M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, encore aujourd’hui, nombre de nos concitoyens renoncent à se soigner ou retardent leurs soins pour des raisons financières. C’est d’autant plus vrai s’agissant des soins très faiblement remboursés par la sécurité sociale.
Les élus de la République ne peuvent être indifférents à cette situation. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté, dans le cadre de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, la généralisation de la couverture complémentaire santé à l’ensemble des salariés. Il s’agissait d’une véritable avancée. Car si le financement par la sécurité sociale reste élevé, force est de constater que, depuis une trentaine d’années, il diminue au profit de la couverture complémentaire, qui prend à sa charge 26 milliards d’euros, et il est très inégal selon le type de soins ou de prestations. Alors que l’assurance maladie prend en charge plus de 90 % des soins hospitaliers, la prise en charge des soins dentaires, de l’optique ou des audioprothèses est particulièrement réduite, comme l’a rappelé très justement le rapporteur général. Il en résulte un reste à charge important pour les patients.
C’est dans cet esprit que les auteurs de la présente proposition de loi ont souhaité, notamment, sécuriser le fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles.
Nous ne sommes pas opposés au principe de la mise en place de réseaux de soins qui reposent sur la combinaison d’engagements réciproques : les organismes complémentaires garantissent à leurs adhérents de bénéficier de tarifs plus avantageux, en échange de quoi ils les orientent vers les professionnels de santé avec lesquels ils ont négocié, assurant ainsi à ces derniers d’étendre leur clientèle.
Le conventionnement entre organismes complémentaires et professionnels de santé permet ainsi de réguler les prix et de limiter le reste à charge pour les assurés. En ce sens, c’est une excellente chose, et nous ne pouvons qu’approuver cet objectif.
Je le répète, nous sommes favorables à l’idée même d’organiser le secteur des complémentaires, notamment pour l’optique, le dentaire et l’audioprothèse, domaines dans lesquels l’absence de régulation publique et l’opacité tarifaire empêchent le consommateur de faire réellement jouer la concurrence.
Tous les acteurs publics qui ont étudié la question reconnaissent que les réseaux de soins améliorent l’accès aux soins, diminuent le reste à charge des adhérents à prestation équivalente et offrent un accompagnement aux usagers dans leurs démarches. Pour autant, ce texte soulève quelques inquiétudes au sein de la majorité comme de l’opposition.
Certains sont ainsi réticents à reconnaître le bien-fondé d’une modulation des prestations qui ne sont pas indispensables au bon fonctionnement des réseaux. Des membres de mon groupe avaient d’ailleurs exprimé cette crainte en juillet 2011, lors de l’examen de la proposition de loi Fourcade.
L’accès de tous les Français à des soins de qualité est une priorité absolue pour le Gouvernement. C’est un objectif que nous partageons tous. Mais, comme l’a rappelé notre collègue Gilbert Barbier en commission des affaires sociales, ce texte n’est pas anodin. Il bouleverse foncièrement les principes fondamentaux de l’organisation des soins dans notre pays en permettant aux mutuelles d’opérer une différenciation dans le remboursement des prestations. Surtout, il remet en cause le principe « à cotisations égales, prestations égales ».
Certains soutiennent qu’il y a urgence à mettre sur un pied d’égalité les trois familles d’organismes de protection sociale complémentaires. Dans son arrêt du 18 mars 2010, la Cour de cassation a pourtant rappelé que l’interdiction faite aux mutuelles de pratiquer des modulations dans le niveau de prestations avait pour contrepartie d’autres avantages, et que les mutuelles n’étaient pas placées en situation de concurrence défavorable par rapport aux autres organismes complémentaires d’assurance maladie.
Faut-il rappeler que, s’il y a atteinte au principe d’égalité, ce n’est pas entre les différents organismes complémentaires qu’il faut la chercher, mais bien entre les adhérents ? Ceux qui s’adresseront à des professionnels hors réseau seront moins bien remboursés que ceux qui consulteront dans le réseau.
N’est-il pas à craindre, également, que la possibilité de mettre en place des réseaux fermés soit une atteinte au principe d’égalité ? Certes, le rapporteur général a souhaité limiter cette possibilité au seul secteur de l’optique. Pour autant, comment accepter que des professionnels qui répondent aux critères soient écartés du réseau ?
Les conséquences seront dramatiques pour ces praticiens et pour nos concitoyens qui vivent en zone rurale. Nous savons bien que les opticiens qui ne pourront pas bénéficier d’un conventionnement verront leur chiffre d’affaires baisser et pourraient, à terme, disparaître.
Conserver le maillage territorial est nécessaire. Il faut maintenir ces praticiens de proximité qui font le choix et l’effort de s’installer en milieu rural. Ils sont indispensables aux personnes qui vivent loin des centres urbains, dont nous savons pertinemment qu’ils concentrent l’essentiel des réseaux.
S’agissant de la liberté de choix des patients, vous avez affirmé, madame la ministre, que ce droit fondamental était assuré. Toutefois, on peut légitimement se demander si la modulation de la prise en charge selon que le praticien fait partie ou non du réseau de soins ne remet pas en cause ce principe, dès lors que les assurés seront fortement incités, via les remboursements différenciés, à consulter les praticiens appartenant à un réseau. Nombre de nos concitoyens n’auront pas d’autre solution que de faire le choix le moins onéreux. Dans ces conditions, peut-on réellement parler de liberté de choix du patient ?
Ce texte soulève enfin la question de la qualité des produits. Il est à craindre que les organismes complémentaires privilégient le critère financier par rapport au critère de qualité, imposant de ce fait l’importation de prothèses fabriquées à bas coût, par exemple en Chine. Cette inquiétude se justifie d’autant plus que le contrôle des professionnels de santé sera organisé par les organismes eux-mêmes, qui rémunèrent les contrôleurs.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma part, je voterai en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous attendons tous avec impatience des discussions de fond sur la nécessaire réforme du système de santé.
De ce point de vue, les prochains débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l’automne, puis sur la nouvelle stratégie nationale de santé et le projet de loi sur lequel vous travaillez, madame la ministre, seront des rendez-vous extrêmement importants.
Nous sommes en effet très préoccupés par le déficit de la sécurité sociale et le désengagement du régime obligatoire de certaines pathologies, d’une part, et par les inégalités d’accès aux soins, les dépassements d’honoraires et les autres restes à charge difficiles à supporter par nos concitoyens les plus modestes, d’autre part. Nous souhaitons donc insister sur la nécessité de réfléchir, plus globalement, à une politique de prévention et de promotion de la santé publique.
La proposition de loi que nous examinons traite de ces problématiques, mais de manière très partielle. La question des restes à charge y est abordée de façon détournée et coupée des autres grands enjeux de santé, ce qui rend le débat assez difficile : on nous demande de trancher sur un sujet précis, alors qu’il faudrait des réformes plus profondes.
Sur les difficiles questions des tarifs non régulés et des soins peu remboursés par la sécurité sociale, une intervention publique et un travail législatif forts sont nécessaires. Il s’agit en effet d’un problème grave, qui concerne nombre de nos concitoyens.
Le groupe écologiste défend le secteur de l’économie sociale et solidaire. Nous serons d’ailleurs actifs lors de l’examen du projet de loi qui sera présenté à la rentrée par Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Ce secteur, dans toute sa diversité, est important et précieux à la fois pour l’économie, l’emploi, la démocratie et la solidarité. Nous espérons d’ailleurs que les mutuelles y joueront pleinement leur rôle. Il est important, entre autres choses, qu’elles restent attachées aux valeurs essentielles, et par là même précieuses, de l’économie sociale : la coopération et la solidarité.
Par ailleurs, il faut éviter que la taille critique nécessaire à la gestion de tels réseaux incite les mutuelles à se concentrer encore davantage, comme semblent le redouter certains des orateurs qui m’ont précédée. Nous avions déjà signalé lors de l’examen de la clause de désignation incluse dans l’accord national interprofessionnel, que risquaient de se perdre, du coup, les qualités du mouvement mutualiste que sont la proximité et la diversité. Pour notre part, nous serons vigilants.
Actuellement, les mutuelles ne sont cependant pas sur un pied d’égalité avec les autres organismes complémentaires, qu’il s’agisse du système assurantiel ou des sociétés de prévoyance. Cette situation pose problème.
La Mutualité française nous indique que les mutuelles souhaiteraient avoir les mêmes possibilités en termes de réseaux de soins, pour obtenir une diminution du reste à charge pour leurs adhérents, sans baisse de la qualité des produits ou des soins.
Cette possibilité accordée aux mutuelles de créer des réseaux de soins ne peut être donnée que sous certaines conditions strictes. Elle suppose un encadrement qui a déjà été aménagé lors des débats à l'Assemblée nationale. La commission des affaires sociales a adopté plusieurs amendements allant dans ce sens.
Le respect de certaines exigences sont en effet nécessaires, elles ont déjà été rappelées : le maintien du libre choix des patients et des professionnels, la transparence, c'est-à-dire l’existence de critères objectifs et non discriminatoires, une large publicité des critères d’entrée dans le réseau et des conventionnements, une information publique étendue des adhérents sur le contenu des négociations et des conventions et l’absence de clause d’exclusivité.
Enfin, un amendement adopté par l'Assemblée nationale, renforcé par un amendement voté par la commission des affaires sociales du Sénat, dont l’objet nous semble indispensable, vise à prévoir un bilan annuel sur la base d’un rapport du Gouvernement. Ce bilan approfondi doit permettre d’évaluer si les soins prodigués et les produits fournis sont de qualité, si les mutuelles ont bien obtenu une baisse des restes à charge pour leurs adhérents, si les opticiens, chirurgiens-dentistes et audioprothésistes engagés dans ces réseaux de soins ont, eux aussi, consenti un effort de baisse des prix.
Pour mon groupe, le maintien de ces conditions est absolument nécessaire pour que le texte soit acceptable et que nous l’approuvions. Le débat qui va suivre conditionnera donc notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est aujourd'hui soumis est une proposition de loi, ce qui honore le Parlement. Il doit permettre en toute légalité aux mutuelles relevant du code de la mutualité d’offrir à leurs adhérents le bénéfice du conventionnement avec un certain nombre de professions de santé, notamment à travers le réseau de soins.
Par principe, je suis favorable à ce texte. Cela rejoint la position qui avait été la mienne lors du débat sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, puisque j’avais également appelé à une saine et juste concurrence entre les différents acteurs.
Les réseaux de soins s’inscrivent dans le prolongement du conventionnement engagé dans les années quatre-vingt-dix par les organismes complémentaires d’assurance maladie avec un certain nombre de professionnels de santé, principalement avec les pharmaciens. À l’époque en effet, l’un des objectifs principaux était de développer le tiers payant.
Cette pratique s’est ensuite développée avec les organismes complémentaires et d’autres professionnels de santé pour que ces derniers cessent d’être en quelque sorte des payeurs aveugles après l’intervention des régimes obligatoires. Les régulateurs comme les professionnels de santé se sont efforcés d’améliorer la pertinence et la qualité des soins pour faire en sorte que la maîtrise des dépenses ne se traduise pas par une réduction de la prise en charge des patients.
Nous constatons depuis vingt ans la réussite de ce dispositif, les chiffres le démontrent. Les réseaux de soins conduisent bien à une maîtrise des coûts, qui ne cessent d’augmenter ; ils permettent également, lorsque les acteurs le souhaitent, le développement du conseil aux assurés, notamment sur le tarif, comme des enjeux de prévention et d’assistance.
Cette proposition de loi ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt et occulter un enjeu d’une autre ampleur. Il me paraît grand temps d’ouvrir le chantier de notre système de protection sociale, d’aborder la question de son essoufflement, de la rénovation de notre système de santé et, donc, des enjeux liés à la sécurité sociale pour tous les Français. C’est, je pense, le préalable à une réflexion de fond entre tous les acteurs sur l’organisation de notre système de santé pour demain.
Comment permettre l’accès de tous à la santé par une prise en charge du régime obligatoire et des organismes complémentaires ? Est-il par exemple normal que, pour certaines dépenses de santé, la part des régimes obligatoires soit si faible ? Quelles relations entretiendront demain l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires ? Quel sera le rôle des complémentaires santé et quelle place occuperont-elles ? Quelle sera la fiscalité qui leur sera appliquée ? Quelle place faut-il accorder aux contrats responsables ? Comment notre système de santé répondra-t-il à l’avenir à l’exigence d’égalité des territoires – égalité d’accès comme de moyens – tant pour les usagers que pour les professionnels de santé ? Faut-il évoquer les réflexions et les propositions émises récemment par le Conseil d’analyse économique sur le panier de soins ?
Vous en conviendrez, bien des questions se posent à chacun de nous aujourd'hui. Certes, cette proposition de loi n’a pas vocation à y répondre, mais nous ne pouvons durablement les ignorer. Il est de notre devoir, me semble-t-il, de nous atteler à la tâche, chacun dans son domaine de compétences et d’expertise, avec nos concitoyens, pour faire évoluer et progresser notre système de santé vers davantage d’équité, de sécurité et de justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Madame la ministre, vous l’avez rappelé, la priorité du Gouvernement, c’est l’accès de tous à des soins de qualité. Pour garantir cet accès aux soins, le pilier fondamental, c’est l’assurance maladie obligatoire. Il n’est donc pas question de remettre en cause ce dispositif, garant d’un système de santé solidaire. Il faut le répéter pour faire taire l’une des objections sans fondement à la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.
Si cette proposition de loi n’a pas vocation à régir l’accès aux soins dans son ensemble, elle constitue cependant une étape importante, puisqu’elle nous offre l’occasion de commencer à fixer les règles du jeu entre les réseaux et les organismes complémentaires.
Aujourd’hui, nous devons d’abord répondre à l’urgence de combler un vide juridique et modifier le code de la mutualité pour acter le principe de conventionnement mutualiste et mettre ainsi sur un pied d’égalité les trois familles d’organismes de protection sociale complémentaires : mutuelles, instituts de prévoyance et sociétés d’assurance. En effet, cette possibilité, remise en cause par un arrêté de la Cour de cassation de mars 2010, insécurise les mutuelles qui encourent des condamnations à brève échéance.
Or, depuis la mise en place de réseaux de soins dans les secteurs où la prise en charge de l’assurance maladie est faible – soins dentaires, optique, audioprothèse –, on observe une baisse des tarifs de 30 %, de 40 %, voire de 50 %, ce qui permet l’accès des ménages modestes à des soins majeurs.
La légalisation des réseaux de soins mis en place par les mutuelles depuis une vingtaine d’années dans les secteurs où l’assurance maladie s’est le plus désengagée est une promesse de campagne de François Hollande, parce qu’elle favorise les conditions d’un meilleur accès de tous à des soins de qualité et au meilleur coût.
La loi Fourcade de 2011 avait tenté, dans son article 22, de légiférer dans le même sens et n’avait pas alors suscité d’oppositions de fond. Pourtant, elle n’apportait pas les garanties que ce texte présente et que j’évoquerai dans un instant.
Depuis dix ans, les politiques de santé mises en œuvre par la précédente majorité ont mis à mal la protection des Français en réduisant le périmètre des solidarités nationales, avec les réformes successives sur les participations forfaitaires, les franchises médicales et la diminution du taux de remboursement de certains médicaments. Ce désengagement a entraîné le développement de la prise en charge par les organismes complémentaires, en premier lieu par les mutuelles.
Les organismes complémentaires prennent aujourd’hui en charge 13,7 % des dépenses de santé, soit 26 milliards d’euros, ce qui légitime des politiques de gestion du risque et des partenariats avec les professionnels et des établissements de santé, comme l’a rappelé la présidente de la commission des affaires sociales à une autre occasion.
Si le socle reste et doit rester – j’insiste ! – l’assurance maladie obligatoire, les complémentaires existent et il n’a jamais été question que la sécurité sociale constitue l’élément exclusif du système. Encore faut-il que toutes les complémentaires de santé soient placées dans une situation identique. Or les mutuelles regroupent à elles seules 38 millions d’usagers : elles font partie de l’histoire de la solidarité et ont toute légitimité pour être des acteurs à part entière et agir dans le domaine des réseaux de soins, avec les effets positifs que l’on relève.
L’objectif des réseaux de soins est de faire pression sur les prix pour diminuer le reste à charge pour les patients, dans un contexte où 10 % à 15 % de nos concitoyens disent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières, en particulier dans les secteurs que j’ai précédemment cités.
La réduction du reste à charge pour le patient doit bien être le fil conducteur de nos orientations en matière de protection sociale, et tout ce qui peut y participer doit être encouragé.
La proposition de loi que nous présentons aujourd’hui a été enrichie par notre assemblée pour répondre aux craintes que nous avons entendues. Les grands principes qui la sous-tendent et garantissent la régulation et la transparence de ces réseaux ont été précisés.
Ainsi l’article 2 nouveau définit-il le cadre juridique des réseaux de soins, quel que soit leur statut. Il précise que les conventions conclues ne peuvent porter sur le niveau des tarifs pratiqués par le médecin pour les actes et prestations qui sont remboursés par l’assurance maladie obligatoire dans le cadre des conventions médicales nationales. Il interdit les clauses d’exclusivité ; il indique que le réseau ne peut porter atteinte au libre choix du patient et qu’il doit reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires de sélection des professionnels, vous l’avez rappelé, madame la ministre. Il garantit une information claire et complète des adhérents sur les caractéristiques des soins mis en place par sa complémentaire, ainsi que sur l’impact sur les garanties souscrites. Le patient pourra donc choisir, en toute connaissance de cause, son praticien et connaître le montant de son remboursement.
L’article 3 nouveau prévoit que, à compter du 30 juin 2013, un rapport annuel adressé au Parlement par le Gouvernement analysera les conséquences de la mise en place des réseaux de soins quant à la qualité des prestations offertes et à l’amélioration de l’accès aux soins des assurés concernés.
Afin d’aller encore plus loin, la commission des affaires sociales de notre assemblée a adopté plusieurs amendements du rapporteur général. Ainsi, nous devrons nous prononcer sur la possibilité pour les organismes complémentaires de « contractualiser avec les professions de santé », sans que les conventions comportent de clauses tarifaires, hormis pour les chirurgiens-dentistes, les opticiens et les audioprothésistes.
Les conventions avec les médecins ne pourront avoir pour effet une modulation du remboursement et les conventions entre les mutuelles et les professionnels ne pourront entraîner de discriminations dans la délivrance des soins.
Enfin, les réseaux de soins seront ouverts à tous les professionnels remplissant les conditions fixées, sauf pour l’optique où la démographie justifie le recours à cet outil de régulation. On observe, en effet, dans ce secteur une forte croissance des magasins d’optique avec 47 % de points de vente supplémentaires par rapport à 2000. Or cette croissance excède largement l’augmentation des besoins médicaux de la population et entraîne une sous-productivité qui se traduit dans les marges brutes prélevées par les opticiens.
Grâce à la précision apportée par le rapporteur général, cet article tendra également à affirmer qu’être dans un réseau de soins ne revient pas à être favorisé pour l’accès aux soins.
Aussi, la majorité des membres de mon groupe votera ce texte qui, tout en donnant une base juridique à des réseaux existants et opérants, ce qui est son objectif principal à court terme, dissipe les inquiétudes qu’il a suscitées, particulièrement celles qui concernent l’inclusion des médecins dans le dispositif, l’aliénation du choix des patients et la crainte d’une moindre qualité des prestations.
La future grande loi de santé publique auquel nous travaillons viendra en son temps répondre à tous les enjeux majeurs de l’organisation de notre système de santé. Elle nous permettra de débattre du sujet global de la régulation de l’offre de soins dans notre pays, pour que les générations à venir continuent à bénéficier d’une protection sociale juste et solidaire et d’un accès aux soins qui ne soit pas régi seulement par une logique de marché. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en 2012, le Président de la République, à l’occasion de son discours devant le congrès de la Mutualité française, a rappelé avec force la place des mutuelles au sein de notre système de protection sociale. Il s’était livré, dans son intervention, à une analyse très approfondie de notre système de protection sociale et de notre système de santé, en affirmant que le seul objectif était de garantir un égal accès à des soins de qualité à l’ensemble de nos concitoyens.
C’est dans ce cadre qu’il a pris l’engagement de permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins, tels que définis dans la présente proposition de loi, à l’heure où les mutuelles se trouvent dans une situation d’inégalité à l’égard des compagnies d’assurance complémentaires et des caisses de prévoyance.
C’est dans cet esprit d’approche globale de notre système de protection sociale que nous devrions aborder l’examen de ce texte.
Je remercie M. le rapporteur général de son analyse approfondie du fonctionnement de notre système de protection sociale. Il a mis en évidence l’importance du secteur complémentaire : il représente à lui seul 26 milliards d’euros, à mettre en regard des 138 milliards d’euros de financement public, soit 13,7 % des dépenses totales de santé. Les mutuelles représentent 55 % du secteur complémentaire.
Je le remercie par ailleurs de nous avoir rappelé que trois secteurs très différents présentent deux points communs : des prix libres et des remboursements de l’assurance maladie très minoritaires. Je veux parler des soins dentaires, de l’audioprothèse et de l’optique, en rappelant, concernant ce dernier domaine, le caractère symbolique de l’intervention de l’assurance maladie à un taux d’environ 4°% au regard des 45°%° financés par les systèmes complémentaires.
Nous ne pouvons nous satisfaire de ce constat, et il n’y a pas de fatalité à ce qu’il perdure. Loin de moi la volonté de faire preuve d’un angélisme béat. Aussi, je ne réclame pas aujourd’hui, malgré le déficit de l’assurance maladie, de contribution supplémentaire – même si la question reste d’actualité. Je considère, en revanche, qu’il est indispensable que l’assurance maladie participe activement au débat sur les conditions d’existence des réseaux.
L’exigence de qualité au meilleur prix, les conditions d’accessibilité aux meilleurs soins quel que soit le territoire, les procédures de traçabilité, l’évaluation des dispositifs médicaux proposés, l’information et la responsabilisation de nos concitoyens sont des sujets essentiels.
L’assurance maladie, si péremptoire dans son ordonnance d’économie afin de réduire son déficit – je pense notamment à ses préconisations concernant la prise en charge des pathologies thyroïdiennes et des cancers de la thyroïde – ne peut s’exonérer de ses responsabilités, alors que, par exemple, 30 % de nos jeunes de moins de vingt ans souffrent de problèmes de vision et portent des lunettes.
Je remercie, enfin, les complémentaires et les mutuelles d’avoir pris la responsabilité de s’investir avec compétence dans ce débat ô combien fondamental.
Les complémentaires ont mis en place des réseaux de soins et se sont, de fait, autorégulées. Je ne vais pas leur en faire grief ; leur rôle est essentiel. Néanmoins, j’estime que les pouvoirs publics doivent participer à l’évaluation de la qualité du dispositif proposé. Ils doivent également être vigilants quant à la façon dont les conventions sont passées entre les usagers et les organismes complémentaires. Nous avons d’ailleurs débattu de cette question ce matin en commission et nous y reviendrons très certainement.
Monsieur le rapporteur général, vous avez accompli un travail considérable de réécriture des articles 1er et 2 de la proposition de loi, en particulier en mettant l’ensemble des complémentaires à un même niveau de droits et de devoirs. Vous avez également largement amélioré le concept de réseau de soins.
Pour autant, lorsque vous inscrivez dans le texte la possibilité d’existence de réseaux fermés pour l’optique, arguant d’une offre qui, du fait de son abondance, mérite régulation, le débat reste, à nos yeux, ouvert. Il s’agit d’une réalité, mais des tarifs différenciés de remboursement heurtent l’exigence d’un traitement égalitaire pour nos concitoyens, même si le libre choix de ces derniers est clairement acté.
À titre personnel, je ne suis pas favorable à ces réseaux fermés, et j’ai pu constater que, au sein même de la Mutualité française, les avis divergeaient sur cette question. Je relève par ailleurs la chaleur, la qualité et la sincérité des relations que j’ai pu entretenir avec les différents acteurs de la Mutualité. Et vous pouvez imaginer qu’ils ont été nombreux !
À mon sens, si surabondance d’offre en matière d’optique il y a, elle doit être traitée en amont, notamment au stade de la formation, avec la possibilité par exemple de proposer des formations complémentaires aux étudiants. La démographie médicale des ophtalmologues pose en effet problème dans beaucoup de nos territoires.
Madame la ministre, nous connaissons votre énergie, votre compétence et votre détermination. Vous travaillez aujourd’hui sur de nombreux sujets, parmi lesquels l’évolution des contrats solidaires et responsables. Notre débat aurait pu s’inscrire dans ce cadre.
Malgré le travail très important accompli par M. le rapporteur général, je regrette l’approche encore trop contrainte, en matière d’organisation des réseaux de soins, de cette proposition de loi.
Aussi, je ne participerai pas au vote du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)