M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je me réjouis, moi aussi, que nous ayons adopté un budget de 960 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Même si vous estimez que c’est encore insuffisant, je vous rappelle que Nicolas Sarkozy avait accepté un budget de 860 milliards d’euros. Nous avons donc obtenu 100 milliards de plus que ce qui était prévu par la majorité précédente. Je me devais d’apporter cette précision.
Vous évoquez, s’agissant de la relance des dépenses, ce qui serait selon vous la méthode incantatoire du Gouvernement.
Je veux vous répondre très précisément que, lors du premier sommet européen qui s’est tenu en juin 2012, le Président de la République, François Hollande, a acté un pacte de relance qui a permis de recapitaliser la Banque européenne d’investissement à hauteur de 10 milliards d’euros. Celle-ci va ainsi pouvoir accorder aux différents États des prêts à hauteur de 60 milliards d’euros pour les années 2013, 2014 et 2015. La France en bénéficiera à hauteur de 21 milliards d’euros.
Je vous le dis à vous, élus de la République, sur ces trois années, 7 milliards d’euros seront accordés tous les ans aux collectivités locales pour financer tous les projets d’accompagnement sur vos territoires. Nous avons également demandé à la BEI qu’elle accorde des prêts aux petites et moyennes entreprises qui ne trouvent plus de fonds disponibles dans les banques classiques.
Comme je l’ai déjà précisé tout à l'heure, une ligne budgétaire de 6 milliards d’euros, dont nous allons essayer de concentrer la consommation sur les années 2014 et 2015, a également été créée pour accompagner les politiques à destination de la jeunesse.
Quant aux grands travaux d’interconnexion – je pense, par exemple, au canal Seine–Nord ou à la grande liaison ferroviaire entre la France et l’Italie –, ils bénéficieront, après arbitrage, d’une augmentation budgétaire de 140 %. C’est que tout le monde est intéressé. En effet, derrière ces grands travaux, il y a de l’emploi non délocalisable. Nous en avons besoin, pour l’économie française et pour une relance à l’échelle de l’Europe !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, alors que les élections européennes auront lieu l’an prochain, il me semble que tous les sénateurs sont inquiets du résultat qui pourrait sortir des urnes, non seulement en France, mais aussi dans tous les pays européens.
On le voit, le sentiment anti-européen progresse de manière très inquiétante.
M. Jean Arthuis. Hélas !
Mme Cécile Cukierman. La faute à qui ?
M. Philippe Dallier. Nous devons nous interroger sur les raisons de cette progression.
Nous devons aussi faire preuve de pédagogie et de responsabilité.
M. Dominique Watrin. Refondez l’Europe !
M. Éric Bocquet. Revoyez les bases !
Mme Cécile Cukierman. Changez de politique ! Il faut une Europe sociale !
M. Philippe Dallier. La pédagogie est nécessaire pour que nos compatriotes comprennent mieux ce à quoi sert l’Europe, ce que nous faisons du budget européen, et pour qu’ils soient davantage conscients du fait qu’elle les a beaucoup protégés lors de la crise de 2008-2009.
Comme l’a indiqué Jean Arthuis, il faut aussi que l’administration de Bruxelles accepte de faire des économies. Comme moi, vous avez lu la presse et vous avez vu que cette dernière faisait l’objet de nombreux commentaires très négatifs. Beaucoup de nos concitoyens trouvent que des efforts doivent également être faits à ce niveau.
Mes chers collègues, telles sont les évolutions que j’appelle de mes vœux pour que le sentiment pro-européen puisse progresser de nouveau. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ma question porte sur le financement de la garantie pour la jeunesse.
Cette politique vise, je le rappelle, à aider les États membres à proposer aux jeunes Européens un emploi, une formation, un contrat d’apprentissage ou un stage dans les quatre mois qui suivent leur sortie du système scolaire ou la perte de leur emploi.
Nous considérons tous, je pense, que cette initiative est bienvenue, voire fondamentale. Comme M. Bocquet l’a rappelé, presque 25 % des jeunes Européens sont au chômage, soit un sur quatre ! Six millions de jeunes sont concernés, et presque 7,5 millions si l’on prend en compte ceux qui sont en périphérie, en quelque sorte. Ce chômage des jeunes, c’est évidemment le cancer qui ronge notre société de l’intérieur.
Le cadre financier pluriannuel, que vous avez évoqué, monsieur le ministre, a prévu de doter la garantie pour la jeunesse d’un budget de 6 milliards d’euros entre 2014 et 2020. Ce montant paraît élevé mais, si on le rapporte au nombre d’années et de jeunes concernés, on aboutit à une somme d’environ 150 euros par jeune chômeur et par an. (M. le ministre marque son scepticisme.) Bien sûr, ce calcul peut être critiqué, mais il permet de disposer d’un ordre de grandeur.
Le Président de la République propose de mobiliser « tout de suite, avant même que le cadre financier ne soit en place pour 2014, une partie de ces fonds ».
Comment comptez-vous procéder pour mobiliser une partie de ces fonds avant que le budget ne soit voté ? Ce sera ma première question.
Ma deuxième question porte sur le financement de cette politique – aspect d'ores et déjà abordé, mais sur lequel je souhaiterais davantage de précisions.
Cette semaine, le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, a déclaré…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Richard Yung. … qu’une partie de la taxe sur les transactions financières devait être affectée à ce financement. Que pense le Gouvernement de cette proposition ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, le Gouvernement rejoint votre préoccupation relative à tous les dispositifs devant être mis en place pour que l’ensemble des pays se mobilisent dans la lutte contre le chômage, qui gangrène, hélas ! une partie du territoire européen. Je dis bien « une partie », car les situations sont inégales d’un pays à l’autre. Ainsi, dans certains pays de l’Union européenne, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est, aujourd'hui, supérieur à 50 %. Heureusement, la France n’en est pas là !
Pour la première fois dans l’histoire du budget de l’Union européenne, nous avons souhaité créer une enveloppe affectée à cette mobilisation. Cette enveloppe sera dotée de 6 milliards d’euros, que nous souhaitons consommer le plus rapidement possible.
Pour obtenir un « effet masse », ces crédits seront ciblés sur les régions enregistrant les taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans les plus importants, c’est-à-dire supérieurs à 25 %. Cela permettra à huit régions françaises et à l’ensemble de nos territoires d’outre-mer, où, malheureusement, le chômage est plus important, d’émarger à ces sommes disponibles.
Nous souhaitons également que ces crédits soient consommés dès le 1er janvier 2014, sous réserve que le budget soit adopté d’ici à cette date.
Pour « faire masse », nous souhaitons aussi restreindre la consommation de ces 6 milliards d’euros sur les deux seules années 2014 et 2015, plutôt que de l’étaler sur sept ans.
Telle est la conviction de la France, qui doit désormais entraîner l’adhésion d’autres pays. Peut-être certains la rejoindront-elle sur cette ambition dès cette fin d’après-midi…
Du reste, ces 6 milliards d’euros s’ajoutent au budget du programme Erasmus, lequel va passer de 8 à 12 milliards d’euros, tandis que le profil des jeunes susceptibles de bénéficier du programme sera élargi, notamment aux apprentis, qui, jusqu’ici, n’avaient pas droit à la mobilité financièrement aidée par l’Union européenne.
Sachez enfin que, dans notre pays, la garantie pour la jeunesse, à savoir l’engagement de chacun des États à proposer une formation professionnelle, un emploi ou un stage aux jeunes n’ayant aucune possibilité de trouver un emploi dans un délai de quatre mois suivant leur sortie du système scolaire, sera mise en œuvre en septembre prochain, à titre expérimental, dans dix départements – sous l’autorité de Michel Sapin –, avant d’être élargie les années suivantes, avec un objectif de 100 000 jeunes bénéficiaires.
M. Simon Sutour. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.
M. Richard Yung. L’idée de concentrer les moyens sur les deux premières années de l’exercice 2014–2020 procède de la bonne approche. Si cette concentration est juridiquement réalisable, ce que vous avez certainement vérifié,…
M. Richard Yung. … je la soutiendrai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le budget européen.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet de deux votes.
Lors du scrutin n° 240 sur l’ensemble du projet de loi portant refondation de l’école de la République, notre collègue Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu’il ne souhaitait pas prendre part au vote.
En outre, lors du scrutin n° 243 sur l’ensemble de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, M. Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.
6
Retrait d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 442 de Mme Françoise Férat est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
7
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, que je tiens à féliciter pour son travail, mes chers collègues, figurez-vous que j’ai depuis de nombreuses années une jupe-culotte qui fut très à la mode en son temps, même à la pointe de l’élégance, comme vous vous en doutez… (Sourires.) Digne adepte de Diderot, j’y suis très attachée ; malheureusement, la jupe-culotte s’est usée.
M. Roger Karoutchi. Forcément !
Mme Hélène Lipietz. Ne pouvant me résoudre à en changer, je n’ai eu d’autre choix que de la rapiécer. En bonne écologiste, j’ai donc récupéré du tissu d’un vieux canapé et j’ai réparé un premier trou. Seulement, de fil en aiguille, cette vieille jupe-culotte s’est transformée intégralement en quelques mois, au point que l’on peine aujourd’hui à y trouver trace du tissu d’origine.
M. Roger Karoutchi. Allons bon !
Mme Hélène Lipietz. La réforme dont nous débutons l’examen me fait beaucoup penser à ce vêtement : on rapièce une structure usée, vieille au mieux de trente ans - « reliftée » par les intercommunalités il y a vingt ans - au pire, de deux cents ans, et l’on obtient un vêtement qui n’est guère portable dans le monde…
Pourtant, les maîtres mots du Gouvernement pour cette réforme sont porteurs de sens : confiance, clarté, cohérence ; sans oublier le plus important, démocratie. Las ! Au lieu d’un projet ambitieux et surtout cohérent, riche d’une réflexion sur l’État moderne adapté à la France du XXIe siècle, on nous propose découpée une timide tentative pour améliorer quelques points. Entre la France du Marseillais Defferre et celle d’aujourd’hui, entre le centralisme français et l’envol des libertés des territoires à travers l’intercommunalité, nos gouvernements n’ont pas su réfléchir globalement pour agir territorialement.
Résultat : un projet de loi qui traite des métropoles, mais surtout pas des régions qui les abritent, des départements ou encore des communes qui vont se trouver agglomérées, de force ou volontairement, dans une métropole. Sans compter les lacunes déjà relevées par la commission des lois, et qui ont été en partie rappelées au début de la discussion générale.
Si la biodiversité des métropoles est assurée par l’existence de quatre structures différentes, cette richesse juridique ne rassure pas sur la capacité des métropoles françaises à affronter les enjeux européens, sans parler des enjeux mondiaux, en particulier sur le plan écologique. Je pense notamment aux problèmes liés à la concentration des pouvoirs politiques, sociaux et économiques dans des zones urbaines dont il faut rappeler qu’elles vivent grâce à des territoires nourriciers en hommes, en eau et, bien sûr, en aliments.
Les écologistes défendent une réforme ambitieuse des collectivités territoriales, fondée sur quatre principes. Le premier est la démocratie, colonne vertébrale sur laquelle se greffent les trois autres : efficacité et rationalité de l’organisation territoriale, solidarité des territoires, simplicité et lisibilité pour les citoyens.
Ces quatre notions fondamentales doivent s’appuyer sur des régions fortes et à taille européenne, des intercommunalités adaptées aux réalités humaines, dont les métropoles, et une organisation rationalisée et performante des territoires ruraux.
Or les auteurs du présent projet de loi nous convient à examiner uniquement les métropoles, de sorte que toute réflexion d’ensemble et de conceptualisation est impossible.
J’ajoute que, si nous devons donner aux métropoles, fait humain incontournable, les moyens de leur cohérence, il ne faut pas pour autant se laisser emporter par la fascination pour une labellisation qui ferait de la métropole le territoire de demain, sans tenir compte des habitants d’aujourd’hui.
À la vérité, le projet de loi va recréer les cités-États de la fin du Moyen Âge italien. Mes chers collègues, nous aurons bientôt des doges métropolitains, élus par l’aristocratie des élus territoriaux pour au moins six ans ! (Sourires.)
Pour nous, écologistes, il est inimaginable que les conseils métropolitains ne soient pas élus au scrutin universel direct. Il faut en décider, ici et maintenant ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
Mme Hélène Lipietz. Mes chers collègues, j’en appelle au souvenir des plus anciens d’entre vous. En tant que personnes morales décentralisées, les régions ont été instituées par la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions, mais sous la forme d’établissements publics, avec peu de compétences et toujours sous la tutelle du préfet.
M. Roger Karoutchi. Ah, ça !
Mme Hélène Lipietz. C’est l’article 59 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui a réalisé la transformation des régions en collectivités territoriales de plein exercice. Toutefois, la vraie naissance de la région, le début de son travail autonome, était reportée au 16 mars 1986, date de l’élection au suffrage universel direct des conseillers régionaux.
Mes chers collègues, pourquoi ne pas faire dès 2014 ce que nous avons été capables de faire en 1982 ?
M. Ronan Dantec. Absolument !
Mme Hélène Lipietz. Sur un plan démocratique, le suffrage universel direct est essentiel pour faire accepter les métropoles. Lorsque l’on confie des pouvoirs aussi importants, lorsqu’on bouleverse ainsi les rapports de gouvernance des territoires, il faut donner aux citoyens le choix des gouvernants et susciter, par des élections, un débat public autour des projets métropolitains !
À quoi serviront demain les élections municipales à Paris, à Lyon ou à Marseille, si c’est la métropole qui doit décider après-demain ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Roland Povinelli applaudit également.) Où sera le lien entre le vote et la gouvernance pendant six ans ?
L’élection au suffrage universel, c’est maintenant ! Sinon, la porte sera ouverte à toutes les dérives dans la gouvernance, mais aussi dans les urnes, ainsi qu’à l’établissement de potentats locaux.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est juste !
Mme Hélène Lipietz. Je parle de potentats potentiels, mais aussi de potentats fantasmés, conduisant à la montée du Front national.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas dire aux citoyens que la démocratie est possible, mais demain : pour la démocratie, il n’est jamais trop tôt ! Du reste, je suis sûre que les écologistes ne sont pas les seuls à se préoccuper de la démocratie. Seulement, l’habitude, voire peut-être aussi le conformisme ou le souci de préserver des mandats locaux, rend certains un peu timides.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ma chère collègue, c’est la première fois qu’il va y avoir un fléchage et deux listes sur le même bulletin : on ne peut pas réclamer la réforme d’un système qui n’a pas encore été mis en œuvre !
M. Roger Karoutchi. Chère collègue, n’écoutez pas le doge Sueur ! (Sourires.)
Mme Hélène Lipietz. Monsieur Sueur, dans le cas de Lyon, on voit bien que la métropole sera mise en place, oui, mais en 2020, pas en 2016 !
Mes chers collègues, il faut vaincre notre timidité et faire confiance non seulement aux territoires, mais surtout aux citoyens et aux citoyennes. Osons la démocratie dès la création des métropoles !
La démocratie, c’est sans doute aussi la séparation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales. Or le projet de loi n’aborde absolument pas cette question : y reviendrons-nous ultérieurement ?
Si notre histoire nous a habitués à organiser des territoires urbains et ruraux pourtant continus comme autant de structures administratives indépendantes, nous devons maintenant raisonner en termes d’interdépendance des territoires, non en termes de millefeuille de structures. Entre les territoires urbains et ruraux, il faut sauvegarder et favoriser les solidarités par l’interdépendance aussi bien que l’interdépendance par les solidarités !
Pour cela, les citoyens doivent être le moteur de l’évolution, y compris à travers leurs associations, afin qu’il n’y ait pas de rejet de la future loi. En effet, l’action publique dépend aussi de la qualité de la relation avec le monde associatif, situé au plus près des intérêts des citoyens – pour le coup, cette question sera traitée dans un autre texte. Faire évoluer la notion de pays et les organes citoyens tels que les conseils de développement serait un premier pas dans ce sens.
Mais le statut général des métropoles ne doit pas simplement être affaire de démocratie. Au lieu de se quereller sur la pertinence d’un seuil, pourquoi ne pas proposer l’introduction de critères qualitatifs et d’objectifs ? Pourquoi ne pas inciter les territoires urbains à se rassembler démocratiquement autour d’un projet commun et d’une vision de long terme, lorsqu’ils désirent pouvoir se glorifier du titre de « métropole » ?
Approfondir les compétences de chef de file des régions dans les domaines stratégiques et environnementaux et confier aux communes la responsabilité de la démocratie de proximité sont deux autres moyens de restaurer cohérence et confiance dans l’action publique territoriale et d’éviter que l’on n’ait à parler de métropoles d’un côté et, de l’autre, du désert rural français.
Cet exposé des problèmes que le projet de loi pose aux écologistes n’est qu’un survol ; nous préciserons nos positions métropole par métropole. Pour l’heure, nous tenons à affirmer que les métropoles, hyper-centres d’attractivité économique, ne doivent pas occulter les réalités historiques, sociales, écologiques et surtout humaines des territoires alentour. Ces territoires attendent de nous une loi équilibrée qui ne les écrase pas, mais qui réaffirme la responsabilité de chacun, notamment celle des métropoles, pour un aménagement du territoire équilibré. Mes chers collègues, ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Ronan Dantec. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi soumis à notre examen était très attendu sur nos travées. Il y a plusieurs raisons à cela.
D’abord, dans la mesure où le projet de loi touche aux collectivités territoriales dont nous sommes l’émanation par le suffrage des grands électeurs et dont nous connaissons les problèmes pour y être quotidiennement confrontés, il nous concerne bien évidemment au premier chef.
Ensuite, parce que nous devons aujourd’hui rechercher des solutions adaptées à la fois aux besoins et aux enjeux de nos territoires, nous sommes nombreux à avoir placé beaucoup d’espoirs dans ce projet de loi, sur lequel je ne doute pas, mesdames les ministres, que votre majorité travaillait depuis longtemps.
Le 5 octobre dernier, lors des états généraux de la démocratie territoriale, ici même, le Président Hollande affirmait : « Les pays qui réussissent le mieux dans la compétition mondiale sont ceux qui sont capables de fédérer tous les acteurs dans un même projet. » Une telle déclaration pouvait laisser plein d’espoir le plus incrédule. Mettre à contribution les territoires et servir leur dynamique de développement et leur attractivité auraient pu et dû constituer le fil conducteur d’un projet de décentralisation fédérateur.
Au lieu d’une loi-cadre fixant l’ambition d’un nouvel acte fort, audacieux et « entraînant » de la décentralisation, vous « saucissonnez » le texte en trois morceaux, pour procéder finalement à une forme inédite de projet à la découpe, en reportant, qui plus est, à une date relativement incertaine la troisième partie. Le projet est peut-être vidé de sa force, sinon de sa substance…Mais je n’ose le croire.
Le Gouvernement avait pourtant tout en main pour porter une réforme d’envergure : une majorité absolue à l’Assemblée nationale, une majorité, certes aux contours variables, au Sénat, une écrasante majorité dans les régions, une majorité dans les départements et de nombreuses villes… Presque les pleins pouvoirs, en somme ! Encore eût-il fallu faire preuve du courage indispensable à qui veut bousculer certaines situations ou certains droits acquis !
Le plus tristement ironique dans cette histoire, c’est qu’à ne vouloir brusquer personne le Gouvernement a tout de même réussi à déplaire à sa propre majorité sénatoriale, qui ne s’est pas privée, on l’a entendu, à l’occasion de la discussion du projet de loi que nous abordons, de le réécrire en bonne partie.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a fait son travail !
M. Jean-François Husson. Dans son souci de satisfaire tout un chacun, le Gouvernement réussit ainsi la prouesse de mécontenter presque tout le monde.
Pourtant, le Président Hollande avait bien résumé, à Dijon, en mars 2012, les besoins de notre pays en termes de décentralisation : « Nous définirons les bases du pacte de confiance et de solidarité entre l’État et les territoires. […] Il faut donner une plus grande lisibilité à notre organisation. […] Il est nécessaire de garantir le niveau de dotation de l’État aux collectivités locales. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Colette Mélot. C’était la campagne électorale !
M. Jean-François Husson. Eh oui !
La France a un double défi à relever : clarifier les compétences des collectivités et de l’État, sans dépenser plus. J’ai tendance à penser que c’est en période de crise que les grands talents se révèlent. Le Gouvernement me semble aujourd’hui laisser passer une nouvelle occasion de se montrer talentueux, ce que je regrette.
Chacun s’accorde sur la nécessité de redéfinir clairement le rôle et les fonctions respectives de l’État et des collectivités locales : un État stratège et garant des dynamiques d’équilibre entre les territoires et, pour les collectivités, une articulation nécessaire, par exemple, entre les pôles urbains et les territoires qui s’y attachent et les entourent. Tels doivent être les fondements de nos travaux.
L’examen de ce texte doit permettre de travailler sur cette approche fonctionnelle de nos territoires, et faire fi, pour mieux les transcender, des limites et périmètres « administratifs ». Les fonctionnalités observées et celles de l’avenir, dont nous traçons les perspectives, pourront alors trouver leur traduction dans un cadre d’actions favorisant la performance territoriale dans les ensembles identifiés que constituent notamment les aires urbaines, lesquelles regroupent villages et villes et traduisent des bassins de vie homogènes dans leurs fonctions.
Mais le Gouvernement a jugé bon de nous soumettre un projet « à la découpe » qui, d’une certaine manière, scinde ces différents enjeux. Comment voulez-vous, mesdames les ministres, que le Parlement se prononce lucidement sur l’émergence ou la création de métropoles, privé qu’il est de la connaissance exacte et précise du projet susceptible d’émerger pour les autres collectivités ? Certes, des annonces ont été faites. Toutefois, considérant les tergiversations du Gouvernement sur ce texte au cours des six derniers mois, je crains de ne pouvoir me fier à la parole de l’État sur le moyen terme.
En fait de choc de simplification, appelé de ses vœux par le Président de la République, je crains plutôt un choc de complexification. Un bel exemple a été exposé ce matin à cette tribune par le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur.
Quelles sont donc les avancées proposées pour encourager la créativité dans les métropoles et pour les agglomérations ? On assiste aujourd’hui à une querelle de chiffres sur les seuils. À quelle réalité de terrain cela correspond-il ? Les méthodes employées risquent de freiner les initiatives et d’éloigner encore des enjeux les habitants, qui n’ont que faire d’une quelconque logique administrative ou cartographique.
Il nous faut au contraire exploiter le rôle moteur des métropoles, qui sont en quelque sorte, avec les agglomérations, le réacteur des territoires, afin de leur permettre de travailler ensemble, et avec leur bassin de vie élargi. Ce partenariat entre les territoires, sans complexification administrative superflue, assurerait un réel développement dans nos régions, emportant de façon équilibrée zones urbaines et rurales dans une belle et même dynamique.
Il est nécessaire aujourd’hui d’encourager l’initiative, la mutualisation des actions et le travail en réseau.
Le pôle métropolitain, par exemple, se fonde sur un constat lucide et réaliste de l’évolution des liens possibles entre territoires. Le pôle métropolitain est aujourd’hui un territoire de vie.
Le rôle incontournable des agglomérations n’est plus à démontrer. Nous devons leur permettre d’aller plus loin. Elles doivent assumer clairement un rôle structurant, qui entraîne, se nourrit et rayonne sur l’ensemble du territoire.
Mes chers collègues, ce projet de loi devait reposer sur quatre grands principes – confiance, clarté, cohérence et démocratie –, énoncés par le Président de la République en octobre dernier. Force est de le reconnaître aujourd’hui, ces principes ne sont ni mis en œuvre ni reconnus dans le texte qui nous est proposé.
Un avis de gros temps, si ce n’est de tempête, sur nos collectivités a été lancé et aucune amélioration ne se profile à l’horizon. J’en veux pour preuve, notamment, le bulletin d’alerte annonçant une baisse de 4,5 milliards d’euros, d’ici à 2015, des concours financiers et des dotations de l’État aux collectivités.
C’est assurément un mauvais coup porté à ces collectivités, au sein desquelles, entendez-le, la colère gronde. Vous devez le reconnaître, cet acte III de la décentralisation est, dans ce contexte, et en l’état actuel des choses, un acte manqué ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)