M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Philippe Adnot. J’estime que tous ceux qui s’opposent au cumul doivent s’appliquer leurs principes ; ce serait là de leur part un geste démocratique élégant. Quant à moi, je n’ai pas eu besoin d’une loi pour m’en tenir à l’exercice d’un seul mandat local, celui de président du conseil général. J’aurais pu vouloir aussi présider l’office d’HLM, le service départemental d’incendie et de secours, que sais-je encore… Je figure à la 511ème place dans le classement des élus qui cumulent.
Ce dont je suis sûr, mes chers collègues, c’est que la diversité d’expériences des membres des assemblées, tant sur le plan professionnel que sur celui des responsabilités politiques, est essentielle à la qualité du travail parlementaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. À l’unisson de mes collègues, je voterai le projet de loi organique tel que modifié par le Sénat.
Permettez-moi de présenter deux remarques : la première d’ordre politique, la seconde d’ordre institutionnel.
D’un point de vue politique, monsieur le ministre, vous avez pris le risque de nourrir l’antiparlementarisme en France.
On voit une fois de plus fleurir dans la presse locale et nationale des articles s’en prenant à la représentation nationale, dont les membres sont présentés comme des profiteurs attachés à leurs avantages et ne cherchant qu’à accroître leurs pouvoirs. Ce phénomène resurgit de façon récurrente.
Ce risque, vous l’avez pris, monsieur le ministre, sans mesurer à mon avis les retombées qu’aura un tel débat. En effet, une fois la machine lancée, elle produira d’autres effets, qui affecteront l’ensemble de la classe politique.
Je souhaiterais m’adresser, au-delà de cet hémicycle, à ceux qui suivent nos discussions en se disant que, après tout, si les parlementaires sont victimes d’une promesse de François Hollande et du parti socialiste, c’est bien fait pour eux ! Ces personnes manquent de mémoire. En effet, qu’a dit le parti socialiste ?
M. Jean-Jacques Mirassou. David Assouline est son porte-parole !
M. Jean-Claude Lenoir. Ne parlait-il que des parlementaires ? Pas du tout ! Lors du congrès de Toulouse, en octobre 2012, la résolution finale prévoyait l’instauration du mandat unique pour les parlementaires, les membres de l’exécutif régional ou départemental et les membres de l’exécutif des municipalités. C’est donc l’ensemble des élus assumant une fonction exécutive qui sont visés. Certes, tel n’est pas le cas dans le présent texte, mais demain, par souci de cohérence, vous chercherez à appliquer les mêmes règles aux maires et aux présidents de conseil général ou de conseil régional.
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. Jean-Claude Lenoir. Toujours sur le plan politique, on voit bien que votre objectif est de modifier de façon importante le paysage de cet hémicycle, en offrant un marchepied à des candidats « hors-sol » et élevés sous serre, qui viendront renforcer les rangs déjà bien garnis de ceux qui sont complètement coupés des réalités de la vie quotidienne, telle que nous la connaissons au travers de l’exercice de nos mandats locaux.
Ma seconde remarque sera d’ordre institutionnel.
Monsieur le ministre, durant tout le débat – même si vous avez un peu changé de ton aujourd’hui, ce dont je me réjouis –, je vous ai entendu donner des coups de rabot à notre institution. Vous avez cherché en permanence à banaliser notre mandat, la fonction de sénateur, en l’identifiant à celle de député. Disant cela, il ne s’agit nullement pour moi de minimiser le rôle des députés ; je fus l’un d’entre eux. Mais ma fonction actuelle est tout à fait différente de celle que j’ai exercée à l’Assemblée nationale. Si j’ose dire, je suis devenu un autre homme ! En effet, au-delà du tronc commun aux deux assemblées, à savoir l’élaboration de la loi, je n’ai pas la même relation avec les personnes qui m’ont élu. Ici, je représente des collectivités, je ne fais pas le même travail. J’ai en tête une autre responsabilité, qui distingue mes fonctions actuelles de celles que j’ai assumées auparavant.
J’estime que c’est l’honneur de notre assemblée de souhaiter maintenir cette différence, voulue par les institutions. Nous ne sommes pas simplement des représentants des Français désignés au suffrage indirect, nous sommes les représentants des collectivités territoriales. Je suis plus que jamais attaché à cette spécificité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai ici à titre personnel.
Je voterai le texte, étant contre le cumul. Cette déclaration pourrait apparaître comme une provocation ou un trait d’humour, de la part d’un élu qui a beaucoup cumulé, même s’il n’a exercé ses mandats locaux que dans de petites communes.
Cela étant, comme le disait un auteur souvent cité au cours de ce débat, « pour peu qu’on considère les choses avec une certaine étendue, les saillies s’évanouissent ». Ainsi, il convient de mettre en perspective l’évolution de nos institutions.
Pour ma part, je suis « debréiste ». J’avais d’ailleurs voté contre la réforme constitutionnelle de 2008. Toutefois, pour modifier les institutions, il est une manière plus insidieuse, plus sournoise, plus subtile que de réunir le Congrès à Versailles, mais qui nous conduit peu à peu à un changement de régime. Je ne peux m’associer à une telle démarche.
Un sénateur ne pourra plus administrer une commune de 100 habitants, nous dit-on. En réalité, ce sera plutôt l’inverse : étant donné l’attachement des maires à leur commune, ils renonceront souvent à devenir sénateur ou député. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Nicolas Alfonsi. C’est un problème qui pourrait se poser à beaucoup d’entre nous !
Lors de la réforme constitutionnelle de 2008, on a entretenu l’illusion que le Parlement serait doté de pouvoirs supplémentaires grâce à l’instauration de semaines d’initiative parlementaire : à quoi servent-elles donc, sinon à présenter devant un hémicycle vide des propositions de loi qui restent ensuite au placard pendant très longtemps ?
Pour ma part, je suis un fidèle qui souhaiterait revenir à l’esprit des institutions, auquel on porte ici atteinte. Il faut tout de même conserver notre identité. Lors de la discussion du projet de loi instaurant le mariage pour les couples de personnes de même sexe, on est allé chercher des exemples au Paraguay, en Estonie, en Allemagne… Que devient la République dans ce jeu de comparaisons permanentes, visant à démontrer que c’est forcément mieux ailleurs ? Nous avons notre propre identité, notre propre histoire : là est l’essentiel.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit hier qu’il fallait redonner des pouvoirs au Sénat. Mais vous avez vous-même ruiné votre propos en ajoutant aussitôt que, de toute façon, c’est l’Assemblée nationale qui déciderait… (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Bonne remarque !
M. Nicolas Alfonsi. Une telle contradiction est d’une très grande portée ! Vous avez également évoqué de nouveaux équilibres, mais vous voulez interdire au maire d’une commune de 100 habitants de devenir sénateur, tandis que, dans certaines grandes villes du Nord, le cumul horizontal perdurera…
Je le répète, il ne s’agit ni d’une provocation ni d’un trait d’humour lorsque j’affirme aujourd’hui, à mon âge, mon opposition au cumul des mandats. Je voterai le texte tel que modifié par le Sénat. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous dénonçons une nouvelle fois l’engagement de la procédure accélérée, à notre avis absolument pas justifié s’agissant d’un tel texte, portant sur un sujet majeur.
Sur le fond, M. le ministre a évoqué une « révolution démocratique ». À mon avis, c’en est bien une, et nos compatriotes ne s’en rendent pas forcément compte.
Deux questions majeures sous-tendent le texte proposé par le Gouvernement : quel type d’élus les Français souhaitent-ils ? Quel doit être le rôle du Sénat, celui-ci doit-il continuer à exister ou disparaître ?
En ce qui concerne les élus, si les partis sont nécessaires à la démocratie, il est également indispensable d’avoir des élus indépendants, fondant un parcours politique les menant jusqu’au Parlement sur une base électorale solide. Selon moi, nombre de nos compatriotes partagent ce point de vue. Or le texte proposé par le Gouvernement vise à restreindre encore les possibilités de voir émerger de telles personnalités indépendantes.
J’en viens au rôle du Sénat, qui a, cela a été amplement souligné, vocation à représenter les territoires. À cet égard, si l’on affaiblit l’ancrage local des sénateurs, notre assemblée perdra beaucoup de sa richesse d’expertise et de sa diversité. Si le Sénat doit devenir le clone de l’Assemblée nationale, alors il n’aura plus d’utilité ni de raison d’être et, personnellement, je militerai pour sa suppression. Pour ma part, j’estime que notre assemblée doit conserver une nature spécifique, un rôle de représentation des territoires, grâce à la présence en son sein de personnalités indépendantes, s’étant construites sur le terrain. Cela me paraît essentiel.
Certains, se fondant sur des sondages, affirment que la démarche du Gouvernement est populaire. J’estime pour ma part qu’elle est surtout populiste. Comment arbitrer ? Le Gouvernement ne semble pas vouloir bouger, mais personnellement je serais favorable à la tenue d’un référendum. Puisqu’il s’agit d’une révolution démocratique, il serait normal que les citoyens aient la possibilité de s’exprimer ! Le Président de la République, qui n’a pas beaucoup de motifs de satisfaction par les temps qui courent, pourrait peut-être en trouver un dans la réussite d’un référendum sur ce sujet ! Je suis en tout cas partisan de l’organisation d’un débat dans le pays. Pour l’heure, il n’a pas eu lieu. Présumer de l’opinion des Français n’est pas raisonnable.
Le groupe UDI-UC a entendu adopter une attitude constructive dans ce débat. Nous avons montré que nous n’étions pas contre la restriction des possibilités de cumul, en proposant une alternative au projet du Gouvernement. De plus, sur le plan financier, nous avons voté en faveur de l’instauration d’une règle rendant l’indemnité parlementaire exclusive de toute autre indemnité. Nous avons prouvé que nous étions ouverts au dialogue.
Le Gouvernement aurait grand tort de choisir de passer en force, sans tenir compte de l’avis du Sénat ni consulter les Français, sur un sujet d’une grande importance pour l’avenir de notre démocratie.
Tel que le Sénat l’a modifié, le texte nous satisfait. Nous le voterons, en espérant qu’il permettra l’ouverture d’un véritable dialogue avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Le groupe écologiste votera avec regret contre ce texte, profondément dénaturé par les votes intervenus dans notre assemblée.
Nous voterons contre ce texte, parce que nous croyons que notre société, nos concitoyens ne veulent plus du cumul des mandats. Peut-être l’ont-ils accepté dans le passé, mais tel n’est plus le cas aujourd’hui ; c’est du moins ce que nous croyons profondément.
Nous voterons contre ce texte, parce que nous croyons qu’un sénateur sans mandat local est à même de représenter toutes les collectivités territoriales de sa circonscription sans aucune exception, et pas simplement celles dont il est ou a été l’élu.
Nous voterons contre ce texte, parce que nous croyons que la connaissance des collectivités territoriales s’acquiert semaine après semaine sur le terrain, auprès des maires et de la société civile. Mener ce travail est possible aussi lorsque l’on est un sénateur « hors-sol » !
Nous voterons contre ce texte, parce que nous pensons que l’égalité des chances électorales tient à la limitation du cumul des mandats, tant dans le temps que dans l’espace.
Nous voterons contre ce texte, parce que nous pensons que notre expérience de simple citoyen sans mandat exécutif local ou de simple élu a autant de poids, au sein de cet hémicycle, que l’expérience de ceux qui ne savent pas ou plus ce que c’est que d’être un simple élu ou un simple citoyen.
Nous voterons contre ce texte, même si nous avons bien pris acte du vote de l’écrêtement – je vous remercie, mes chers collègues, de m’avoir suivie sur ce point –, ainsi que d’une prise de conscience de la nécessité de mettre en place un véritable statut de l’élu. À cet égard, j’espère que le Gouvernement nous soumettra très rapidement un texte créant un tel statut, qui bien entendu ne devra pas se bâtir contre celui des élus fonctionnaires : il faut instaurer une égalité de statut pour tous les élus, quelle que soit leur origine professionnelle.
Notre groupe, attaché à la limitation du cumul horizontal et dans le temps, votera contre cet ersatz de modification de nos politiques électives. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Je tiens avant tout chose à dire que je ne vais pas revenir sur mon vote d’hier. (Sourires sur les travées de l’UMP.) Le fait que tant de nos collègues aient tenu à faire une mise au point au sujet de leur vote montre bien que nos conditions de travail ne sont pas satisfaisantes. Nombre de ceux qui ont voté hier directement ou indirectement ne savaient pas ce qu’ils votaient ou, plus exactement, ceux de nos collègues qui avaient reçu une délégation ignoraient ce que pensait leur délégant. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Parce que tout s’est fait de manière précipitée, parce que nous n’avons pas eu la possibilité d’examiner ce texte suffisamment longtemps. De fait, seuls les membres de la commission des lois savaient à peu près quel était son contenu.
Aussi, j’aimerais avoir des précisions, si tant est qu’on puisse me les donner, précisions que j’ai tenté d’obtenir tant auprès de nos collègues députés qu’auprès de nos collègues sénateurs. Je signale d’emblée que je ne suis pas particulièrement concerné puisque j’ai décidé d’abandonner progressivement mes mandats. Mes questions n’ont donc d’autre but que de clarifier tout ce qui se dit dans les couloirs sur ce sujet important.
En 2017, en théorie, tout cumul sera interdit, sauf, bien évidemment, si la disposition qu’a fait adopter notre collègue Mézard, à laquelle je suis tout à fait favorable, perdure.
M. Jean-Claude Lenoir. Elle va perdurer !
M. Éric Doligé. Certains pensent que, une fois élus sénateur et maire en 2014, ou conseiller départemental ou conseiller régional en 2015, ils pourront cumuler leur mandat parlementaire avec leur mandat local jusqu’en 2020. Aussi, j’aimerais bien qu’on me dise très précisément ce qui va se passer en 2017. Contrairement à ce que peuvent penser M. le ministre ou d’autres éminentes personnalités, ce n’est pas clair, à telle enseigne que chacun a sa propre interprétation.
Il est également important que nos collègues sachent quelles dispositions seront applicables au moment de la promulgation du projet de loi organique et quelles dispositions seront applicables aux échéances mentionnées dans le texte. Quand on est amené à se prononcer sur une réforme, il faut que ce soit en toute connaissance de cause.
Si l’on faisait un sondage anonyme auprès de nos collègues, je ne suis pas persuadé que les questions que je viens de poser recueilleraient des réponses identiques. C’est pourquoi il faut être précis.
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. N’étant pas membre de la commission des lois et n’étant pas prioritaire pour prendre la parole, je me suis peu exprimé jusqu’à présent, mais mes collègues l’ont fort bien fait au cours de ce débat. Toujours est-il que je tiens à faire connaître ma position.
Je ne voterai pas le projet de loi organique tel qu’il ressort des travaux du Sénat. L’introduction d’une exception pour les sénateurs dénature le texte initial du Gouvernement, que je soutiens, et qui est celui du parti socialiste.
Il était évidemment légitime qu’un débat spécifique s’engage ici. En effet, la Constitution dispose non pas que le Sénat « représente les collectivités » mais qu’il « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».
M. Jean-François Husson. C’est encore plus fort !
M. David Assouline. Cela signifie que c’est le corps électoral des sénateurs, avant tout des élus locaux, qui assure cette représentation.
J’étais favorable au texte initialement présenté par le Gouvernement, au nom de l’efficacité du travail parlementaire. J’en ai fait moi-même l’expérience : une fois élu sénateur, j’ai démissionné de l’exécutif local dont j’étais membre parce que cet engagement dans ma collectivité nécessitait déjà une disponibilité supérieure à un plein temps. Vous le savez tous, dans ces fonctions, on travaille plus que huit heures par jour, on travaille également tard la nuit. Pour ma part, j’ai considéré qu’il me serait très difficile de concilier cette fonction avec mon mandat parlementaire. Bien sûr, il est toujours possible de déléguer,…
M. Joël Billard. Eh oui !
M. David Assouline. … mais si l’on veut rester à la tête d’une collectivité locale, pourquoi ne pas renoncer à son mandat de sénateur, le déléguer, en choisissant celui qui pourrait le mieux la représenter ?
Plus fondamentalement, ce non-cumul, qu’il s’agisse des sénateurs ou des députés, c’est l’assurance d’un travail parlementaire efficace et donc d’un renforcement de la fonction de parlementaire. Plus nous aurons le temps de nous y consacrer, plus nous réussirons à faire bouger les lignes et à faire en sorte que l’exécutif, quel qu’il soit, respecte notre travail. Je précise bien « quel qu’il soit », car on sait bien que l’exécutif a toujours la tentation de vouloir aller vite. En face, tout parlementaire a à cœur que son travail soit respecté, que le temps pour la délibération soit observé. C’est d’ailleurs ce qui justifie la séparation des pouvoirs.
Par ailleurs, la fin du cumul permettra, dans chacune de nos circonscriptions, à un plus grand nombre de femmes d’accéder aux fonctions électives, d’assurer un plus grand renouvellement et une meilleure représentation de la diversité sociale de notre pays – même si ce combat continue et qu’il n’est pas gagné d’avance.
En tant que sénateurs, nous faisons la loi, à égalité avec un député. C’est notre force ! Nous examinons tous les textes,…
M. René-Paul Savary. Pas longtemps !
Mme Hélène Lipietz. Les députés non plus !
M. David Assouline. … en ayant à cœur l’intérêt général. Dès lors que nous établissons une distinction, que nous introduisons une inégalité entre députés et sénateurs, cela signifie que, finalement, nous ne sommes plus l’émanation de la République une et indivisible, que nous ne représentons plus l’intérêt général, qui dépasse celui de telle ou telle collectivité. Par la création d’un tel précédent, on supposera forcément que nous appréhendons les lois à l’aune des intérêts du territoire dont nous sommes l’élu. Bien entendu, nous devons tenir compte de ce territoire, parce que c’est la base du corps électoral qui nous a désignés, mais gardons-nous de jamais nous considérer comme les représentants de collectivités, car nous sommes avant tout les représentants de la République et les défenseurs de l’intérêt national dans son ensemble.
Pour toutes ces raisons, et afin que le Sénat conserve tout ce qui fait sa force, n’établissons pas cette distinction. C’est un débat de fond, et il n’était pas nécessaire de procéder à des attaques personnelles, de mettre en cause les positions des uns et des autres, qui, toutes, sont absolument légitimes et dont l’exposé nous a permis de rehausser le débat.
M. Jean-François Husson. C’est fini !
M. David Assouline. Beaucoup ont évoqué un possible affaiblissement du Sénat eu égard à cette question de représentation. J’ai évoqué ce point tout à l’heure, cela fait longtemps que notre assemblée est questionnée ; c’est pourquoi elle doit montrer qu’elle est en phase non pas avec tel ou tel populisme, mais avec le mouvement de rénovation de la vie politique que souhaite une majorité de nos concitoyens.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Je conclus, monsieur le président.
Plus cette rénovation progressera, plus le Sénat aura de l’influence et sera respecté, non seulement par les autres pouvoirs, mais aussi et surtout par le peuple. Soutenons les efforts du président du Sénat pour rénover notre institution au lieu d’introduire le doute. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Bravo à Jean-Pierre Bel de continuer dans cette voie et bravo à tous ceux qui, ici, quelle que soit leur position, ont bien voulu débattre du rôle du Sénat !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Les propos tenus sur l’égalité entre députés et sénateurs me laissent dubitatif puisque, l’Assemblée nationale ayant le dernier mot – et elle l’aura, nous dit-on, y compris sur le projet de loi organique –, le fruit de nos débats est inexorablement soumis à la décision de nos collègues députés.
Cette affaire de cumul, comme l’a dit Jacques Mézard, suscite véritablement une confrontation d’intérêts, et non pas un conflit d’intérêts. De ma courte expérience de sénateur, je retiens que, dans des domaines bien particuliers, cette confrontation d’idées revêt toute son importance et permet à chacun de faire part de son expérience. Preuve en est, monsieur le ministre, que vos propres services se tournent vers ceux qui sont à la fois parlementaires et représentants d’exécutif pour faire avancer un certain nombre de dispositions.
Tout le monde a bien compris que l’enracinement local est tout à fait déterminant. Or le texte sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer contient une véritable avancée puisqu’il limite à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur.
Il n’est pas question ici d’histoire d’argent puisque ce texte écrête désormais les indemnités perçues au titre des mandats électifs. De fait, il aurait été plus exact de modifier l’intitulé du projet de loi organique en spécifiant que celui-ci a pour objet non seulement de limiter à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur, mais également d’interdire le cumul de plusieurs indemnités. Après tout, si j’en juge par les propos des uns et des autres, c’est bien ce que nous reprochent nos concitoyens, eux qui ont l’impression que nos mandats électifs, parlementaire ou autre, n’auraient d’autre but que de nous permettre de toucher des indemnités.
Dans le cas présent, nous avons véritablement fait preuve de responsabilité et avons démontré que, par le maintien de cette possibilité de cumul, l’important pour nous était de pouvoir porter les affaires locales au niveau national et de traiter les affaires nationales en prenant en compte les situations locales, et ce en dehors de toute considération indemnitaire.
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. Raymond Vall. En effet !
M. François Rebsamen. … mais je dois dire que je suis fier de la diversité qui s’exprime au sein du parti socialiste, et plus encore au sein du groupe socialiste du Sénat. Pourquoi ? Parce qu’il fut un temps où nous entendions beaucoup de critiques sur le caractère monolithique de nos décisions. Or ce débat aura permis de démontrer, comme l’atteste l’intervention de David Assouline, que la liberté de parole existe au groupe socialiste.
Une majorité des membres de mon groupe, je veux le dire, aurait voté ce texte dans sa rédaction initiale et une forte minorité se trouvait sur une autre position. Pourquoi ? Parce que nos histoires sont différentes aux uns et aux autres. Certains se sont construits – ce n’est en rien critiquable – à travers un parcours au sein d’une formation politique. Je respecte celles et ceux qui se sont ainsi construits par un engagement militant au départ. C’est aussi respectable que de se construire à travers un parcours électif. Il ne faut jeter l’opprobre sur aucun parcours, quel qu’il soit.
Quoi qu’il en soit, toutes celles et tous ceux qui siègent dans cet hémicycle représentent une partie du territoire de notre République. À cet égard, je ne peux laisser Henri de Raincourt dire que le Gouvernement, que je soutiens, a profondément modifié l’organisation territoriale de la République. Qui, au départ, s’est attelé à ce travail, sinon vous, mes chers collègues de l’UMP, avec le fameux conseiller territorial ?
M. Jean-Claude Lenoir. Maintenant, c’est le binôme !
M. François Rebsamen. Vous le savez pertinemment, c’est aussi vous qui avez abaissé à 500 habitants le seuil à partir duquel devait s’appliquer le scrutin de liste pour les municipales. Et c’est nous, au Sénat, qui l’avons relevé à 1 000 !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la vérité !
M. François Rebsamen. Je souhaite que nous soyons de bonne foi dans l’échange de nos arguments. C’est pourquoi la vérité mérite d’être rappelée.
M. Jean-Claude Lenoir. La vérité, c’est que c’était un projet ! Le texte n’a jamais été voté !
M. François Rebsamen. Cette proposition avait été formulée par l’Association des maires ruraux de France, qui voulait même abaisser le seuil à zéro, car elle était contre le « tir au pigeon » dans les petites communes.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. François Rebsamen. Il n’y a donc pas ceux qui défendent les petites communes – en votant d’ailleurs le contraire quand ils sont dans la majorité gouvernementale – et les autres. S’il vous plaît, respectons-nous ! Pour cela, le mieux est de dire la vérité.
Le Gouvernement souhaite rénover la vie publique. On ne peut pas lui en vouloir, même si cela heurte certaines positions acquises : il met en œuvre un engagement du Président de la République.
Pour ma part, je le dis à titre personnel, ce qui ne m’est pas souvent arrivé, je considère que le Sénat a une place particulière dans le bicamérisme liée à sa fonction de représentation des collectivités territoriales. Ce serait donc l’affaiblir, je le dis comme je le pense, d’interdire aux grands élus d’y siéger. Voyez ce qui s’est passé pour le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !