M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je suis satisfaite que le Gouvernement s’engage sur cette voie. Je rappelle que, lors de la mise en place du projet Stocamine, le principe d’une réversibilité du processus sur trente ans avait été posé.
Je profite de cette question orale pour attirer votre attention sur l’invitation du collectif Destocamine, qui souhaitait votre présence, le 13 juin, à une réunion-débat sur le thème du déstockage. Il a bien noté et comprend que vous ne puissiez y assister. Toutefois, je me permets d’appuyer sa demande visant à ce que les services de l’État soient représentés afin de prendre bonne note des différents arguments qui militent en faveur d’un déstockage total.
M. le président. Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de Mme Benguigui, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
moyens financiers attribués aux groupes d’opposition dans les conseils généraux
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars, auteur de la question n° 433, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la mise à disposition des moyens financiers attribués aux groupes d’opposition dans les conseils généraux, visant à leur permettre, en particulier, de recruter des collaborateurs. Ces moyens, vous le savez, ont pour objet de préserver l’expression du pluralisme au sein des collectivités territoriales, et, par là même, d’assurer le bon fonctionnement de la vie démocratique de ces dernières.
Cependant, une difficulté peut se poser lorsque l’exécutif d’un département refuse, limite, voire supprime, l’octroi de ces moyens.
La Constitution, en son article 1er, consacre l’organisation décentralisée de la République. En son article 4, elle précise que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
En vertu de ces principes, les différentes lois de décentralisation ont conféré aux collectivités territoriales un certain nombre de compétences, qui ont accru la technicité de l’action locale et des responsabilités correspondantes.
Parallèlement, le législateur a instauré, au cours de ces vingt dernières années, un ensemble de garanties visant à renforcer l’attractivité et l’exercice du mandat local.
À ce titre, le rôle des assistants et collaborateurs constitue une ressource indispensable aux élus dans l’exercice quotidien de leur fonction, notamment pour ceux qui concilient une activité professionnelle avec leur mandat – et ils sont nombreux ! –, de même que pour ceux qui siègent dans des groupes minoritaires au sein des départements.
Cependant, si la loi accorde aux collectivités territoriales la faculté de recruter des collaborateurs, elle n’a pas d’effet contraignant. Dès lors, la mise à disposition de moyens relève du pouvoir discrétionnaire de l’exécutif local.
Madame la ministre, pensez-vous qu’il soit utile de garantir et de pérenniser les moyens permettant, notamment aux groupes d’opposition des conseils généraux, de recruter des collaborateurs, afin d’éviter que, dans cette période de contrainte budgétaire, ils ne puissent devenir une variable d’ajustement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie. Monsieur le sénateur, actuellement en déplacement en Corse, M. le ministre de l’intérieur vous prie d’excuser son absence. Il m’a chargée de vous faire part de sa réponse.
Vous l’avez interrogé sur la possibilité de pérenniser tout ou partie des moyens financiers attribués aux groupes d’opposition dans les conseils généraux, afin que le maintien dans leur fonction de leurs collaborateurs ne soit pas remis en question.
Conformément aux dispositions des articles L. 2121-28, L. 3121-24 et L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales, les communes de plus de 100 000 habitants, les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent affecter des moyens matériels et des collaborateurs aux groupes d’élus.
C’est une faculté : la collectivité territoriale concernée peut mettre des moyens à disposition des groupes d’élus régulièrement constitués. Il peut s’agir de moyens consacrés au recrutement de personnels affectés auprès de chaque groupe d’élus. Il peut également s’agir de moyens matériels de fonctionnement – je pense à l’attribution d’un local ou à l’achat de matériel de bureau – ou de la prise en charge des frais de documentation, de courrier et de télécommunications.
Il revient à l’assemblée délibérante du conseil général de fixer, sur proposition des représentants de chaque groupe d’élus, les conditions dans lesquelles le président attribue une ou plusieurs personnes à chacun. Par ailleurs, les dépenses relatives aux personnels affectés auprès des groupes d’élus sont plafonnées à 30 % du montant des indemnités versées chaque année aux membres de la collectivité concernée.
À propos de la possibilité d’une pérennisation des fonds consacrés à ces emplois, je vous rappelle qu’il appartient à l’assemblée délibérante de déterminer le montant et la répartition par groupes d’élus des dépenses. Les recrutements sont prononcés par le président du conseil général, autorité statutaire de nomination des agents territoriaux de la collectivité, et non directement par le groupe d’élus.
La nature des aides accordées par l’assemblée délibérante aux groupes d’élus a été précisée par le Conseil d’État dans un arrêt du 2 février 1996, Région Alsace, qui peut être transposé aux conseils généraux. La haute juridiction souligne que les dispositions du code général des collectivités territoriales prévoient qu’il s’agit de moyens en personnels et en matériels. Elle en déduit que des subventions destinées au financement des groupes d’élus seraient illégales.
Dans ces conditions, il n’est pas envisageable de créer une dotation destinée aux collaborateurs de groupes. Conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, les dépenses de personnel restent soumises à la libre appréciation des organes délibérants des collectivités. Le Gouvernement n’envisage pas de fixer de montant plancher.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Madame la ministre, je vous remercie de nous avoir communiqué la réponse de M. le ministre de l’intérieur, même si elle ne sera probablement pas de nature à rassurer les collaborateurs de groupes minoritaires, dont la pérennité de l’emploi est, je l’évoquais à l’instant, remise en cause en ces temps de contrainte budgétaire. Il est à craindre que ces personnels ne servent de variables d’ajustement.
Ainsi que vous l’avez rappelé, l’attribution de moyens matériels et humains aux groupes politiques siégeant dans les collectivités territoriales constitue une faculté, non une obligation. Tout est fonction de la bonne volonté des assemblées saisies par les exécutifs locaux.
Nous sommes donc confrontés à une véritable difficulté. D’ailleurs, sur le terrain, des groupes d’opposition se retrouvent souvent dépourvus des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement. C’est par exemple le cas dans certaines assemblées départementales.
Quoi qu’il en soit, j’ai pris bonne note de votre réponse, dont je répète qu’elle ne rassurera vraisemblablement pas les personnels concernés.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, en attendant l’arrivée de Mme Pau-Langevin.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
calendrier scolaire et son impact sur l'activité touristique en france
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 393, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Michel Savin. Ma question porte sur le calendrier scolaire et sur son impact sur l’activité touristique en France, notamment dans les stations de sports d’hiver.
Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, les calendriers des vacances scolaires des années 2014-2015 et 2015-2016 devraient être arrêtés prochainement. L’activité des stations de montagne, non seulement marquée par une forte saisonnalité, mais également confrontée à une concurrence importante de la part d’autres destinations étrangères, est particulièrement impactée par le calendrier.
Cette année, il est vrai, eu égard à un niveau d’enneigement exceptionnel, en montagne, le bilan de la saison touristique a eu toutes les raisons de s’avérer positif.
Ainsi que vous le savez, l’industrie touristique est l’un de nos meilleurs atouts économiques, pourvoyeur de devises et d’emplois. En région Rhône-Alpes, notamment, en moyenne annuelle, le principal de la consommation touristique s’effectue dans les stations de ski, et, par conséquent, dans les départements alpins. L’hiver est naturellement la saison propice à cette domination : ainsi, dans cette région, 73 % de la consommation touristique est réalisée dans les stations.
Les maires des stations de montagne m’ont alerté sur le fait qu’une date trop tardive des vacances de printemps, fixées cette année entre la mi-avril et la mi-mai, a des conséquences préjudiciables sur l’activité économique de ces stations, dont la grande majorité des domaines skiables ferment entre la fin du mois de mars et le 20 avril. Cela empêche ou réduit considérablement la fréquentation de la plupart des stations : on constate une baisse de 50 % de celle-ci, sur cette période, en trois ans.
Si cette situation perdurait, des fermetures anticipées de domaines skiables, vers la fin du mois de mars, seraient à craindre, ce qui affecterait les emplois de l’ensemble des catégories socioprofessionnelles présentes en station – salariés de commerces, d’hôtels, de restaurants, employés des domaines skiables, moniteurs, guides –, les ressources fiscales des collectivités – taxe de séjour, cotisation foncière des entreprises – et les ressources fiscales de l’État – TVA.
Pour l’année civile 2014, et en fonction du mécanisme d’alternance des zones académiques, les vacances d’hiver s’étendront du 15 février au 17 mars et les vacances de printemps du 12 avril au 12 mai.
Si M. le ministre de l’éducation nationale a souhaité établir ce calendrier pour la seule année scolaire 2013-2014, et non sur une base triennale, c’est pour pouvoir ouvrir une réflexion approfondie sur les évolutions du calendrier scolaire, notamment au moment de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. En tout cas, c’est ce que nous espérons tous. Il semblerait indispensable de mener une concertation qui visera, précisément, à essayer de concilier les différents intérêts.
Le rééquilibrage du calendrier dans les régions spécifiques que j’ai évoquées aura des conséquences économiques très importantes.
Aussi ne pourrait-on pas trouver un compromis qui réponde au double objectif de permettre la réussite scolaire et la prise en considération la santé des enfants et de tenir compte des réalités de l’activité économique des stations de montagne ? Il conviendrait alors de fixer les vacances de printemps plus tôt en avril.
Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, si le Gouvernement entend réintroduire le « calendrier triennal glissant » et une consultation chaque année du calendrier des vacances scolaires de l’année n+3, permettant ainsi aux professionnels et aux élus de s’organiser et de préparer les saisons touristiques dans les meilleures conditions ?
M. le président. Étant moi-même sénateur de Haute-Savoie, je partage volontiers vos préoccupations, monsieur Savin, et je m’associe à votre question ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur Savin, je connais les inquiétudes des élus quant au calendrier des vacances scolaires.
Cette année, en raison d’un printemps qui s’est apparenté à l’hiver, les stations de sport d’hiver ont pu, comme vous l’avez souligné, étaler leur activité jusqu’à une date assez tardive.
Bien évidemment, le Gouvernement sait parfaitement que, pour fixer ce type de calendrier, il faut prendre en compte les contraintes des uns et des autres. Le calendrier des vacances de l’année scolaire 2013-2014 a été arrêté le 28 novembre 2012, après consultation des différents acteurs du monde éducatif. La rentrée scolaire a ainsi été fixée le 3 septembre 2013 et les vacances d’été débuteront le 5 juillet 2014. Les vacances de la Toussaint s’étendront du 19 octobre au 4 novembre.
Pour ce qui concerne 2014 et en fonction du mécanisme d’alternance des zones académiques, les vacances d’hiver s’étendront du 15 février au 17 mars et celles de printemps du 12 avril au 12 mai. Tandis que les professionnels des zones de montagne souhaiteront que l’hiver soit rigoureux et long, ceux des stations balnéaires espéreront, au contraire, un printemps plus clément.
Ce calendrier est conforme à celui de 2012-2013, qui avait obtenu l’aval du Conseil supérieur de l’éducation. Le nombre de jours de congé est inchangé, et les vacances de la Toussaint compteront deux semaines complètes.
Si le calendrier a été établi pour la seule année scolaire 2013-2014, et non sur une base triennale, c’est pour pouvoir ouvrir, à partir de ce printemps, comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, une réflexion approfondie sur les évolutions du calendrier scolaire, prenant notamment en compte l’évolution des rythmes scolaires.
Je tiens à vous rassurer pleinement, les acteurs du tourisme et les représentants des collectivités locales situées en zone maritime ou de montagne seront évidemment consultés.
Nous sommes pleinement conscients de l’impact économique qu’aura le rééquilibrage du calendrier dans ces régions spécifiques. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue les priorités que sont le bien-être des élèves et l’organisation de la vie des familles. Le Gouvernement essaiera de concilier au mieux l’ensemble de ces impératifs.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, même si vous ne m’avez qu’à moitié rassuré.
J’ai pris bonne note de l’organisation d’une concertation dans les prochaines semaines ou les prochains mois avec les acteurs économiques et l’ensemble des parties concernées par les vacances scolaires.
Cependant, je tiens à réitérer ma demande, afin que soient pris en compte l’ensemble des professionnels qui œuvrent dans les territoires de montagne. Je rappelle – facteur important – que l’économie de ces zones est non délocalisable.
Je le rappelle également, en matière de fixation du calendrier des vacances scolaires, deux éléments doivent être pris en compte : d’une part, les rythmes scolaires et l’intérêt de l’enfant, d’autre part, l’activité économique. Je vous remercie par avance de faire tout votre possible pour arriver à les concilier au mieux.
Cela étant, les élus des départements de montagne sont aujourd’hui très inquiets eu égard aux décisions que prendra le Gouvernement et qui seront lourdes de conséquences en termes d’aménagement du territoire.
retraite au titre des travaux insalubres des ouvriers d'état du ministère de la défense
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 416, transmise à M. le ministre de la défense.
M. Pierre-Yves Collombat. Ma question porte sur un sujet encore plus obscur que la réussite scolaire ; il s’agit de l’étrange problème administratif perdurant depuis 2006 et concernant les 400 à 500 ouvriers d’État qui, admis à faire valoir leurs droits à la retraite de manière anticipée, au titre des travaux insalubres, ont cependant continué à travailler, avec l’accord toutefois du ministère de la défense. Leurs dossiers étant inexplicablement bloqués, ces salariés attendent toujours la liquidation de leurs droits.
Depuis qu’ils sont à la retraite, la Caisse des dépôts et consignations refuse de leur accorder la pension à laquelle ils ont droit, disant attendre – depuis des lustres ! – l’arbitrage de Bercy. Le ministère de l’économie et des finances doit lui indiquer si ces ouvriers doivent bénéficier du régime de retraite particulier lié aux travaux insalubres ou entrer dans le régime général. Quelle question cornélienne !
Le ministère de la défense, qui ne sait à quel saint se vouer, en est réduit à accorder aux intéressés des avances à valoir sur les arrérages des futures pensions.
Au vu de cet imbroglio, dans lequel chacun se renvoie la balle, il semblerait naturel qu’il relève du Premier ministre – c'est la raison pour laquelle je lui avais adressé ma question – soit de trancher, soit de faire en sorte que ceux qui doivent prendre la décision le fassent.
Madame la ministre, je ne sais si vous représentez ici le ministère de la défense ou le Premier ministre, mais pouvez-vous me dire comment le Gouvernement entend régler ce cas aussi intéressant que douloureux de tératologie administrative ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, le problème, certes complexe, est en principe résolu.
Vous avez évoqué les difficultés rencontrées par 470 ouvriers de l’État pour liquider leurs pensions de retraite. Ces personnels avaient en effet pris leur retraite au-delà de l’âge prévu, alors même que les textes en vigueur précisaient qu’ils n’auraient pas dû poursuivre leur activité au-delà de l’âge limite de départ à la retraite fixé au titre des travaux insalubres.
Des négociations interministérielles ont été engagées pour régler la situation non seulement des personnels déjà à la retraite et en attente de régularisation, mais également des salariés toujours en activité ayant dépassé la limite d’âge et, bien sûr, pour fixer une règle claire valable à l’avenir pour tous les personnels.
Ces négociations ont été denses, techniques et complexes. Elles ont abouti à une proposition de compromis entre les ministères du budget, de la fonction publique et de la défense, qui a été arbitrée par le cabinet du Premier ministre tout récemment, le 27 mai dernier.
J’indique que les retraités en cause percevaient des avances dans l’attente de la régularisation de leur situation, ce qui sera fait très prochainement dans les termes de l’arbitrage rendu à l’échelon interministériel. Ils pourront maintenant toucher leur pension à taux plein. Par ailleurs, les cotisations qu’ils auraient versées pour les périodes éventuellement accomplies au-delà, en quelque sorte, du taux plein leur seront reversées.
De même, les ouvriers toujours en activité pourront percevoir, s’ils le souhaitent, une pension à taux plein lors de la liquidation de leurs droits. Jusqu’au 30 juin 2014, les ouvriers d’État pourront ainsi dépasser la limite d’âge fixée dans le cadre des travaux insalubres sans préjudice pour le calcul de leur retraite. Au-delà de cette date, les bénéficiaires de ces primes devront liquider leur retraite à la limite d’âge prévue par la loi au titre des travaux insalubres, ce qui semble raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, les réponses que je reçois étant, en général, négatives, je ne peux que vous faire part de ma satisfaction de voir ce problème résolu ! Je vous souhaite pareil succès dans votre mission relative à la réussite scolaire !
carte judiciaire
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 403, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse à Mme Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, et porte sur les projets de réforme de l’institution judiciaire préparés par ses services et leurs conséquences pour le département du Cher, où le maintien des services publics de proximité est primordial.
Quoi qu’on en dise, la réforme de la carte judiciaire, intervenue entre le mois de juin 2007 et le mois de janvier 2011, avait été menée en concertation avec les personnels et les élus. Dans le Cher, au terme d’une mobilisation générale, à laquelle j’avais pris toute ma part, nous avons obtenu le maintien de la cour d’appel de Bourges, reconnue à l’échelle nationale comme l’une des plus efficaces et des plus rapides, et dont le coût de fonctionnement était, de surcroît, sensiblement inférieur à celui de la moyenne des juridictions. L’efficacité qui était recherchée au travers de la réforme en termes d’économies ne se justifiait donc pas pour ce qui concerne la cour d’appel de Bourges.
L’attention avait été attirée sur la fragilité du département, qui avait subi, et continue de connaître, de nombreuses suppressions d’emploi. La disparition de la cour d’appel aurait conduit à la destruction de nombreux emplois directs et indirects. Un aménagement homogène et équilibré du territoire commandait donc son maintien. Le Gouvernement avait entendu nos arguments. L’opposition d’alors n’avait pas de mots assez durs pour évoquer la casse du service public et le désengagement de l’État, en ce domaine comme ailleurs.
Confronté aux réalités, le Gouvernement ne craint pas aujourd'hui de se contredire en continuant de fermer des services publics – je pense aux perceptions, aux bureaux de poste, aux services d’urgences médicales – et en regroupant dans le même temps des cantons, ce qui ne peut que conduire à la disparition de nombreux services publics.
S’agissant du cas particulier de la carte judiciaire, il ressort des informations qui m’ont été fournies que deux groupes de travail réfléchissent à cette question depuis plusieurs semaines et doivent rendre leurs conclusions au mois d’octobre prochain.
Le premier, qui a pour thème « les juridictions du XXIe siècle », est présidé par le premier président de la cour d’appel de Montpellier, Didier Marshall ; le second, qui porte sur « le juge du XXIe siècle », est présidé par Pierre Delmas-Goyon, premier président de la cour d’appel d’Angers.
Sans présumer les conclusions de ces groupes, il semble cependant que le réaménagement des implantations territoriales des juridictions de l’ordre judiciaire soit d’actualité.
Dans ce contexte, je souhaiterais savoir, madame ma ministre, si la cour d’appel de Bourges pourrait être de nouveau menacée de fermeture ou si vous pouvez d’ores et déjà me rassurer en me confirmant son maintien.
Je souhaiterais également savoir si la création d’un tribunal de première instance, qui, en principe, regrouperait les tribunaux d’instance et les conseils de prud’hommes, est envisagée. En clair, le tribunal d’instance de Saint-Amand-Montrond et le conseil de prud’hommes de Bourges vont-ils être regroupés au sein du tribunal de grande instance de Bourges ? En termes d’aménagement équilibré du territoire et de maintien de services publics de proximité, une telle décision constituerait bien évidemment un mauvais signal.
Les personnels de ces différentes juridictions souhaiteraient légitimement connaître les intentions de leur ministère de tutelle. Pour ma part, en tant que parlementaire, je suis naturellement très attaché à l’égalité des territoires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur Pointereau, vous avez appelé l’attention de Mme le garde des sceaux, qui vous prie d’excuser son absence, sur les projets de réforme des cours d’appel et de création d’un tribunal de première instance, ainsi que sur leurs conséquences pour le département du Cher, notamment quant au sort de la cour d’appel de Bourges et au regroupement éventuel du tribunal d’instance de Saint-Amand-Montrond et du conseil de prud’hommes de Bourges au sein du tribunal de grande instance de Bourges.
La modernisation de l’institution judiciaire fait partie des chantiers prioritaires de la garde des sceaux, qui souhaite fonder les réformes statutaires et organisationnelles qu’elle engage sur des études rigoureuses et de qualité.
Dans cette perspective, comme vous l’avez indiqué, la garde des sceaux a mis en place, autour de la direction des services judiciaires, deux groupes de travail chargés de réfléchir, l’un à l’évolution de l’organisation judicaire, l’autre à l’office du juge.
Le groupe de travail relatif à la juridiction du XXIe siècle fera des propositions pour adapter le fonctionnement de la justice aux attentes des citoyens, afin de la rendre plus proche, plus accessible et plus efficace, et envisagera, à ce titre, la possibilité de créer un tribunal de première instance et l’étendue du périmètre de ce dernier. Sans préjuger le résultat de ses travaux, sachez qu’il veillera à garantir une justice de proximité, que ce soit en premier ou en second ressort.
Il mènera également une réflexion sur l’organisation judiciaire des cours d’appel, un élément du débat sur lequel s’était prononcée la commission des lois du Sénat dans son rapport d’information sur la réforme de la carte judiciaire.
Il n’est donc pas question de fermer des sites judiciaires et de rouvrir le traumatisme provoqué par la réforme de la carte judiciaire menée sans réelle concertation en 2008, uniquement dans l’objectif de réaliser des économies de moyens. La garde des sceaux souhaite adapter l’organisation judiciaire aux besoins des territoires et rapprocher la justice des citoyens à partir de l’ensemble des sites existants.
Nous examinerons donc les conclusions des groupes de travail qui sont attendues pour l’automne prochain.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, qu’aucune réforme ne sera décidée sans concertation préalable avec les élus. Vous pouvez compter sur la prise en compte de la situation particulière de la région Centre lors des arbitrages que la garde des sceaux sera amenée à faire.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me rassure quelque peu. Toutefois, l’inquiétude et la peur n’évitent pas le danger ! Nous resterons vigilants pour ce qui concerne les futures propositions.
Cela dit, le bassin d’emploi de Bourges sera déjà fortement affecté par la baisse des crédits de la défense opérée par votre gouvernement dans le dernier budget ; de nombreux emplois vont être détruits. Il serait donc dommageable pour notre territoire que des services publics soient par ailleurs fermés.
Vous avez évoqué une justice plus proche, plus accessible et plus efficace, une formule qui me convient parfaitement. J’espère que vous tiendrez parole et que vous porterez une attention particulière à la cour d’appel de Bourges.
affaires judiciaires concernant des responsables politiques
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 440, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que les affaires judiciaires impliquant des responsables politiques ont tendance à se multiplier, ce qui aggrave la suspicion générale de l’opinion publique.
Or au lieu d’adopter de nouvelles lois, ne conviendrait-il pas de s’assurer avant tout que les dossiers judiciaires concernant des affaires plus ou moins politiques sont normalement traités, qu’ils ne sont pas négligés par des juges d’instruction surchargés de travail ou retardés par certaines démarches ?
On a constaté par le passé – je ne vise aucun gouvernement en particulier – que les juges d’instruction chargés de traiter certaines affaires se sont succédé à peu près tous les six mois, si bien qu’aucun d’entre eux n’a pris le soin d’ouvrir le dossier !
On le sait bien, plus un dossier est compliqué et moins le juge d’instruction saisi, qui doit traiter un grand nombre d’affaires, a tendance à s’en occuper. En effet, comme l’activité judiciaire est dorénavant mesurée de façon quasi-mathématique, il est plus simple pour un magistrat de s’occuper d’un vol de voitures que d’affaires plus complexes.
Par ailleurs, je voudrais évoquer la possibilité pour les associations anti-corruption de se porter parties civiles. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière déposé par le Gouvernement comporte une petite avancée, mais ses dispositions ont stupéfait les associations de lutte contre la corruption comme Anticor ou Transparency international.
En effet, le code de procédure pénale établit la liste, de son article 2 à son article 2-21, des catégories d’associations qui peuvent ester en justice – on peut notamment citer les associations de défense des anciens combattants ou de lutte contre le racisme –, à la seule condition que l’association en question ait été déclarée depuis cinq ans.
Pour freiner l’action des associations anti-corruption, le Gouvernement exige non seulement que ces dernières aient été déclarées depuis cinq ans, ce qui est tout à fait normal, mais aussi qu’elles aient obtenu un agrément par décret en Conseil d’État. Le Gouvernement ne pouvait pas mieux faire pour laisser croire qu’il fait avancer les choses tout en les réduisant à néant !
Madame la ministre, s’agissant de la possibilité d’ester en justice, pour quelle raison le Gouvernement traite-t-il de manière discriminatoire les associations qui luttent contre la corruption par rapport à celles qui se battent contre les sectes ou les crimes de guerre, ou bien encore qui défendent l’environnement ou les locataires ? Cette volonté me paraît inquiétante. Il me semble même que nous avançons en reculant !
J’insiste sur un dernier point. Lorsque des dérives politico-judiciaires surviennent, les premières victimes sont les contribuables locaux, ou nationaux, comme on le voit actuellement dans le cas de l’affaire Tapie. On peut donc se demander pour quelles raisons les associations de contribuables ne peuvent toujours pas ester en justice, alors que, selon le code de procédure pénale, les associations de défense des animaux peuvent le faire ! Or le Gouvernement n’a prévu aucune disposition concernant les associations de contribuables dans son projet de loi.
En résumé, les associations de lutte contre la corruption se voient ouvrir la possibilité d’agir, mais assortie de conditions extrêmement restrictives qui représentent un recul. Pour ce qui concerne les associations de contribuables, la situation est encore pire : rien n’est prévu ! Permettez-moi de vous demander si les contribuables ne méritent pas d’être traités aussi bien que les animaux !