M. Jean-Jacques Hyest. Il nous paraît curieux que de nouvelles règles entrent en vigueur en cours de mandat. Ce n’est pas l’habitude. Nous proposons donc une application de la loi à partir des prochains mandats.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Pour l’examen des amendements à l’article 1er du projet de loi organique, la commission a émis des avis cohérents avec la position qu’elle avait arrêtée lors de l’examen du texte en première lecture.
Dans cette perspective, elle a exprimé un avis favorable sur plusieurs amendements, en particulier l’amendement n° 38 de Mme Hélène Lipietz et les amendements nos 14, 17, 18 rectifié, 21 rectifié et 24 de M. Jean-Jacques Hyest. Vous voyez, monsieur Hyest, que vous avez été largement entendu… (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)
La commission a également été favorable à la suppression d’informations relatives aux parents et enfants prévue au travers de l’amendement n° 43, même si certains, dont je faisais partie, avaient pu initialement émettre des réserves sur cette disposition. J’avoue, pour ma part, avoir été pleinement convaincu par les arguments de Mme Lipietz.
La commission a aussi émis un avis favorable sur les amendements nos 36 rectifié et 37 rectifié de Mme Catherine Tasca, présentés par M. Jean-Yves Leconte. Ceux-ci tendent à conforter dans la loi la mission de l’organe interne à chaque assemblée chargé de la déontologie parlementaire.
La commission a examiné les amendements identiques nos 1 rectifié et 31, respectivement présentés par MM. Thani Mohamed Soilihi et Christian Favier, dont l’objet est de permettre la publication au Journal officiel des déclarations de situation patrimoniale, ainsi que les amendements identiques nos 2 rectifié et 32, présentés par les mêmes collègues, qui visent logiquement à sanctionner la publication d’informations mensongères ou délibérément inexactes relatives au contenu de ces déclarations. Elle a émis un avis favorable sur ces quatre amendements.
Les amendements nos 39 rectifié et 44 de Mme Lipietz seraient largement satisfaits par les amendements que je viens d’évoquer ; si ces derniers étaient adoptés, la commission solliciterait donc leur retrait.
Par cohérence, la commission a formulé un avis défavorable sur les autres amendements en discussion commune. J’en suis désolé, en particulier pour Mme Ango Ela : celle-ci a défendu son amendement avec conviction, mais la commission a jugé que cette disposition était difficile à mettre en œuvre.
Par cohérence également – tout le monde voit bien que le débat porte essentiellement sur la question de la publication des déclarations de situation patrimoniale –, la commission souhaite que le Sénat examine par priorité les amendements identiques nos 1 rectifié et 31, puis les amendements identiques nos 2 rectifié et 32, qui en sont la conséquence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est de droit.
Quel est à présent l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il me semble que nous avons déjà très largement débattu de cette série d’amendements, dont une grande partie tend à déconstruire, par petits morceaux, l’ensemble des alinéas de l’article Ier.
Je veux très clairement indiquer quelle est la position du Gouvernement.
Le texte adopté en conseil des ministres prévoyait la publication intégrale des déclarations de situation patrimoniale, comme des déclarations d’intérêts et d’activités. L’opposition à l’Assemblée nationale était hostile à toute publication, quelles qu’en soient la nature et les modalités. Après un débat avec une partie de la majorité, le Gouvernement a accepté de prendre en compte l’idée selon laquelle il y avait une différence de nature entre les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts et d’activités. Ces dernières seraient publiées pour tous.
À cet égard, j’entendais plusieurs orateurs, ce matin, limiter le débat aux parlementaires. Même si nous sommes bien en train d’examiner la partie concernant les parlementaires, nous ne devons jamais oublier que découleraient également de ce texte des obligations pesant sur les membres des cabinets ministériels. Ce point est extrêmement important et positif !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous n’avons rien à voir avec les membres des cabinets ministériels !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous avons accepté de faire une distinction car, en rendant publique la déclaration de patrimoine, vous pouvez, par incidence, rendre publiques des indications assez précises sur le patrimoine de tiers.
Si, par exemple, figure dans la déclaration un bien immobilier déclaré sous le régime de la communauté, quand bien même, comme le prévoit le projet de loi organique, est indiquée la seule valeur correspondant à la part du parlementaire, soit la moitié du bien, tout le monde comprend aisément que le conjoint de ce dernier est propriétaire de l’autre moitié, ce qui donne évidemment une indication sur son patrimoine.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. La situation est identique dans les cas d’indivision. Même s’il est précisé que seule la part d’indivision est mentionnée, dès lors que celle-ci est évaluée, on fournit éventuellement la valeur de biens immobiliers appartenant à des personnes tierces, la plupart du temps les enfants, parents ou frères et sœurs.
Enfin, la même remarque est valable lorsqu’il est question de distinguer la nature juridique du bien – nue-propriété ou usufruit –, puisque, en définitive, on rend possible une évaluation de la part du nu-propriétaire ou de l’usufruitier.
Cette argumentation a donc été prise en compte et, sur ces bases, le Gouvernement a accepté de réfléchir à une modification de son propre texte, qui, je le répète, prévoyait la publication intégrale du patrimoine, au bénéfice d’une distinction des régimes.
Nous avons examiné attentivement ce qui existait. M. Hyest a évidemment approuvé notre démarche, prenant l'exemple de l'impôt sur le revenu que l'on peut consulter avec une interdiction de publication, et cela depuis 1971, me semble-t-il.
La sanction que j’ai découverte est d'ailleurs assez originale : si vous consultez une déclaration d'impôt et que vous la rendez publique, aucune sanction pénale n’est prévue, mais vous pouvez être condamné à payer le montant de l'impôt de la personne dont vous avez consulté la déclaration. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Alors appliquez le même système !
Mme Catherine Procaccia. Inspirez-vous en !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Autrement dit, en l'état du droit positif, j'ai découvert qu’il vaut mieux consulter les déclarations des pauvres que celles des riches ! (Sourires.)
Sans reprendre la pénalité telle qu’elle existe aujourd'hui pour les impôts, nous avons retenu une sanction pénale, dont nous rediscutons.
Le Gouvernement, je le dis très clairement, est attaché à cet accord et au texte qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale. Sous réserve de deux amendements techniques de précision, il émet ainsi un avis défavorable sur l'ensemble des amendements, quelle que soit leur origine, qui remettent en cause le texte issu du vote en première lecture, en partie modifié par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Mme Catherine Procaccia. Il n’y a donc que l’Assemblée nationale qui vote ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 7, 10, 9, 8, 11 et 12.
Sur l’amendement n° 38 de Mme Lipietz, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, car cette disposition apporte une précision qui peut paraître utile sur la nature de la propriété des biens.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 13, 14, 15, 16, 43, 17, 18 rectifié, 19, 20 et 21 rectifié.
L’adoption de l’amendement n° 33 obligerait la Haute autorité de la transparence de la vie publique, la HATVP, à répondre aux observations citoyennes, qu’elle pourrait transmette au bureau de l’Assemblée nationale.
Je pense qu’il faut être attentif au fait que cette disposition changerait complètement les conditions de fonctionnement de la Haute Autorité. Nous nous trouvons face à un système d'une très grande complexité, dont nous mesurons difficilement la plus-value, et, après avoir vérifié sa cohérence, cet amendement nous est apparu risqué.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce serait une prime à la délation !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Toute obligation est créatrice de droit. Que se passerait-t-il si la réponse de la HATVP ne plaisait pas ? Pourrait-on exercer un recours contre cette décision ?
Répondre à ces questions impliquerait d'examiner précisément quelles sont les conséquences sur l'obligation de répondre de l'inversion du régime juridique des réponses de l'administration aux questions des citoyens. Le Premier ministre a en effet annoncé – vous serez saisis de ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs – que le droit positif sera prochainement modifié en la matière : l'absence de réponse vaudra dorénavant acquiescement de la part de l'autorité administrative.
Ainsi, selon moi, la plus grande prudence s'impose. C'est pourquoi j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 33.
En ce qui concerne l’amendement n° 36 rectifié de Mme Tasca, qui tend à permettre à la Haute Autorité de transmettre les observations citoyennes au bureau de l’Assemblée nationale, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Sur les amendements identiques nos 1 rectifié et 31, ainsi que sur l'amendement n° 39 rectifié, qui visent à revenir à une publication intégrale des patrimoines, le Gouvernement, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, émet un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 40, 22 et 44.
S'agissant de l’amendement n° 35 de M. Pozzo di Borgo et de l’amendement n° 37 rectifié de Mme Tasca, qui sont proches, j’attire votre attention sur les conséquences d'une information obligatoire, par la Haute Autorité, des assemblées en cas de transmission au parquet.
Se pose, à ce stade, un véritable problème de procédure pénale, car la saisine du parquet par la Haute Autorité, que l’on peut comparer aux obligations qu’ont les autorités publiques ou tout fonctionnaire au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, ne signifie pas que celui qui décidera de la poursuite, c'est-à-dire le parquet, estimera que les éléments constitutifs d'un délit sont réunis. On ne peut pas à la fois critiquer les pouvoirs nouveaux que l'on donne à cette autorité et conférer à sa démarche une ampleur qu’elle n’a pas !
Pour l'instant, c'est dans le secret, sans communiqué officiel, que la Haute Autorité décide de saisir le parquet, ce dernier pouvant très bien considérer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre. Si l'on saisit le bureau de l’Assemblée nationale, que fera-t-il de cette information ? Elle sera divulguée ou, du moins, sera susceptible de l'être, ce qui ne présente aucun intérêt, sauf à imaginer que les bureaux des assemblées, dès ce stade, deviennent parties prenantes dans une procédure qui n’en est pas une au sens pénal du terme, s'agissant d'une simple transmission au parquet.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 35 et 37 rectifié.
Enfin, mon avis est également défavorable sur l’amendement n° 25 de M. Hyest.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 1 rectifié et 31.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous prenons acte des déclarations de M. le rapporteur et, surtout, de celles du Gouvernement, qui voudrait qu’aucun des amendements déposés, y compris par un certain nombre de parlementaires appartenant à la majorité, ne soit retenu.
Nous n’en sommes pas encore au vote final sur l'article 1er, ni sur l'ensemble du texte. J’ai cependant relevé plusieurs points.
En premier lieu, il s'instaurera dans le pays une grande confusion sur les déclarations faites par les parlementaires. Les déclarations fiscales feront apparaître les revenus du foyer fiscal. Toutefois, un certain nombre d'éléments pris en compte pour le calcul de l'ISF ne figurent pas dans la déclaration de patrimoine. Inversement, apparaissent dans la déclaration patrimoniale des éléments qui ne sont pas retenus au titre de l'ISF.
Les contribuables vont donc s'interroger, dès lors qu’ils pourront consulter à la fois la déclaration fiscale et la déclaration patrimoniale, sur le décalage existant entre les deux.
Par exemple, les œuvres d'art ne sont pas prises en compte dans le cadre de l’ISF, mais elles le seront dans celui de la déclaration patrimoniale. J’ajoute, concernant les œuvres d'art, que les variations dont il était question peuvent être considérables. Je connais un parlementaire qui a hérité d'une toile dont tout le monde pensait qu’elle n’avait pas une grande valeur. Or un expert s'est aperçu qu’elle était de Watteau…
Dans ce type de cas, il faudra expliquer ensuite aux autorités compétentes pourquoi le patrimoine a brusquement augmenté. Vous me direz qu’il y a des explications, mais, pour l'opinion, croyez-vous qu’elles seront recevables ? Avec le populisme dans lequel vous nous entraînez, il y aura bien entendu, là aussi, un certain nombre de réactions.
En deuxième lieu, en ce qui concerne l'anonymat des personnes qui vont solliciter des informations auprès de la préfecture, franchement, est-il admissible que, sans risque d'être inquiété, l'on puisse en chercher sans laisser la moindre trace de la question posée ? Ce serait le minimum ! Quelle naïveté de croire que des renseignements puissent être recueillis sans être diffusés ! Aujourd'hui, les moyens de communication et de transmission des informations sont tels que, assez rapidement, une grande porosité caractérisera bien entendu ces données.
Une autre question se pose. À l’Assemblée nationale, le système de contrôle des éléments du patrimoine des parlementaires est différent de celui du Sénat. À l’Assemblée nationale, se trouve une déontologue ; au Sénat, il y a le bureau.
À ce propos, je voudrais lever toute ambiguïté concernant la déontologue de l’Assemblée nationale, qui porte le nom et le prénom de ma sœur jumelle, Noëlle Lenoir. (Exclamations.)
Mme Catherine Procaccia. J’ignorais que vous aviez une sœur jumelle !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Information utile ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Je le précise, car, désormais, il faut se défendre ! (Nouveaux sourires.) Or cette dame n’a strictement rien à voir, contrairement à une opinion largement répandue, avec ma sœur jumelle.
La question qui se pose est de savoir si la déontologue a encore des raisons de poursuivre ses fonctions à l’Assemblée nationale.
Enfin, je voudrais revenir sur la question des membres de cabinet. Vous dites qu’ils sont soumis aux mêmes règles. C'est flatteur, pour eux, de se voir traiter comme les parlementaires. Je ne suis pas sûr que l'inverse soit toujours acquis, mais je ne voudrais surtout pas heurter l'opinion ni la sensibilité des membres du cabinet du ministre en charge des relations avec le Parlement…
Je m'interroge cependant : il y a les membres de cabinet officiels, et il y a les autres, beaucoup plus nombreux. Vous m'opposerez qu’ils peuvent avoir un contrat. Néanmoins, est-ce si sûr ? Un certain nombre de ministres ont des collaborateurs dans leur cabinet qui sont mis à disposition par certaines administrations, voire par des entreprises publiques, voire par d'autres entreprises. Je voudrais donc savoir quel est le critère pris en compte pour déterminer les membres du cabinet concernés.
Ma dernière question concerne les collaborateurs des ministres. Comprennent-ils les collaborateurs travaillant pour des groupes d'étude ? Certains de ces groupes ont en effet des assistants rémunérés ; je n’en dirai pas plus. Doivent-ils, en conséquence, être déclarés comme des collaborateurs de parlementaires ?
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, je n’ai pas la même réactivité que le Président de la République lorsqu'il a annoncé, dès le lendemain d'une affaire que nous connaissons tous, qu’il allait introduire des textes sur la transparence.
D'où ma négligence : lorsque le groupe RDSE, auquel j’appartiens, a voté contre cet amendement, ce qui allait de soi, j'ai participé à ce vote. J’assume aujourd'hui, si j’ose dire, la responsabilité de cette négligence, puisque, personnellement, je voterai l'amendement de M. Sueur.
Il y a quelques années, j’ai eu l'occasion de déclarer mon patrimoine, non pour faire du prosélytisme, mais parce qu'on me l'avait demandé, et j’ai donc trouvé paradoxal et contradictoire, après l'avoir déclaré à la presse – certes, sans précision dérisoire portant sur des bicyclettes ou des 2 CV –…
Mme Hélène Lipietz. Cela coûte cher, une bicyclette !
M. Nicolas Alfonsi. … de ne pas le faire paraître au Journal officiel. Mon argument est aussi simple que cela.
Pour le reste, je ne suis pas un défenseur acharné de ce texte. Je n’exprime ici qu’une position personnelle, et le groupe RDSE votera contre l'amendement de M. Sueur.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. En cet instant, je voudrais simplement insister sur un point particulier qui me paraît démontrer que les auteurs de ce texte ont une bien faible connaissance des réalités de la vie sociale dans notre pays, notamment dans le monde rural.
Notre pays compte 36 000 maires ; on peut trouver que c’est trop, mais c’est une réalité ! Il est parfois de plus en plus difficile de susciter des vocations pour animer la vie locale. Appliquer sans discernement aux 36 000 maires de France des dispositions qui n’ont manifestement pas été pensées pour eux risque de susciter à cet égard des difficultés supplémentaires, alors qu’on a déjà souvent bien du mal à trouver des Français prêts à se dévouer au service de nos collectivités.
Ne dresse-t-on pas un nouvel obstacle en prévoyant que n’importe qui pourra avoir connaissance du patrimoine non seulement des élus, mais aussi de leur conjoint, puisque le patrimoine de celui-ci, nous dit-on, ne sera pas rendu totalement public, mais sera néanmoins accessible.
En outre, le fait de devoir mentionner dans les déclarations d’intérêts les activités des enfants, des conjoints, des proches est un élément qui, dans la vie sociale française, touche de très près à la vie privée.
Chaque élu qui aura rendu publics un certain nombre d’éléments sera soumis à de nombreuses questions et, s’il fait le choix de ne pas répondre, il sera évidemment soupçonné d’avoir quelque chose à cacher. Ainsi, chaque élu devra être à même de justifier son patrimoine, l’activité de ses enfants, les liens qu’il entretient avec eux, les risques potentiels de conflits d’intérêts qui en découlent…
Je trouve que c’est trop ! Cette suspicion généralisée, ce système de défiance ne sont pas conformes à nos traditions démocratiques. Bien sûr, cela, nous l’avons sans doute déjà dit, mais j’ai le sentiment que nous n’avons pas été entendus.
Voilà pourquoi je considère que ce texte, loin de constituer un pas en avant, se traduit par une véritable régression de nos valeurs et de nos pratiques démocratiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 31.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 329 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 165 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 7, 39 rectifié, 47 rectifié, 40, 22, 44 et 23 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 32.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
M. Jean-Claude Lenoir. Vous devriez plutôt rameuter vos troupes ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 330 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 209 |
Pour l’adoption | 193 |
Contre | 16 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 43 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 33 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote sur l'amendement n° 35.
M. Yves Pozzo di Borgo. Pourquoi ai-je déposé cet amendement ? La Haute Autorité va transmettre les dossiers au parquet, soit en application de l’article 40 du code de procédure pénale, soit en application du dispositif prévu par ce texte, s’il est adopté. Or, je l’ai dit en première lecture, j’ai tendance à penser que nous assistons à une désagrégation du rôle du Parlement, et cela a commencé avec l’article 34 de la Constitution, à quoi s’est ajouté le pouvoir d’investiture des partis.
L’exécutif cherche à grignoter toujours plus les prérogatives du législatif. Il poursuit son ouvrage à travers la mise en place de cette sorte de structure informe, à la fois administrative et judiciaire, essentiellement composée de fonctionnaires et qui aura le pouvoir de transmettre au parquet les dossiers des élus.
C’est pourquoi mon amendement tend à ce que la Haute Autorité transmette ces dossiers aux bureaux des assemblées, qui ont montré, au fil des années, qu’ils savaient traiter de manière discrète et efficace les dossiers d’immunité parlementaire. C’est ensuite au bureau de l’assemblée concernée qu’il revient de décider ou non de transmettre au parquet.
Il est tout à fait nécessaire de conserver un minimum d’immunité parlementaire ! Un des problèmes de ce pays, c’est que les parlementaires sont de plus en plus lobotomisés, dénigrés, attaqués ! L’exécutif est confronté à un problème avec M. Cahuzac et que fait-il ? Il renvoie tout sur le Parlement ! Or, monsieur le ministre, je tiens tout de même à le rappeler, depuis que le Parlement existe, pratiquement tous les parlementaires qui ont été condamnés l’ont été du fait des fonctions exécutives qu’ils occupaient ou avaient occupées !
En quoi les parlementaires seraient-ils corruptibles ? Cela n’a pas de sens ! Certes, il s’agit d’une question symbolique : que ce soit la Haute Autorité ou le bureau qui transmette les dossiers au parquet, cela ne change pas grand-chose. Toutefois, les symboles ont de l’importance et, dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs, il me semble essentiel que ce soit le pouvoir législatif qui transmette au parquet les dossiers des parlementaires.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que le Gouvernement voulait redonner du pouvoir aux assemblées parlementaires. Eh bien, le dispositif qu’il entend ici mettre en place vient contredire ce propos. Du reste, il est un peu choquant que ce soit un membre de l’exécutif qui dise vouloir redonner du pouvoir au Parlement : c’est d’abord à celui-ci de reprendre son pouvoir !
Je regrette l’avis défavorable émis par la commission sur mon amendement. M. Sueur, en soutenant cette position, contribue à cette dégradation du rôle du Parlement, qui me semble de plus en plus affaibli. Le Gouvernement, quant à lui, est pleinement dans son rôle : plus le législatif est faible, plus ça l’arrange !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je soutiens avec force l’amendement de M. Pozzo di Borgo.
Notre autorité ne dépend pas d’un concours administratif : cela, c’est la situation d’un fonctionnaire. Notre autorité dépend de la confiance des électeurs. Cette confiance se construit lentement, difficilement, à travers des liens qui se tissent dans des relations fondées sur la conviction et la proximité.
Le fait de saisir le parquet est un devoir relevant de l’article 40 du code de procédure pénale : tout fonctionnaire - la Haute Autorité étant une commission administrative, ses membres peuvent être considérés, de ce point de vue, comme des fonctionnaires - qui estime être informé d’un fait justifiant la saisine du parquet a l’obligation d’entreprendre cette démarche.
Toutefois, le jeu du suffrage universel fait que la notoriété de l’élu, le crédit, la confiance qu’il suscite dépendent de l’image d’ensemble qu’il renvoie. Malgré tout le respect que j’ai à l’égard des magistrats, de l’ordre judiciaire comme de l’ordre administratif, je ne peux souscrire à la liberté qu’ils auraient de transmettre proprio motu, sans contrôle, le dossier d’un élu et de mettre en jeu sa notoriété pour la raison qu’ils ne sont pas en accord avec lui sur l’évaluation des variations de son patrimoine ou sur la nature et l’importance des intérêts qui pourraient être les siens. Car il faut en être conscient : quand bien même ces variations de patrimoine et cette conjonction d’intérêts ne constituent pas des délits, l’opinion aura tôt fait de les transformer en délits potentiels, voire en délits certains.
Vous privez ainsi l’électeur d’un choix loyal puisque vous affaiblissez le parlementaire ou l’élu sortant, soumis à la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, par rapport aux autres candidats, qui, eux, n’y sont pas soumis. Vous l’affaiblissez en général parce que vous l’obligez à se défendre contre cette épouvantable suspicion née de la saisine du parquet, laquelle, dans l’immense majorité des cas, aboutit à un non-lieu. Mais le mal est fait !
Et ce mal, nous sommes assez nombreux, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, à pouvoir en mesurer l’importance, à savoir qu’il se propage par une communication toujours violente et intense au moment de la saisine du parquet, mais toujours discrète et feutrée au moment de la notification d’une relaxe.
En période électorale, c’est encore plus grave. L’élu sortant, soumis à la Haute Autorité, candidat à une élection législative, sénatoriale ou locale, pourra à tout moment être confronté à la publicité nécessairement donnée à la saisine du parquet. Certes, vous l’avez dit dans les débats précédents, monsieur le rapporteur, l’examen aboutira le plus souvent, et même dans l’immense majorité des cas, à une décision de non-lieu, mais dans des délais qui sont parfaitement incompatibles avec l’exercice d’un mandat ou la loyauté d’une élection.
C’est la raison pour laquelle l’amendement de M. Pozzo di Borgo est d’une pertinence absolue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)