M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas les taxer, alors ! (Sourires.)
M. Joël Labbé. … et non des produits bas de gamme, créant trop peu de valeur ajoutée, exportés à coûts de subventions et ruinant trop souvent les agricultures des pays importateurs !
Pour conclure, je dirai que cette proposition de résolution européenne, sans prendre toute la mesure des enjeux, va dans le bon sens. C’est pourquoi les membres du groupe écologiste la voteront.
L’alimentation est un enjeu fondamental. Nous attendons avec confiance de réelles avancées des deux prochains projets de loi portant, l’un, sur la consommation et, l’autre, sur l’avenir de l’agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.
Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative remarquable de François Zocchetto, président du groupe de l’UDI-UC, et surtout de Sylvie Goy-Chavent. Cette proposition de résolution européenne me paraît tout à fait importante.
Je félicite également les rapporteurs de leur travail d’expertise, qui a permis de préciser certains aspects de cette proposition de résolution européenne. Je pense notamment au droit relatif à l’information des consommateurs, aux règles de traçabilité et d’étiquetage, à l’harmonisation des contrôles, à la responsabilité des entreprises de courtage ou encore aux problèmes économiques, qui ne sont pas les moindres.
Leur démarche est d’autant plus intéressante qu’elle s’inscrit dans le cadre de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe.
Je voudrais rappeler brièvement le contexte actuel et les deux principaux événements qui, à mon avis, expliquent que les consommateurs aient aujourd’hui une conscience accrue des risques sanitaires qu’ils courent.
Le premier de ces événements est le récent scandale dont nombre d’orateurs ont déjà parlé mais qu’il est bon de rappeler : de la viande de cheval a été retrouvée dans des produits alimentaires surgelés en lieu et place de la viande de bœuf. Je fais évidemment référence à l’affaire qui a défrayé la chronique dernièrement.
M. Roland Courteau. Nous l’avions compris !
Mme Hélène Masson-Maret. Sans doute, mais je crois utile de rappeler cette affaire parce qu’elle a soulevé le problème de l’étiquetage des produits alimentaires et de la traçabilité de leur chaîne de fabrication.
Le second événement est la décision prise par la Commission européenne d’autoriser l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons d’élevage et des autres animaux d’aquaculture. Cette autorisation pourrait raviver le spectre du scandale de la vache folle, et surtout l’angoisse du consommateur de voir réapparaître l’encéphalopathie spongiforme bovine, maladie qui a beaucoup frappé les esprits voilà quelques années et dont nous nous souvenons tous.
Aujourd’hui, face à l’internationalisation du marché des produits alimentaires, la nécessité de circuits courts dans les processus de fabrication des plats cuisinés apparaît de plus en plus nettement.
La présente proposition de résolution européenne s’inscrit parfaitement dans l’actualité en s’ordonnant autour de deux volets essentiels.
D’abord, elle souligne la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de la nouvelle réglementation européenne sur l’étiquetage et de mettre en place, au niveau européen, une législation permettant au consommateur d’être informé non seulement du contenu des produits, mais aussi de leur provenance.
Selon moi, cette nouvelle obligation d’étiquetage devrait produire un double effet. En premier lieu, elle bénéficierait aux éleveurs, qui pourraient prouver aux consommateurs que les aliments qu’ils proposent ne contiennent pas de ces protéines animales tant redoutées. En second lieu, elle rétablirait la confiance du consommateur à l’égard du produit alimentaire qu’il absorbe, ce qui est tout à fait essentiel.
Ensuite, la proposition de résolution européenne met en question la décision prise par la Commission européenne le 18 juillet 2012 d’autoriser l’utilisation de protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons d’élevage, et ce dès le 1er juin 2013, c’est-à-dire quasiment demain. Cette proposition de résolution constitue une démarche politique importante, car elle demande qu’une évaluation soit décrétée dans le but de relancer un débat européen sur l’opportunité de cette autorisation.
Je tiens à souligner que la Commission européenne vient par ailleurs de modifier le règlement de surveillance de l’encéphalopathie spongiforme bovine, en levant l’obligation d’effectuer des tests de dépistage sur les animaux de plus de 72 mois « ne présentant pas de signe clinique de la maladie » ; cette mesure, qui revient à supprimer totalement les dépistages sur les bovins dits « sains », ne peut que renforcer les inquiétudes.
Cette décision est liée à la pression de certains États membres, qui ont dénoncé le coût des campagnes de dépistage ; du moins est-ce l’une de ses raisons. Elle soulève donc la difficulté de concilier les pressions économiques – en l’occurrence, celles des professionnels de la filière bovine – et la sécurité alimentaire.
En pleine crise de confiance à l’égard de l’industrie agroalimentaire, et même si l’utilisation des protéines animales reste théoriquement sous contrôle étroit, celle-ci étant même interdite dans la filière bovine, la présente proposition de résolution européenne a le mérite de soulever les problèmes posés par la décision de la Commission européenne.
Compte tenu des fondements sur lesquels elle repose, nous estimons que cette proposition de résolution européenne va dans le sens d’une meilleure protection du consommateur. Nous considérons aussi, pour paraphraser le célèbre proverbe de Rabelais,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Science sans conscience…
Mme Hélène Masson-Maret. … qu’une alimentation sans confiance n’est que ruine de l’entreprise. Nous venons d’ailleurs d’en constater les dégâts avec la chute vertigineuse d’une entreprise régionale française en raison de la perte de confiance des consommateurs dans la qualité de ses produits.
Dans la crise qui bouleverse particulièrement l’Europe, cette proposition de résolution européenne souligne le lien qui existe entre la confiance du consommateur envers les produits que les industriels lui proposent et la vitalité de l’économie alimentaire, qui représente une part de marché suffisamment importante pour participer à la relance de notre économie.
En définitive, le législateur se doit d’imposer des règles susceptibles de rétablir la confiance, tout en prenant en compte les nécessités économiques ; monsieur le ministre, les unes n’excluent pas les autres.
C’est pourquoi j’apporte mon soutien à cette proposition de résolution européenne ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dépôt par nos collègues du groupe UDI – UC de la proposition de résolution européenne relative au droit du consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance par le consommateur de son alimentation est intervenu à la suite de deux événements.
Le premier est la décision de la Commission européenne d’autoriser, par la voie d’un règlement, l’introduction de protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons d’élevage.
Le second est le scandale lié à la découverte, le 7 février dernier, de viande de cheval dans des lasagnes au bœuf. Cette affaire a révélé une fraude d’une ampleur considérable, touchant plusieurs filières d’approvisionnement dans plusieurs pays européens.
Ces deux événements, quoique bien distincts par leurs origines et leurs conséquences, présentent un point commun : dans les deux cas, le consommateur voit le contenu de son assiette potentiellement modifié dans sa qualité.
De ce point de vue, nous soutenons la démarche de nos collègues visant à renforcer les dispositions prévues par le règlement européen du 25 octobre 2011 concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires, plus connu sous le nom de règlement INCO. Ce règlement européen institue un véritable droit à l’information du consommateur en ce qu’il oblige l’ensemble des exploitants du secteur agroalimentaire, depuis le fournisseur d’ingrédients et de produits alimentaires intermédiaires jusqu’aux restaurations collective et rapide, à mentionner de manière simple et lisible douze informations essentielles pour que le consommateur puisse faire un choix éclairé.
Alors même que le droit à l’information du consommateur institué par ce règlement n’est pas encore appliqué dans sa totalité – nous avons jusqu’en 2014 pour en appliquer les dispositions générales et jusqu’en 2016 pour le mettre en œuvre dans son ensemble – la question se pose déjà, à juste titre, de son renforcement. En effet, l’information du consommateur doit couvrir des domaines plus larges que les douze mentions obligatoires prévues par le règlement INCO.
Les consommateurs, nos concitoyens, exigent transparence et traçabilité au sujet des denrées qui leur sont proposées ainsi que de leur mode de fabrication et de production. Pour répondre à ces exigences légitimes et pour faire face aux enjeux de qualité et de sécurité mis en lumière par des crises fréquentes, les moyens mis en œuvre doivent être adaptés aux situations et coordonnés.
C’est pourquoi, avec certains de nos collègues, nous nous sommes étonnés que cette proposition de résolution européenne soit présentée au moment où tant le Parlement que le Gouvernement mettent tout en œuvre pour répondre de manière adéquate à deux problèmes distincts : la réintroduction des protéines animales transformée et la fraude à la viande de cheval.
En ce qui concerne les PAT, la décision de l’Union européenne d’autoriser leur réintroduction pour l’aquaculture survient après des années de recherche scientifique rigoureuse et, surtout, après un vote par lequel, malheureusement, la majorité des États membres se sont prononcés en faveur de cette autorisation. Bien entendu, le gouvernement français a pris position contre cette autorisation, gardant en mémoire, comme nombre de Français, l’apparition en Europe d’une forme d’encéphalopathie spongiforme transmissible : la maladie dite de la « vache folle ». (M. Roland Courteau acquiesce.)
Le Gouvernement maintient cette position politique ; avec les aquaculteurs, il fait en sorte que l’alimentation des poissons d’élevage reste majoritairement exempte de PAT. C’est dans cet esprit qu’il soutient le label « Aquaculture de nos régions », dont le cahier des charges exclut l’utilisation des PAT et qui a été acquis par 75 % des aquaculteurs français. La commission des affaires économiques a adopté, sur l’initiative du groupe socialiste, un amendement à la proposition de résolution européenne tendant à encourager le Gouvernement à promouvoir ce label au niveau européen.
Dans sa version initiale, la proposition de résolution européenne demandait qu’un moratoire soit instauré sur l’application du règlement européen levant l’interdiction d’utilisation des PAT dans l’alimentation des poissons d’élevage. Le moratoire, possibilité que les traités ouvrent aux États membres lorsqu’ils peuvent invoquer des raisons liées notamment à la protection de la santé, n’est pas l’outil juridique adéquat en la circonstance. En effet, les risques résultant de l’utilisation des PAT pour la santé des poissons et des humains qui les consomment ayant été écartés par des pratiques plus vertueuses, la clause de sauvegarde ne peut être mise en œuvre.
En revanche, le Gouvernement peut contrôler la production des PAT afin qu’elles soient irréprochables d’un point de vue sanitaire ; du reste, il s’y est déjà engagé.
Le groupe socialiste a également fait adopter par la commission des affaires économiques un amendement prévoyant la réalisation, sur le plan national comme sur le plan européen, d’études d’impact sur les conséquences économiques et environnementales de cette autorisation. Comme M. le ministre l’a précisé, le cas échéant, des conclusions en seront tirées.
Par ailleurs, j’observe que le groupe UDI de l’Assemblée nationale a déposé une proposition de résolution européenne identique à celle déposée au Sénat le 28 février dernier. Pour éviter la répétition et l’amalgame, les aspects de cette proposition qui concernent les PAT ont été intégrés à un autre texte actuellement étudié par l’Assemblée nationale et qui porte sur le respect de la chaîne alimentaire. Quant au volet de la proposition relatif à la filière viande, son examen a été suspendu en prévision de la publication d’un rapport d’information.
Au Sénat, la situation est identique : la présente proposition de résolution européenne vient interférer avec les travaux de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe ; en outre, elle assimile deux questions distinctes, au risque d’entraîner une confusion quand les buts recherchés sont l’information et la clarification.
Les amendements présentés par le groupe socialiste en commission des affaires économiques ont visé, dans un premier temps, à dissocier clairement ces deux questions. Dans un second temps, nous avons fait en sorte que la proposition de résolution européenne accompagne le Gouvernement dans sa volonté d’éviter que l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des animaux se répande dans tout l’élevage français.
S’agissant de la filière viande et des dispositions à prendre à la suite de la fraude ayant consisté à remplacer de la viande de bœuf par de la viande de cheval, les dispositions que le groupe socialiste a introduites par voie d’amendement visent à insérer la proposition de résolution européenne dans la démarche d’amélioration de la traçabilité des denrées, plus particulièrement de la viande, entreprise à la fois par l’Union européenne et par le Gouvernement.
Enfin, nos amendements ont introduit dans la proposition une demande à mon avis primordiale pour l’efficacité de la lutte contre la fraude alimentaire : le renforcement des obligations pesant sur les traders, c’est-à-dire les courtiers.
Bien que, dans la forme, cette proposition de résolution européenne paraisse peu opportune, elle traite de sujets – la qualité et la sécurité alimentaires – qui préoccupent vivement les Français. Elle souligne par ailleurs la nécessité d’une plus grande vigilance, dans le cadre de l’Union européenne, sur les enjeux alimentaires. Enfin, elle nous permet de renouveler notre soutien et notre confiance au Gouvernement concernant les actions entreprises en la matière. Nous saluons plus particulièrement l’efficacité avec laquelle il a géré la crise récente, issue de la fraude visant à faire passer du cheval pour du bœuf. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Marcel Deneux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne que nous a présentée Mme Sylvie Goy-Chavent au nom du groupe UDI-UC a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques. Elle tend à poser les grandes lignes d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.
Ce texte fait bien sûr écho à l’actualité récente, qui a révélé la présence frauduleuse de viande de cheval dans des produits censés contenir de la viande de bœuf.
Vingt ans après la crise sanitaire dite de la « vache folle », la confiance des consommateurs est encore une fois légitimement ébranlée. Alors même que le constat d’une fraude à grande échelle dans l’industrie agroalimentaire montre les faiblesses des contrôles sanitaires face à des opérateurs économiques parfois peu scrupuleux et cherchant toujours plus de profits, la Commission européenne voudrait que nous acceptions la réintroduction, progressive mais inéluctable, des protéines animales transformées dans l’alimentation des animaux d’élevage.
C’est dans ce contexte que les auteurs de cette proposition de résolution européenne posent des exigences de traçabilité des produits et d’information des consommateurs. En déplorant le règlement européen de janvier 2013, qui réintroduit les protéines animales dans l’alimentation, le texte pose également la question de l’indépendance alimentaire de notre pays et de celle de nos élevages pour ce qui concerne les protéines végétales.
Nous partageons bien entendu l’ensemble des constats et recommandations inscrits dans la proposition de résolution. C’est pourquoi nous l’avons votée avec l’ensemble de la commission des affaires économiques et c’est pourquoi nous la voterons en séance publique.
Cependant, nous souhaitons vous présenter, mes chers collègues, deux amendements visant à renforcer les positions exprimées. Depuis le vote intervenu en commission des affaires économiques, la Commission européenne a présenté des mesures législatives visant à garantir un meilleur respect des normes de santé et de sécurité sanitaire tout au long de la chaîne agroalimentaire. Il nous a donc semblé utile d’en tenir compte et d’amender le texte de la proposition en conséquence, afin de préciser nos exigences, et d’abord en ce qui concerne l’information des consommateurs.
Comme vous le savez, un certain nombre de rapports doivent être présentés au niveau européen ; celui sur l’étiquetage devrait être disponible en septembre 2013. Comme le note M. le rapporteur Jean-Jacques Lasserre, il est essentiel de trouver un équilibre entre l’insuffisance et le trop-plein d’informations. Nous sommes favorables à l’obligation d’indiquer sur l’étiquette des plats transformés le lieu de naissance, d’élevage et d’abattage de l’animal.
En premier lieu, l’information délivrée doit pouvoir être décryptée par le consommateur, dont l’éducation en la matière doit donc être assurée. Pour notre part, nous sommes convaincus qu’une information positive est plus pertinente. Ainsi avions-nous proposé, dans un premier temps, par souci de clarté, que les poissons nourris avec des protéines animales soient étiquetés avec cette mention. Le consommateur doit savoir : à côté du label « 100% végétal et poisson », on doit lui donner cette information.
Il est également important d’assurer une information du consommateur pour les produits à l’étalage, par voie d’affichage. Sur ce point, nous avons rectifié notre amendement initial – j’y reviendrai lors de sa présentation –, afin qu’un affichage permette de savoir que tels poissons n’ont pas été nourris avec des farines animales. C’est une position de repli, qui constitue malgré tout un progrès puisqu’elle doit permettre au consommateur de comprendre que, a contrario, les autres poissons sont nourris avec ces farines.
En second lieu, il faut réviser le système de l’autocontrôle et de l’autocertification, synonymes de moindres contrôles officiels. Le paquet « hygiène » adopté en 2004 repose sur la responsabilité et l’autocontrôle des producteurs et des fabricants, assortis d’une surveillance des autorités publiques ; Ce dispositif peut être mis en question dans un contexte où l’industrie agroalimentaire est focalisée sur les coûts. Comme le notent les représentants des salariés de la DGCCRF, « on est allé trop loin dans la délégation de cette fonction aux entreprises. Il faut renforcer de nouveau la pression des contrôles officiels. »
C’est l’une des leçons du scandale de la viande de cheval : le système de contrôle actuel ne permet pas d’encadrer le marché européen ni de détecter de manière satisfaisante les éventuelles fraudes qui en découlent.
De plus, les politiques d’austérité imposées au niveau européen et appliquées avec zèle par les gouvernements de droite ont conduit à diminuer le nombre des personnels aptes à remplir ces missions de service public visant à protéger les consommateurs.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Le résultat, c’est que, dans le département de l’Aude, où est située l’entreprise Spanghero, la répression des fraudes ne compte qu’un seul agent pour toute l’industrie alimentaire !
M. Roland Courteau. C’est presque exact !
M. Gérard Le Cam. Il y a deux ans, ma collègue Evelyne Didier s’était intéressée, dans son rapport budgétaire pour avis sur les crédits de la mission Économie, à la situation de la DGCCRF. Elle avait dénoncé non seulement le manque de moyens mis à disposition, mais également la dénaturation des missions des agents et l’abandon des missions d’enquête.
Les annonces de la Commission européenne sur le renforcement des contrôles officiels et des sanctions resteront lettre morte si les dépenses budgétaires nécessaires ne sont pas engagées. De plus, il est essentiel de préciser le contenu et l’articulation européenne de tels contrôles.
Pour ce qui concerne les farines animales, malgré les propos rassurants de la Commission, nous sommes fermement opposés à leur réintroduction dans l’élevage et soutenons donc la position ferme du Gouvernement en la matière. Les sénateurs du groupe CRC condamnent sans appel une telle décision, qui consiste à oublier trop vite les erreurs du passé.
Cependant, une fois que l’on a dit cela, il faut répondre au problème de notre dépendance en matière de protéines végétales. Presque la moitié des protéines consommées par les élevages français proviennent d’Amérique du Sud. Il s’agit pour l’essentiel de soja transgénique, dont le cours ne cesse d’augmenter. Au-delà de son coût, prohibitif pour les agriculteurs français, se pose également la question de la présence d’OGM, même indirecte, dans notre alimentation.
De plus, la course à la productivité a entraîné dans les pays d’Amérique du Sud, notamment en Argentine et au Brésil, un développement de l’usage des pesticides pour les cultures de soja OGM, dont les conséquences sont catastrophiques sur la santé des citoyens et la permanence des écosystèmes. Globalement, la concentration foncière s’accélère, ainsi que l’inégalité dans la distribution des revenus. Les intoxications des personnes liées aux techniques de fumigation aérienne, notamment quand les habitants vivent au bord des champs de soja, ont des conséquences dramatiques sur la santé des personnes.
Une mission commune d’information sur les pesticides a été conduite. Nous connaissons les dangers, il serait inacceptable de les ignorer au nom de notre indépendance alimentaire.
Devrons-nous choisir entre OGM et farines animales ? Nous pensons que d’autres voies sont possibles. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un plan « protéines végétales », pour tirer parti de l’intérêt agronomique et écologique des légumineuses et contribuer à l’autonomie fourragère des exploitations. Nous devons travailler à de telles pistes.
En conclusion, il serait hypocrite de faire croire que le consommateur peut maîtriser son alimentation, alors que son pouvoir d’achat ne cesse de diminuer. Être informé ne suffit pas : encore faut-il avoir les moyens d’acheter les produits que l’on veut ! Mettre en avant les circuits courts, les productions locales, est une bonne chose, mais il est nécessaire de donner les moyens à nos producteurs de vivre et de continuer leur activité, pour offrir des alternatives complémentaires à l’alimentation de masse.
Mes chers collègues, nous partageons les exigences de protection des consommateurs. Mais, dans une Europe qui affame ses concitoyens et les abandonne – je pense ici à la fin du Programme européen d’aide aux plus démunis –, dans une Europe où l’austérité est le mot d’ordre, cette protection me semble quelque peu fragile. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de nombreux commentaires ont déjà été formulés sur cette proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation. Je n’en détaillerai donc ni le contenu ni l’histoire.
Avant tout, je tiens évidemment à saluer le travail des deux rapporteurs, Jean-Jacques Lasserre pour la commission des affaires économiques, Catherine Morin-Desailly pour la commission des affaires européennes. Leurs analyses pertinentes et la qualité de leurs rapports ont éclairé nos débats.
Pour m’en tenir à ma famille centriste, je tiens également à remercier le président de notre groupe, qui a bien voulu déposer cette proposition de résolution européenne au nom de l’UDI-UC.
Je formulerai quelques remarques préliminaires.
Les questions relatives au droit des consommateurs et à la qualité de l’alimentation constituent des préoccupations majeures pour tous les responsables publics, auxquelles nous ne devons pas nous soustraire. Je suis heureux que ce soient les sénateurs centristes qui aient pris l’initiative de porter ces problématiques devant notre assemblée et, de surcroît, de les considérer comme relevant du niveau européen. Nous ne pouvons plus nous contenter de légiférer et d’adopter des grands principes si nous sommes seuls à les défendre ! Cela ne serait d’aucune efficacité pour atteindre les objectifs visés et pourrait devenir dangereux économiquement.
Sur le fond, je tiens naturellement à soutenir des objectifs partagés par tous : une information fiable et transparente du consommateur, une maîtrise de son alimentation, le développement des circuits courts et, donc, une confiance retrouvée entre les consommateurs, les distributeurs, les producteurs et les éleveurs.
Les mesures défendues dans cette proposition de résolution européenne ainsi que dans le texte de la commission des affaires économiques doivent être soutenues par notre assemblée, puis par le Gouvernement.
Concernant l’étiquetage de ce que mange le consommateur et la nécessaire transparence, je soutiens la volonté d’accélérer, par rapport au calendrier initial, la mise en place de la nouvelle réglementation européenne. Comme notre collègue Jean-Jacques Lasserre le rappelle dans son rapport, « le règlement de 2011 concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires doit entrer progressivement en vigueur et l’essentiel de ses dispositions devrait être applicable à la fin de l’année 2014 ».
Appuyons encore la volonté des ministres de se montrer très exigeants envers la Commission, de manière à ce qu’un texte puisse être adopté et soit applicable rapidement. Tous les agents économiques de la filière sont demandeurs d’un calendrier leur donnant le temps de se préparer.
Sur la distinction entre farines animales et protéines animales transformées, je tiens à saluer le travail de pédagogie réalisé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, pour bien différencier les deux produits, dont la différence est, comme l’écrit Jean-Jacques Lasserre, « comparable à celle qui distingue l’eau de source des eaux usées ». Notre collègue parle de « combat contre les mystifications alimentaires », ce qui me semble tout à fait pertinent.
Il faut une fois pour toutes adapter notre vocabulaire et ne plus parler de « farines animales » lorsqu’il s’agit de protéines animales transformées. Pour l’éducation du public, le choix de notre vocabulaire se révélera particulièrement utile, les politiques n’ayant pas vocation à nourrir des peurs infondées. Il nous appartient de savoir de quoi nous parlons et d’employer les termes qui conviennent.
Les politiques ont souvent du mal à résister aux crises sanitaires et à leur impact sur l’opinion publique, même si celles-ci sont lointaines et que les professionnels en ont déjà tiré les conséquences.
Une crise a suffi à stigmatiser une pratique. Tout le monde a réagi, mais la suspicion demeure, entraînant des blocages quasi insurmontables. J’entends bien notre devoir de protection des citoyens et des consommateurs et je comprends aussi le poids du principe de précaution. Néanmoins, mon expérience m’autorise à affirmer que nous ne pouvons pas nous laisser aveugler par ce seul principe, qui constitue finalement, pour les décideurs, une bonne excuse pour ne rien décider : il faut en effet un peu de courage pour prendre des décisions dont la popularité n’est pas acquise et dont on ne reconnaît que plus tard la pertinence.
Sur le moratoire, je comprends les arguments de chacun, mais je crois que nous ne pouvons à la fois souhaiter une nouvelle réglementation européenne et avancer seuls dans notre Hexagone.
Cultivant le paradoxe, contrairement à mon habitude, monsieur le ministre, je développerai sur ce point quelques arguments.
En prétendant être les meilleurs, nous ne ferions qu’entamer notre compétitivité économique, sans pour autant faire réagir les autres États membres de l’Union. Ramer seul dans une embarcation où se trouvent vingt-six autres passagers ne permet pas de changer de cap : cela ne fait que la déstabiliser !
Pis, le moratoire pourrait avoir un effet contraire à celui recherché et entraîner moins de transparence. Des voisins moins scrupuleux en matière d’élevage et d’étiquetage pourraient profiter de notre réglementation pour inonder le marché français de produits que nous ne souhaitons pas produire, mais que nous laissons entrer. Pensez seulement un instant, mes chers collègues, au soja OGM… Je ne veux pas en parler longuement, mais assumons notre hypocrisie collective concernant les OGM, qui nourrissent en fait tous nos élevages !
Concernant les aspects techniques des protéines utilisées, j’éprouve une crainte. En effet, l’utilisation de protéines animales transformées, qu’il convient donc de ne pas confondre avec les farines animales, permet la composition de formules destinées à l’alimentation des animaux dont l’équilibre en acides aminés est à peu près inimitable. Aujourd’hui, dans l’alimentation animale – je pense en particulier à l’aquaculture –, ces acides aminés sont remplacés par des produits dont je n’ai pas la garantie qu’ils constituent un bienfait pour la santé des animaux et pour les humains, qui sont le maillon final de la chaîne alimentaire et sur lesquels ces produits peuvent avoir des répercussions directes ou indirectes. Est-ce un progrès ? Il faut nous interroger au moment où nous allons devoir nous prononcer sur ce moratoire.
Ainsi, vous l’aurez compris, s’agissant de ce dernier, je soutiens bien sûr l’amendement qu’avaient déposé nos collègues Alain Fauconnier et Daniel Raoul en commission. Comme ils le soulignent, la demande de réexamen de la décision de la Commission européenne, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er juin 2013, n’aurait sans doute pas trouvé d’issue favorable. Le remplacement du moratoire par la réalisation d’études permettant une évaluation de l’utilisation des protéines animales pour les poissons d’élevage me semble plus réaliste techniquement, et sans doute plus sûr en termes de résultats au niveau européen.
C’est tout naturellement que l’ensemble des collègues de mon groupe et moi-même voterons cette proposition de résolution européenne, en souhaitant, monsieur le ministre, qu’elle contribue à éclairer la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)