M. Jean Louis Masson. Pour ma part, je trouve cet amendement pertinent.
Néanmoins, un autre problème très important se pose, celui de la date à laquelle est publiée la liste définitive des électeurs sénatoriaux. En effet, si le code électoral prévoit une date, dans les faits, de nombreuses communes se trompent, commettent des erreurs ou nomment des gens qui ne veulent pas figurer sur cette liste. Finalement, la liste définitive des électeurs sénatoriaux n'est bien souvent connue qu'un mois, voire six semaines, après la date prévue.
Parallèlement à cet amendement, il aurait donc pu être intéressant de prévoir une règle beaucoup plus stricte concernant la date à laquelle doit être établie la liste définitive – je ne parle pas de la liste provisoire, qui change continuellement – des électeurs sénatoriaux.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant par département et par catégorie le nombre d’électeurs composant le collège appelé à élire les sénateurs.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous avons déposé cet amendement pour attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que l’étude d’impact annexée au projet de loi ne comportait pas de façon détaillée, par département, le nombre supplémentaire de délégués des conseils municipaux qui résulterait de l’adoption de l’article 1er du présent projet de loi.
Monsieur le ministre, vos services ont eu l'amabilité de me transmettre ce tableau (M. Jacques Mézard montre un document), grâce auquel je constate que, dans le département du Cantal, l'augmentation est de 0 % et, dans celui de la Corrèze, de 0,7 %. À Paris, elle est supérieure à 20 %.
Nous disposons par conséquent des éléments que nous demandions, même si nous aurions préféré qu’ils figurent dans l’étude d’impact.
C'est la raison pour laquelle je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.
Article 4
À l’article L. 439 du même code, les mots : « dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique » sont remplacés par les mots : « dans leur rédaction en vigueur le lendemain de la publication de la loi n° … du … relative à l’élection des sénateurs ».
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Cet amendement vise à supprimer l'article 5.
Monsieur le ministre, il nous arrive d’applaudir des membres d’un bord différent, lorsque leurs interventions sont de haute tenue. Quelle que soit son appartenance politique, on peut être contre la proportionnelle et pour le scrutin majoritaire à deux tours. Ce n'est pas de la provocation, pas plus qu’une tactique politicienne : ce peut être, plus simplement, de la sincérité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression, qui s'inscrit dans la lignée des autres amendements de ce type déposés par le groupe UMP.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 270 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 4.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 271 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Maurey, Détraigne, Merceron, Guerriau, Deneux, Marseille et Capo-Canellas et Mme Férat.
L'amendement n° 56 rectifié est présenté par MM. de Montgolfier, Billard et Cornu.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi s’applique à compter du premier renouvellement du Sénat suivant le 1er janvier 2017.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.
M. Hervé Maurey. En soutenant cet amendement, le Gouvernement et la majorité sénatoriale montreraient que la réforme qui nous est proposée est exempte de toute arrière-pensée politicienne.
Cet amendement vise en effet à reporter l’application du changement de mode de scrutin à l’échéance électorale de 2017.
Ce report nous semblerait en outre cohérent, 2017 étant, si je ne m’abuse, la date retenue pour l’application de la loi sur le cumul des mandats, que nous attendons tous ici avec beaucoup d’impatience !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l'amendement n° 56 rectifié.
M. Gérard Cornu. Je souscris aux arguments de notre collègue Hervé Maurey.
Vous avez beaucoup insisté sur la cohérence, monsieur le ministre. En effet, nous devons être cohérents !
Nous avons aujourd’hui adopté des dispositions lourdes de sens. Nous avons mis l’accent sur la parité, en prévoyant notamment que les suppléants et les titulaires soient de sexe différent pour les sièges pourvus au scrutin majoritaire à deux tours ; nous avons aussi instauré la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs.
Il s’agit de changements majeurs pour notre assemblée, qui, après cette réforme, je le répète, sera composée à 75 % de sénateurs élus à la proportionnelle et à 25 % seulement de sénateurs élus au scrutin majoritaire.
Nous pensions que vous appliqueriez plus rapidement l’interdiction du cumul des mandats. Curieusement, il semblerait que vous vouliez vous donner davantage de temps, en reportant à 2017 la mise en œuvre de cette réforme.
Si vous voulez montrer que ce texte est vraiment sans arrière-pensée politique et dissiper le goût amer qu’il peut laisser chez les sénateurs de l’opposition, reportez sa mise en œuvre au renouvellement de 2017 !
Vous êtes certainement de bonne foi, et vous avez essayé de le prouver à plusieurs reprises au cours de ce débat. Mais vous en apporteriez la preuve irréfutable en mettant en conformité les dates d’application de la loi sur le cumul des mandats et du texte que nous allons sans doute adopter ce soir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Je vais immédiatement lever le suspense : l’avis de la commission est défavorable !
En effet, les modifications apportées aux règles d’élection des sénateurs par le projet de loi ne remettent pas en cause les principes essentiels de cette élection, mais apportent simplement des ajustements.
M. André Reichardt. Des ajustements d’importance !
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Aussi, il n’apparaît pas indispensable d’accorder un délai de plusieurs années avant leur entrée en vigueur.
En outre, la discussion de ce texte a lieu plus d’un an avant les prochaines élections, ce qui est conforme à la tradition républicaine en la matière et à l’usage.
J’ajoute que, pour les précédentes réformes du mode de scrutin sénatorial de 2000 et 2004, les modifications ont commencé à s’appliquer dès le renouvellement suivant. Nous proposons de ne pas modifier cette tradition, à laquelle il ne nous semble pas utile de déroger dans le cas d’espèce.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Sans surprise, il est défavorable !
Pour mémoire, j’ajoute que, pour la réforme qui s’est appliquée en 2004, M. Poncelet et plusieurs de ses collègues avaient déposé le texte de modification le 22 mai 2003, c’est-à-dire plus tard que ne l’a fait ce gouvernement.
Comme l’a rappelé M. Kaltenbach, nous sommes à un an et quelques mois du renouvellement de 2014. Chacun connaîtra donc les règles du jeu.
J’ai entendu votre proposition au sujet du non-cumul des mandats. Je souhaite toutefois que la nuit se termine le mieux possible pour tout le monde, et je n’aborderai donc pas cette question ce soir. (Sourires.) Nous aurons l’occasion de nous retrouver très prochainement pour en débattre.
M. Jean-Jacques Hyest. Pendant la session extraordinaire ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié et 56 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, est ainsi libellé :
Après les mots :
l’élection des
insérer les mots :
sénatrices et des
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Au cours de ce débat, j’ai entendu de nombreuses interventions en faveur de la parité, et je m’en réjouis. J’espère qu’elles s’inscrivent dans un processus visant à faire progresser en politique l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les auteurs du présent amendement, ayant à cœur de favoriser l’accès des femmes au mandat sénatorial, proposent tout naturellement que l’intitulé du projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise l’élection non seulement des sénateurs, mais aussi des sénatrices.
D’aucuns m’opposeront peut-être que modifier la langue française nécessite tout un processus. Néanmoins, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que la grammaire et la langue française évoluent.
De surcroît, la règle de grammaire accordant la primauté au masculin sur le féminin n’a pas toujours existé ! Je vous rappellerai, si vous l’avez oublié, que, en grec ancien comme en latin ou en ancien français, prévalait la règle de proximité qui conduisait à dire : « les hommes et les femmes sont belles » et « les femmes et les hommes sont beaux ».
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Laurence Cohen. Démonstration est ainsi faite que les choses peuvent tout à fait évoluer !
Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que la primauté du masculin sur le féminin et du pluriel sur le singulier a fini par s’imposer. Cette règle s’est appuyée sur un motif énoncé par un abbé, en 1675 – un peu d’histoire, à cette heure tardive, nous fera le plus grand bien –, selon lequel : « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte ». C’est pour cette raison que notre grammaire a basculé.
J’espère, après tous les propos que j’ai entendus aujourd'hui, que notre vénérable assemblée va dépasser les principes qui pesaient sur la société en 1675 et sera convaincue qu’il faut faire voler en éclats ces présupposés profondément inégalitaires et reposant sur des affirmations sexistes.
C’est pourquoi, dans sa recommandation n° 1, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a demandé que soit complété le titre – pas plus – du présent projet de loi, afin de le rendre plus conforme aux valeurs que nous défendons au sein de la Haute Assemblée.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter l’amendement n° 19 rectifié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. La commission a déjà eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises de l’opportunité symbolique et juridique de féminiser les noms de mandats ou de fonctions dans les textes législatifs, étant entendu que ce n’est pas nécessaire juridiquement. À chaque fois, elle a écarté le principe de généraliser cet usage, sans portée normative réelle. De surcroît, en l’espèce, la féminisation proposée ne porterait que sur l’intitulé du présent projet de loi.
Comme M. le président de la commission, j’étais plutôt favorable à l’amendement n° 19 rectifié, mais la commission a, elle, émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Comme chacun le sait, sagesse est du genre féminin ! (Sourires.)
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la rapporteure – voilà quelques jours, on a même utilisé le terme « rapporteuse », ce qui démontre qu’il ne faut pas tout féminiser –, je vous remercie de nous avoir donné une très belle leçon de grammaire.
Pour ma part, je veux bien que l’on multiplie la féminisation des noms, mais peut-être devrions-nous alors tenir Congrès à Versailles. En effet, dans la Constitution, on ne parle que de députés ou de sénateurs. Imaginez, et cela arrivera peut-être un jour, que soit élue une présidente de la République. Faudrait-il alors changer la Constitution ?...
Si je ne m’oppose pas à l’amendement qui nous est soumis, je tiens à souligner que l’adoption de la disposition qu’il comporte ne changerait rien.
Nous aurons peu d’occasion de nous rendre à Versailles. (M. le ministre fait un signe dubitatif.) Monsieur le ministre, certains pensent que nous pourrions siéger en Congrès pour examiner des dispositions mineures. Pour ma part, je doute que vous obteniez la majorité des trois cinquièmes nécessaire à l’adoption d’un certain nombre de réformes.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous en parlerons demain matin !
M. Jean-Jacques Hyest. S’il s’agit d’aller aérer les locaux situés dans le château de Versailles, on pourrait peut-être en charger la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes…
M. Jean-Pierre Caffet. Chiche !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vous rappelle, mes chers collègues, que les articles 16, 25 et 61 de la Constitution font mention de « sénateurs » et de « députés ». En vertu de la proposition qui nous est faite, il faudrait également parler de « députées ».
Je le répète, je ne m’opposerai pas à cet amendement, mais je ne trouve pas la mesure indispensable, sauf à ce qu’elle concerne tous les textes. Et que ferons-nous après ?...
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je suis assez favorable à la terminologie qui nous est proposée. En revanche, je suis gêné que la proposition ne concerne que le titre du présent projet de loi. Faire figurer dans cet intitulé le terme « sénatrices », alors que les articles ne comportent que le mot « sénateurs », me semble constituer une mesure d’affichage assez désagréable pour les femmes. C’est moyennement satisfaisant !
M. André Reichardt. Bon argument !
M. Gérard Cornu. Je souscris à l’esprit d’une telle disposition, mais je trouve dégradant pour les femmes de ne pas voir apparaître dans l’ensemble du texte le mot « sénatrices ».
M. André Reichardt. Peut-être faudrait-il rectifier l’amendement ?
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Malgré le caractère sympathique du présent amendement, j’estime que la féminisation à tous crins des mots désignant une fonction et non un homme ou une femme peut conduire au ridicule.
Pour ma part, je suis issu des juridictions financières. À la Cour des comptes siègent des conseillers-maîtres. Pensez-vous, mes chers collègues, qu’appeler les femmes occupant cette fonction des « conseillères-maîtresses » constituerait un progrès ? J’ai un sérieux doute !
Il faut, selon moi, revenir aux fondamentaux de la langue française, qui ne connaît pas le genre neutre : il y a le genre masculin et le genre féminin. Certains objets ne sont ni féminins ni masculins : on dit en effet un moteur, mais une machine ! Il est ridicule de vouloir tout féminiser à tout prix !
Mme Laurence Cohen. On en est loin !
M. Yves Détraigne. Comme vient de l’indiquer M. Cornu, il n’est fait mention, dans le projet de loi, que de sénateurs. La féminisation de l’intitulé s’appliquerait-elle à l’ensemble du texte ?... C’est une sorte de course sans fin, excessive.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendle. Sans vouloir allonger les débats, je souhaite m’associer, en tant que femme, aux propos que vient de tenir M. Détraigne.
Depuis mon élection, en 2004, à la Haute Assemblée, je revendique haut et fort mon titre de « sénateur ». Nul besoin de féminiser ce terme, qui correspond à une fonction : chacun voit bien que je suis une femme ! Aujourd’hui, dans mon département, c’est acquis : le sénateur Troendle est une femme !
De surcroît, le rapport du sénateur Troendle ou le rapport du sénateur Reichardt seront lus sans a priori, car, il faut bien le reconnaître, des préjugés demeurent encore en politique.
Je le répète, je le revendique haut et fort : j’exerce la fonction de sénateur et je suis profondément attachée à ce que l’on me nomme « sénateur ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Malgré l’heure tardive, je souhaite expliquer rapidement mon vote.
Les sénateurs du groupe CRC voteront avec conviction le présent projet de loi. Selon nous, accroître la représentation proportionnelle au Sénat constitue une avancée pour la démocratie, le pluralisme et la parité. Néanmoins, nous nous faisons peu d’illusions, ce texte ne permettra pas d’entamer une réforme de nos institutions, visant en particulier à instaurer une représentation plus juste des différents courants d’idées à l’œuvre dans notre pays.
M. André Reichardt. Il ne faut pas le voter alors !
M. Christian Favier. Comme l’a rappelé ma collègue Éliane Assassi lors de la discussion générale, l’affaiblissement du Parlement depuis plusieurs années ne pourra pas être contrecarré par une simple réforme, modeste de surcroît, du mode de scrutin sénatorial. C’est le Parlement tout entier qui doit voir ses pouvoirs restaurés, rééquilibrés par rapport à un exécutif aujourd’hui tout-puissant, dans le cadre des institutions de la Ve République. Nous avons souligné ce paradoxe : le Sénat mène des débats réels et fournit un travail plus approfondi en raison du renouvellement et du rajeunissement de ses membres.
Monsieur le ministre, il faut rapidement engager la réforme du mode de scrutin des élections législatives.
Pour l’heure, nous approuvons l’extension de la proportionnelle aux départements désignant au moins trois sénateurs. En revanche, nous regrettons que le collège électoral n’ait été modifié que de manière très réduite. Il faut améliorer la représentativité du Sénat en accroissant le contingent des délégués sénatoriaux d’une manière générale. Parallèlement, il convient aussi de rééquilibrer la représentation des zones urbaines, encore fortement défavorisées aujourd’hui. C’est un véritable enjeu démocratique.
Le projet de loi qui nous est soumis est un texte a minima. Nous attendons une réforme ambitieuse et démocratique de nos institutions, ayant principalement pour objet de rendre le pouvoir au peuple. Nous agirons en ce sens.
Ce soir, nous voterons donc en faveur de l’avancée que constitue l’extension de la proportionnelle au Sénat. Ainsi, demain, à l’image de la composition du groupe CRC, notre assemblée sera davantage féminisée et à l’image de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Le présent projet de loi comporte deux éléments essentiels.
Tout d’abord, si ce texte est adopté, les communes de plus de 30 000 habitants pourront disposer d’un délégué supplémentaire par tranche non plus de 1 000 mais de 800 habitants. Comme le demandait tout à l’heure M. Mézard, il faudrait connaître les conséquences de cette mesure dans les départements. Certes, dans un certain nombre d’entre eux, elle aura un effet limité. En revanche, les choses seront bouleversées dans quelques départements disposant d’une grande ou d’une future métropole, lesquels enregistreront une très forte augmentation de leur collège électoral.
M. Jean-Pierre Caffet. À Paris !
M. Jean-Jacques Hyest. Paris possède déjà un système électoral particulier, mon cher collègue…
Ensuite, dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus, les sénateurs seront désormais élus au scrutin proportionnel. Nous l’avons déjà indiqué, cette mesure ne fera pas progresser la parité : on s’apercevra, à l’instar de ce que nous avons observé lorsque celle-ci a été instituée, que les sortants désireux d’être réélus, surtout ceux qui n’ont pas démérité, créeront, faute de place sur une liste, leur propre liste.
Ce soir, on a entendu des témoignages de sénateurs : ils demandent ce qu’ils ont fait de mal, comment ils ont pu démériter, alors qu’ils donnent le maximum sur le terrain et au Sénat depuis tant d’années. Ils ne comprennent pas pourquoi on leur demande de céder la place. C’est la même chose pour les conseillers départementaux. On va dire à tout un tas de gens qu’ils n’ont plus le droit de se présenter parce qu’il faut faire de la place. Selon moi, c’est vraiment regrettable.
Peut-être essaie-t-on de compenser des perspectives électorales moins satisfaisantes qu’en 2011. Peut-être espère-t-on obtenir de meilleurs résultats en appliquant la proportionnelle aux départements disposant de trois sénateurs. Soit dit en passant, le principe de parité est plus facile à mettre en œuvre dans les départements qui élisent quatre sénateurs.
Pour toutes ces raisons, que nous avons développées au cours de cette journée riche et intéressante, nous voterons contre ce mauvais projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons eu un débat extrêmement intéressant, qui nous a permis de prendre le temps de la réflexion, plus encore que nous ne l’avions fait cet après-midi au sujet des suppléants, n’est-ce pas, monsieur Hyest.
Cependant, il ne faut pas se voiler la face. Dans l’histoire de nos républiques, que ce soit l’excellente IIIe République, la non moins excellente IVe République ou la Ve République, à laquelle je ne donnerai aucun qualificatif, chaque majorité a essayé de conforter ou de préserver sa majorité ; c’est une tradition dans notre système.
Permettez-moi de dire, comme je l’ai fait lors de la discussion générale, que le reste n’est pour moi que de la littérature, et parfois de la mauvaise littérature. Certes, on peut arguer du renforcement de la parité ou de l’amélioration de la représentation de nos concitoyens, mais la réalité est ainsi. (M. François Patriat proteste.) Monsieur Patriat, je vous répondrai directement tout à l'heure.
En 2000, une majorité a réformé le scrutin sénatorial. Vous faisiez partie de cette majorité, monsieur Patriat.
M. François Patriat. Je n’ai pas voté la réforme !
M. Jacques Mézard. Peut-être, mais vous n’avez pas quitté la majorité.
En 2000, donc, la proportionnelle a été appliquée aux départements comptant trois sénateurs. En 2004, une nouvelle majorité a décidé, dans les conditions qu’a rappelées M. le ministre de l’intérieur, de relever le seuil d’application du scrutin proportionnel, en le limitant aux départements de quatre sénateurs et plus ; du reste, cela ne lui a pas forcément réussi lors des élections de 2008. À l’issue de ces élections, nous avons également vu arriver – je l’ai rappelé pendant la discussion générale – un sénateur de la magnifique île de Saint-Martin et un autre de la non moins magnifique île de Saint-Barthélemy ; je ne crois pas qu’ils soient là ce soir.
M. Jean-Jacques Hyest. Ils ne sont pas concernés par la proportionnelle !
M. Jacques Mézard. Ce que je veux dire, c’est que ces sièges étaient des créations. Mes chers collègues, il faut être clair : ces réformes visaient à conforter votre majorité. Quant aux députés représentant les Français de l’étranger, nous avons découvert il y a peu les résultats des récentes évolutions : un candidat a pu être élu après avoir obtenu 13 % des voix.
Que chaque majorité agisse de la sorte, c’est dans la tradition de nos républiques. Je le déplore, comme un certain nombre d’entre nous, mais c’est la réalité. Tant que les deux partis dominants ne se mettront pas d'accord pour renoncer à modifier les modes de scrutin, cela continuera ainsi. D'ailleurs, je ne doute pas, chers collègues de l’opposition, que, s’il se produit un renversement de majorité en 2017, vous ferez la même chose que la majorité actuelle, mais en sens inverse.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est normal !
M. Jacques Mézard. Vous venez d’admettre que cela vous semble normal. Par conséquent, ne reprochez pas à la majorité en place de faire ce que vous-mêmes avez l’intention de faire quand vous reviendrez au pouvoir !
M. Jean-Claude Lenoir. Et vous, qu’avez-vous dit ?
M. Jacques Mézard. Moi, j’assume. Je suis ici en tant que président de groupe, afin de préserver le groupe que je représente. Je l’assume totalement. J’ai le courage de le dire devant nos concitoyens et en séance publique. Il serait bon que d’autres fassent de même.