M. David Assouline. C’est Pompidou que nous applaudissons, pas vous !
M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron.
M. Jacques Chiron. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, permettez-moi d’abord de saluer la tenue des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, clôturées en novembre dernier. Alors que le monde de la recherche et de l'université a été bousculé, ces sept dernières années, par des réformes brutales, non concertées et pour le moins contestées, la communauté universitaire et scientifique aura, me semble-t-il, apprécié ce changement de méthode et ce nouvel esprit de dialogue. Avec 20 000 participants, 1 300 contributions écrites, plus de 500 réunions et débats en régions, c’est peu dire que ces assises ont mobilisé ; c’est peu dire qu’il y avait nécessité de restaurer une relation de confiance et des échanges constructifs entre l’État et la communauté scientifique et universitaire.
La loi d’orientation devra donc répondre, autant que faire se peut, aux attentes, nombreuses et exigeantes, exprimées lors de ces assises, ainsi qu’à l’occasion des débats qui ont eu lieu dans mon département, l’Isère.
Le champ de ce texte recouvre pour la première fois, et il faut le saluer, l’enseignement supérieur et la recherche, deux domaines indissociables et d’une importance décisive pour l’avenir de notre pays et pour son redressement.
Nous pouvons aussi nous réjouir, madame la ministre, de l’augmentation de 2,2 % du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche que vous avez obtenue pour cette année 2013, assortie de la création de 5 000 postes supplémentaires sur cinq ans.
Mais il s’agit maintenant de définir et de clarifier les priorités de l’État en matière de recherche et de repositionner les chercheurs au cœur de ces priorités.
Lors du précédent quinquennat, la France a perdu sa compétitivité en matière de recherche sur les plans européen et international. Elle a vu se multiplier les structures et les appels d’offres. Ce phénomène a eu pour conséquence de concentrer les efforts des chercheurs sur la course aux financements, au détriment de leur présence dans les réseaux européens, et de rendre notre stratégie nationale illisible, voire inexistante.
À cet égard, vous évoquez régulièrement, madame la ministre, votre souhait de voir l’État redevenir « stratège » en matière de recherche. Si certains y voient une perte d’autonomie pour les établissements, j’y vois pour ma part, enfin, la mise en place effective d’une véritable stratégie, la définition d’une ligne directrice claire et la garantie que notre système fonctionnera au bénéfice de tous.
En quelque sorte, il s’agit de repositionner l’État à sa juste place : il définit les priorités et les orientations sur le long terme, il régule et évite de céder à la dictature de l’instant, il sécurise les acteurs de la recherche, leur offrant ainsi les conditions nécessaires à un travail serein et indépendant.
La mise en place d’un « agenda stratégique de la recherche » et la création d’un conseil stratégique vont enfin permettre une simplification de la gouvernance, donner une direction concrète à notre politique nationale et rendre lisibles nos priorités nationales, en bonne coordination et en complémentarité avec le programme européen Horizon 2020.
C’est là une avancée majeure, qui doit permettre aux acteurs de la recherche de relever les grands défis du XXIe siècle, notamment dans les domaines de la transition énergétique, de la santé, de la mobilité, et de déployer leurs efforts à partir des atouts de notre pays.
Cela nécessite de préserver notre recherche fondamentale. De 2007 à 2012, le choix consistant à négliger les moyens récurrents des organismes de recherche et à promouvoir les investissements compétitifs sur projets a déséquilibré le financement de la recherche publique et fragilisé, en particulier, la recherche fondamentale, qui relève par définition d’un temps long et d’un rythme différent.
Nous pouvons être fiers de notre sixième rang mondial dans le domaine des sciences, mais il faut conforter notre recherche fondamentale en lui donnant des moyens pérennes.
À cet égard, madame la ministre, nous saluons le rééquilibrage financier que vous avez engagé dès votre arrivée en 2012, en faisant le choix de diminuer la dotation de l’ANR et en recentrant les missions de celle-ci sur un nombre limité de thématiques. Cette réorientation a permis de dégager 60 millions d’euros pour 2013 en faveur des organismes de recherche publique, au titre de leurs dotations récurrentes, tout en conservant un haut niveau en matière d’appels à projets. Ce fut une décision de portée majeure et stratégique pour ces organismes.
Dans un contexte marqué par une crise économique devenue structurelle, il s’agit ensuite de replacer la recherche au cœur du redressement de la France, et donc de son activité économique. Or notre recherche technologique peine à émerger, alors qu’elle mobilise plus de 20 % des financements en matière de recherche publique et privée en Allemagne ou dans les pays émergents.
Le rapport Gallois l’a montré : la performance de notre économie s’est largement dégradée ces dix dernières années, et nous devons impérativement « monter en gamme ». Parce qu’elle est le moteur de l’innovation, et donc de notre compétitivité, la recherche doit plus que jamais être au cœur de l’objectif de relance de notre économie et de création d’emplois non délocalisables. Or la France se situe aujourd’hui entre le dix-septième et le vingt-quatrième rang mondial au classement des pays les plus innovants, alors même que 80 % des emplois en Europe sont issus de l’innovation.
À cet égard, l’inscription dans le texte du transfert de la recherche vers le monde socioéconomique, en complémentarité avec le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, constitue, madame la ministre, une réponse prometteuse.
Le transfert de la recherche technologique se pratique déjà avec succès, grâce au partenariat entre les secteurs public et privé. Nous sommes bien placés, à Grenoble et en Isère, pour le savoir, car notre territoire puise son dynamisme économique dans le partenariat historique entre université, recherche et industrie.
On pourrait citer, dans le domaine de la santé, le projet ECCAMI de centre spécialisé dans les interventions médicales assistées, né d’une collaboration entre le centre hospitalier universitaire de Grenoble, l’université Joseph-Fourier, le CNRS et des industriels. Dans le domaine des micro- et nanotechnologies, j’évoquerai le projet MINATEC ou, dans un tout autre registre, la collaboration entre les collectivités –notamment de la région lyonnaise –, l’université et l’industrie qui permet au Nord-Isère d’être à la pointe de l’innovation en matière de construction durable.
Mais cette inscription dans la loi du transfert de la recherche, qui devient ainsi une véritable mission du service public, va lui donner une portée plus forte : elle va favoriser les coopérations et leur diffusion. Madame la ministre, lors de votre venue à Grenoble en novembre dernier, en compagnie de M. Moscovici, vous avez annoncé la création de trois CEA Tech en régions, visant à déployer l’expérience grenobloise ailleurs en France : cette mesure concrète participe de la poursuite de cet objectif, et nous pouvons nous en réjouir.
En matière de recherche, il nous faut aujourd’hui plus que jamais fédérer nos forces et nos efforts autour d’objectifs stratégiques partagés, répondant aux grands défis du XXIe siècle. C’est ainsi que nous contribuerons au redressement économique de notre pays, à la création d’emplois, à la préparation de l’avenir de nos jeunes, à leur accompagnement vers l’emploi. Ce projet de loi constitue à cet égard une réponse concrète, courageuse et ambitieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur les dispositions de l’article 22 de ce projet de loi, plus précisément sur l’expérimentation qu’il vise à mettre en place, consistant à élargir les passerelles pour l’entrée dans le cursus médical d’étudiants provenant d’autres cursus.
Il faut naturellement veiller à ce que cet élargissement ne crée pas une injustice entre les étudiants qui en bénéficieront et ceux qui sont entrés dans le cursus médical dès la première année. Comme chacun sait, la première année des études de médecine est extrêmement exigeante et concurrentielle. On ne peut souvent pas la réussir sans recourir à une préparation privée d’au moins un an.
Dans ces conditions, il serait inéquitable que la voie d’admission parallèle dont la mise en œuvre sera expérimentée n’offre pas toutes les garanties requises quant au niveau de ses bénéficiaires. Autrement dit, il est indispensable de garantir que le concours d’entrée en deuxième ou en troisième année de médecine qu’auront à passer les candidats provenant d’autres cursus sera aussi exigeant que le concours de fin de première année.
À cette condition près, la mesure va dans le bon sens, car elle introduit plus d’équité dans le système et constitue un assouplissement du numerus clausus.
Elle renforcera l’équité, parce que le recours à une préparation privée, souvent nécessaire pour réussir la première année, que j’évoquais à l’instant instaure en pratique une sélection par l’argent. En effet, ces préparations privées sont chères et ceux qui ne peuvent se les payer ont évidemment beaucoup moins de chances de réussir que les autres. L’élargissement des passerelles permettra donc à des étudiants moins aisés provenant d’autres cursus d’accéder aux études de médecine, ce qui permettra de démocratiser davantage celles-ci.
En outre, il est important que des voies de rattrapage existent en cas d’« erreur d’aiguillage ». Aujourd’hui, lorsque l’on rate sa première année, on peut se réorienter vers d’autres cursus, mais la réciproque n’est pas vraie, ce qui n’est pas normal : la perméabilité doit être symétrique.
Par ailleurs, cette mesure pose le vrai problème des études de médecine, à savoir celui du numerus clausus, un numerus clausus délétère et dont on paye tous les jours les conséquences. Nous manquons de médecins. La désertification médicale est à la fois géographique et matérielle : géographique, parce que les zones rurales et les zones urbaines sensibles sont de moins en moins médicalisées ; matérielle, parce que certaines spécialités, celles qui sont à hauts risques, telles la psychiatrie, l’anesthésie, la chirurgie, la pédiatrie, la réanimation, sont désertées. Notre groupe, sur l’initiative de mes collègues Hervé Maurey et Henri Tandonnet, présentera quatre amendements tendant à donner une traduction concrète à mes propos.
Au-delà donc de cette expérimentation, il faut avoir le courage de réformer le numerus clausus. Pour ce faire, il ne faut plus raisonner en termes de nombre de médecins rapporté à la population, parce que cela ne veut plus rien dire : les médecins ne consacrent aux soins que 62 % de leur temps, nombre d’entre eux n’exerçant tout simplement pas et la plupart se concentrant dans les mêmes zones géographiques. Il faut désormais penser en termes de temps médical et – sujet tabou – s’interroger sur le caractère libéral d’une profession assise sur la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons comporte certes des avancées : retour à la collégialité et à la démocratie dans les universités, parité dans les conseils, limitation du pouvoir des présidents, cours en anglais pour les étudiants étrangers, etc.
Il est pourtant loin de répondre aux attentes des premiers concernés : étudiants, enseignants, chercheurs. Il ne s’attaque pas à la précarité ni ne revoit en profondeur les conditions d’études. Il tend à renforcer certains effets négatifs des réformes du gouvernement précédent.
Si la loi LRU votée en 2007 avait entériné le principe d’autonomie des universités après maintes polémiques et oppositions, ce projet de loi, sans remettre en question ce principe, nous fait simplement revenir à l’ère de l’État stratège.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et alors ?
Mme Esther Benbassa. L’université se meurt, et nous sommes en train de débattre de sa gouvernance. La recherche en sciences humaines et sociales et la recherche fondamentale s’essoufflent, et nous nous demandons comment les mettre au service de la compétitivité.
Comment former des têtes bien faites plutôt que bien pleines, davantage adaptables au monde du travail pour ceux qui le choisiraient et à la reconversion, tandis que la recherche fondamentale sert à l’émancipation de la société, à la continuité de la civilisation et à la transmission du savoir ? Voilà la vraie question, or nous l’esquivons, madame la ministre.
Améliorons l’accueil de nos étudiants, logeons-les, créons dans les établissements des pôles d’orientation en phase avec les entreprises et des services publics pour leur fournir du travail. Réformons les modalités de recrutement à l’université en combattant le clientélisme et le localisme. Cessons d’importer des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré pour pallier le manque d’enseignants-chercheurs de plein droit. Créons des agences pour aider les chercheurs à répondre aux appels d’offres européens sans épuiser leur énergie dans l’élaboration de lourds dossiers. Revoyons de fond en comble la composition et le fonctionnement de l’AERES, qui infantilise les chercheurs. Mettons fin au clientélisme qui a pesé sur l’attribution des fonds pour la recherche par l’ANR, inhibé toute créativité et induit des dysfonctionnements dans l’utilisation de ces fonds.
Madame la ministre, chers collègues, l’université est un outil irremplaçable de formation et de recherche. C’est une enseignante qui vous parle ! Faisons-en un élément clé de la fameuse « exception culturelle » française, au lieu de la laisser ainsi à l’agonie. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, je vous ai présenté la semaine dernière, avec Mme Dominique Gillot, dont je salue le travail libre et approfondi sur le présent texte, notre rapport commun sur l’autonomie des universités depuis la loi LRU et l’évaluation de l’application de cette dernière.
Nous avons souligné combien cette réforme s’imposait au regard de nos résultats internationaux, pour le moins décevants – même s’il faut relativiser la portée du classement de Shanghai –, et des difficultés de nos étudiants, trop nombreux à quitter l’université sans diplôme.
Ce rapport concluait qu’il fallait laisser le temps à cette réforme d’ampleur de produire ses effets dans la durée, d’autant qu’elle s’est heurtée à de fortes résistances culturelles. Il faut du temps – et des moyens – pour que les acteurs et usagers du service public de l’enseignement supérieur s’imprègnent d’une telle réforme et consolident leur pratique des nouveaux codes et règlements mis en place.
Cinq années seulement après l’entrée en vigueur de la loi LRU, nous voici en présence d’un nouveau projet de loi. Je m’interroge dès lors sur l’opportunité et la portée de ce texte.
Vous avez reconnu, madame la ministre, qu’il ne pouvait être question de remettre en cause l’autonomie de nos universités. Celle-ci était attendue depuis de nombreuses années, et il faut reconnaître à la majorité précédente le courage d’avoir traduit des vœux pieux en actions et d’y avoir consacré des moyens supplémentaires, comme l’a excellemment rappelé Mme Primas.
Ce fut tout d’abord le cas avec la loi Goulard de 2006, qui créa les PRES et l’AERES, nouvelle autorité d’évaluation indépendante. Puis la loi LRU de 2007 réalisa le fameux big bang, en transformant totalement les méthodes de fonctionnement des universités, qui ont basculé dans l’autonomie.
Les universités sont devenues pleinement décisionnaires. La loi LRU leur a donné les moyens d’un véritable pilotage, d’une part en resserrant le conseil d’administration et en lui donnant une fonction plus stratégique, d'autre part en accordant au président d’université une autorité renforcée et en lui confiant un rôle plus actif dans le management de ses équipes.
La loi LRU a également donné aux universités le droit de gérer leurs ressources humaines et la responsabilité de recruter l’ensemble de leur personnel, avec la possibilité de le faire au rythme de leurs besoins. Elles peuvent dorénavant gérer leur patrimoine immobilier, même si elles ne se sont pas encore toutes lancées dans cette mission.
Nos déplacements et auditions effectués lors de la préparation du rapport ont montré que la majorité des universités n’entendaient nullement revenir sur l’autonomie acquise ; nous avons même observé un enthousiasme certain pour celle-ci. Les universités réclament un renforcement de leurs moyens et une amélioration des mécanismes qui leur permettent d’exercer leur autonomie dans des conditions optimales.
Or que prévoit la réforme proposée ? Elle se caractérise d'abord par l’absence de moyens. Comme l’a relevé Mme Primas, et comme vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, il ne s’agit pas d’une loi de programmation. Alors que le gouvernement précédent avait pris des engagements – qu’il a tenus –, votre majorité ne donne aucune visibilité financière à notre système universitaire et de recherche. Certes, le contexte budgétaire est contraint, mais chacun sait que, si un secteur doit échapper à la rigueur, c’est précisément celui de l’acquisition des connaissances, qui seul peut nous permettre de tenir notre rang dans la compétition mondiale.
Par ailleurs, est-il question, dans ce projet de loi, d’améliorer les dispositifs existants ? Je l’espère, mais je crains qu’il ne comporte, en guise d’améliorations, que des freins, tantôt marginaux, tantôt plus sévères, à la dynamique de l’autonomie.
En effet, la gouvernance est mise à mal. La dyarchie qu’il est proposé de créer, autour de deux conseils – un conseil d’administration et un conseil académique – dirigés par des personnalités distinctes, me paraît injustifiée. Il me semble qu’il ne pourra sortir de ce dispositif malvenu que des complications ; c’est en tout cas l’avis de l’ensemble de la communauté universitaire, dont nous avons reçu les témoignages d’inquiétude.
Une plus grande ouverture de la gouvernance des universités aurait constitué une amélioration, mais vous refusez de donner davantage de poids aux personnalités extérieures du conseil d’administration. Vous entendez favoriser le partage des pouvoirs, alors que celui-ci nuit à la capacité de décision et à l’adoption d’une stratégie claire.
Je regrette également le remplacement des PRES par des communautés d’universités dont le fonctionnement complexe ne sera pas source de progrès. Désormais, au lieu de porter un projet commun, les universités seront liées par leur appartenance géographique. Il me semble réducteur de limiter ainsi leurs choix. La création de ces communautés représente une atteinte injustifiée à l’autonomie des universités. Les PRES relevaient au contraire d’une démarche volontaire. Faut-il rappeler que l’autonomie c’est la liberté, et non la contrainte ? Dans le nouveau paysage qui se dessine, l’autonomie sera nécessaire au succès de nos universités.
Enfin, je souhaite revenir brièvement sur la suppression de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui sera remplacée par un Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Ce projet laisse songeur. Il s’agit de supprimer une autorité administrative créée sous la législature précédente pour la remplacer par une autre autorité administrative ayant sensiblement les mêmes pouvoirs. Dès lors, où est l’avancée ?
Depuis sa création, l’AERES a su améliorer son mode de fonctionnement. Elle peut encore évoluer et affiner ses missions à la lumière de l’expérience accumulée pendant six années d’existence. La supprimer purement et simplement reviendrait à nier la notoriété européenne et internationale qu’elle a acquise et obligerait la nouvelle autorité à repartir de zéro. Il est très regrettable que l’AERES fasse les frais d’un changement apparemment politique ; Mme Létard l’a souligné avant moi.
Au regard de l’examen approfondi auquel j’ai procédé en vue de la rédaction de notre rapport d’évaluation de la loi LRU, et parce que les trois points que j’ai évoqués me semblent incohérents avec celui-ci, je souhaite que le débat permette d’apporter des modifications sensibles au projet de loi. Notre groupe a déposé des amendements en ce sens, dont je souhaite l’adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Excellente analyse !
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la ministre, les réponses que vous apportez aujourd’hui, au travers de ce projet de loi, sont sans aucun doute dans l’intérêt de nos étudiants, de nos universités et de notre recherche. Ce texte est le fruit des nombreuses consultations menées dans le cadre des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche que vous avez organisées.
Le projet de loi est marqué par une double volonté de simplification et de cohérence. Par son ambition, il répond aux défis que nous devons relever pour notre jeunesse, notre société et notre économie. Il s’inscrit, dans une certaine mesure, dans la continuité du projet de loi pour la refondation de l’école de la République. Il exprime la même volonté de s’occuper pleinement de la priorité du quinquennat : la jeunesse. Il représente lui aussi une réforme d’ampleur préparée par une grande concertation. Il témoigne d’une même détermination à relever le défi de la démocratisation et de la réussite de tous.
Ce projet de loi touche de nombreux domaines, car il aborde l’enseignement supérieur et la recherche de manière globale. De même que le projet de loi pour la refondation de l’école de la République mettait l’enfant au cœur du système et donnait la priorité au primaire, une réforme de l’enseignement supérieur doit être centrée sur la réussite étudiante, notamment dans les premiers cycles, au cours desquels les taux d’échec sont beaucoup trop importants.
La priorité donnée à la réussite étudiante se traduit par l’objectif ambitieux de parvenir en 2020 à 50 % des jeunes d’une même classe d’âge diplômés du supérieur. Cette priorité inspire de nombreuses orientations du projet de loi : continuité entre le lycée et l’enseignement supérieur, constitution progressive par l’étudiant de son projet personnel et professionnel, instauration d’un cadre national des formations, rapprochement des classes préparatoires et des universités, meilleure orientation des bacheliers professionnels et technologiques.
Nous souhaitons ainsi affirmer dans la loi l’importance de la pluridisciplinarité dans les premiers cycles universitaires. C’est ce qui doit permettre une spécialisation progressive des études et améliorer le processus d’orientation. Des filières excessivement cloisonnées nuisent au choix des étudiants, qui, à la sortie du lycée, peuvent ne pas avoir définitivement construit leur projet personnel.
Ce texte a également pour ambition de remettre l’État au cœur de la politique universitaire et de recherche de notre pays. En effet, pour la précédente majorité, l’autonomie des universités, qui a certes son utilité et que nous défendons, devait passer par l’effacement de l’État. Pour nous, une autonomie des universités bien comprise passe par un lien avec un État qui définit, aux niveaux national et international, les priorités de la recherche et de l’enseignement supérieur. Ce lien doit se nouer par le contrat. Il est essentiel de le rétablir par le biais de ce texte, comme le souhaitent un grand nombre d’universitaires et de chercheurs.
Par ailleurs, le projet de loi s’attache à définir la gouvernance des universités. Comment concilier le pouvoir présidentiel, utile au sein de l’université, et un travail collectif et démocratique ? Un juste équilibre a été trouvé en la matière.
Le texte aborde également le rapport avec les territoires. La régionalisation des universités n’est pas une bonne chose. L’État doit pouvoir travailler avec des universités autonomes, en rapport étroit avec les collectivités locales, en particulier les régions. La création des communautés universitaires concourt à cet objectif. Une des limites de la loi LRU était qu’elle reposait sur une carte universitaire de la France insatisfaisante, avec d’un côté des pôles d’excellence, de l’autre des premiers cycles dans beaucoup d’universités.
Enfin, le projet de loi est centré sur l’avenir des étudiants, la lutte contre l’échec et l’amélioration de l’orientation. Toutes les propositions qui sont faites aujourd’hui participent de cette volonté de lutter contre l’échec universitaire, qu’il s’agisse des quotas, de l’orientation envisagée ou encore des licences pluridisciplinaires.
Le projet de loi comporte d’autres avancées. Il favorise la continuité des enseignements entre le lycée et l’enseignement supérieur. Il garantit aux bacheliers des filières professionnelles et technologiques une meilleure insertion dans les instituts universitaires de technologie, en leur accordant notamment un quota minimal d’accès prioritaire.
L’article 15 du projet de loi, qui vise à amender les dispositions de l’article L. 611-2 du code de l’éducation relatives aux liens nécessaires entre les enseignements supérieurs et les milieux professionnels, doit permettre de renforcer ces liens, au bénéfice de l’intégration effective des jeunes sur le marché du travail à l’issue de leur parcours universitaire. Cet article prévoit notamment l’intégration des stages, y compris dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, au sein du parcours de formation.
Madame la ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises l’importance que vous accordez au développement de l’alternance, l’objectif étant le doublement du nombre de jeunes formés par cette voie d’ici à 2020. Certaines universités ont déjà des taux de recours à l’alternance extrêmement élevés, dépassant parfois 20 %. Le développement de l’alternance est un élément important, car cette voie permet d’augmenter considérablement les chances d’insertion professionnelle réelle sur le terrain. L’alternance ouvre les universités sur leur écosystème économique.
Cependant, l’alternance – c’est encore plus vrai pour les stages – doit être intégrée dans un parcours de formation et avoir une justification pédagogique. Le lien entre l’alternance et la qualification doit être totalement avéré. L’article 15 du projet de loi tend à imposer une cohérence entre le stage et la formation suivie par l’étudiant. Les conseils de perfectionnement des formations participent à la définition des programmes. Ils ont pour objectif d’apprécier la pertinence du projet de formation au regard de l’évolution des compétences et des métiers. Pour le Gouvernement, il est important de développer la mise en place des conseils de perfectionnement, qui constituent l’interface entre le monde académique et les milieux professionnels, comme le rappelle l’article L. 611-2 du code de l’éducation.
Les stages doivent donc être en cohérence avec la formation suivie par l’étudiant et faire l’objet d’un suivi pédagogique approprié, afin d’éviter que les entreprises n’en fassent une utilisation abusive. La nouvelle procédure d’accréditation impose que le stage soit intégré dans une formation, ce qui sécurisera énormément les choses et découragera toute velléité de commettre des abus. Le développement des stages doit être au cœur de la stratégie de tous les établissements d’enseignement supérieur, et pas seulement des universités.
Je tiens à rappeler que le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, dont la formation des enseignants est un des piliers, prévoit la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, composantes à part entière de l’université. Dès la rentrée 2013, ces écoles seront accréditées conjointement par le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, et vous-même, madame la ministre, sur la base du cahier des charges établi par vos deux ministères. Les ESPE permettront d’offrir enfin une véritable formation professionnelle à tous les futurs enseignants. Elles déploieront progressivement leur offre de formation pour l’ensemble des métiers de l’éducation et de la formation. Grâce au processus d’accréditation des ESPE, les projets de formation des masters « métiers de l’éducation et de la formation » seront en cohérence au niveau national et les futurs enseignants pourront bénéficier des avancées de la recherche et des innovations pédagogiques.
L’enseignement supérieur et la recherche sont au cœur du modèle de société que nous voulons construire. Ils participent de la volonté d’émancipation de chacun et font le pari de l’intelligence. Votre projet de loi, madame la ministre, s’attache à reconstruire nos universités, mises à mal sous le précédent quinquennat. (M. Ambroise Dupont proteste.) Il constitue une nouvelle étape des réformes de structure de notre gouvernement de gauche visant à permettre le redressement et le rayonnement de la France et à préparer l’avenir des jeunes de ce pays.