M. Jean-Louis Carrère. C'est vrai !
M. Hervé Maurey. Vous avez souligné que ce texte n’entraînerait pas de bouleversements. Vous nous avez assuré vouloir conforter notre légitimité.
M. Jean-Louis Carrère. C'est vrai !
M. Hervé Maurey. Je n'avais pourtant pas le sentiment que celle-ci était menacée...
Vous avez déclaré qu’il n’était pas question de remettre en cause le Sénat.
M. Jean-Louis Carrère. C'est vrai !
M. Hervé Maurey. Pour ma part, je considère que ces modifications du mode de scrutin, même si elles sont limitées en apparence, sont de nature à avoir un impact sur la Haute Assemblée et sur son rôle.
Monsieur le rapporteur, ce n’est pas parce que, comme vous l’écrivez, ce texte « ne prévoit aucune modification sur les dispositions organiques relatives au Sénat », que les logiques qui l’inspirent n’en sont pas moins source d’inquiétudes.
En mettant en place la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs, vous renforcez le rôle des partis politiques dans la sélection des candidats, au détriment de celui des élus.
En voulant renforcer la prise en compte du poids démographique des collectivités, vous niez la spécificité du rôle du Sénat. Ce dernier représente les collectivités territoriales ; le peuple, lui, est représenté par l’Assemblée nationale.
Les collectivités locales, ce sont essentiellement nos 36 681 communes. Or deux tiers des communes comptent moins de 500 habitants et sont donc de petites communes rurales. Dans ces conditions, il est normal que le rôle des élus ruraux soit prépondérant dans la désignation des membres de la Haute Assemblée.
M. Jean-Louis Carrère. Mais ils nous désignent !
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, j'ai été très surpris de vous entendre ce matin déclarer : « En renforçant le critère démographique, on renforce les territoires. » Ma citation est approximative, car j'ai relevé vos propos au vol.
C'est très exactement l'inverse ! Par définition, quand on renforce les territoires, on ne peut promouvoir un mode de scrutin qui prend davantage en compte le poids démographique.
M. Jean-Louis Carrère. Curieuse démonstration mathématique !
M. Hervé Maurey. Encore une fois, c'est à l'Assemblée nationale de prendre en compte ce poids démographique.
L’élargissement du collège qui nous est proposé se traduira, à l’échelon national, par une augmentation de 3 175 délégués issus du monde urbain. Certes, cela peut sembler minime, mais cela aura un réel effet dans certains départements, sans que l'étude d'impact le précise d’ailleurs, comme l’ont souligné Yves Détraigne et Michel Mercier.
Ce dispositif vient en outre s’ajouter à la diminution de la représentation des élus ruraux dans les assemblées départementales, du fait à la fois du nouveau mode de scrutin que vous avez fait adopter pour l’élection des conseillers départementaux et du redécoupage auquel vous procédez. Là encore, cela aura un effet sur le collège électoral, puisque les conseillers départementaux sont de grands électeurs. L’étude d’impact n’en parle pas non plus.
Monsieur le ministre, je m'interroge. Pourquoi vouloir toujours renforcer le poids du monde urbain ? Pourquoi le Gouvernement s’attaque-t-il ainsi, texte après texte, à la ruralité ?
Il y a là, d’ailleurs, un paradoxe sur lequel j’attire votre attention, mes chers collègues, entre, d'une part, la volonté de nos concitoyens, qui, de plus en plus, souhaitent vivre en zone rurale, et, d'autre part, l’attitude du Gouvernement, qui, au lieu de soutenir la ruralité, veut encore et toujours renforcer le fait urbain au détriment du monde rural.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Il tient compte des évolutions, c'est tout !
M. Hervé Maurey. Depuis une dizaine d’années, la Haute Assemblée a connu d’importants changements : la durée du mandat, la fréquence des renouvellements, les modes de scrutin. Plutôt que de procéder par modifications successives d’apparence anodine, ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur le rôle du Sénat, aujourd’hui et demain ?
Il est vrai que, pour cela, il faudrait un Gouvernement capable de fixer un cap... Or nous le voyons tous les jours : ce n’est pas le cas. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Jouer aux apprentis sorciers avec des curseurs tantôt sur le collège, tantôt sur le mode de scrutin, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, n’aura qu’un seul effet : affaiblir notre institution et semer le trouble parmi celles et ceux dont nous sommes les représentants.
Monsieur le ministre, vous tentez par ce texte une petite opération politicienne, destinée à permettre au Sénat de rester un peu plus longtemps à gauche. Ce n’est pas digne de quelqu’un qui aspire aux plus hautes fonctions de l’État. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas exagérer !
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'êtes pas les mieux placés pour donner des leçons ! Vous avez été complice de la création de certains postes de sénateurs tout à fait scandaleux !
M. Hervé Maurey. Ce n’est pas non plus une marque de confiance dans la capacité de la gauche sénatoriale à rester majoritaire.
Il est vrai que, ce matin, elle a encore prouvé combien elle était désunie !
M. Alain Fauconnier. Hors sujet !
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, vous le savez, ce ne sera pas efficace : les lois électorales se sont toujours retournées contre leurs auteurs.
En outre, et je comprends que cela dérange certains de mes collègues, car ils en seront victimes, la colère des élus est grande et s’accroît de jour en jour. Vous leur avez laissé espérer qu’avec vous les dotations, gelées par le précédent gouvernement – et Dieu sait que vous aviez critiqué cette mesure à l’époque, mes chers collègues socialistes –, allaient augmenter. Or elles vont diminuer pour la première fois de notre histoire.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Personne ne regrette Sarkozy et son gouvernement !
M. Hervé Maurey. Vous leur aviez promis qu’ils seraient respectés, considérés et consultés. Vous avez mis en place une réforme des rythmes scolaires qui témoigne d’un grand mépris et d’une méconnaissance totale du monde rural.
M. Jean-Jacques Mirassou. Hors sujet !
M. Jean-Louis Carrère. Et le mariage pour tous ?
M. Hervé Maurey. Justement ! Vous avez heurté une très grande majorité de maires en leur imposant le mariage pour tous, dont la plupart ne voulaient pas. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Carrère. Et la météo ? Il pleut ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Hervé Maurey. Je comprends que cela vous dérange, chers collègues !
Vous ne cessez de vous attaquer à la ruralité et, aujourd’hui, vous voulez supprimer un mode de scrutin auquel les élus ruraux sont profondément attachés.
M. Alain Fauconnier. Arrêtez avec la ruralité ! Vous avez supprimé des milliers de poste dans les zones rurales !
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, chers collègues de gauche, ne vous étonnez pas si les maires et les élus locaux s’en souviennent en septembre 2014. Mes chers collègues, par respect pour eux, par respect pour la ruralité et par respect pour la Haute Assemblée, je vous demande de voter cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Quelle démagogie ! Je ne vous croyais pas comme ça : je vous imaginais plus nuancé !
M. Hervé Maurey. Il n'y a que la vérité qui blesse !
M. Jean-Louis Carrère. Pour blesser, il faut atteindre. Nous avons le cuir un peu plus épais !
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, contre la motion.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai pris quelques notes pendant l'intervention fort instructive de Jean-Claude Gaudin.
M. Jean-Louis Carrère. Pendant la « pagnolade » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Rebsamen. Je vais m'efforcer d'y répondre.
Monsieur Maurey, déposer une question préalable, motion de procédure assez exceptionnelle, sur une modification du mode de scrutin des sénateurs est une démarche assez incongrue.
M. Hervé Maurey. Parce que, vous, vous ne l'avez jamais fait ?
M. Gérard Bailly. C’est vous qui nous l’avez appris !
M. François Rebsamen. C’est sans doute pour cette raison que votre argumentation portait plutôt sur d'autres sujets et se terminait par une attaque personnelle à peine acceptable contre le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. François Rebsamen. Je commencerai par rappeler quelques principes à nos collègues de l'UMP, si prompts ce matin, par l'intermédiaire de Jean-Claude Gaudin, à nous faire la leçon en matière d'inventivité électorale, et je les comprends ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Si vous citez souvent Lionel Jospin, je n'aurai pas, pour ma part, l'outrecuidance de vous rappeler les propos du général de Gaulle. Il est vrai que l'on compte de moins en moins de gaullistes authentiques dans cet hémicycle.
M. Gérard Longuet. Nous sommes peu nombreux à avoir connu 1940, comme à avoir connu Jaurès, d'ailleurs !
M. François Rebsamen. En tout cas, on peut facilement remonter plus avant dans le temps. En matière d'inventivité électorale, les exemples sont nombreux. Jean-Claude Gaudin a parlé de scalpel. Je me rappelle davantage le brevet, déposé par l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua, validant le ciseau à dents !
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. François Rebsamen. C’est bien cet instrument qu’il avait utilisé, en 1986, pour le découpage des circonscriptions.
M. Philippe Bas. En accord avec le parti socialiste !
M. François Rebsamen. À l’époque, ce découpage avait été décidé par ordonnance.
En matière électorale, il vaut mieux avoir un peu de mémoire. Ainsi, on s’aperçoit que l'exemple venait de haut, puisque le président Giscard d'Estaing avait déjà commencé à affecter les Français de l'étranger dans les villes et circonscriptions qui l'arrangeaient, et ce dès les années soixante-dix.
Je veux souligner que votre volonté, quasi systématique, d'assurer la représentation des Français de l'étranger sous des formes diverses frise parfois le ridicule. L'inanité de la démarche est indéniable : il n’est qu’à voir les circonscriptions que vous avez créées et le taux de participation qui montre l'intérêt que nos concitoyens portent à ces circonscriptions.
Mme Nathalie Goulet. C'est bien vrai !
M. François Rebsamen. Je constate que vous avez quelquefois du mal avec ce principe de base de la démocratie : un homme – ou une femme –, une voix.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Eh oui !
M. François Rebsamen. Pourtant, c’est bien cela le principe démocratique le plus juste.
Au nom d'une ruralité dont vous vous prétendez les défenseurs exclusifs, alors que, en réalité, vous en êtes bien souvent les fossoyeurs par conservatisme électoral, vous refusez de voir notre société changer. Car, c'est un fait, vous ne voyez pas le monde qui change. Vous imaginez toujours le maire rural comme un de vos affidés,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. François Rebsamen. … souvent un électeur obligé, sorte d'agriculteur conservateur dont le vote vous serait acquis.
M. Gérard Longuet. C'est dans vos rêves, ou plutôt dans vos cauchemars, que cela se passe ainsi.
M. François Rebsamen. Cela vous a amenés à de nombreuses déconvenues électorales. Toutefois, dans la mesure où vous vous refusez au moindre inventaire sur les raisons de vos échecs, ce qui est votre droit le plus strict, vous persévérez et continuez à ne pas voir le monde évoluer.
Le temps n'est plus où l'on pouvait opposer, comme vous le faites allègrement, ruralité et monde urbain. La vérité, c'est que les échanges sont aujourd'hui beaucoup plus fréquents, grâce au développement des moyens de communication, grâce à Internet, quand ce réseau est présent dans le monde rural ; ce n'est pas toujours le cas, d'ailleurs, vous devriez vous en occuper. Par conséquent, une complémentarité existe entre monde rural et monde urbain.
Bien souvent, les maires de petites communes rurales sont d'anciens membres de la fonction publique à la retraite, qui se mettent au service de leurs concitoyens et exercent ces fonctions bénévolement. Cela change bien souvent leur vote, que vous imaginez tout à la fois toujours sûr et conservateur.
Puisque vous nous rappelez l’inventivité dont nous avions fait preuve avec le scrutin binominal départemental, comment ne pas évoquer votre propre invention, celle qui vous a obligé à faire voter le président du Sénat en catastrophe pour que la création du conseiller territorial soit adoptée,...
M. Jean-Jacques Mirassou. L'hybride !
M. François Rebsamen. ... cet être hybride qui était tout à la fois conseiller général et conseiller régional et qui, par conséquent, ne représentait plus rien, surtout pas les communes rurales ? Aussi, de grâce, épargnez-nous les leçons !
Le seul but de ce projet de loi est d’assurer une meilleure représentation de l’ensemble de nos territoires.
Oui, mes chers collègues, le fait urbain s’est développé dans notre pays, et le Sénat, qui a vocation, selon l’article 24 de la Constitution, à assurer la représentation de l’ensemble des collectivités locales, ne peut pas l’ignorer. Nous devons donc assurer la représentation à la fois du monde rural et du monde urbain, dont vous ne pouvez pas nier l’existence – M. Jean-Claude Gaudin s’est d’ailleurs bien gardé de le faire !
Quant à la modification des modes de scrutin, oui, les lois électorales peuvent évoluer, ne serait-ce que pour tenir compte des évolutions démographiques – les changements sont alors imposés par le Conseil constitutionnel – ou sociologiques, même s’il est parfois difficile de revenir sur des découpages qui ont été opérés au ciseau à dents.
Non, mes chers collègues, vous n’êtes pas les seuls défenseurs de la ruralité ! Je constate simplement que vous êtes des conservateurs – ce n’est pas un reproche – qui ne voient pas le monde évoluer, comme nous avons pu le constater récemment à propos d’un autre texte.
Monsieur Maurey, le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable pour une modification aussi mineure du mode de scrutin de l’élection des sénateurs ne manque pas de m’interpeller. Il est vrai que votre intervention à la tribune fut surtout pour vous l’occasion de mener un réquisitoire contre la politique du Gouvernement, en omettant soigneusement de préciser tout ce que vous n’avez pas fait au cours des dix dernières années – la mémoire courte est décidemment l’une des caractéristiques premières de l’opposition d’aujourd’hui.
J’ai rappelé vos réalisations en matière électorale : il n’y a pas de quoi être particulièrement fier, ce qui devrait vous inciter à faire preuve de davantage de modestie dans les critiques que vous formulez aujourd’hui contre ce texte.
Monsieur Gaudin, heureusement que la gauche a assuré une meilleure représentation de l’opposition en 1983, en la faisant entrer dans les conseils municipaux. Cette grande avancée démocratique n’a depuis lors jamais été remise en cause. Et puisque l’on a cité Gaston Defferre, je ne peux pas, aujourd’hui, au Sénat, laisser présenter l’ancien ministre de l’intérieur comme le ministre du découpage électoral, alors même qu’il a assuré, par une grande loi historique de décentralisation, la liberté des communes, des départements et des régions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Quand on crie à la vilenie, c’est qu’on est habitué à en faire !
M. François Rebsamen. Au moment où, remontant de toute part, une série de signes et de tendances indiquent que la démocratie est en crise, que la confiance de nos concitoyens dans les institutions démocratiques, qui fonde leur légitimité, faiblit, que le soutien et l’adhésion aux principaux partis républicains, ici représentés, chutent, tandis que les pronostics électoraux des partis extrémistes progressent, il ne serait pas responsable de notre part d’éluder le débat sur les solutions à apporter pour conforter la place de la Haute Assemblée dans nos institutions. Or le Sénat sera à sa juste place dans la République s’il assure la représentation de l’ensemble des collectivités.
L’avancée que nous proposons aujourd’hui est sans doute modeste, ainsi que l’a souligné Jean-Pierre Michel. Ensemble, nous pourrions peut-être aller plus loin demain, en prévoyant l’impossibilité pour un seul parti de modifier les modes de scrutin – vous constaterez d'ailleurs que, aujourd’hui, le changement proposé est souhaité par plus d’un parti –, ou en réfléchissant à la façon d’assurer une meilleure représentation des différentes collectivités locales.
L’objectif essentiel du présent projet de loi est donc d’apporter un correctif démographique, au bénéfice d’une représentation plus équitable des grandes villes, tout en préservant la représentation des petites communes. Contrairement à ce que vous prétendez, cela permettra de conforter le pluralisme et l’expression des différents courants d’idées, en abaissant quelque peu le seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus dans le département au scrutin proportionnel.
Outre qu’elles prennent en compte certaines évolutions de notre société, les modifications proposées devraient permettre de renforcer l’expression du pluralisme des opinions.
La spécificité du Sénat réside dans le rôle de représentation des collectivités territoriales que lui attribue l’article 24 de la Constitution. Il n’y a donc pas de risque, contrairement à ce que j’ai entendu dire ce matin, dans des interventions quelque peu contradictoires, que la composition du Sénat soit alignée sur celle de l’Assemblée nationale. En confortant le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs, nous accentuons au contraire notre différence, ce qui permet de répondre aux interrogations et aux craintes exprimées par certains.
Je conclurai en évoquant la parité. En la matière, ce ne sera certes pas le grand soir – certains peuvent le regretter, d’autres s’en féliciter –, mais une avancée, qui s’inscrit dans le prolongement des mesures prises depuis 2001.
Pour reprendre l’argument de notre collègue Hervé Maurey, il me semble que les sénatrices réélues au scrutin majoritaire en 2011 l’ont certainement été parce qu’elles avaient été une première fois élues au scrutin proportionnel en 2001.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. C’est vrai !
M. François Rebsamen. Cette première élection a permis à ces femmes de montrer leurs capacités, lesquelles sont sans doute bien plus grandes que celles de certains hommes qui pensent que tout leur est dû.
Mme Michèle André. Bravo !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. François Rebsamen. Bien évidemment, cette remarque ne s’adresse pas aux collègues masculins présents dans cette assemblée ce matin… (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Encore que !
Mme Éliane Assassi. À l’exception de quelques-uns ! (Nouveaux sourires.)
M. François Rebsamen. Je vous l’accorde, ma chère collègue !
Dans ces conditions, la proposition de M. le ministre de l’intérieur d’étendre le scrutin de listes aux départements comportant trois sièges de sénateurs, qui ne fait finalement que reprendre une disposition proposée par le gouvernement Jospin que vous êtes empressés d’abroger dès votre retour au pouvoir, me semble pleinement justifiée au regard des évolutions de notre société.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous demandons, chers collègues de la majorité sénatoriale, de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Rejeter le projet de loi par l’adoption de cette question préalable conduirait à donner carte blanche à l’Assemblée nationale pour modifier le mode de scrutin du Sénat, comme cela avait été le cas avec la loi du 10 juillet 2000.
Il est préférable que ce soit le Sénat lui-même qui décide des évolutions à opérer dans son mode de scrutin, sur la base du texte présenté par le Gouvernement.
La commission considère donc que le Sénat doit discuter de ce projet de loi, qui vise à conforter le caractère démocratique de son mode de scrutin et à rééquilibrer la composition de son collège électoral au profit des communes les plus peuplées.
C'est pourquoi la commission est défavorable à cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Excellent argument !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. M. Rebsamen a dit l’essentiel.
Monsieur Maurey, vous avez parlé de bien des choses – politiques économiques, questions de sécurité, etc. –, mais peu du mode de scrutin. C’est votre droit, mais restons-en au Sénat, si vous le voulez bien. Le texte de loi présenté par le Gouvernement, examiné par votre commission des lois à la suite d’un travail important réalisé par les rapporteurs, mérite d’abord qu’une discussion ait lieu.
Les cinquante-sept amendements déposés permettront d’enrichir le débat sur ce texte, qui respecte par ailleurs les grands principes du scrutin sénatorial posés par le Conseil constitutionnel.
La représentation des communes au sein du collège électoral reflète la diversité de celles-ci, sachant que, si nous voulions appliquer les principes jusqu’au bout, il faudrait aller bien plus loin dans l’équité de représentation entre grandes et petites communes.
En moyenne nationale, un délégué au collège sénatorial représente 431 habitants. Toutefois, cette moyenne cache d’importantes disparités. Dans les communes de plus de 300 000 habitants, un délégué représente en réalité 931 habitants. Le vote d’un citoyen aux élections municipales a donc beaucoup moins d’influence sur l’élection des sénateurs lorsqu’il est inscrit dans une commune de plus de 300 000 habitants.
Pour autant, le Gouvernement n’a pas souhaité établir une égalité de représentation parfaite entre chaque catégorie de communes, l’article 24 de la Constitution rappelant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas votre argument, monsieur Maurey.
Ce texte va également permettre une meilleure représentation des femmes au Sénat, tout du moins dans un certain nombre de départements. Vous devriez vous en réjouir. Or tel n’est pas le cas. Une fois pour toutes, vous devriez assumer clairement vos positions.
Il y a, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, une majorité de gauche qui défend la parité et la place des femmes au sein des assemblées. À chaque fois, vous vous opposez à cette représentation des femmes. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Que cela vous plaise ou non, c’est la réalité ! Or la parité ne peut avancer que par la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) En effet, chaque fois qu’on laisse les formations politiques, notamment de droite, libres de toute contrainte légale en la matière, force est de constater que des régressions significatives se produisent, en dépit du coût important que le non-respect de la parité aux élections législatives représente pour les formations d’opposition.
Par ailleurs, monsieur Maurey, personne ne croit un seul instant à votre argument sur la représentation rurale. Le travail que nous sommes en train de mener sur le redécoupage des cantons (Exclamations sur les travées de l'UMP.) montre que nous pouvons à la fois représenter les territoires, opérer un rééquilibrage démographique et mettre en œuvre la parité.
Le texte que nous vous présentons est certes modeste, mais il permet des avancées significatives, sans dénaturer la représentation de la Haute Assemblée. La majorité et le Gouvernement ont montré qu’ils défendaient le rôle du Sénat. À vous d’en tirer les conséquences et de faire preuve de responsabilité, comme vous l’avez fait précédemment sur des textes que j’ai présentés.
En effet, c’est l’essence même du Sénat que de pouvoir débattre a priori de manière plus sereine et de faire avancer des textes importants pour la République et pour nos compatriotes.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce texte équilibré et modéré revient sur le choix que vous aviez fait en 2004, qui revenait lui-même sur la volonté exprimée par la majorité de gauche en 2000. Il permet une meilleure représentation des grandes villes, sans remettre en cause la réalité des territoires de ce pays, notamment des territoires ruraux.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je souhaite très brièvement revenir sur l’intervention de notre présidente de groupe, Éliane Assassi, lors de la discussion générale.
Notre groupe estime que l’extension de la proportionnelle dans le cadre du mode de scrutin sénatorial est une avancée et un gage de résultat. Or il y a urgence !
La proportionnelle, c’est la garantie du pluralisme, et le groupe UDI-UC, qui est à l’origine de cette motion, devrait y être attentif, me semble-t-il.
La proportionnelle, c’est sinon la garantie, du moins la possibilité du rajeunissement ; c’est également la garantie de la parité, cela a été dit. Elle contribue à faire entrer davantage de femmes en démocratie, à accélérer le rythme de cette évolution. Or faire entrer davantage de femmes en démocratie, c’est faire progresser celle-ci dans notre pays.
C’est pourquoi nous sommes très attachés au mode de scrutin proportionnel. Celui-ci, en quelque sorte en amont, autorise un renouvellement de la vie politique et permet d’éviter cette forme de « notabilisation » qui est souvent, il faut le reconnaître, l’apanage du mode de scrutin majoritaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout d’abord, que personne ne nous dise que le dépôt de motions tendant à opposer la question préalable ou tendant au renvoi en commission n’est pas une pratique habituelle de l’opposition. S’il vous plaît ! Nous aurions même pu déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. L’opposition s’oppose, c’est normal !
M. Jean-Jacques Hyest. Lorsque la majorité actuelle était dans l’opposition, elle a systématiquement eu recours à toutes les procédures prévues par le règlement.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela dit, ce texte soulève quand même un petit problème. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) L’abaissement de 1 000 à 800 du nombre d’habitants ouvrant droit à l’élection d’un délégué supplémentaire dans les communes de plus de 30 000 habitants, c’est vrai, respecte globalement les principes qu’avait énoncés le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000. Cette mesure aura cependant un effet non négligeable dans certains départements, où près de 20 % du corps électoral pourraient s’en trouver modifiés – peut-être même 25 % dans le Rhône, si j’ai bien compris.