M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je salue à mon tour la force de votre engagement sur ces questions, madame Jouanno, ainsi que les mots toujours très justes avec lesquels vous arrivez à caractériser de telles situations.
Le sujet est grave et complexe. Nous n’avons évidemment pas décidé de fermer les yeux à l’occasion de ce projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons au contraire considéré que la question devait être traitée en profondeur, dans son intégralité ; Mme la rapporteur le soulignait à l’instant. Cela nécessite d’y consacrer un texte complet, afin de passer en revue l’ensemble des enjeux.
Quid de la prévention ? Quid de la sortie du parcours de prostitution ? Quid de chacun des acteurs du système prostitutionnel, y compris le client ?
Vous aurez l’occasion de vous saisir de ces différentes problématiques, sachant notamment qu’un groupe de députés y travaille à l’Assemblée nationale. Je vous invite à vous associer à cette démarche, tout comme j’ai invité Mme Benbassa à poursuivre la réflexion sur la suppression du délit de racolage passif dans ce cadre.
Mais, dans l’immédiat, le Gouvernement n’est pas favorable au fait d’insérer une allusion à la prostitution dans le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Madame la ministre, je vous précise que des travaux sont également menés au sein du Sénat. (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.) La commission des affaires sociales a créé une mission d’information sur la situation sociale des personnes prostituées, dont j’ai été nommée rapporteur en compagnie de M. Jean-Pierre Godefroy, qui s’y implique d’ailleurs énormément ; même si nous ne parvenons pas tous les deux aux mêmes conclusions, nos objectifs sont exactement les mêmes.
Je suis prête à retirer mon amendement, mais j’aimerais enfin avoir un engagement de votre part sur un calendrier. En effet, nous avons déjà abordé le problème en 2011 et l’année dernière. Certes, pour avoir été moi-même à votre place au banc du Gouvernement, je connais les difficultés liées aux arbitrages du Premier ministre, mais je souhaiterais savoir quand nous parviendrons à inscrire ce débat à l’ordre du jour du Parlement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je ne puis m’engager que sur le calendrier des textes que je porte. En l’occurrence, je peux vous confirmer que, comme je l’ai déjà indiqué, nous adopterons un plan de lutte contre la traite au mois de novembre prochain.
Mais il m’est difficile de m’engager sur un calendrier s’agissant de la proposition de loi qui sera portée par des députés. Je sais que ces derniers souhaitent une inscription de leur texte à l’ordre du jour avant la fin de cette année.
M. le président. Madame Jouanno, l’amendement n° 71 est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Je ne voudrais pas mettre des collègues ayant des sensibilités politiques autres que la mienne – il s’agit d’un débat qui transcende les clivages partisans – dans l’embarras. Par solidarité envers eux, même si nous n’appartenons pas au même groupe politique, je retire mon amendement.
Reste qu’il est très positif que nous ayons pu avoir ce débat et que nous ayons pu obtenir l’engagement de Mme la ministre de porter un texte global. La prévention est une question qui se pose très tôt ; je vous renvoie aux images de rapports non consentis que l’on trouve sur internet ou à la télévision !
M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.
Article 15 bis (nouveau)
L’article 21 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants est ainsi rédigé :
« Art. 21. – La formation initiale et continue des médecins, des personnels médicaux et paramédicaux, des travailleurs sociaux, des magistrats, des avocats, des personnels enseignants et d’éducation, des agents de l’état civil, des personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, des personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale, des personnels de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et des agents des services pénitentiaires comporte une formation sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes ainsi que sur les mécanismes d’emprise psychologique. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Il est enfin question de la formation des intervenants impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes… Nous avons enfin été entendus !
Lors de l’examen de notre proposition de loi en 2006, nous avions proposé une disposition qui visait le même objectif, mais le Sénat s’y était alors opposé. Nous n’avions pas eu plus de succès avec la loi de 2010, puisqu’il avait fallu nous satisfaire de l’engagement du Gouvernement à produire un rapport sur la mise en place d’une formation spécifique, document que nous attendons encore.
Je salue donc, une nouvelle fois, l’initiative qui introduit cet article 15 bis dans le projet de loi, posant le principe de la formation obligatoire de l’ensemble des acteurs de la lutte contre les violences.
Pour rendre plus efficace la lutte contre les violences faites aux femmes, il convient évidemment en premier lieu de sensibiliser les intervenants et d’assurer leur formation. En effet, il s’agit de prévenir, de détecter les violences, mais aussi d’accueillir, de prendre en charge, d’accompagner les victimes, ce qui nécessite de connaître parfaitement ce mal qui ronge et détruit la vie de bien des femmes.
Sont donc concernés les médecins, et plus généralement les personnels médicaux, car leur rôle, qui consiste à détecter les violences physiques, sexuelles, ou psychologiques, est essentiel, mais également les travailleurs sociaux, les magistrats, les avocats, ainsi que les personnels d’animation sportive ou culturelle, les enseignants, les policiers, les gendarmes, les policiers municipaux et d’autres personnels encore. Chacun, à sa place, peut en effet jouer un rôle essentiel de prévention, d’accompagnement, et même de sanction face à ce fléau. La rédaction d’un certificat médical, par exemple, peut être, dans un sens ou dans l’autre, un élément déterminant pour la décision d’un juge.
Je n’affirme pas que rien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui dans ce domaine. J’ai pu constater, par exemple, que policiers et gendarmes bénéficiaient d’une formation spécifique à ce problème, certes seulement depuis quelques années.
Cela dit, pour l’ensemble des intervenants, il y a à l’évidence encore beaucoup à faire. Je vous rejoins, madame la rapporteur, pour confirmer que « si des efforts ont été effectués, ils sont – vous le soulignez avec pertinence – très hétérogènes » selon les professions et selon les régions ».
Je ne peux donc que me réjouir – une fois encore, cela fait sept ans que nous attendions cela – que la loi introduise une obligation de formation initiale et continue sur les violences intrafamiliales, sur les violences faites aux femmes ainsi que sur les mécanismes d’emprise psychologiques.
Je proposerai toutefois par un amendement d’élargir la liste des professionnels aux personnels de préfecture en charge de la délivrance des titres de séjour. En effet, selon les associations, plusieurs problèmes d’application des dispositions de la loi de 2010 sont encore soulignés. J’en ai parlé encore il y a quelques instants, avant l’interruption de nos travaux.
Ainsi, nous indique-t-on, quelques préfectures font systématiquement appel des jugements qui accorderaient un titre de séjour aux victimes de violences auxquelles ces préfectures l’avaient refusé, et elles accompagneraient – notez que j’emploie le conditionnel – cet appel d’une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Il m’a été signalé que certaines préfectures ne délivrent que des cartes de séjour de quatre mois aux personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection, ce qui ne permet pas de sécuriser la situation de la victime.
Par ailleurs, la pratique de délivrance de récépissé, lequel ne constitue pas un titre de séjour durable, ne donne pas toujours droit à l’exercice d’une activité professionnelle. L’ensemble de ces éléments, est, me semble-il, de nature à dissuader les victimes étrangères de faire connaître leur situation, même s’il y a eu depuis, je le reconnais, l’instruction du 9 septembre 2011.
Toutes ces raisons devraient nous inciter à permettre à ces personnels de préfecture d’accéder à une formation spécifique.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Courteau et Mmes Blondin et Meunier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
gendarmerie nationale,
insérer les mots :
personnels de préfecture en charge de la délivrance des titres de séjour,
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet de compléter la liste des professionnels, ainsi que je m’en suis déjà expliqué, par la mention des « personnels de préfecture en charge de la délivrance des titres de séjour. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission remercie M. Courteau d’avoir souligné ce qui est peut-être un oubli et qui est en tout cas un manque dans la liste des professionnels pour lesquels la formation initiale et continue en la matière sera obligatoire.
Les personnels de préfecture qui délivrent les titres de séjour sont effectivement la première porte, si vous me permettez cette expression, rencontrée par les personnes étrangères victimes de violences, en particulier les femmes. Il s’agit sans doute aussi de la première main qu’elles peuvent éventuellement saisir pour commencer à sortir de l’engrenage.
Il nous paraît dès lors pertinent que ces personnels suivent eux aussi une formation spécifique portant sur les phénomènes d’emprise, ainsi que sur les violences psychologiques et physiques, afin de reconnaître ces dernières plus facilement et d’aiguiller de façon plus efficace les personnes étrangères qu’ils recevraient dans ce cadre.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour être franche, monsieur Courteau, je suis si favorable à votre proposition que, tout à l’heure, dans mon propos, j’ai commis une erreur en prétendant que j’allais déposer moi-même cet amendement ! Les grands esprits se rencontrent – du moins je l’espère ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Merci, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez tout à fait raison de considérer que les personnels de préfecture en charge de la délivrance des titres de séjour sont parmi les premiers à être concernés par la situation des victimes étrangères de violences. Cette mesure est donc extrêmement utile et importante.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens pleinement l’amendement de notre collègue. Il est important de n’oublier personne. Or le travail qui est réalisé dans les préfectures par l’ensemble des personnels est remarquable. Comme Roland Courteau l’a rappelé, la lutte contre les violences est une grande chaîne qui compte beaucoup de maillons, c’est-à-dire d’intervenants.
Comme nous pouvons le constater chacun dans nos départements respectifs, les services de police et de gendarmerie interviennent de plus en plus dans la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales, y compris dans l’exercice de leurs missions régaliennes, en tant que ces violences relèvent de la sécurité intérieure.
Par conséquent, l’amendement qui nous est proposé et qui vise à tenir compte de la position de l’ensemble des intervenants est de bon sens, et il est réellement très important.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis, modifié.
(L'article 15 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15 bis
M. le président. L'amendement n° 109 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 378 du code civil, les mots : « Peuvent se voir » sont remplacés par les mots : « Se voient ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L'article 378 du code civil donne compétence au juge pénal pour prononcer un retrait total de l'autorité parentale à l’encontre du parent qui s’est rendu coupable d’un crime sur la personne de l’autre parent. Cela concerne donc toutes les infractions pour lesquelles la peine encourue est une réclusion criminelle d’au moins dix ans, c’est-à-dire, entre autres, les homicides volontaires, les viols, les actes de torture, la séquestration.
Toutefois, ce retrait de l’autorité parentale n'est pas automatique : il est laissé au juge un pouvoir d’appréciation, afin de toujours faire prévaloir l’intérêt de l’enfant.
D’un point de vue psychologique, le maintien de l’autorité parentale au parent qui a commis un crime à l’égard de l’autre est incompréhensible. Cette situation est épouvantable pour les enfants, lesquels ont forcément subi un traumatisme : 60 % d’entre eux souffrent en effet de stress post-traumatique. De fait, comment un enfant peut-il grandir sereinement en étant élevé par un père ou une mère qui a commis de tels actes ? L’exposition à la violence conjugale a des effets dévastateurs sur ces enfants.
Par ailleurs, n’y a-t-il pas un risque que les enfants pensent que la violence au sein d’un couple est normale ? Chacun ici, j’en suis sûre, se souvient de la campagne publicitaire qui montrait un enfant donnant un coup de pied dans le ventre de sa mère, laquelle se trouve au sol, violentée par son conjoint. N’oublions pas que les hommes violents ont été bien souvent les témoins de violences conjugales pendant leur enfance.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Françoise Laborde. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que le retrait de l’autorité parentale à l’encontre du parent qui s’est rendu coupable d’un crime sur la personne de l’autre parent soit automatique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Une fois de plus, la commission partage l’indignation que vous exprimez, madame Laborde, et elle juge comme vous que les situations que vous avez décrites sont inacceptables. Nous reconnaissons aussi que la situation actuelle n’est sans doute pas totalement satisfaisante quant à l’occurrence de ce retrait de l’autorité parentale.
Pour autant, la commission reste réfractaire à l’automaticité des peines. Je vous remercie néanmoins d’avoir défendu cet amendement et de nous avoir donné ainsi l’occasion d’en parler, même si la commission émettra un avis défavorable. Cette proposition d’amendement doit être aussi pour nous l’occasion de réfléchir à d’autres solutions, à d’autres propositions pour continuer d’avancer sur ce chemin sans en arriver à l’automaticité.
En l’état, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Laborde, je partage évidemment, moi aussi, l’émotion dont vous nous avez fait part à propos d’un certain nombre de situations que nous avons tous en tête. Je souscris aussi aux propos de Mme la rapporteur : sans doute la question de l’autorité parentale fait-elle aujourd'hui, dans un certain nombre de cas, l’objet d’un traitement contestable.
Toutefois, de là à tomber dans l’automaticité que vous préconisez, je pense qu’il y a un pas à ne pas franchir. En effet, il faut toujours laisser une marge d’appréciation au juge, ne serait-ce que parce que toutes les situations ne se valent pas, ou bien parce que l’avis que peut exprimer un enfant doit être pris en considération, en fonction de son âge évidemment.
Il faut donc une marge de manœuvre pour le juge. Pour autant, j’ai bien entendu ce que proposait Mme la rapporteur. Sa suggestion selon laquelle le Sénat pourrait engager une réflexion sur la manière de ne pas laisser impunies un certain nombre de situations de violences graves et avérées dans la relation entre l’auteur de ces faits et l’enfant me semble intéressante. Nous pourrions revenir sur ce sujet au moment de la deuxième lecture du texte.
M. le président. L'amendement n° 127 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 222-14-4 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après les mots : « une union à l'étranger », sont insérés les mots : « ou de l'exposer à toute autre atteinte à son intégrité, à sa vie ou sa liberté » ;
2° Les mots : « la déterminer » sont remplacés par les mots : « l'inciter ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La loi du 5 août 2013, portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, a permis de mettre notre droit en conformité avec la convention d’Istanbul du 11 mai 2011, qui dénonce les actes de tromperie utilisés par les familles pour inciter leurs enfants à se rendre à l’étranger en vue d’un mariage forcé.
Ainsi, les personnes qui usent de manœuvres dolosives aux fins d’emmener quelqu’un à l’étranger pour le contraindre à un mariage forcé sont désormais punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Cette disposition est porteuse d’espoir pour toutes ces jeunes femmes qui pensent seulement partir en vacances ou rendre visite à une grand-mère malade.
Pour autant, il faut prendre conscience que ces jeunes femmes sont envoyées à l’étranger contre leur gré pour être « remises dans le droit chemin ». Elles peuvent être alors séquestrées, victimes de violences physiques et sexuelles. Il en va de même, parfois, pour les jeunes hommes.
Ces violences sont inacceptables. C’est pourquoi nous vous proposons d’étendre les sanctions prévues par la loi du 5 août 2013 à ceux qui usent de tromperie pour envoyer leurs enfants à l'étranger en vue de leur faire subir de telles violences, lesquelles sont une atteinte à leur intégrité, à leur vie ou à leur liberté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Cet amendement vise à élargir ce que l’on qualifie de « délit obstacle », qui est présent dans la loi DDADUE, c'est-à-dire portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, du mois d’août 2013.
Or il s’agirait là d’un élargissement extrêmement rapide, qui est proposé avant que nous ayons pu mesurer précisément si la loi était adaptée ou non à la réalité des situations. En outre, la rédaction proposée est particulièrement large, et elle a semblé un peu trop imprécise à la commission des lois. Nous nous sommes demandé quels faits précis visait M. Mézard au travers de cet amendement.
En tout état de cause, l’avis de la commission est défavorable en l’état. Toutefois, nous accepterions de réexaminer une nouvelle rédaction de cette disposition, laquelle pourrait préciser les objectifs visés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, sachant que l’imprécision de la loi lui ferait courir un risque de censure par le Conseil constitutionnel.
Cette rédaction, un peu trop large, pourrait nourrir de nombreux contentieux. Madame Laborde, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 127 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président. Mais nous reviendrons sur cette question en seconde lecture.
M. le président. L'amendement n° 127 rectifié est retiré.
L'amendement n° 187, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 8 du code de procédure pénale, la référence : « 222-30 » est remplacée par la référence : « 222-29-1 ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cet amendement vise simplement à réparer une omission de la loi du 5 août 2013, transposant notamment la convention d’Istanbul.
Cette loi, je le rappelle, a transféré les agressions sexuelles contre les mineurs de l’ancien article 222-30 du code pénal dans un nouvel article 222-29-1 afin d’en aggraver la répression. Cependant elle n’a pas, par coordination, substitué cette nouvelle référence dans l’article 8 du code de procédure pénale qui prévoit, pour ces infractions, des règles spécifiques de prescription.
Même si cette absence de coordination résulte d’une erreur purement matérielle et ne paraît avoir eu aucune conséquence juridique, il semble nécessaire, pour éviter toute ambiguïté à l’avenir, de procéder dans le cadre du présent projet de loi à cette substitution de référence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission n’a pas pu examiner cet amendement, déposé tardivement.
Néanmoins, à titre personnel, j’émets un avis favorable. Il s’agit de réparer un oubli. Il me semble intéressant de corriger cette erreur le plus rapidement possible.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 bis.
L'amendement n° 97 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, M. Kerdraon, Mme Printz, MM. Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin, MM. Antiste et Le Menn et Mme Tasca, est ainsi libellé :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 24 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« À cette occasion, sous le pilotage du ministère des droits des femmes, un rapport annuel faisant le bilan de l’application de la loi en matière de traitement des violences envers les femmes, sous toutes leurs formes, sera rendu public et présenté devant le Parlement. Dans ce cadre, chaque département se dotera d’un dispositif d’observation placé sous la responsabilité du préfet et en coordination avec l’Observatoire national des violences faites aux femmes. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Il est important de voter des lois. Il est tout aussi important d’en mesurer l’application et d’en évaluer les effets ! En ce qui concerne le droit des femmes, notamment, on constate souvent que les textes restent insuffisamment appliqués.
En matière de lutte contre les violences, il est indispensable de mesurer régulièrement l’évolution des faits de violences dénoncés par les victimes, ainsi que les modalités de traitement de ceux-ci sous l’angle quantitatif et qualitatif. On le sait, sans données objectives, les inégalités sont rendues invisibles, donc n’existent pas.
Tel est l’objet du rapport annuel qui sera construit à l’échelon local et au niveau national selon une trame commune à l’ensemble du territoire – métropole et outre-mer – et placé sous le pilotage du ministère des droits des femmes.
Il me semble que le maillage territorial assuré par les délégués aux droits des femmes constitue une chance pour l’animation locale et pour le bilan annuel départemental.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission des lois est traditionnellement réticente à demander, dans la loi, un rapport qu’elle a les moyens d’établir par elle-même.
Par ailleurs, même si les dispositions de cet amendement semblent avoir passé la barrière de l’article 40 de la Constitution, elles mériteraient d’être discutées sérieusement avec les collectivités locales.
Enfin, à ce jour, il n’existe pas à proprement parler d’Observatoire national des violences faites aux femmes. Il s’agit « seulement » d’une mission interministérielle.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a estimé qu’elle ne disposait pas des éléments nécessaires pour se prononcer de manière ferme. Sans être hostile sur le fond à cet amendement, elle sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’Observatoire national des violences faites aux femmes existe bien, madame la rapporteur. En effet, la MIPROF, la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, qui a vu le jour en janvier dernier, est bien un observatoire, comme son nom ne l’indique pas ! (Sourires.)
C’est un observatoire chargé de mener des enquêtes et études pour collecter les éléments statistiques sur les violences faites aux femmes et sur leur évolution, mais c’est aussi un bras armé, notamment pour progresser dans tous les territoires sur la question des partenariats locaux et des réponses à apporter aux violences faites aux femmes.
Cette MIPROF, qui travaille depuis quelques mois, est en train de nous fournir de nouveaux chiffrages. C’est ce qui me fait hésiter sur votre demande, madame la sénatrice, car je ne voudrais pas créer de doublons.
De plus, au-delà de l’existence de la MIPROF, je défends devant le Parlement chaque année un document de politique transversale portant sur l’action du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes qui comprend également un volet relatif aux violences faites aux femmes.
Pour autant, je ne vois pas de raison majeure de vous refuser un tel rapport, madame la sénatrice, si vous estimez qu’il est utile. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je soutiendrai bien entendu cet amendement.
Je profite de l’occasion pour rappeler que la loi de 2006, dans son article 13, si ma mémoire est bonne, prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, tous les deux ans, un rapport faisant le bilan de la politique de lutte contre les violences à l’encontre des femmes et énumérant les besoins en structures de soins pour les auteurs de violences, ainsi que ceux en structures d’hébergement pour les victimes.
Or je suis au regret de constater que les gouvernements précédents n’ont pas tenu leurs engagements, puisqu’un seul rapport a été publié en sept ans.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Au vu des explications de Mme la ministre, il faudrait remplacer dans le texte de l’amendement les mots « l’Observatoire national des violences faites aux femmes » par les mots « la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains ».