M. Claude Domeizel. C’est la Saint-Jacky, aujourd’hui ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Il en est ressorti dix-neuf amendements de bon sens dont nous partageons totalement l’esprit et les valeurs. Du renforcement de la dimension médicale des soins sans consentement à la suppression de la possibilité de visioconférence, en passant par la restriction des pouvoirs du préfet et la suppression du double avis de sortie, soyez assuré, cher collègue, de notre soutien le plus total.

Notre groupe a présenté deux amendements qui portent sur le contrôle du juge, afin de garantir un meilleur respect des droits des patients.

On lit dans le rapport rendu par Denys Robiliard à l’Assemblée nationale les déclarations unanimes et réitérées des psychiatres que notre collègue a entendus au cours de ses auditions, pour rappeler qu’ils sont en mesure de déterminer dans les soixante-douze heures de l’hospitalisation sous contrainte si son maintien ou non est nécessaire. Or la loi du 5 juillet 2011, si elle instaure un contrôle systématique des mesures de soins sous forme d’hospitalisation complète par le juge des libertés et de la détention, fixe des délais très larges : dans les quinze jours suivant l’admission ou la réadmission en soins – en cas d’échec du programme de soins –, puis tous les six mois.

La proposition de loi, au moment de son dépôt, tendait à ramener ce délai de quinze jours à dix jours, mais cette disposition a été amendée au cours de l’examen en séance par l’Assemblée nationale de manière à fixer le délai à douze jours.

Ce délai nous paraît encore trop long et, suivant les recommandations du rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, le groupe écologiste propose de le ramener à cinq jours. Ce serait aboutir ainsi à une véritable judiciarisation ab initio, permettant au juge des libertés et de la détention de ne pas prolonger l’hospitalisation sans consentement de personnes qui n’auraient rien à y faire !

Dans le même état d’esprit, notre second amendement vise à ramener de six mois à quatre mois le délai entre la première et la deuxième décision du juge des libertés et de la détention. Un délai de six mois entre les deux premières décisions nous semble en effet trop long, concernant une mesure privative de liberté.

Monsieur le président, je ne serai pas plus long ! (Sourires.) En réaffirmant que les élus écologistes voteront cette proposition de loi, je forme le vœu que le débat soit à la hauteur des enjeux liés aux soins sous contrainte, à la croisée de trois exigences qui nous sont dictées tant par les valeurs de la République que par l’intérêt général : la santé des malades, le respect des libertés publiques et la sécurité publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est dans le cadre d’une procédure accélérée que nous débattons aujourd’hui de cette proposition de loi qui vise notamment à modifier certaines dispositions de la loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Cette loi faisait suite au décès d’un étudiant poignardé par un malade en fuite, en novembre 2008, à Grenoble. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait annoncé, dans le discours prononcé à Antony, son intention de revoir les mesures de contrôle des malades dangereux.

Cette loi, qui mettait l’accent sur des mesures sécuritaires, avait été fort critiquée par les professionnels et les familles, qui déploraient la mise au second plan des mesures sanitaires, pourtant primordiales. Nous-mêmes, au groupe socialiste, avions dénoncé la dérive sécuritaire de la loi et mis en doute sa constitutionnalité ; mais nos alertes n’avaient pas été entendues !

Non seulement cette loi soulevait la contestation, mais elle se révélait également difficilement applicable dans sa complexité.

Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil constitutionnel, pour sa part, a censuré deux dispositions portant sur le régime spécifique de sortie, ou mainlevée, des personnes placées en unité pour malades difficiles et celles jugées irresponsables pénalement.

Le Conseil constitutionnel pointait également le manque de garanties légales suffisantes contre le risque d’arbitraire dans le cadre de ce régime particulier.

Sans qu’il y ait, pour le Gouvernement, obligation de légiférer, cette occasion a aussi été saisie pour aménager certaines mesures et les assortir d’améliorations faisant l’objet d’un large consensus, comme le démontre le rapport d’étape rendu par la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie de l’Assemblée nationale dont une majorité de recommandations ont été reprises dans cette proposition de loi.

Je m’attacherai à n’évoquer que les mesures principales qui s’inscrivent dans une approche plus ouverte et plus constructive vis-à-vis de ces patients jugés difficiles de par leur pathologie mentale.

Il s’agit de poser un autre regard sur ces malades, de ne plus les considérer comme des fauteurs de trouble à l’ordre public mais avant tout comme des personnes souffrant physiquement et psychiquement, particulièrement vulnérables socialement.

Il est vrai que certains de ces malades atteints de troubles mentaux n’ont pas forcément conscience d’avoir besoin de soins, alors qu’ils peuvent représenter un danger pour eux-mêmes ou pour autrui. Nous savons tous qu’il n’est pas aisé de trouver un équilibre entre le respect des libertés individuelles et l’ordre public.

J’ouvre une parenthèse sur le respect des libertés individuelles et l’ordre public en pensant aux maires. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à avoir été quelquefois appelés à décider d’une hospitalisation d’office. Je peux en témoigner, c’est un moment difficile.

C’est une bonne chose que l’article 1er redéfinisse les soins sans consentement – l’hospitalisation d’office d’autrefois – en rappelant que la seule forme de contrainte qu’il est possible d’exercer sur un patient est une contrainte « morale » de respecter le programme de soins défini par le psychiatre de l’établissement d’accueil ou d’accompagnement. Le cas échéant s’applique alors le retour en hospitalisation complète.

Outre le mérite de redéfinir les grands principes s’appliquant aux soins sans consentement, cette proposition de loi s’attache également, en son article 4, conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, à redéfinir l’application du régime plus strict de « levée de soins sans consentement » pour la catégorie des personnes jugées irresponsables pénalement. Seuls ceux encourant une peine d’au moins cinq ans en cas d’agression à personne et dix ans en cas d’atteintes aux biens, sont désormais concernés par ce régime.

Les patients hospitalisés en unités de malades difficiles, quant à eux, réintègrent le dispositif de droit commun.

Cette mesure découle d’une réflexion menée à partir de la décision constitutionnelle, dans le cadre de la mission de l’Assemblée nationale, par le Gouvernement et le rapporteur, Denys Robiliard.

Les UMD sont assimilées à des services de soins intensifs répondant à des situations cliniques spécifiques sans rapport direct avec la dangerosité d’un patient. Il s’agit ainsi de redonner sa première place au processus thérapeutique et de lever la confusion entre malades difficiles et malades dangereux.

C’est bien pour cela que l’article 2 redonne la possibilité aux malades, avec toutes les précautions qui s’imposent, de bénéficier d’autorisations de sorties non accompagnées, de courte durée, dans un but thérapeutique reconnu, ce qui peut ainsi constituer une « étape » dans la perspective d’une autre forme de prise en charge que l’hospitalisation complète. Cette possibilité jugée, nous le savons, comme essentielle dans le bon déroulé du parcours des soins du patient. Et là, nous mesurons à la fois la responsabilité des médecins qui donnent cette autorisation et la forte attente des malades.

À ce propos, je voudrais citer Antonin Artaud écrivant au docteur Ferdière, à Rodez, en 1944: « N’oubliez pas de me signer cette autorisation de sortie que vous m’aviez promise jeudi dernier. Vous n’imaginez pas le bien que cela me fait de me promener en liberté ».

Par ailleurs, cette proposition de loi adapte, à juste titre, la procédure judiciaire aux spécificités de la maladie mentale, en réponse aux souhaits des professionnels de santé – soignants, psychiatres, directeurs d’établissements, associations, patients et familles Ainsi, elle améliore la procédure judiciaire en instaurant la possibilité du choix du lieu d’audience devant le juge des libertés et de la détention au sein même de l’établissement de santé.

Cette proposition de loi prévoit, en outre, la protection de la vie privée par le secret médical, avec la possibilité de demander que l’audience ne soit pas publique, l’assistance obligatoire d’un avocat et le recours limité à la visioconférence – supprimée par notre rapporteur. Autant de mesures, vous en jugerez, qui vont dans le sens d’une meilleure protection et d’une réelle prise en compte des personnes malades.

De même, l’article 5 ramènerait les délais d’intervention du juge des libertés et de la détention de quinze à douze jours dans le cadre du contrôle automatique des mesures d’hospitalisation complète en soins sans consentement. Ces nouveaux délais devraient permettre de trouver un équilibre entre les nécessités administratives, les nécessités judiciaires et les nécessités sanitaires – peut-être est-il encore possible d’ajuster cet équilibre.

Le titre II comprend un certain nombre de dispositions visant à rationaliser et à clarifier les mesures administratives requises en cas de soins sans consentement décidées par le représentant de l’État dans le département. Ainsi serait supprimé le « casier psychiatrique », tant décrié lors de l’examen de la loi de 2011. Nous verrons en détail ces mesures techniques dans l’examen des articles.

Je veux saluer l’article 10, seul article du titre III qui réaffirme le droit à une prise en charge psychiatrique adaptée des personnes détenues souffrant de troubles mentaux. C’est une avancée très nette d’amélioration des modalités de prise en charge en UHSA, des personnes détenues, y compris lorsqu’elles sont en soins libres, mais aussi une simplification qui permet de passer de soins sans consentement à des soins libres à la demande du détenu, sans retour en détention.

Dans ses grandes lignes, la proposition de loi de Bruno Le Roux et Denys Robiliard apporte une réponse au Conseil constitutionnel. De plus, elle corrige les imperfections et inadaptations de la loi de 2011

Elle introduit une prise en compte plus respectueuse des malades de troubles mentaux. Il était fortement souhaitable de revoir la philosophie de cette loi de 2011, dictée par des critères éminemment sécuritaires, élaborée précipitamment après un fait divers.

Le patient atteint de troubles mentaux doit redevenir avant tout une personne en souffrance, susceptible de bénéficier de soins spécifiques, une personne méritant protection et garantie de ses droits.

Mais je ne saurais achever mon propos sans remercier particulièrement la présidente de la commission des affaires sociales, les collaborateurs de la commission et notre rapporteur, Jacky Le Menn, qui a accompli un travail remarquable et qui a fait adopter par la commission 18 amendements de clarification et de précision dans la double ambition de renforcer la dimension médicale des soins sans consentement, mais aussi de garantir le respect des droits fondamentaux des citoyens.

La commission a également abordé l’accueil des mineurs rentrant dans le cadre des soins sans consentement.

En conclusion, le groupe socialiste votera cette proposition de loi, tout en affirmant que ce texte doit être considéré comme une étape dans l’attente d’une grande loi sur la psychiatrie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen des amendements nous permettra d’aborder de façon plus approfondie les diverses questions évoquées. Je veux néanmoins à cet instant remercier l’ensemble des sénateurs pour le travail accompli dans des conditions dont j’ai bien conscience qu’elles ont été difficiles et particulièrement contraignantes. Je renouvelle mes remerciements en particulier à la commission des affaires sociales et à son rapporteur.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

TITRE IER

RENFORCEMENT DES DROITS ET GARANTIES ACCORDÉS AUX PERSONNES EN SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

Chapitre Ier

Amélioration de la prise en charge des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 3211-2-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3211-2-1. – I. – Une personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement.

« La personne est prise en charge :

« 1° Soit sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du présent code ;

« 2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, une hospitalisation à domicile, des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1.

« II. – Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2° du I, un programme de soins est établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil et ne peut être modifié, afin de tenir compte de l’évolution de l’état de santé du patient, que dans les mêmes conditions. Le programme de soins définit les types de soins, leur périodicité et les lieux de leur réalisation.

« Pour l’établissement et la modification du programme de soins, le psychiatre de l’établissement d’accueil recueille l’avis du patient lors d’un entretien au cours duquel il donne au patient l’information prévue à l’article L. 3211–3 et l’avise des dispositions du III du présent article et de celles de l’article L. 3211–11.

« III. – Aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge sous la forme prévue au 2° du I. » ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 3211-2-2 est ainsi rédigé :

« Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l’article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l’état de santé du patient et de l’expression de ses troubles mentaux. » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article L. 3211-3, la première occurrence de la référence : « , L. 3213-1 » est supprimée ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 3211-12-5, au 2° du I de l’article L. 3212-1 et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3222-1-2, après la référence : « 2° », est insérée la référence : « du I ».

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 4 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« La personne est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1. » ;

II. - Alinéa 11, première phrase

Après les mots :

charge mentionnée

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

à l'article L. 3211-2-1

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. La décision rendue le 20 avril dernier par le Conseil constitutionnel portait notamment sur les soins ambulatoires sans consentement, dont il a rappelé qu’ils ne pouvaient pas être réalisés sous la contrainte. L’amendement de notre rapporteur est, à cet égard, particulièrement explicite, rappelant que la contrainte devait être strictement limitée à l’hospitalisation complète.

Pour autant, les soins ambulatoires, rebaptisés « programmes de soins », constituent en quelque sorte un contrat léonin, puisque la contrainte réside non pas dans la manière dont les soins sont pratiqués, mais dans le fait même que des soins obligatoires soient réalisés de manière ambulatoire. Il s’agit bien de soins obligatoires puisque le refus de la personne atteinte de trouble mental de suivre le programme, de l’abandonner ou de ne pas l’observer, aura pour effet mécanique d’entraîner l’hospitalisation complète, une hospitalisation complète qui, de prime abord, n’était pas apparue pertinente.

Les soins psychiatriques sont, par nature, très différents des soins somatiques en ce sens que, pour être efficaces et pour tendre à la guérison, les soins doivent être intégralement consentis. Or faire peser le risque d’une hospitalisation complète en cas de non-respect revient à imposer une forme de contrainte, incompatible avec la nécessaire confiance du patient, sa nécessaire adhésion aux soins. Or vous conviendrez qu’il est impossible de parler d’adhésion dès lors que la réalisation des soins ambulatoires est réalisée sous la menace d’une hospitalisation !

En ce sens, les programmes de soins constituent, contre toute apparence, une extension du champ de la contrainte.

Qui plus est, les programmes de soins dont il est question ici n’en restent pas moins un transfert de responsabilité des équipes soignantes vers les proches des patients. Si la mise en place de soins psychiatriques réalisés en ambulatoire peut apparaître, notamment pour les soins sans consentement, « bénéfique pour le patient » et respectueuse de « son autonomie », puisqu’elle se présente comme une alternative à l’enfermement des personnes atteintes de troubles mentaux, il ne s’agit, en réalité, que d’un trompe-l’œil. En effet, l’absence d’équipes médicales présentes au quotidien, à tout instant, auprès des patients nous éclaire sur la réalité de ces soins : ils risquent souvent ou sont principalement, pour ne pas dire exclusivement, de nature médicale et médicamenteuse, quand nous sommes convaincus qu’une psychiatrie moderne est avant tout fondée sur l’échange entre les équipes soignantes et les patients.

Or, en lieu et place des équipes médicales, les patients seront renvoyés à leur solitude ou à l’intervention de leurs proches, lesquels devront, outre les prendre en charge et veiller au respect de leur obligation de soins, également assumer seuls leur responsabilité civile.

Ces craintes, nous les avions déjà exprimées en 2011 et, malgré la nouvelle rédaction qui nous est proposée ici, nous demeurons persuadés que les dispositions ne constituent pas une solution adaptée.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

des soins à domicile dispensés par

insérer les mots :

des centres médico-psychologiques, des centres d'accueil thérapeutique, des appartements thérapeutiques, ou à défaut par

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. La loi du 5 juillet 2011 a considérablement modifié la loi de 1990, en ce sens que les soins sans consentement peuvent désormais être réalisés à domicile quand, jusqu’alors, ils ne pouvaient être réalisés qu’au sein d’un établissement psychiatrique.

Toutefois, vous aurez compris que nous sommes réservés sur l’efficacité et le bien-fondé de ses programmes de soins, dont la dimension médicale excède largement l’accompagnement psychologique nécessaire à la guérison.

Croire que des soins ambulatoires avec une présence médicale réduite pourraient être efficaces et utiles à la guérison est une erreur fondamentale. C’est se contenter de l’effet des médicaments non pas sur la maladie et les patients, mais sur les seuls symptômes, c’est-à-dire les troubles.

C’est pourquoi, dans la mesure où ces programmes de soins sont conservés, nous proposons, par cet amendement, de préciser qu’ils doivent être réalisés prioritairement dans des structures dédiées, composées de professionnels formés et attentifs, plutôt qu’à domicile.

Les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour, qui constituent le cœur de la politique de secteur, dont l’objectif est clairement de favoriser la sortie des patients des lieux d’enfermement, regroupent des médecins psychiatres, des psychologues cliniciens, des infirmières, des assistants sociaux, des psychomotriciens, des orthophonistes et des éducateurs spécialisés, soit des professionnels capables de garantir, dans un milieu ouvert, les actions de prévention, de diagnostic et de suivi. À cet égard, ils sont les mieux à mêmes d’accompagner les patients dans les programmes de soins ambulatoires dont il est question ici.

C’est pourquoi, comme nous l’avions fait en 2011, à l’image de notre collègue Catherine Demontès, nous proposons que ces espaces, lorsque l’état du patient le permet, soient ceux vers lesquels les patients sont prioritairement orientés.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Seul le juge des libertés et de la détention peut, dans des conditions définies par décret, autoriser la poursuite ou le renouvellement des soins mentionnés au présent alinéa, au-delà d’une période de trois mois.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Bien que notre commission ait aménagé les programmes de soins en précisant qu’ils ne peuvent en aucun cas être réalisés sous la contrainte, nous considérons que la menace d’un retour en hospitalisation complète ou d’une hospitalisation complète ab initio, en cas de non-respect des programmes de soins, constitue une menace permanente, une forme de contrainte indirecte.

En réalité, les patients demeurent sous le contrôle permanent des équipes médicales qui, au premier faux pas du patient, pourraient décider de son hospitalisation complète plutôt que de chercher à le convaincre de reprendre ou de poursuivre son traitement.

C’est pourquoi, afin de sécuriser ces derniers et d’offrir aux patients le respect de leurs droits fondamentaux, nous proposons par cet amendement d’instaurer un contrôle judiciaire obligatoire de ces programmes, dès lors que leur durée initiale, ou après renouvellement, est supérieure à trois mois.

Ce dispositif s’inspire clairement de celui qui est actuellement mis en œuvre dans le cadre du suivi socio-judiciaire : il permet, sous le contrôle d’un juge, le suivi judiciaire mais aussi le suivi médical d’une personne.

Naturellement, chacun l’aura compris, il ne s’agit pas d’assimiler les personnes atteintes de troubles mentaux à des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation. Au contraire, il s’agit de transposer des dispositions permettant la réinsertion dans la société des personnes atteintes de troubles mentaux, ce qui semble être, d’après ce que nous avons entendu, l’un des objectifs de ces programmes de soins.

J’attire votre attention sur le fait que l’inobservation de ces programmes de soins peut avoir pour effet l’hospitalisation complète du patient. Or il n’est pas impossible que certains professionnels élaborent des programmes tellement contraignants que le patient pourrait, soit ne pas les observer, soit les abandonner en cours de route.

C’est pourquoi il nous semble important qu’une autorité judiciaire approuve ces programmes, afin de s’assurer qu’ils respectent les libertés fondamentales et essentielles des patients.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacky Le Menn, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 1, le Conseil constitutionnel a confirmé, dans sa décision d’avril 2012, l’analyse faite par plusieurs sénateurs selon laquelle il ne peut y avoir de mesure de contrainte pour la mise en œuvre de soins ambulatoires. Cela figure désormais dans l’article du code de la santé publique, tel que l’Assemblée nationale propose de le rédiger.

Mais le Conseil constitutionnel, qui a étudié de près cette question, n’a pas jugé que des soins ambulatoires sans consentement étaient en eux-mêmes contraires à la Constitution. De fait, ces soins, auxquels j’ai pu constater que de nombreux psychiatres étaient attachés, permettent de prendre en charge les malades qui font l’objet de soins sans consentement hors hospitalisation complète. Les amendements adoptés en commission permettent de médicaliser encore plus ces programmes et, dans ces conditions, il paraît dommage de se priver d’un outil thérapeutique qui peut être utile.

L’avis est donc défavorable.

La rédaction de l’amendement n° 2 pose problème, même si nous en comprenons l’objectif. Je me demande, par ailleurs, s’il ne serait pas préférable de conserver une accréditation pour l’ensemble des structures participant à ce type de soins.

Je propose que nous nous en remettions, sur cet amendement, à l’avis du Gouvernement.

J’en viens à l’amendement n° 3. Les soins sans consentement en ambulatoire font l’objet, comme les soins sans consentement en hospitalisation complète, d’un contrôle par le juge au bout de douze jours, puis de six mois. Dans l’intervalle, c’est le psychiatre qui prend l’initiative de la décision de sortie des soins.

Prévoir un délai spécifique pour ce type de soins ne paraît pas justifié. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Sur l’amendement n° 1, j’exprimerai le même avis que le rapporteur. Il me paraît plutôt contre-productif de vouloir supprimer les modes de prise en charge autres que l’hospitalisation. L’enjeu est ici d’accompagner le malade en lui proposant une diversité de solutions.

Interdire l’évolution de la prise en charge tout au long de la maladie, en rendant possible le passage de l’hospitalisation à un accompagnement en milieu ouvert, pourrait aller à l’encontre des intérêts que vous défendez et de ceux du patient. C’est la raison pour laquelle les professionnels tiennent à ce que l’on puisse prendre en charge le patient autrement que dans le cadre d’une hospitalisation complète.

L’avis est donc défavorable.

Sur l’amendement n° 2, j’étais tentée de m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais, comme le rapporteur s’en remet, de son côté, à l’avis du Gouvernement, je vous propose, pour éviter de tourner en rond, d’aller plus loin.

Je vous demande donc, madame Pasquet, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, non pas sur le fond, mais à cause de sa forme. Je crains en effet qu’il n’entraîne des difficultés d’interprétation sur le plan juridique, comme c’est souvent le cas lorsque l’on veut établir une liste.

En l’occurrence, souhaitant préciser quelles sont les structures autorisées à dispenser les soins à domicile, vous dressez une liste dont nous ne sommes pas certains, actuellement, qu’elle soit complète et qu’elle réponde à l’ensemble des cas de figure. Des soins prodigués dans d’autres cadres risqueraient de ce fait de ne pouvoir être dispensés ou d’être jugés illégaux. Cela pose problème, notamment au regard des intérêts des patients, que vous souhaitez défendre.

Pour ce qui est de l’amendement n° 3, je partage l’avis du rapporteur. Le juge des libertés et de la détention est compétent pour contrôler de manière systématique les mesures de privation de liberté, dont ne font pas partie les mesures autres que l’hospitalisation complète.

De toute façon, quelle que soit sa forme, la prise en charge peut faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention, que le patient a donc toujours la possibilité de saisir s’il estime que la mesure d’hospitalisation qui lui est imposée n’est pas adaptée.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.