M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote sur l’amendement n° 167 rectifié bis.
M. Jacques Legendre. Sans préjuger de la position que prendra ma collègue, je me permets de rappeler que je suis l’auteur de deux rapports sur la diversification de l'apprentissage des langues étrangères, sujet qui m'est cher.
Mme le rapporteur vient de le souligner avec raison, l'anglais est d'ores et déjà en position ultra-dominante : elle est la première langue vivante étrangère enseignée en France.
Nous manquons en France de locuteurs qui maîtrisent suffisamment d'autres langues étrangères. Ainsi, alors que notre principal partenaire économique est l'Allemagne, et malgré les stipulations du traité de l'Élysée, le nombre de Français parlant allemand a fortement diminué, de même d’ailleurs, parce que cela a des effets de réciprocité, que les Allemands n'apprennent plus le français, ou pas assez, si bien qu’aujourd'hui Français et Allemands en sont souvent réduits à se parler en anglais ! Quel paradoxe !
Mme Claudine Lepage. Tout à fait d'accord !
M. Jacques Legendre. Il en est de même pour l’italien, alors que ce n'est pas une langue mineure et que l'Italie est l'un de nos grands voisins. Le russe, après des efforts qui ont été déployés voilà quelques dizaines d'années, n'est plus guère parlé, alors que c'est aussi une langue importante.
Et que dire des langues extra-européennes, que nous aurions intérêt à connaître davantage ? Si l’intérêt pour le chinois se développe actuellement, le japonais n'est guère enseigné.
Enfin, il y a la grande question de l'arabe.
M. Jacques Legendre. Nous sommes des partenaires du monde arabe, avec qui nous avons des liens historiques et culturels. Des communautés d'origine arabophone se trouvent chez nous. Il faudrait que l'enseignement de l'arabe soit assuré dans l'école de la République plutôt que dans des lieux divers et sans contrôle particulier.
À l'occasion de ce débat sur les langues, je forme le vœu, monsieur le ministre, que nous puissions améliorer la diversification de l'apprentissage des langues étrangères et que nous favorisions l'apprentissage précoce des langues. Sur ce dernier point, je partage les analyses de Claude Hagège, professeur au Collège de France, qui, tout en souhaitant le développement de cet apprentissage précoce, a fait remarquer que les jeunes ne peuvent pas ne pas rencontrer l'anglais au cours de leur scolarité, car tout y concourt. S’il est indispensable qu’ils connaissent l’anglais, il faut aussi qu'ils apprennent une autre langue ! (Applaudissements sur diverses travées.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour explication de vote.
Mme Marie-Annick Duchêne. Je partage entièrement le point de vue de mon collègue ; j’ai d’ailleurs développé la même analyse lorsque j’ai présenté les amendements mis au point par Colette Mélot.
La réponse de Mme le rapporteur sur les académies frontalières et les accords qu’elles ont passés me satisfait. Colette Mélot craignait en effet que la clause de réciprocité ne soit restrictive.
En outre, je reconnais que l'anglais est déjà la langue dominante.
Par conséquent, je retire les amendements nos 167 rectifié bis et 168 rectifié ter.
M. le président. Les amendements nos 167 rectifié bis et 168 rectifié ter sont retirés.
L'amendement n° 391, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 5
Remplacer le mot :
est favorisé
par les mots :
peut être favorisé
II.- Alinéa 6
Remplacer le mot :
bénéficient
par les mots :
peuvent bénéficier
La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Il s'agit d'un amendement de forme, mais dont la portée est malgré tout significative.
La commission a situé l'apprentissage des langues dans la perspective d'échanges entre régions et introduit la notion d'initiation à la diversité linguistique. Ces deux aspects de la découverte des langues sont importants, mais la rédaction de l'article 27 rend désormais ces dispositions quasi obligatoires.
Il s'agit donc de modifier la rédaction des alinéas 5 et 6 pour bien préciser qu'il s'agit d'une possibilité et ne pas risquer de créer des contraintes extrêmement lourdes.
Monsieur Legendre, j'ai été très sensible à votre intervention, en particulier pour ce qui concerne l'arabe. Notre avenir se situe aussi au sud de la Méditerranée, et les difficultés que connaît actuellement notre Europe sont là pour nous en persuader un peu plus. Cela rend d’autant plus inexplicable que nous soyons incapables de développer davantage l’apprentissage de l’arabe, alors que tout nous y invite, notre histoire comme les populations de nos collèges et de nos lycées, qui auraient évidemment tout intérêt à être reliées à cet élément de leur patrimoine.
Nous allons donc augmenter le nombre de postes ouverts aux concours et développer, autant que faire se peut, cet enseignement. Cela fait partie de mes priorités.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Vincent Peillon, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons abordé de nombreux sujets et nous allons bientôt évoquer la problématique des langues régionales, mais je tiens à souligner l’importance de l'article 27, qui fait enfin entrer l'enseignement des langues à l'école primaire dans le code de l'éducation. Jusqu’à présent, on n’y trouvait rien à ce sujet : toutes les dispositions existantes relevaient du domaine réglementaire. Certes, cet apprentissage est déjà présent en CP, mais il y sera désormais officiellement étendu.
Pour en revenir aux évaluations que nous avons déjà évoquées, la France n’est pas, dans ce domaine, en avant-dernière position en fin de troisième : elle est en dernière position, parmi tous les pays européens. C'est un crève-cœur, et il faut absolument en finir avec ce retard.
Les bonnes nouvelles sont trop rares pour ne pas être rappelées : le développement de l’enseignement des langues à l'école primaire commence à donner quelques résultats. Les conclusions du CEDRE, cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons, viennent de le montrer. Il faut aller plus loin. En inscrivant cet enseignement dans le code de l'éducation, nous allons d’ores et déjà franchir une étape importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je me réjouis de constater que ce texte n’oublie pas la diversité de l'apprentissage des langues.
Lors de l’examen de la loi Fillon, il y a quelques années, j'ai obtenu la création des commissions académiques sur l’enseignement des langues vivantes étrangères, chargées d’examiner, académie par académie, la cohérence des enseignements assurés au collège et au lycée. Il s’agissait de faire en sorte que chaque académie favorise la promotion des langues étrangères en fonction des voisinages linguistiques, des liens économiques existants, voire des jumelages culturels.
Pour des raisons qui m’échappent encore, le Conseil constitutionnel a déclassé cette disposition, la faisant passer de la partie législative à l'annexe. Je souhaite malgré tout rappeler son existence.
Ces commissions sont aujourd'hui inégalement mises en place par les recteurs. Pourtant, monsieur le ministre, il s’agit là d’un instrument d'adaptation intéressant et il faudrait que ces instances, au sein desquelles sièges des élus locaux et des représentants du monde économique, puissent être réellement actives.
Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 318 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Antiste, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Patient et Tuheiava, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
sont en vigueur
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement, auquel j’ai déjà fait allusion, tend à supprimer la condition de réciprocité prévue pour la mise en œuvre des accords de coopération régionale dans le domaine de l'apprentissage des langues étrangères.
La valorisation du plurilinguisme dans l'enseignement, à laquelle la commission est très attachée, est importante à la fois pour l'insertion professionnelle et pour le développement cognitif des élèves. Avec raison, la commission a donc étendu à l'ensemble des académies une disposition initialement réservée aux académies frontalières.
Toutefois, avec cette condition de réciprocité, il est possible que le texte retarde, empêche ou complique la mise en œuvre de ces accords. La condition de réciprocité n'est pas prévue pour le cas des accords de coopération régionale : elle ne concerne qu'une partie seulement des traités internationaux ayant une valeur supérieure aux lois conclues par la France et elle sera particulièrement difficile à mettre en œuvre.
S'agit-il d'une condition de réciprocité formelle, au sens de l'alinéa 15 du préambule de la Constitution de 1946, de la conception retenue par l'article 60 de la convention de Vienne de 1969, qui évoque une violation substantielle, ou de celle de l'article 55 de la Constitution, qui exige une application effective par l'autre partie ? Dans le dernier cas, un contentieux administratif lourd pourrait naître de cette obligation et la force de l'accord régional se trouverait inutilement mise en défaut.
Selon la rédaction de l’article 27 adoptée par la commission, l’apprentissage des langues est favorisé dès lors qu’il existe un accord de coopération. Vous précisez, madame la rapporteur, qu’il n’est pas question d’une obligation de résultat à la charge de l’académie : la demande et les moyens à disposition seront la mesure de l’engagement des autorités éducatives.
Dès lors, faisons confiance aux académies qui ont passé l’accord pour savoir si l’échange est mutuellement fructueux, s’il est favorable aux élèves français, ou s’il est sans objet du fait de l’autre partie.
L’objet de cet article est de favoriser l’apprentissage des langues. Tant que l’académie ne considère pas que l’accord est caduc, cette valorisation si importante du plurilinguisme doit primer, au profit des élèves des académies françaises, même si les élèves des académies partenaires n’ont pas cette chance, ne bénéficient ni des mêmes conditions ni des mêmes délais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. C’est bien sûr de la condition de réciprocité posée par l’article 55 de la Constitution qu’il s’agit, monsieur Antoinette. Il est vrai que la vérification matérielle peut être difficile à obtenir et que la réciprocité s’avère sans doute excessive pour des accords de coopération régionale. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 183, présenté par M. Dantec, Mmes Bouchoux et Blandin, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les langues régionales pratiquées sur le territoire participent à cette initiation. Cette activité peut être prolongée et approfondie dans le cadre du projet éducatif de territoire.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Vous le savez sans doute, les écologistes sont de fervents défenseurs des langues régionales, qui témoignent de notre diversité culturelle, constituant ainsi un élément de notre patrimoine, de notre identité, de nos identités, devrais-je dire.
Il est vrai qu’au cours de son histoire notre République a eu la volonté de construire une nation autour d’un peuple et d’une langue. Pendant longtemps, les langues régionales ont été vues comme des concurrentes de la langue française, qu'il fallait évincer et dont il fallait décourager l'apprentissage. Mais ce qui pouvait avoir du sens à la fin du XIXe siècle n’en a plus aujourd'hui : nous sommes maintenant à une autre époque !
Il n’en demeure pas moins que nous avons encore beaucoup de mal à reconnaître ces langues, qui souffrent, qui sont affaiblies, mais qui sont des éléments importants de notre culture et de notre système d’intégration. Pour s’en convaincre, il suffit d'aller dans certaines régions où les langues régionales non seulement occupent une place importante – je pense à la Corse, à la Bretagne, à la région de Marseille –, mais encore sont des facteurs d'intégration des populations issues de l'immigration sur notre territoire. Elles sont une voie d’appropriation de notre mode d’existence par ces populations et contribuent ainsi à leur intégration.
Par cet amendement, nous proposons que les langues régionales pratiquées sur le territoire participent à cette initiation à la diversité linguistique et que cette activité puisse – et non doive – être prolongée et approfondie dans le cadre du projet éducatif de territoire.
Il nous semble en effet important d'intégrer aux activités éducatives et culturelles complémentaires qui sont proposées par les collectivités locales cette possibilité d’initiation à une langue régionale sur un territoire où elle est encore pratiquée, où elle a donc non seulement une histoire mais aussi un potentiel. Cela va dans le sens d’une plus grande diversité linguistique. C’est ce qui a été fait dans certains territoires ultramarins : nos collègues de la Guadeloupe et de la Martinique, notamment, nous l'ont rappelé hier soir.
Je trouverais dommage que la République ne se grandisse pas en s’ouvrant à un multilinguisme qui se tournerait non pas seulement vers les langues « extra-nationales », mais également vers les langues « intra-nationales ». (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le texte de la commission, qui ne prévoit pas de restriction à l’appréciation de la diversité linguistique. De même, les langues familiales mentionnées par la commission peuvent être des langues régionales.
Une mention expresse des langues régionales pourrait être contre-productive. Le dispositif proposé par la commission serait bouleversé et ainsi restreint à la seule promotion des langues régionales. L’objectif est plus vaste : il s’agit aussi de faciliter l’intégration de familles non francophones. Il faut pouvoir laisser, à l’école, une place aux autres langues telles que l’arabe, le vietnamien, le portugais, etc. Ce qui est visé, ce sont non pas des enseignements, mais une ouverture sur le monde par les langues.
Le présent amendement ne nous semble pas participer de cette conception et c’est ce qui nous a conduits à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Les arguments de Mme la rapporteur me vont droit au cœur – je pourrais presque dire, en ce printemps qui a les apparences de l’hiver, qu’ils me le réchauffent ! (Sourires.) – et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 183 est retiré.
L'amendement n° 270 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les années :
2015-2016
par les années :
2014-2015
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La maîtrise des langues étrangères par les élèves français demeure très médiocre par rapport à celle dont font preuve les autres élèves européens. Il y a donc bien un problème, lequel tient à la qualité de l’enseignement, à une pédagogie inadaptée et au fait que les enseignants, s’ils connaissent les langues, n’ont peut-être pas appris à les transmettre.
Or les langues étrangères sont une ouverture vers le monde et un facteur de mobilité. Celles qui sont le plus répandues, comme l’anglais, deviennent un requis minimum dans un très grand nombre d’emplois, desquels seront exclus les jeunes qui rencontrent des difficultés en la matière.
Au demeurant, la bonne maîtrise d’une langue étrangère favorise l’apprentissage d’une autre et elle constitue donc un bagage supplémentaire pour les jeunes.
Je me réjouis donc de la décision du Gouvernement de garantir un tel enseignement dès le CP.
Nous sommes bien conscients que cette décision implique un travail important pour que la qualité de l’enseignement puisse suivre. Cela suppose que les enseignants soient formés correctement, et l’on peut compter à cet égard sur les écoles supérieures du professorat et de l’éducation.
Compte tenu de l’urgence qu’il y a à régler ce problème, nous vous proposons cet amendement – en fait un amendement d’appel –, qui tend à ce que la mesure prévue s’applique dès la rentrée 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Ma chère collègue, je comprends bien votre intention, mais il serait plus sage d’attendre la stabilisation de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants. En outre, nous devons pouvoir disposer de manuels. Dès lors, se fixer comme objectif la rentrée 2015 paraît plus judicieux si nous voulons que notre exigence de qualité soit satisfaite.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 270 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. J’avais bien précisé qu’il s’agissait d’un amendement d’appel : je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 270 rectifié est retiré.
L'amendement n° 215, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et Reichardt, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le troisième alinéa de l’article L. 111–1 du code de l’éducation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre du volume horaire existant, un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé aux enfants des familles intéressées dans les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. L'enseignement de la civilisation et de l'histoire régionales est intégrée dans les programmes des disciplines aux différents niveaux scolaires.
« À cet effet, les pouvoirs publics sont tenus d’organiser l’information des familles sur ces formes d’enseignement, leur intérêt et leurs enjeux. »
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Notre collègue André Gattolin m’a paru tout à l'heure étonnamment timide. Il a indiqué que nous aurions tout intérêt à nous soucier de la place qu’occupent, à côté du français, les langues de France – car c'est ainsi qu'on les appelle – dans notre enseignement.
Ces langues de France constituent aussi une partie de notre identité et de notre histoire. Ces langues, que l'on a parfois, à tort, accusées de représenter un danger pour l'unité nationale, ne sont pas un péril pour la langue française.
Mes chers collègues, vous savez mon attachement à la langue française et à sa défense. Le français est menacé par la concurrence d'autres langues : il ne l’est pas par les langues de France. Il faut en finir avec ce fantasme !
Les familles qui le souhaitent doivent être libres de faire apprendre une langue de France, une langue de leur terroir, de leur territoire, à leurs enfants. Encore faut-il qu'elles soient informées de cette possibilité. C’est pourquoi nous proposons que, dans le cadre du volume horaire existant, un enseignement de langues et cultures régionales puisse être dispensé aux enfants des familles intéressées dans les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.
Il est légitime de vouloir apprendre une langue étrangère ; il est tout aussi légitime de pouvoir apprendre, sous une forme ou sous une autre, une langue régionale, à condition que l’apprentissage de cette langue ne soit pas imposé, sur un territoire donné, en plus de celui du français.
Sous cette réserve, il serait sage aujourd'hui que nous reconnaissions ce rôle des langues régionales de France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Legendre, l’introduction de l’enseignement des langues régionales au premier article du code de l’éducation, qui consacre les missions fondamentales de l’école, qui fixe les missions essentielles du service public, ne nous paraît pas pertinent.
Rappelons qu’il existe déjà des enseignements de langue régionale dans l’éducation nationale : 200 000 élèves sont concernés, dont 125 000 en primaire. L’implication de l’éducation nationale est donc réelle et vous ne pouvez pas douter de sa volonté dans ce domaine. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Madame le rapporteur, puisque vous ne m’avez pas demandé de retirer mon amendement, je ne le retirerai pas ! (Sourires.) Ce qui va sans dire va mieux en le disant et je pense que cette proposition mérite que le Sénat se prononce à son sujet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
Article 27 bis
L’article L. 312-11 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-11. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 121-3, les enseignants du premier et du second degrés sont autorisés à recourir aux langues régionales, dès lors qu’ils en tirent profit pour leur enseignement. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 27 bis porte sur le recours possible pour les enseignants, après l’accord parental, aux langues régionales pour leur enseignement de la langue française.
À cet instant de mon propos, il me revient de présenter les excuses de notre collègue Michel Le Scouarnec, qui ne pouvait être parmi nous ce soir. Élu breton, donc d’un territoire où la langue régionale est toujours prégnante, il vous aurait dit le fort attachement d’un grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens, mais aussi d’élus, à leur langue et à leur culture régionale.
Beaucoup de Bretons ont dû, pendant des décennies, sacrifier leur langue maternelle. Ce sort fut sans doute aussi celui d’habitants d’autres régions qui avaient leur langue propre. Aujourd'hui, nous pouvons rallumer l’espoir de conserver ces langues.
Du reste, le Président de la République s’est engagé, dans une lettre adressée au président de l’Association des régions de France, « à définir un cadre légal clair et stable pour toutes les langues régionales », conformément à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Il a également indiqué « vouloir associer les régions à la réflexion engagée sur les modalités et les conséquences d’une telle ratification, dans le cadre de la concertation sur la refondation de l’école ». Nous y sommes !
Pionnière, la région Bretagne a signé une convention-cadre pluriannuelle de partenariat pour le développement de l’offre publique d’enseignement des langues régionales et en langues régionales avec le rectorat. La voie de la concertation doit être privilégiée en la matière, afin de développer, de consolider et de pérenniser l’application de telles conventions, qui viennent couronner les efforts engagés ces dernières années dans les établissements publics ou dans les établissements privés sous contrat d’association en matière d’enseignement des langues régionales.
La formation des élèves se fonde en partie sur l’assimilation de savoirs ou la compréhension de nouveaux outils de connaissance. Dans ce cadre, l’apprentissage des langues régionales apparaît comme un élément complémentaire dans le développement, la réussite et l’épanouissement des jeunes.
Pour refonder l’école, et donc reconstruire le service public national d’éducation en vertu du principe selon lequel tous les élèves sont capables d’apprendre, il est nécessaire de ne pas omettre toutes les spécificités contribuant à l’enrichissement de la formation des élèves.
L’enseignement des langues régionales n’est pas contradictoire avec la défense de la langue française, indispensable à l’unité de notre République – de ce point de vue, je suis en plein accord avec les propos de Jacques Legendre –, mais participe à la conservation de notre patrimoine linguistique, reconnu par l’article 75-1 de la Constitution. C’est aussi un atout dont il faut être conscient.
Cet article 27 bis me semble assez équilibré et constructif. En effet, il ne concerne pas seulement l’enseignement des langues régionales, mais a également trait à la culture, une réalité dont les professeurs doivent s’emparer afin d’apporter une chance supplémentaire de réussite à tous les élèves. Dans la pratique, beaucoup d’enseignants savent dans quels cas ils doivent utiliser les langues régionales. En tout état de cause, il est bon de leur faire confiance.
La vocation de l’éducation nationale consistant souvent à mettre en exergue ce qui est commun, je m’associe, avec Michel Le Scouarnec, aux souhaits des élus morbihannais, et plus largement bretons, de voir cet article apporter des solutions efficaces pour faire reculer l’échec scolaire et favoriser la réussite de tous, dans le respect de la culture de chaque région et de chaque territoire.
Notre pays est riche de ses diversités. À nous de les cultiver pour que l’avenir de la jeunesse d’aujourd’hui soit plus sûr et ouvre la voie à la construction d’une société plus forte, plus harmonieuse, plus éclairée et plus solidaire.
Voilà, mes chers collègues, ce que Michel Le Scouarnec aurait aimé vous dire ce soir.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et Reichardt, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi rédigée :
« Section 4
« L’enseignement des langues régionales
« Art. L. 312-10. – Dans les académies des collectivités territoriales où ces langues sont en usage, un enseignement de langue et culture régionales peut être dispensé à tous les niveaux aux enfants des familles intéressées. En fonction de la demande des parents, cet enseignement peut prendre les formes suivantes :
« – un enseignement de la langue régionale ;
« – un enseignement en langue française et régionale à parité horaire ;
« – un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice de l’objectif d’une pleine maîtrise de la langue française.
« Art. L. 312-11. – Les professeurs sont invités à intégrer les langues et cultures régionales dans leur enseignement afin d’en favoriser la transmission et de les mettre à profit pour l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences et de culture, notamment pour l’étude de la langue française.
« Art. L. 312-11-1. – La langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles, élémentaires et secondaires ».
« Art. L. 312-11-2. – Les parents qui ont exprimé le souhait que leurs enfants reçoivent un enseignement tel que mentionné à l’article L. 312-10 et qui ne peuvent trouver celui-ci dans un établissement public suffisamment proche de leur domicile peuvent saisir le Conservatoire national des langues et cultures régionales. »
La parole est à M. Jacques Legendre.