M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’avoir posé cette question, qui me permet de faire précisément le point sur la situation à laquelle nous sommes confrontés, particulièrement concernant la ligne du RER D.
Vous l’avez constaté, le sous-investissement dont a souffert le réseau d’Île-de-France depuis plusieurs années s’est traduit par la dégradation des conditions de voyage, alors même que la progression du trafic est continue. La ligne du RER D est aujourd'hui majeure, avec plus de 500 000 voyageurs par jour et la perspective d’en compter 700 000 dans quelques années, ainsi que vous l’avez indiqué. De très nombreux retards et incidents, dont vous êtes vous-même le témoin, sont régulièrement constatés sur cette ligne.
Aussi avons-nous souhaité, avec le Premier ministre et le président de la région d’Île-de-France, mettre en place un schéma d’urgence.
Comme l’a annoncé, le 6 mars dernier, le Premier ministre, lors de son discours sur le Nouveau Grand Paris, 7 milliards d’euros seront mobilisés pour les transports du quotidien en Île-de-France d’ici à 2017. Un protocole État-région a d’ailleurs été signé le 19 juillet dernier entre le Premier ministre et le président de la région, confirmant ainsi les efforts conjoints de l’État et de la région. Ainsi, 2 milliards d’euros seront spécifiquement consacrés aux RER.
En outre, à ma demande, RFF, Réseau ferré de France, engagera 2 milliards d’euros par an au titre du renouvellement, dans le cadre du plan de modernisation de réseau qui sera décliné dan les toutes prochaines semaines et qui vise l’ensemble des territoires, notamment l’Île-de-France.
Par ailleurs, j’ai lancé en mars dernier, avec le président de la région, un plan d’actions concrètes. Au-delà des grands chantiers, il nous faut répondre à la préoccupation de nos concitoyens au quotidien pour ce qui concerne le fonctionnement du réseau, la régularité, la qualité et l’information, que les usagers sont en droit de réclamer. Pour atteindre ces enjeux, nous allons prendre des mesures de manière à faire évoluer le transport quotidien.
S’agissant plus particulièrement du RER D, son schéma directeur prévoit la mise en service conjointe, dès la fin de l’année 2013, de plusieurs aménagements d’infrastructure de nature à améliorer la fiabilité de la ligne, ce qui correspond à un investissement de 133 millions d’euros. Dès 2014, l’offre sera ainsi renforcée avec, au nord, le passage de huit trains par heure à douze en heure de pointe.
De même, le protocole que vient de signer le Premier ministre avec le président de région permet de mettre en place les financements nécessaires pour engager la deuxième phase du schéma directeur du RER D, dont l’objectif est essentiellement de restructurer et d’améliorer la branche sud de la ligne ferroviaire au nord de la ligne, le débit et la vitesse des trains.
Pour ce qui est du matériel roulant, afin de pouvoir réaliser l’offre nouvelle et d’améliorer le confort sur la ligne D, seront déployées dix-huit rames à deux niveaux, les Z2N. Des solutions transitoires sont actuellement envisagées pour remplacer plus rapidement les rames anciennes entre Juvisy et Melun.
Enfin, concernant le doublement du tunnel entre Châtelet et la gare du Nord et la mise à six voies de la section Bibliothèque François-Mitterrand–Juvisy, des projets considérables, dont la réalisation prendra du temps, le conseil d’administration du STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, a lancé des études exploratoires et de faisabilité, pour un montant de 1,3 million d’euros. Le projet suit actuellement son cours.
L’enjeu est la perspective de grands investissements et, dans le même temps, la réalisation de travaux concrets pour améliorer la régularité, le confort et, bien sûr, l’information des usagers.
M. le président. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse détaillée et chiffrée que vous m’avez apportée. Les montants des engagements précis du Premier ministre et du président de la région d’Île-de-France sont élevés, avec, si j’ai bien compris, une durée de mobilisation des crédits assez courte dans la mesure où il s’agit d’un plan d’urgence.
Je souhaite que les crédits soient mobilisés en temps et en heure. Dans le passé, ce dont nous avons le plus souffert, c’est non pas de projets – nous en avons depuis longtemps ! –, mais des crédits qui, souvent, n’étaient pas au rendez-vous, quand bien même ils avaient été annoncés.
Monsieur le ministre, je prends note de vos engagements. Je ne doute pas un seul instant de la volonté du Gouvernement d’améliorer les transports du quotidien et, par là même, la qualité de vie des Franciliens, tout en pensant à l’avenir.
Nous le savons, la véritable solution aux problèmes que nous rencontrons dans les transports au sud de l’Île-de-France est, comme vous l’avez souligné, la réalisation du doublement du tunnel entre Châtelet-les-Halles et la gare du Nord et le sextuplement des voies entre Bibliothèque François-Mitterrand et Juvisy. Même si nous n’en connaissons pas le chiffrage exact – à la suite des études qu’elle mène, la région nous donnera peut-être prochainement un chiffrage précis –, ces chantiers s’élèvent à plusieurs milliards d’euros. Toutefois, c’est bien sur ces investissements véritablement prioritaires que nous devons nous mobiliser.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux en attendant l’arrivée de Mme la ministre de la culture et de la communication.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures huit, est reprise à onze heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
spécificités des associations intermédiaires au regard de la loi relative à la sécurisation de l'emploi
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 483, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés que vont rencontrer les associations dites « intermédiaires » dans l’application de certaines dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Les associations intermédiaires mettent à la disposition d’organismes ou de particuliers, à titre onéreux, des personnes exclues du marché du travail. En facilitant ou en assurant l’insertion professionnelle de ces personnes, elles remplissent une mission d’intérêt général précieuse. L’application de l’article 1er de la loi précitée va les placer dans une situation financière périlleuse, voire contraindre certaines d’entre elles à arrêter leur activité.
Cet article permet aux salariés, jusqu’alors non couverts par une assurance santé complémentaire, d’y accéder d’ici à 2016. Le choix ayant été fait de favoriser l’accès à des mécanismes complémentaires privés, plutôt que de développer la couverture de notre sécurité sociale, le coût de la mesure sera important. Il le sera d’autant plus pour les associations intermédiaires qui signent de très nombreux contrats de travail pour des durées limitées, parfois de quelques heures par mois.
À titre d’exemple, la fédération régionale Auvergne Association Intermédiaire a dénombré, pour l’ensemble de ses associations adhérentes, 3 400 salariés ayant effectué un volume moyen d’activité de 213 heures par salarié en 2012. Plus de la moitié de ces salariés ne sont pas éligibles à la CMU, et sont donc concernés par l’article 1er.
Certes, la fédération va négocier avec les mutuelles, afin d’obtenir un meilleur tarif pour ses associations adhérentes. Néanmoins, l’association job’missions de Clermont-Ferrand a évalué l’incidence sur son budget à 10 000 euros par mois, ce qui, nous dit-elle, va remettre en cause son existence même.
Il n’est évidemment pas dans mon propos de revenir sur la nécessité d’offrir une couverture santé à tous les salariés, même si j’aurais souhaité qu’elle ne s’effectue pas au détriment de la sécurité sociale. Mais vous connaissez, madame la ministre, la fragilité de l’équilibre financier de ces associations intermédiaires. Pour nombre d’entre elles, la réponse que l’État peut apporter, notamment à l’occasion du renouvellement de leur conventionnement, sera une question de survie.
Aussi, je souhaite connaître les moyens que vous envisagez de mettre à la disposition de ces associations pour répondre à ces nouvelles obligations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les associations intermédiaires visées à l’article L. 5132–7 du code du travail au regard de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, dont les dispositions ont été reprises dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
En effet, l’article 1er de cette loi généralise à toutes les entreprises, et donc à tous les salariés, la couverture complémentaire santé. Toutefois, pour tenir compte des spécificités de certaines structures, un décret en cours de préparation doit déterminer la liste des cas de dispenses d’adhésion que les partenaires sociaux ou l’employeur pourront prévoir dans l’acte juridique qui instaure les garanties. Dans cette liste, devrait figurer le cas des salariés en contrat de travail à durée déterminée d’une durée inférieure à douze mois.
Si cela est confirmé, les salariés en CDD d’usage des associations intermédiaires pourront être dispensés de la couverture complémentaire collective santé à la condition que l’acte juridique instaurant les garanties prévoie que les salariés en CDD inférieur à douze mois peuvent en être dispensés.
S’agissant du taux de cotisation à l’assurance chômage, l’ANI du 11 janvier 2013, transcrit à l’article L. 5422–12 du code du travail, pose le principe de la majoration des contributions patronales pour les CDD en fonction de leur durée et du motif de recours à ce type de contrat.
Actuellement, les contributions d’assurance chômage sont acquittées sur la base d’un taux fixe de 6,4 %, réparti à raison de 4 % à la charge de l’employeur et de 2,4 % à la charge du salarié.
L’accord national interprofessionnel prévoit une majoration de la contribution à la charge de l’employeur correspondant à 3 points pour les CDD d’une durée inférieure ou égale à un mois, le taux de la contribution passant ainsi à 7 % ; à 1,5 point pour les CDD d’une durée supérieure à un mois et inférieure ou égale à trois mois, soit un taux de contribution de 5,5 % ; et à 0,5 point pour les CDD d’usage d’une durée inférieure ou égale à trois mois, soit un taux de 4,5 %.
Cette majoration s’applique aux employeurs du secteur privé ayant adhéré au régime d’assurance chômage. Elle n’est, en revanche, pas applicable aux contrats de travail temporaire conclus par des entreprises de travail temporaire, aux CDD conclus en vue du remplacement de salariés, aux contrats de travail saisonniers, aux contrats conclus par des particuliers avec des employés de maison et lorsque le salarié est embauché en CDI à l’issue d’un CDD. Pour l’ensemble de ces contrats, la contribution à l’assurance chômage est maintenue au taux de 4 %.
Les associations intermédiaires qui recrutent des salariés en contrat à durée déterminée entrent donc dans le champ d’application de la majoration des taux des contributions. Il est en effet apparu important pour les partenaires sociaux que la lutte contre la précarité excessive des salariés puisse s’exercer également dans le secteur de l’insertion par l’activité économique.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, j'entends bien votre réponse, mais vous avez compris que certaines associations intermédiaires ne savent pas comment elles vont boucler leur budget compte tenu de ces nouvelles obligations, quand bien même celles-ci sont tout à fait légitimes. Elles attendent de la part du Gouvernement une aide supplémentaire. C'était le sens de ma question.
Ces très nombreuses associations intermédiaires font un réel travail d'insertion auprès des demandeurs d'emploi. Je ne sais pas si votre réponse les rassurera.
Je souhaite également vous préciser que la nouvelle organisation de la médecine du travail, en vigueur depuis le 1er juillet 2012, est source pour elles de difficultés. Ces associations sont tenues d'adhérer à un service de santé interentreprises pour le suivi de l'ensemble de leurs salariés ; jusqu'à présent, elles faisaient appel à des médecins généralistes ou à des services de médecine préventive pour des coûts très inférieurs. Certaines associations auvergnates qui m'ont saisie m’ont dit que le coût du suivi médical des salariés sera multiplié par trois.
Là encore, il n'est pas dans mon propos de vouloir revenir sur des avancées pour les salariés, ce qui créerait bien évidemment une disparité de traitement entre ces travailleurs, mais il me semble quand même indispensable de permettre à ces associations de faire face à ces obligations légales en renforçant le soutien de l'État à leur mission de service public. Je ne pense pas que votre réponse les confortera, madame la ministre. C’est pourquoi je continuerai d'interpeller le Gouvernement si elles me le demandent.
schéma de régionalisation accrue de france 3
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 400, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Francis Grignon. Madame la ministre, ma question porte sur le développement de France 3 en région.
Le territoire compte vingt-quatre stations régionales de France 3, une centaine de chaînes de télévision locales et un ensemble de fonds de soutien à la production. La création en région s’appuie sur des dizaines de sociétés de production reconnues, qui emploient des auteurs, des réalisateurs, des comédiens et des équipes techniques. Le potentiel de France 3 en région est donc considérable. Pourtant, la chaîne consacre très peu d’heures aux programmes régionaux, lesquelles, m’a-t-on indiqué, représentent moins de 10 % de son temps d’antenne.
Le projet de réforme de la chaîne publique France 3 représente un enjeu majeur d’aménagement du territoire en termes économiques, culturels et sociétaux. C’est pourquoi, madame la ministre, j’aimerais savoir comment le Gouvernement entend mettre en œuvre la vocation pleinement régionale de France 3 à l’horizon 2015.
J’ai bien conscience que vous ne pourrez pas m’indiquer aujourd’hui la composition de la grille de programmes à cet horizon, néanmoins je voulais poser cette question très en amont des études qui vont être faites car j’aimerais savoir dans quel état d’esprit vous êtes. Êtes-vous dans une logique de stabilité des programmes régionaux au sein de France 3, dans une logique de réduction ou dans une logique d'accroissement de ces programmes ? Je pose cette question aujourd'hui car l'ensemble des acteurs régionaux qui travaillent autour de l'audiovisuel en région sont très attentifs à tout ce qui sera décidé dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous assurer de l'attachement du Gouvernement à la mission de proximité qui incombe à France Télévisions à travers France 3 en tout premier lieu. Vous le savez, la situation financière de l'entreprise est aujourd'hui contrainte du fait essentiellement de la dégradation de ses recettes publicitaires. Toujours est-il que nous avons demandé à France Télévisions une contribution à l'effort national de redressement des finances publiques, de l'ordre de 2 % sur trois ans, et donc d'ici à 2015. Cela a conduit l'État à engager avec le groupe public une discussion en vue de réviser le contrat d'objectifs et de moyens 2011–2015.
Au terme de ces travaux, qui ont été validés par le conseil d'administration le 11 juillet dernier, un nouvel équilibre a été défini. Un effort d’économies est certes demandé à l’entreprise, mais ce contrat conforte ses grandes missions de service public, notamment en matière de proximité. Et la proximité, comme je vous l'ai dit, c'est bien entendu France 3.
Le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour 2013–2015 prévoit une poursuite de la stratégie d’affirmation de l’identité régionale de France 3.
Nous devons d'abord évidemment conforter le rôle essentiel de l’information régionale. Cette mission de service public de grande qualité assurée par France 3 est appréciée de nos concitoyens.
Comme vous l’avez souligné et je vous en remercie, nous devons aussi réfléchir à la manière d'élargir les plages des émissions régionales. À cet égard, on peut citer l'exemple de ViaStella, en Corse, grâce à laquelle une société de producteurs locaux contribue fortement à l'identité de la chaîne en Corse.
Compte tenu des contraintes budgétaires, il n'est évidemment pas envisageable d’étendre ce système à toutes les régions. Néanmoins, je suis tout à fait ouverte à une large discussion pour étudier de quelle manière il peut être possible de valoriser au mieux non seulement le savoir-faire des équipes de France 3, mais aussi les initiatives locales et régionales, et ce afin de renforcer la vocation de proximité de France 3 dans sa mission d’information, laquelle est une réussite non seulement sur la chaîne, mais encore sur l'ensemble des chaînes de France Télévisions, et encourager la conception en région d’émissions et de programmes susceptibles de trouver un public.
Dans ce but, une vaste concertation doit être engagée et des discussions approfondies débuteront prochainement. Dans cette attente, aucune décision n'a été prise en la matière. Monsieur le sénateur, soyez en tout cas assuré de ma détermination à préserver l'identité de proximité de France 3 et aussi à travailler avec vous, avec l'ensemble du Parlement, sur les missions qui pourraient être confiées à la chaîne.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse. Vous aurez compris que je suis élu non pas de Corse, mais d'Alsace, région à forte identité elle aussi où nous sommes très sensibles à l'action de France 3.
J’ai appris récemment avec beaucoup d'intérêt que le secrétaire général de France Télévisions avait su trouver, dans le contrat d'objectifs et de moyens, un juste équilibre entre les exigences des uns et des autres. Vous venez de le confirmer. J’ajoute que la région Alsace est prête aussi à discuter avec vous pour étudier les aménagements possibles.
En tout état de cause, je constate que vous êtes dans un état d'esprit très positif de proximité, et je vous en remercie.
préservation de l’intégrité patrimoniale de la colline de vézelay (yonne) et maintien du classement unesco au patrimoine mondial de l’humanité
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, auteur de la question n° 475, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, ma question porte sur les menaces pesant sur l’intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay.
En effet, ce site a été classé en 1998, avec, pour première règle, la protection de l’angle naturel des pentes de la colline. Or une parcelle de 6 886 mètres carrés, sur son versant sud, à l’entrée du village, en covisibilité avec la basilique, a été rendue constructible en 2009 par des modifications successives du plan d’occupation des sols pour satisfaire à un projet lancé en 2002.
Depuis le 26 octobre 2012, cette parcelle est défoncée par des bulldozers, les murs se sont élevés et le gros œuvre est aujourd’hui achevé.
Cette construction moderne sur deux étages, hors échelle par rapport au bâti traditionnel vézelien, va occulter l’échappée visuelle saisissante qui révèle soudain le village médiéval, couronné de sa basilique, en montant tant à pied qu’en voiture depuis Saint-Père-sous-Vézelay, voie d’accès la plus courante.
Une partie de la parcelle était aménagée en terrain de sports et servait à l’occasion aux fêtes villageoises. Surtout, son aire polyvalente horizontale permettait aux 800 000 touristes annuels, en nombre fluctuant selon les heures, les dates et les saisons, d’y trouver 450 places de parking ombragées ; le stationnement rapportait la moitié des revenus communaux.
Les 3 500 mètres carrés d’emprise au sol du projet ne laissent sur la parcelle que 26 places de parking touristiques et aucun équipement sportif.
L’économie générale du site en est bouleversée. Trois cents places de parking sont en cours de transfert sous le chevet même de la basilique. Cela n’incitera pas les touristes à descendre pour visiter le village ni à monter vers la basilique, annulant ainsi l’effet de surprise « mystique », en quelque sorte, que créait la montée à pied dans la rue inchangée depuis le Moyen Âge, approche spirituelle de la basilique.
L’arrivée à la basilique se fera donc non plus par la traditionnelle montée, mais par le chemin de ronde nord, créé au XVIIIe siècle par le remblai des fossés et aménagé en promenade aux arbres séculaires. Ce chemin ne pourra certainement pas supporter un trafic à double sens qui va déstabiliser les remparts, pourtant classés monuments historiques depuis 1875.
C’est pourquoi, alors que le mal est fait s’agissant de la maison médicale, je voudrais savoir, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour protéger les coteaux de la colline de Vézelay et ses remparts et, ce faisant, sauvegarder l’intégrité patrimoniale du site, classé par la France et protégé au titre du patrimoine mondial depuis 1979. Une menace de déclassement par l’UNESCO ne peut être ignorée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, nous partageons votre amour de ce magnifique site de Vézelay. Du fait du manque de disponibilité foncière sur la commune et des problèmes d’accessibilité très contraignants au cœur de la ville historique, le projet de maison médicale a été localisé sur un terrain à l’entrée sud-ouest du village, sur une parcelle appartenant à la commune. Ce terrain est situé en totalité dans le site classé du Vézelien et en bordure du secteur sauvegardé.
Ce site étant particulièrement sensible, des missions d’inspection ont été diligentées tant par le ministère de la culture et de la communication que par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ces inspections ont souligné la nécessité de préserver les vues en direction de la basilique, d’organiser les constructions nouvelles en articulation avec le carrefour et de permettre une requalification de cette entrée de ville, avec un projet architectural de qualité soumis à concours.
Un concours d’architecture a donc été organisé en mars 2010, à l’issue duquel le cabinet Quirot-Vuichard a été désigné comme lauréat final. Le projet a fait l’objet d’une présentation à la commission supérieure des sites, perspectives et paysages à la fin de l’année 2010, précédant le passage en commission départementale de la nature, des paysages et des sites au début de 2011.
Une autorisation ministérielle a été délivrée en application du code de l’environnement. En outre, le permis de construire signé par le maire de Vézelay n’a fait l’objet d’aucun recours contentieux auprès du tribunal administratif.
Durant l’activité du chantier, le stationnement des voitures de tourisme n’est renvoyé que temporairement sur le parking des cars au nord-ouest de la ville, ainsi que sur le parking du flanc nord de la colline. Une fois le chantier achevé, le parking sud sera rétabli. (Mme Hélène Lipietz s’exclame.)
Dans le cadre du schéma directeur pour la restauration et la mise en valeur de l’abbaye de la Madeleine, adopté en commission nationale des monuments historiques le 12 novembre 2012, il est prévu de réserver le stationnement intra-muros aux seuls riverains, afin de permettre une meilleure gestion des flux touristiques. Les parkings situés à l’extérieur des remparts, dont le parking sud, auront alors pour fonction de faciliter la découverte de Vézelay par la traditionnelle entrée ouest en encourageant les circulations douces.
Le bien Basilique et colline de Vézelay, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, fait donc l’objet de toute l’attention des services du ministère de la culture et de la communication, et le Centre du patrimoine mondial a été régulièrement tenu informé du projet de maison médicale, pour lequel il n’a formulé aucune objection.
Par ailleurs, une opération grand site, initiée par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, est actuellement en phase d’étude ; elle contribuera également à une refonte des accès et des circulations sur l’ensemble du site de Vézelay.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, cette réponse me rassure quelque peu. Reste toutefois que, dans le code de l’urbanisme, il n’existe pas de règles spécifiques pour prévoir les conséquences d’un classement par l’UNESCO ou en tant que grand site national sur l’évolution d’une ville ou d’un village, lesquels sont, heureusement, en France, toujours vivants. Je pense non seulement à Vézelay, mais également, par exemple, aux difficultés que pose à Briançon le classement des forts Vauban.
Il convient, en France, de faire vivre les humains d’aujourd’hui dans une ville moderne dont le cadre est un musée, et c’est un vrai défi pour les siècles à venir. J’espère que la ministre de la culture que vous êtes saura s’atteler à cette tâche avec conviction.
vœux en conseil d'administration des établissements publics locaux d'enseignement
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, auteur de la question n° 430, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Cécile Cukierman. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur la possibilité d’adopter des vœux lors des réunions du conseil d’administration des établissements publics locaux d’enseignement.
En effet, l’article R. 421–23 du code de l’éducation prévoit, dans son dernier alinéa, que le conseil d’administration peut adopter tout vœu sur les questions ayant trait à la vie de l’établissement.
Ces vœux ou motions n’ont aucune valeur décisionnelle mais constituent bien souvent le principal moyen d’expression des élus des parents et des personnels en termes tant de problématiques propres à chaque établissement que de questions plus générales touchant à l’éducation ou aux politiques éducatives.
Une jurisprudence de la cour administrative d’appel de Nancy précise d’ailleurs qu’un chef d’établissement ne peut s’opposer au vote d’un vœu en conseil d’administration dès lors que celui-ci est en rapport avec un point figurant à l’ordre du jour.
En 2011, le ministre de l’éducation nationale, votre prédécesseur, monsieur le ministre, répondait que « si l’ordre du jour comprenant la motion est adopté en début de séance, comme l’exige l’article R. 421–25 du code de l’éducation, la motion doit donner lieu à un débat puis à un vote, comme les autres points inscrits à l’ordre du jour ». Puis il rappelait que « lorsque le projet de motion n’a pas pour objet de faire délibérer le conseil d’administration sur une question relevant de ses compétences mais qu’il tend simplement à l’adoption d’un vœu, cette motion, dès lors qu’elle concerne la vie de l’établissement, peut être adoptée à l’initiative du conseil d’administration ».
Or, malheureusement, depuis quelques années, un nombre croissant de chefs d’établissement prétend interdire ou conditionner le vote de tels vœux en conseil d’administration ; j’en ai été alertée par les organisations syndicales représentatives des enseignants.
On constate une volonté d’en limiter le nombre et la portée en interdisant : qu’ils soient présentés au nom du conseil d’administration ; qu’ils soient intitulés motion ; qu’ils portent sur d’autres points que les compétences décisionnelles du conseil d’administration ; qu’ils affirment des positions syndicales ou de fédérations de parents d’élèves en divergence avec le discours officiel émanant du ministère.
Il s’agit d’interdire l’expression des conseils d’administration en tant que tels, que ce soit sur des questions purement relatives à l’éducation nationale ou sur des questions plus larges comme la politique éducative, le soutien aux élèves menacés d’expulsion ou encore le soutien à des collègues en situation de précarité.
Il y a là une volonté claire de faire taire les voix critiques des élus siégeant en conseil d’administration et de les cantonner au rôle de simples administrateurs, placés sous la houlette d’un chef d’établissement transformé en « chef d’entreprise » qui, dans le cadre de son évaluation, tient à afficher l’absence de voix discordantes au sein de son établissement.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de préciser les éventuelles restrictions au débat et au vote de vœux lors des conseils d’administration des établissements publics locaux d’enseignement. Ainsi, les choses seront rétablies et les représentants de parents et d’enseignants pourront assumer leur rôle en accomplissant les tâches pour lesquelles ils ont été élus.