M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mmes Morin-Desailly, Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article dont j’ai largement développé l’objet dans mon intervention liminaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’article 7 du projet de loi conserve la valeur législative du socle commun. En revanche, il supprime la liste des grands items qu’il comprend. Mais la liste définie à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation n’est pas véritablement le contenu du socle commun, lequel est beaucoup plus vaste et entièrement défini par décret.
Le pouvoir réglementaire est compétent sur les programmes et le socle, selon l’article L. 311-2 du code de l’éducation.
Le législateur de 2013 n’a pas moins de compétences que le législateur de 2005, mais il souhaite que la définition du socle commun soit cohérente avec la refonte des programmes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais dire un mot sur cet article 7, que certains semblent considérer comme étant le plus important du projet de loi. Ce n’est pas mon point de vue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous expliquer pourquoi nous avons adopté cette démarche pour le socle.
Je tiens, tout d’abord, à vous rappeler les faits, ce qui n’est jamais inutile.
Depuis huit ans qu’il existe, le socle ne s’est pas traduit dans la réalité de l’école française. Il y a à cela plusieurs raisons.
Premièrement, cela a été dit, le socle a dû être modifié un an seulement après avoir été voté par les parlementaires. Personnellement, je souhaite associer ces derniers au Conseil supérieur des programmes. Ce sera, d’ailleurs, une première dans notre histoire. Pour autant, décider du socle dans la tranquillité des débats de l’Assemblée nationale ou du Sénat me semble impensable. Preuve en a été faite : un an après l’avoir voté, les parlementaires étaient obligés de le modifier. Il faut en tirer la leçon.
Deuxièmement, pour que le socle soit mis en œuvre, il faut faire en sorte que ceux qui sont chargés d’enseigner aux enfants le soutiennent. Or tel n’a pas du tout été le cas, et c’est même l’inverse qui s’est produit.
Mme Gonthier-Maurin a insisté sur ce point, le socle a été compris, interprété, comme un minimum, une forme de « SMIC culturel » accordé à un certain nombre d’enfants. Voyant cela, constatant la non-articulation du socle aux programmes – c’est tout de même assez étonnant ; le socle doit pouvoir, en effet, se décliner en programmes – et la difficile cohabitation du socle, des programmes et du livret de compétences, les enseignants se sont découragés. Tout cela a conduit à introduire de la complexité, voire de l’obscurité, et à dévaloriser même le principe du socle.
Pour moi, vous le savez, le socle exprime un devoir de l’État à l’égard de tous les enfants de la Nation. Il ne faut pas le comprendre comme étant le minimum accordé à certains, et il ne faut pas que cette interprétation puisse prospérer.
Le socle que nous essayons de construire est plutôt un tremplin. Nous voulons que l’État prenne des engagements à l’égard de l’ensemble des enfants, pour que tous possèdent au moins ce bagage. Cela suppose un certain nombre de décisions, et c’est justement celles que nous avons prises : le juste milieu, la tempérance, la médiété, la volonté de tirer les leçons des expériences passées et de répondre aux interrogations des uns et des autres, nous conduisent à adopter une position qui me semble raisonnable, entre celle de Mme Gonthier-Maurin et celle de l’opposition sénatoriale.
Certains veulent supprimer le socle, parce qu’il faudrait supprimer la culture. Vraiment ? Nous avons pourtant réussi, pour la première fois, à rassembler l’ensemble des acteurs du monde éducatif autour de l’idée selon laquelle le socle a pour effet non pas d’abaisser le niveau, mais, au contraire, de l’élever et de permettre l’accès de tous les enfants à cette culture. Nous avons donc, sur ce point, trouvé une position de synthèse.
D’autres voudraient supprimer le socle parce qu’on en resterait ainsi à cette seule interprétation.
En réalité, le socle est un tremplin. Il doit donc être discuté sérieusement, en même temps que les programmes et les évaluations. Il faut accepter que le Conseil supérieur des programmes soit plus habilité à le faire que nous, même si nous avons évidemment des directives à donner.
Vous serez, mesdames, messieurs les sénateurs, associés à ce travail. Il est tout à fait fondamental de conserver ce socle, tout en lui donnant, ainsi qu’aux élèves, les moyens de réussir. Or tel n’a pas été le cas depuis son adoption dans la loi Fillon.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je n’aurai pas l’ambition d’égaler les arguments présentés par les orateurs des groupes UDI-UC et UMP, qui combattent l’article 7 dans sa rédaction actuelle, mais les explications données à l’instant par M. le ministre, qui ne me convainquent pas, m’incitent à prendre la parole.
Au moment même où notre société est confrontée, dans des conditions qui ne pourront que s’aggraver, à un problème de cohésion lié à la diversité des expériences, des origines, des parcours, ou des projets, il me paraissait de bon sens que le Parlement soit associé non pas simplement au principe d’un socle, qui vient d’être évoqué, mais en grande partie à son contenu. C’est bien à la cohésion sociale, à la cohésion d’une population, que l’école a vocation à contribuer puissamment.
Où pouvons-nous en parler plus légitimement qu’au Parlement, à l’occasion d’un débat sur le contenu du socle ? Je suis quelque peu étonné de vos propos, monsieur le ministre. Vous dites que nous serons associés aux discussions. Certes, mais la décision ne nous appartiendra pas.
Il faudrait vraiment que soit discuté au Parlement le contenu du socle, en particulier tout ce qui est lié, d’une façon ou d’une autre, aux sciences humaines, aux capacités de développement et d’épanouissement de nos jeunes, entretenues par l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, et des éléments de base des mathématiques ou des langues. Sur ce dernier point, le débat est aujourd’hui politique : personnellement, je soutiens la position de Mme Fioraso, considérant qu’elle a raison. En effet, si nous voulons des citoyens qui aient une dimension mondiale et qui puissent exister dans un système ouvert, il faut leur donner la chance d’étudier en anglais. Ces questions sont profondément politiques, au sens fort du terme, c'est-à-dire au sens de la vie en commun.
Donc, si vous laissez à un Conseil, aussi éminent, diversifié, nourri et pétri de bonnes intentions soit-il, la responsabilité de ce contenu en en privant les parlementaires, vous donnez le sentiment de mutiler leur vocation profonde, la construction collective du socle de la cohésion sociale. C’est ce que vous faites, monsieur le ministre, au travers de cet article 7, et c’est la raison pour laquelle je ne le voterai pas.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai écouté très attentivement M. le ministre et je voudrais réagir à ses propos : l’échec du socle serait lié à l’incapacité ou, selon lui, au désarroi de ceux qui étaient chargés de le mettre en œuvre, à savoir les enseignants qui ne se seraient pas approprié cette manière d’aborder l’éducation et ne se seraient par conséquent pas impliqués.
L’instauration du socle requiert bien une nouvelle façon d’enseigner et de travailler. Il ne s’agit plus de rester cantonné dans sa propre discipline. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Le travail doit désormais être fait en équipe et de manière transversale. L’enseignant doit veiller à vérifier si, à travers chacune des disciplines, les compétences sont acquises.
En vingt ans d’expérience au sein de l’éducation nationale, je me suis souvent dit, avec d’autres, que nous étions trop cantonnés dans notre petite discipline. (M. Gérard Longuet acquiesce à nouveau.) Elle est importante, bien entendu. Mais, en définitive, ce qui compte pour bien aborder la vie, c’est d’avoir une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine. Le numérique – nous aurons l’occasion d’en parler tout à l’heure – va entraîner une approche totalement différente de l’accès au savoir et à la connaissance. Si on ne se pose pas la question de l’enseignement, des missions des enseignants, on est à côté de la plaque – pardonnez-moi cette expression un peu familière qui ne vise qu’à nous faire réagir collectivement, mes chers collègues.
Il faut absolument réfléchir aux missions de l’enseignement et à l’organisation du travail aujourd’hui. Je déplore que ces sujets soient totalement absents de ce projet de loi. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Lors de la discussion générale, Françoise Férat et moi-même avons regretté que ce projet de loi de « refondation » n’aborde pas la question de l’organisation du travail des enseignants, les premiers susceptibles, pourtant, de faire réussir l’école.
Je tenais à faire ces quelques remarques pour vous dire, monsieur le ministre, que le socle est plus qu’un tremplin, c’est une base intangible.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Je confirme que je ne pourrai voter cet article 7.
M. le ministre a mentionné l’expression utilisée par certains de « SMIC culturel », pour désigner le socle. C’est une expression détestable, que nous ne voulons absolument pas voir concrétisée.
Notre objectif n’est pas de donner à des élèves un « SMIC culturel », il est de s’assurer qu’ils disposent, en maîtrisant des matières essentielles, de la possibilité de réussir dans toutes les disciplines, et que chacun d’entre eux pourra se bâtir une culture lui étant propre.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jacques Legendre. Cela me paraît d’ailleurs préférable à la notion de « culture commune ». Chacun doit pouvoir se construire sa culture pour être un citoyen du XXIe siècle.
C’est tellement important, monsieur le ministre, qu’il me semble impensable de laisser à un organisme de l’éducation nationale le soin de rédiger le contenu du socle commun, pour la simple raison que ce qui avait été décidé n’a pas été véritablement appliqué.
C’est suffisamment important pour que le Parlement revienne sur cette question quand c’est nécessaire et qu’il veille, à cette occasion, à l’application effective de ses décisions par le ministère de l’éducation et par l’ensemble du monde enseignant.
Voilà pourquoi il nous paraît très important que le Parlement ne soit pas dessaisi de son rôle, sur une question qui nous semble essentielle.
On ne parle pas assez de l’éducation au Parlement, et nous voulons pouvoir prendre nos responsabilités.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 87, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 122-1-1 est abrogé ;
2° À l’article L. 161-1, la référence : « L. 122-1-1 » est supprimée ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 332-6, les mots : « atteste la maîtrise des connaissances et compétences définies à l’article L. 122-1-1, » sont supprimés ;
4° Au quatrième alinéa de l’article L. 337-3, les mots : « concourt à l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences mentionné à l’article L. 121-1-1 et » sont supprimés.
II. – Le premier alinéa de l’article L. 6111-2 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La notion de socle commun de connaissances et de compétences a été introduite par la loi Fillon du 23 avril 2005. Elle figure dans le code de l’éducation, dans le chapitre relatif aux objectifs et missions de l’enseignement scolaire.
L’article L. 122-1-1 du code de l’éducation affirme que « la scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser », et énumère le contenu de ce socle commun : langue française, mathématiques, culture humaniste et scientifique, pratique d’une langue vivante étrangère, maîtrise des techniques de l’information et de la communication.
Par conséquent, je réaffirme ici notre opposition formelle au maintien de la notion de « socle commun de connaissances et de compétences » dans le code de l’éducation. Outre que le « socle commun » peut s’interpréter comme un « minimum », l’expression renvoie à des compétences clés définies qui nous semblent relever avant tout de l’« employabilité ». On instaure donc une vision a minima, légitimant un tri des élèves qui sera malheureusement le reflet de leur origine sociale.
Par ailleurs, et cela a été rappelé, des programmes scolaires qui, eux, ne sont pas limités au socle continuent d’exister. Il y a donc, d’un côté, un minimum de savoirs dont l’éducation nationale garantirait l’acquisition à tous les élèves et, de l’autre, des programmes plus exigeants et plus larges, dont elle n’a pas besoin de garantir l’acquisition à tous…
Au demeurant, et M. le ministre l’a souligné, la mise en place du socle a produit des effets psychologiques et culturels redoutables. Au lieu de pinailler sur la question de savoir si le dispositif a bien été appliqué ou non, examinons plutôt l’image terrible qui a été renvoyée aux enseignants, à plus forte raison quand le socle a été couplé au livret de compétences.
Imaginez un enfant scolarisé en deuxième année de maternelle rentrer un soir de fin d’année scolaire chez ses parents avec son livret de compétences composé de cases binaires à remplir : « acquis » ou « pas acquis » ; cela fait franchement froid dans le dos ! Je doute fort qu’il s’agisse là du meilleur moyen de valoriser le potentiel de chaque individu en devenir…
Voilà une raison supplémentaire pour supprimer l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, qui fait perdurer la reproduction des inégalités sociales, instaure des objectifs différenciés selon les élèves et ne se fonde pas sur le principe que tous sont capables d’apprendre et de réussir à un haut niveau d’exigence.
Si le Gouvernement redéfinit partiellement la notion de socle commun à l’article 7, il ne revient ni sur la dichotomie entre programmes et socle ni sur la notion de « minimum » associée à ce socle, qui créent de facto une différence d’exigence et de traitement entre les élèves selon leurs résultats scolaires et leurs capacités présupposées.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Guerriau, Merceron et J.L. Dupont, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribuent l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. La maîtrise du socle est indispensable pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et se préparer à l’exercice de la citoyenneté. Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes. Les élèves qui éprouvent des difficultés dans cette acquisition reçoivent des aides et bénéficient des adaptations nécessaires à la poursuite de leur formation. » ;
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Hier après-midi et cette nuit encore, j’ai entendu nombre d’intervenants s’adresser avec leur cœur aux élèves en difficulté ayant du mal à acquérir le niveau de connaissances et de compétences prévu par le socle.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré à l’instant que le socle était un ensemble d’engagements à l’égard de tous les enfants, qui doivent au minimum posséder ce bagage. Je souscris à vos propos. Si nous décidons de mettre en place un socle commun, avec toutes les difficultés de définition du contour que cela présente, il faut évidemment le rendre effectif en pratique, afin que tous les enfants atteignent le niveau de connaissances et de compétences souhaité. D’ailleurs, cela soulève la question des moyens et des méthodes à mobiliser pour permettre aux élèves en difficulté d’y parvenir.
C’est précisément le sens de mon amendement. Je propose d’introduire la notion d’« adaptations » dans le texte, afin de prendre un compte la nécessité d’accompagner certains enfants dans l’acquisition du socle de connaissances et de compétences.
En outre, je souhaite également que soient mis en place les outils indispensables à l’apprentissage en milieu ordinaire pour des enfants en situation de handicap.
Pour avoir présidé un institut de sourds pendant six ans, je sais à quel point certaines difficultés d’acquisition des connaissances par des enfants malentendants réclament un traitement particulier.
J’espère donc que cet amendement fera l’objet de toute votre attention, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La scolarité obligatoire garantit à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'une socle commun de connaissances et de compétences auquel contribue l'ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Par cet amendement, nous vous proposons d’adopter une rédaction plus précise, en remplaçant les mots « doit au moins garantir », qui ont pour effet de minimiser l’objectif visé, l’acquisition du socle commun, par « garantit », ce qui met davantage en relief l’exigence absolue de maîtriser les savoirs à l’issue de la scolarité.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
au moins
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que mon amendement précédent.
Si un socle commun de connaissances, de compétences et, désormais, de culture existe, il ne doit pas constituer une exigence minimale de la scolarité obligatoire.
L’article 7 supprime le dernier alinéa de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, qui est ainsi rédigé : « Parallèlement à l’acquisition du socle commun, d’autres enseignements sont dispensés au cours de la scolarité obligatoire. »
Ce faisant, le projet de loi tend à réduire cette vision minimaliste d’un socle commun pour les élèves en difficulté. Pour autant, il ne va pas au bout de sa logique. Pour en finir véritablement avec une telle conception, il faudrait également, selon nous, supprimer les mots « au moins », dans le premier alinéa.
C’est ce que nous proposons par cet amendement. En supprimant la notion de minimum garanti par la scolarité obligatoire et en conservant la notion de culture, introduite par le projet de loi, nous affirmerions une exigence commune pour tous les élèves. La scolarité obligatoire garantirait ainsi à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition de ce socle, dès lors conçu de manière ambitieuse.
Ce texte, qui veut refonder l’école, doit être plus exigeant et viser une éducation, une culture et une qualification de haut niveau pour tous, sous peine de condamner l’éducation nationale à transformer les inégalités sociales en inégalités scolaires.
L’école pour tous doit se fonder sur les élèves qui n’ont que l’école pour apprendre. Pour autant, cela ne signifie pas une baisse d’exigence : il ne faut pas inscrire des minimums culturels qui s’appliqueraient seulement à ces élèves.
Nous entendons développer une vision d’une scolarité obligatoire exigeante et de haut niveau, jusqu’à dix-huit ans.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
I. - Première phrase
Remplacer les mots :
un socle commun de connaissance, de compétences et de culture, auquel
par les mots :
une culture commune, à laquelle
II. - En conséquence :
1° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
Le socle
par les mots :
cette culture commune
2° Troisième phrase
Remplacer les mots :
ce socle commun
par les mots :
cette culture commune
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Avec cet amendement, nous tentons d’introduire une nouvelle définition de ce que devrait garantir la scolarité obligatoire.
En lieu et place d’un socle commun de connaissances et de compétences, l’article 7 instaure un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ».
Toutefois, et de manière totalement contradictoire avec l’objectif affiché de redéfinition du socle de connaissances et de compétences, la commission de la culture du Sénat a décidé, sur l’initiative de nos collègues du groupe écologiste, d’introduire une référence explicite à la recommandation du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, laquelle a justement servi de fondement au socle de la loi Fillon et se résume uniquement à des « compétences clés », transformant l’idée de culture, et même de connaissances, en vœu pieux ! Cette vision très utilitariste, qui asservit l’école aux besoins immédiats des employeurs, pose véritablement problème.
Vous le comprendrez, si nous sommes favorables à l’idée de « culture » commune, nous nous interrogeons sur la nécessité de maintenir la notion de « compétences », à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’introduire une référence explicite aux compétences clés européennes.
Voilà la preuve, s’il en était besoin, que, si l’article 7 représente une légère amélioration par rapport à la notion de socle qui figurait en 2005 dans la loi Fillon, il faudra encore beaucoup bouger pour que le projet de loi puisse répondre à des exigences de haut niveau.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
socle commun de connaissances, de compétences et de culture
par les mots :
socle commun de connaissances et de compétences
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Nous réaffirmons que le socle commun doit être acquis par les élèves.
Le terme « culture », qui est ajouté, est flou. Certes, nous sommes évidemment attachés à la culture, qui peut s’acquérir à l’école et plus encore au sein de la famille. Quel que soit le milieu social, il y a des éléments culturels dont l’enfant doit s’enrichir, puis faire profiter les autres.
Mais l’introduction d’un terme flou et en décalage avec la réalité nuit à la pertinence de l’article. Le socle commun doit concerner les connaissances et les compétences, et non la culture. Voilà pourquoi l’amendement n° 194 vise à supprimer ce dernier terme.
M. le président. L'amendement n° 388, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La maîtrise du socle permet de poursuivre avec succès sa scolarité et ses études, de construire son avenir personnel et professionnel et de se préparer à l’exercice de la citoyenneté.
La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Cet amendement, qui pourrait passer pour un amendement de forme, va en réalité plus loin.
La commission a souhaité remplacer les mots : « La maîtrise du socle est indispensable » par les mots : « Le socle doit permettre la poursuite d’études ». J’en comprends bien les raisons, qui sont au cœur de nos débats : il s’agit d’éviter que le socle commun ne puisse être interprété comme un dispositif a minima.
Ainsi que je l’ai indiqué à plusieurs reprises, nous partageons totalement cet objectif. D’ailleurs, c’est, me semble-t-il, parce que l’on n’a pas su le faire partager que le socle, associé au livret – c’est le livret que vous avez attaqué tout à l’heure, madame Gonthier-Maurin ; je l’ai déjà modifié cette année – et à des programmes refaits en 2008 sans concertation, a pu susciter une telle interprétation. Un changement s’impose donc.
En ce sens, nous avons décidé de remplacer le « socle commun de connaissances et de compétences » par un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». Mais c’est bien la maîtrise de ce socle qui doit être recherchée. Ce n’est ni un examen ni un diplôme. Cela doit permettre et même favoriser la poursuite d’études au-delà. Cette maîtrise est donc nécessaire. C’est ce que l’État doit à tous les enfants.
M. le président. L'amendement n° 290 rectifié bis, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Après le mot :
poursuite d'études,
insérer les mots :
la maîtrise d'un parcours d'orientation choisie, tout au long de la scolarité à l'école, au collège et au lycée, qui constitue un véritable passeport orientation,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Le projet de loi consacre une place centrale à la problématique de l’orientation, afin qu’elle puisse être choisie en pleine connaissance de cause, car elle garantit la réussite des élèves. L’orientation doit dépendre non seulement des résultats des élèves, mais également de leurs aptitudes, de leurs aspirations, des débouchés et des réalités du marché du travail.
L’orientation, envisagée comme une connaissance, doit être pragmatique et systématique pour devenir un outil efficace au service de la lutte contre les inégalités sociales, afin d’ouvrir un large éventail des possibles à tous les élèves. Cela permettra également de revaloriser les filières d’orientation professionnelle et d’apprentissage.
En outre, l’ensemble des acteurs éducatifs, c'est-à-dire, entre autres, les personnels enseignants, les parents, les personnels éducatifs, doivent participer à la mise en œuvre de ce parcours d’orientation. L’élève doit également être actif dans la définition et l’élaboration de ce parcours.
Au regard de ces objectifs, il me semble indispensable que le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture comprenne la maîtrise d’un parcours d’orientation choisi tout au long de la scolarité, afin de mettre en place un véritable passeport d’orientation.
Alors que le présent projet de loi n’évoque l’orientation qu’à partir de l’enseignement secondaire, la maîtrise du parcours d’orientation doit être assurée tout au long de la scolarité : le niveau des élèves, leurs aspirations et les réalités du marché du travail sont des facteurs variables.
Aussi, par cet amendement, nous proposons de préciser que la maîtrise de ce parcours doit être assurée de l’école au lycée.