’aménagement et de développement économique des territoires.
Cher Jean-Jacques Hyest, en la matière comme en toute chose, il faut trouver une juste proportion. À cet égard, gardons-nous de deux extrêmes : d’un côté, ne rien changer – en s’adossant à des maximes latines pour maintenir un statu quo,…
M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y a pas de statu quo !
M. Vincent Eblé. … pouvant parfois dissimuler des intérêts particuliers – ; de l’autre, opter pour une structuration trop puissante. Chacun peut regarder les cartes - pourquoi s’interdire de le faire ?- et comprendre qu’un tel dispositif serait très difficile à mettre en œuvre
À nos yeux, instaurer un seuil de 100 000 habitants permet de franchir une étape consistante pour ces territoires limitrophes du cœur de la métropole et du futur EPCI centralisé que nous appelons de nos vœux.
Cette étape ne sera pas facile. Elle n’en est pas moins nécessaire pour établir le dialogue avec le cœur de la métropole et pour éviter de déclasser les territoires ruraux appartenant à l’ensemble francilien. Un tel seuil permettra d’assurer aux intercommunalités une taille suffisante pour agir, pour construire des politiques et pour façonner l’avenir de nos territoires. Peut-être le seuil de 100 000 habitants est-il temporaire. Je ne préjuge pas du long terme ! Quoi qu’il en soit, ce seuil correspond à ce jour à une avancée importante, qu’il va nous falloir accomplir avant d’atteindre les 250 000 habitants !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Pour ma part, je reviendrai sur le fond et sur la forme du présent texte, ainsi que sur la méthode suivie.
Nous nous sommes déjà exprimés en première lecture sur ces dispositions, dont la rédaction était bien sûr différente. Néanmoins, je reviendrai très rapidement sur ce que j’ai dit lors du premier examen de ce texte, car, à mon grand regret, le Gouvernement ne m’a pas suivi.
Nous visons tous le même objectif : organiser la métropole d’Île-de-France. Il s’agit là d’une nécessité absolue, chacun en conviendra. Toutefois, des divergences se font jour quant aux moyens d’y parvenir.
Sur la forme, plusieurs de nos collègues et moi-même avions proposé que le Gouvernement associe à ce chantier tous les parlementaires et les élus locaux d’Île-de-France. Ceux-ci auraient été chargés de formuler une proposition d’organisation dans les six mois. Si, passé ce délai, aucune proposition n’avait été formulée, le Gouvernement se serait naturellement chargé lui-même de cette tâche.
Ce n’est pas ce qui s’est passé. Certes, la concertation a bien eu lieu, mais elle s’est limitée à la cinquantaine de parlementaires socialistes d’Île-de-France ! C’est en tout cas ce que j’ai compris. Ces derniers se sont entendus sur un texte. Il aurait été préférable pour tout le monde d’associer tous les élus franciliens à ce travail, j’en suis convaincu.
Sur le fond, le présent texte essaye de réunir Paris et la petite couronne mais laisse la grande couronne de côté. Nous reviendrons sur la question des seuils. Je précise d’ores et déjà que ce n’est pas, à mes yeux, la bonne manière de voir les choses. Je suis pour la simplification, non pour l’ajout de structures supplémentaires ! Nous en avons, aujourd’hui, suffisamment. Nous devons tous privilégier ce qui va dans le sens de la simplification.
À ce titre, je proposais non pas de séparer petite et grande couronnes, mais, à l’inverse, de regrouper la région, les départements et le STIF, car les transports doivent bien entendu constituer une compétence majoritaire pour la métropole ! Ainsi, au sein de celle-ci, il serait possible de conserver des intercommunalités fortes et des communes. En tout et pour tout, trois niveaux subsisteraient.
Ces trois niveaux me semblent toujours constituer la bonne solution. Ils permettent que tous les territoires soient concernés – grande couronne comprise –, et que la puissante métropole ainsi créée se concentre sur les enjeux majeurs, non sur les questions de proximité.
Chacun propose sa solution, ce que je comprends bien, mais si nous ne débattons pas tous ensemble et si on ne nous laisse pas le temps de faire des propositions – six mois, ce n’est pas énorme – comment arbitrer ?
La solution proposée aujourd’hui ne me paraît pas satisfaisante sur le fond, ce qui nous amène à discuter de seuils pour la grande couronne. C’est l’objet des amendements que nous examinons. Faut-il fixer ce seuil à 100 00, à 200 000, à 250 000 habitants ? Que faire ?
Des schémas départementaux viennent d’être établis, parfois dans la douleur, parfois après une large concertation. On vient de les adopter, on va voter pour des représentants. Il me semble aberrant de vouloir fixer des seuils. C’est du moins beaucoup trop tôt.
Dans l’absolu, je n’ai aucune idée du seuil qui serait pertinent. Si l’on avait une organisation complète et claire en l’Île-de-France, on pourrait essayer de fixer des seuils pour la grande couronne ; mais ce n’est pas le cas. Qu’est-ce qui nous oblige à aller si vite ?
Par ailleurs, dans le contexte actuel, imposer un seuil de 250 000 habitants, comme le propose le Gouvernement, ne me paraît pas une bonne solution, même si personnellement je suis favorable à des intercommunalités fortes.
Je ne voterai pas ces amendements. Je préférerais que l’on dispose de plus de temps pour réfléchir à d’éventuels seuils.
M. le président. La parole est à M. Michel Berson, pour explication de vote.
M. Michel Berson. L’amendement défendu par notre collègue Alain Richard est tout à fait pertinent et opportun. Il l’était avant le dépôt de l’amendement du Gouvernement ; il l’est davantage depuis que nous avons connaissance de cet amendement.
Dès lors que la ville de Paris et les intercommunalités de la petite couronne vont se constituer en métropole du Grand Paris, il convient que la grande couronne s’organise aussi et trouve une nouvelle cohérence territoriale. Les intercommunalités des départements de l’Essonne, de Seine-et-Marne, du Val-d’Oise et des Yvelines doivent se restructurer. Pour que les quatre départements de la grande couronne ne soient pas en situation de déséquilibre par rapport à la puissante métropole du Grand Paris, ils doivent dialoguer et mieux coopérer. Ainsi, ils pourront peser davantage face aux décideurs publics et privés.
M. Christian Cambon. Il faut refaire la Seine-et-Oise ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Sophie Primas. Voilà !
M. Michel Berson. Les communautés d’agglomération de la grande couronne doivent donc atteindre un seuil de population critique pertinent qui leur permette d’être fortes, de mieux rayonner, d’être plus attractives, et ainsi de pouvoir mieux lutter contre les inégalités sociales et territoriales, qui demeurent grandes en Île-de-France.
L’amendement n° 494 rectifié tend à fixer un seuil minimum de 100 000 habitants, avec quelques clauses qui permettent de bien structurer le regroupement des intercommunalités de la grande couronne. Pour ma part, j’aurais souhaité que ce seuil soit fixé à 150 000 habitants.
Mme Catherine Procaccia. Qui dit plus ? Qui dit moins ? (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Cent vingt-deux mille, peut-être !
M. Michel Berson. Cependant, je sais que les situations en grande couronne sont diverses et contrastées.
Une analyse fine de la carte des intercommunalités en Île-de-France montre que le seuil de 100 000 habitants est déjà une grande avancée. Cette première étape devrait permettre de créer une véritable dynamique de regroupement des intercommunalités de la grande couronne. Il est évident que, sur la base du volontariat, des intercommunalités se regrouperont et dépasseront le seuil de 100 000 habitants, voire de 150 000 habitants. J’ai en tête des exemples dans le département de l’Essonne.
L’amendement défendu par Alain Richard est donc un amendement de sagesse et de progrès.
En revanche, l’amendement du Gouvernement, qui prévoit un seuil de 250 000 habitants, paraît pour le moins excessif. À l’évidence, il serait source de grandes difficultés. Je prends, d’ailleurs, cet amendement du Gouvernement comme une proposition dans un débat encore ouvert, puisque la navette parlementaire n’est pas arrivée à son terme.
Je l’ai dit, j’étais favorable à un seuil de 150 000 habitants. Cela étant, dans un souci de sagesse et de progrès, je me range au seuil de 100 000 habitants proposé par Alain Richard, surtout après la présentation de l’amendement du Gouvernement, que je ne voterai pas.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Mes propos s’inscriront dans le droit fil de l’intervention de mon collègue Michel Berson.
Tout d’abord, je comprends parfaitement que l’on mette en avant le fait qu’une carte de l’intercommunalité a d’ores et déjà été réalisée en grande couronne.
M. Jean-Jacques Hyest. Et mise en œuvre !
M. Jean-Pierre Caffet. Tout à fait !
Cela étant, il nous faut tenir compte d’une nouvelle donne. Si l’article 12 était adopté dans son architecture actuelle, même moyennant l’adoption de quelques amendements, nous aurions une métropole de 6,5 millions d’habitants avec l’ensemble de la petite couronne.
Certes, cette métropole serait dotée de compétences limitées, contrairement à ce que prévoyait le texte adopté par l’Assemblée nationale, aux termes duquel la métropole du Grand Paris avait toutes les compétences de la métropole de droit commun, à condition qu’un certain nombre d’entre elles soient reconnues d’intérêt métropolitain. Cela a été modifié par la commission. Désormais, les compétences de la métropole sont circonscrites. Mais il s’agit de compétences importantes et particulièrement structurantes.
Par conséquent, la donne est différente. Nous nous trouvons face à la constitution d’une métropole de 6,5 millions d’habitants dotée de compétences importantes. Une question nous est posée par MM. Eblé et Berson, qui sont des représentants de la grande couronne.
Mme Sophie Primas. Il n’y a pas qu’eux !
M. Jean-Jacques Hyest. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Caffet. Nous ne pouvons pas ignorer la grande couronne et oublier qu’un certain nombre d’élus de la grande couronne demandent que l’on fixe un seuil pour qu’ils puissent s’organiser et, comme l’a souligné justement Michel Berson, peser face à la métropole, qui sera, j’insiste sur ce point, une entité de 6,5 millions d’habitants !
Monsieur Hyest, si j’ai bien compris le sens de votre intervention, vous admettiez la problématique de seuil pour les zones urbaines situées à proximité de la petite couronne, c'est-à-dire là où la concentration urbaine est particulièrement importante. En revanche, vous la trouviez moins pertinente pour d’autres parties de la grande couronne, comme dans le sud de l’Essonne ou dans l’est de la Seine-et-Marne, qui constituent des territoires plus ruraux.
L’amendement de M. Richard, auquel j’adhère, y compris dans sa formulation, vise à prendre en compte la double réalité des zones urbaines à proximité de la petite couronne et des zones rurales aux franges de la région d’Île-de-France, puisqu’il prévoit un certain nombre de critères pour des villes de 10 000 habitants ou des intercommunalités existantes de 30 000 habitants.
Nous devons faire un choix. Nous ne pouvons pas refuser à la grande couronne, du moins à sa partie urbaine, de s’organiser en intercommunalités suffisamment fortes, mais nous devons laisser le choix aux communes qui sont à la périphérie de notre région de faire comme bon leur semble. Éventuellement, elles doivent pouvoir conserver leur carte intercommunale, avec des communautés de communes de 10 000, de 20 000 ou de 30 000 habitants. Dans notre esprit, le seuil ne concerne que la zone urbaine.
Bien évidemment, notre appréciation diverge de celle du Gouvernement, à la fois sur le seuil – nous préférerions 100 000 habitants –, mais également en ce qui concerne la procédure. L’amendement proposé par Alain Richard prévoit de conserver la clause de revoyure et, alors, de procéder à un état des lieux des nouvelles intercommunalités, avant d’appliquer le seuil.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Je souhaite réagir aux propos de mon collègue Philippe Dallier, qui a refait tout à l’heure le débat de 2010.
En 2010, il ne s’agissait pas de construire la métropole de Paris. Il s’agissait d’achever la carte intercommunale, opération que notre collègue a lui-même torpillée par son amendement, empêchant l’agglomération parisienne de pouvoir achever sa carte dans les mêmes délais que les autres départements.
Aujourd'hui, la question est de savoir quel type de métropole nous voulons mettre en œuvre. S’agira-t-il d’une métropole construite sur des dynamiques de territoires au cœur de l’agglomération parisienne ? Je pense, notamment, à ce qui se passe dans les intercommunalités existantes, mais aussi dans celles qui sont en train de se créer. Certes, seulement 60 % des communes de la petite couronne sont actuellement constituées en intercommunalités, mais des projets émergent partout.
Par exemple, dans mon propre département, au-delà des intercommunalités déjà constituées, existent également des syndicats de communes, des syndicats d’études. Il en est de même pour l’Association des collectivités territoriales de l’Est parisien, l’ACTEP, et pour toutes les communes qui, sur l’Essonne et sur le Val-de-Marne, se sont constituées autour du pôle du Grand Orly. Des dynamiques se font jour, en particulier autour des contrats de développement territorial, grâce à l’élan suscité par le métro du Grand Paris.
Nous sommes au cœur de ce mouvement. La métropole que nous appelons de nos vœux doit s’appuyer sur la dynamique des territoires, et non l’inverse. Elle ne doit pas ressembler à une métropole intégrée, cette espèce de monstre technocratique de 6,5 millions d’habitants. Comment fonctionnerait d’ailleurs un tel bazar ?
À l’évidence, sur le plan démocratique, les citoyens se trouveront très fortement éloignés des lieux de décision, jusqu’au maire qui sera complètement isolé dans une assemblée d’environ deux cent cinquante personnes. Comment le maire pourra-t-il se faire entendre si la métropole ne lui délègue pas les moyens financiers qui lui seront nécessaires pour assumer les compétences qu’il devra continuer à exercer ? On lui aura effectivement enlevé toute sa fiscalité économique et il ne lui restera éventuellement que la malheureuse taxe d’habitation ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Vous avez raison !
M. Christian Favier. Il faudra recréer des syndicats intercommunaux, puisque les intercommunalités ont été dissoutes.
D’ailleurs, sur le plan constitutionnel, on peut s’interroger : comment peut-on contraindre un maire à reprendre ses compétences si l’intercommunalité à laquelle il les a déléguées se trouve dissoute ?
Nous mettons sur pieds un véritable bazar dans une période où notre région connaît un fort taux de chômage, sans parler des difficultés en matière de logement. N’avons-nous donc rien de mieux à faire aujourd'hui que de donner ce triste spectacle ?
Il est regrettable que des élus et une assemblée comme la nôtre débattent de la mise en place d’une espèce de métropole qui, au bout du compte, échappera complètement au contrôle démocratique des élus et sera gérée par des technocrates. Nous ne voulons pas de cela, monsieur Dallier. Votre schéma est sans doute simple, mais, pour ma part je le trouve surtout simpliste !
M. Alain Gournac. Venant des communistes, c’est un compliment ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Toutes nos discussions sur le Grand Paris ont pour origine le dysfonctionnement de la région d’Île-de-France.
Cette région est un bel outil, mais, si les compétences étaient correctement exercées, peut-être n’aurions-nous pas ce débat sur la métropole, sur la grande couronne, sur le déséquilibre entre un monstre qui est en train de se créer et des départements de la grande couronne qui peuvent se sentir oubliés.
Je souscris aux premiers arguments avancés par notre collègue Alain Richard. La création d’une commission régionale de la coopération intercommunale via l’amendement n° 212 du Gouvernement me paraît complètement hors périmètre.
Je ne me reconnais en effet aucune compétence pour donner un avis sur le Val-de-Marne ou sur tout autre département que, par définition, je connaîtrais infiniment moins bien que le mien.
Ce processus pourrait aussi conduire à faire apparaître des majorités de circonstances quelque peu curieuses. Il n’est donc ni satisfaisant ni démocratique, comme vient de le dire notre collègue communiste.
Dans les Yvelines, nous venons d’achever notre schéma départemental, et Dieu sait combien ce fut douloureux – je vois ma collègue Catherine Tasca opiner ! Nous avons maintenant en ligne de mire la clause de revoyure en 2015, et nous sommes en train de mettre en place des intercommunalités qui risquent de ne pas être très pérennes… Le fait de devoir tout reprendre, à la veille des élections municipales, avec un nouveau calendrier et de nouveaux seuils, me paraît complètement irrationnel !
Les seuils qui nous sont proposés posent, en effet, problème aux élus des Yvelines, et c’est la raison pour laquelle je ne voterai pas, monsieur Richard, votre amendement, qui risque de diviser en deux le département.
D’un côté, il y aurait de grosses intercommunalités puissantes capables de rivaliser avec la métropole de Paris et, de l’autre, des intercommunalités et des communautés de communes beaucoup moins importantes, qui finiraient peut-être par devenir la responsabilité résiduelle du département. L’inquiétude est très forte parmi les élus des Yvelines, au nom desquels je peux parler parce que je les ai rencontrés, mais aussi, me semble-t-il, parmi ceux de la Seine-et-Marne.
J’aimerais terminer en disant qu’il faut faire confiance aux élus. Dans les Yvelines, il est nécessaire que les pôles intercommunaux soient beaucoup plus importants qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les élus de ce département, de droite comme de gauche, le savent bien ; nous serons là après les élections municipales pour créer ces intercommunalités. Les seuils de 100 000, 200 000, 250 000 et 350 000 habitants ne sont pas forcément pertinents. Ce sera peut-être 400 000, et j’ai d’ailleurs en tête un territoire où cela pourrait être le cas. À l’inverse, dans des territoires un peu plus éloignés, un seuil inférieur à 100 000 habitants permettrait de créer cette puissance territoriale.
Je suis donc opposée à l’instauration de seuils dans le présent projet de loi. Il faut laisser les élus du département prendre leurs responsabilités ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)