compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
M. Hubert Falco.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Prise d’effet des nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 20 avril prennent effet.
3
Autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées au Mali
Débat et vote sur une demande du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle un débat sur la demande du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées au Mali, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution, suivi d’un vote sur cette demande d’autorisation.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder la question malienne qui nous réunit aujourd’hui, vous comprendrez, j’en suis sûr, que je veuille d’abord partager avec vous et, à travers vous, avec l’ensemble des Français, l’immense bonheur de la libération, vendredi dernier, de la famille Moulin-Fournier.
Nous le savons désormais, nos compatriotes ont vécu deux mois de détention extrêmement éprouvants. Ils ont pu surmonter ce moment très difficile grâce à leur solidarité familiale, particulièrement étroite et exemplaire.
Je veux profiter de cette occasion pour remercier les autorités du Cameroun et du Nigéria, qui ont mobilisé tous leurs moyens pour œuvrer à cette libération. La coopération et la confiance entre nos pays ont été des atouts décisifs.
Cette libération doit être une lueur d’espoir pour nos compatriotes encore retenus en otages au Sahel et, bien évidemment, pour leurs familles, aujourd’hui dans l’angoisse. Nous mettons et mettrons tout en œuvre, sans relâche, pour qu’ils puissent eux aussi recouvrer la liberté.
La France n’abandonne et n’abandonnera jamais ses ressortissants.
Mais, je veux le rappeler avec la même force, la France ne transige pas avec les terroristes : elle ne leur concède rien.
Cela me conduit à notre débat sur le Mali.
Le 11 janvier dernier, le Président de la République décidait de répondre à l’appel à l’aide lancé par les dirigeants du Mali, dont l’ensemble du territoire menaçait de tomber sous l’emprise de groupes terroristes.
Fallait-il rester sourd aux appels de nos amis Maliens ? Fallait-il laisser Mopti, Sévaré et Bamako tomber aux mains des djihadistes ? Le Président de la République a immédiatement répondu : non !
Fallait-il rester attentiste face au risque de voir le Mali devenir un sanctuaire pour terroristes ? Fallait-il accepter que ces terroristes menacent la stabilité de toute une région ainsi que la sécurité de la France et de l’Europe ? Le Président de la République, qui, dès son élection, avait œuvré à la mobilisation de la communauté internationale sur ce sujet essentiel, a immédiatement, clairement et fermement répondu : non !
Voilà pourquoi l’opération Serval a été déclenchée.
Trois mois après, je viens vous le dire solennellement, Serval est une réussite dont chaque Français peut et doit être fier.
Elle est une réussite politique tout d’abord parce que la décision du Président de la République d’engager la France a profondément changé la donne du combat contre les groupes terroristes.
Immédiate, elle a permis de briser net l’offensive terroriste sur Bamako.
Déterminée, elle a permis qu’avec l’aide de la France l’État malien recouvre sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Les villes qui étaient aux mains d’AQMI – Al-Qaïda au Maghreb islamique –, mais aussi d’Ansar Eddine, mais aussi du MUJAO – le mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest –, ont été, une à une, libérées. La vie y reprend désormais progressivement son cours, pour le plus grand soulagement des populations. L’administration malienne est de retour.
Oui, l’opération Serval est une réussite politique, mais c’est aussi, bien sûr, une réussite militaire.
La reconquête du territoire malien, conduite par nos troupes, alliées aux forces armées maliennes et aux soldats tchadiens et nigériens, a été remarquablement menée.
Comment ne pas exprimer notre admiration devant les opérations menées dans l’Adrar des Ifoghas comme dans les régions de Tombouctou et de Gao ? Les combats, vous le savez, y ont été difficiles. La quantité comme la dangerosité des armes et des matériels détruits montrent à quel point l’ennemi à qui nous avions affaire été organisé et déterminé.
Aujourd’hui, sa capacité à constituer une menace importante est très significativement réduite. Notre objectif, désormais, est d’empêcher toute reconstitution de cette capacité.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces avancées, nous les devons à l’engagement, au courage exceptionnel et au professionnalisme de nos soldats.
Cinq d’entre eux sont tombés au combat : le chef de bataillon Damien Boiteux, tombé dès les premières heures, l’adjudant Harold Vormezeele, le caporal-chef Cédric Charenton, le maréchal des logis Wilfried Pingaud et le caporal-chef Alexandre Van Dooren.
Avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue à nouveau leur mémoire. Nos pensées vont aussi à leurs familles et à leurs camarades blessés au combat.
Aujourd'hui au Mali, comme hier en Libye, en Côte d’Ivoire ou en Afghanistan, nos armées font honneur à la France. La rapidité et la précision de la manœuvre, l’engagement au combat et l’exceptionnel courage de nos soldats, salués par les états-majors du monde entier, forcent le respect. Notre pays est fier d’eux, fier de ses armées !
Oui, comme vous, j’ai été fier de voir le peuple du Mali accueillir nos soldats avec des cris et des larmes de joie.
Oui, j’ai compris que quelque chose d’historique se déroulait lorsque les drapeaux français et maliens se croisaient au passage du Président de la République lors de sa visite, le 2 février dernier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, chaque fois que la France s’unit dans l’épreuve, chaque fois qu’elle trouve un dessein fédérateur, chaque fois qu’elle puise dans ce qu’elle a de meilleur, le courage, l’esprit de solidarité, alors, oui, elle réussit, et elle est respectée.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en intervenant au Mali, la France était tout simplement à sa place et à la hauteur de ses responsabilités. Elle a joué son rôle, elle a tenu son rang, comme elle continuera de le faire en maintenant son effort de défense et en l’adaptant à l’évolution des enjeux stratégiques.
En intervenant, la France a contribué aussi au déploiement de la MISMA, la mission internationale de soutien au Mali, la force africaine que le Conseil de sécurité des Nations unies avait autorisée par sa résolution 2085. Plus de 6 000 hommes, originaires d’une dizaine de pays, sont aujourd’hui présents au Mali.
Les militaires tchadiens ont combattu à nos côtés dans l’Adrar des Ifoghas. Ils ont payé un lourd tribut, et je souhaite que nous leur rendions l’hommage qu’ils méritent.
Les troupes africaines prennent maintenant progressivement le relais de nos forces pour assurer le contrôle des zones du nord, comme les contingents nigérien, sénégalais ou burkinabé à Ménaka, Gao ou Tombouctou.
En s’engageant au Mali, la France a lancé un signal fort à ses partenaires européens, et ce signal a été entendu. Nous n’avons pas été seuls dans cette campagne malienne.
Nos partenaires européens et nos alliés ont répondu présents dans des domaines cruciaux pour la réussite des opérations. Ils ont assuré une très large part des missions d’appui logistique. Ils ont apporté et apportent encore un concours précieux en matière de renseignement. Qu’ils en soient ici remerciés.
De même, une mission européenne de formation de l’armée malienne est opérationnelle. Vingt-trois États membres et 550 militaires sont mobilisés. Cette mission instruira un bataillon tous les trois mois, avec l’objectif de former environ 2 600 hommes qui viendront renforcer les capacités de l’armée malienne.
Les progrès réalisés sur le terrain nous permettent d’entrer dans la deuxième phase de l’opération Serval. Le moment est bientôt venu, en effet, de passer le relais à nos amis Africains. C’est l’engagement que j’avais pris devant la représentation nationale, et c’est un engagement que nous sommes aujourd’hui en mesure de tenir.
Le Président de la République l’a déjà annoncé : le retrait de nos forces est amorcé, et il se déroulera selon un calendrier clair et précis. Fin avril, nous passerons sous la barre des 4 000 hommes. Au mois de juillet, il n’y aura plus que 2 000 soldats français au Mali et, à la fin de l’année, un millier de Français seulement seront sur place.
Le retrait interviendra en bonne intelligence avec le gouvernement malien. Nous conserverons également des forces prépositionnées dans les pays voisins pour intervenir si nécessaire. Nous apportons ainsi un soutien, qui doit permettre aux autorités maliennes et aux forces sous mandat international de prendre, dans les meilleures conditions de sécurité, la pleine responsabilité, qui leur revient désormais, de la situation sur le terrain.
Cette évolution s’inscrit, en effet, dans le cadre de la transformation de la MISMA en mission de stabilisation des Nations unies au Mali, la MINUSMA.
Le Conseil de sécurité devrait autoriser la création de cette mission dans les tout prochains jours. Il s’agit une étape importante qui permettra de conforter la présence africaine au Mali, avec le financement et l’appui logistique dont bénéficient les opérations de maintien de la paix des Nations unies, dans le cadre d’une approche globale incluant l’accompagnement dans la transition politique et l’aide à la reconstruction et au développement.
Cette opération sous casque bleu pourra commencer à se déployer sur le terrain à partir de début juillet. Il lui faudra quelques mois pour atteindre sa pleine capacité.
La France y apportera sa contribution, d’abord, par sa participation directe, notamment au sein de la chaîne de commandement, ensuite, par des moyens d’appui aériens et de renseignement, enfin, par le soutien que nos forces restant présentes au Mali ou prépositionnées dans les pays voisins pourront fournir en cas de danger grave et imminent pour la MINUSMA.
L’autre rendez-vous majeur dans la période qui s’ouvre est, naturellement, le rendez-vous démocratique, parce qu’il n’y aura de paix durable au Mali que si le pays se dote d’autorités à la légitimité renouvelée.
En d’autres termes, il est essentiel que l’élection présidentielle puisse se tenir comme prévu en juillet prochain. C’est l’engagement qui a été pris par les autorités maliennes. D’ailleurs, depuis quelques semaines, les forces politiques s’organisent et les préparatifs pour les élections se poursuivent.
Avec nos partenaires internationaux, nous devrons tout mettre en œuvre pour contribuer au respect de ce calendrier et au bon déroulement du scrutin.
Mais tout ce processus ne s’enracinera qu’à une seule condition : que le Mali se réconcilie avec lui-même. Vous l’imaginez bien, cette réconciliation nationale ne se décrète pas ; elle se construit pas à pas.
Une commission nationale de dialogue et de conciliation a été mise en place. Ses membres ont été nommés dans le respect des équilibres régionaux. Il est d’une impérieuse nécessité pour cette commission de débuter ses travaux dans les meilleurs délais.
Quant au MNLA, le mouvement national de libération de l’Azawad, il est toujours présent à Kidal.
Il faut appliquer un principe simple : dans un pays démocratique et jouissant de sa pleine souveraineté, il ne peut y avoir deux armées. Il faudra donc que tous les groupes armés, y compris le MNLA, renoncent à leurs armes. Cet objectif peut être atteint par le dialogue, qui nécessite une acceptation par tous de l’intégrité territoriale du Mali.
Reste l’enjeu du développement économique, absolument crucial, car, à l’évidence, la stabilité passe par l’espoir pour nos amis Maliens d’une vie meilleure, vérité qui ne vaut d’ailleurs pas que pour le Mali, mais pour toute cette région particulièrement pauvre.
La France a d’ores et déjà repris sa coopération bilatérale.
Elle se mobilise dans la perspective de la conférence des donateurs que le Président de la République coprésidera, le 15 mai prochain, avec les responsables de l’Union européenne.
Ce rendez-vous permettra de rassembler les financements et de fixer les priorités stratégiques pour les années 2013-2014. Il sera le point d’orgue d’une préparation intense qui aura permis d’associer les acteurs non étatiques, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales ou des diasporas maliennes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le succès de notre intervention au Mali n’aurait pas été possible sans l’unité constante de notre nation. Je veux en remercier chacune et chacun d’entre vous.
Durant ces quatre mois, j’ai tenu à ce que le Parlement soit associé en permanence aux prises de décision.
Dès le lendemain de la décision du Président de la République, je vous en ai informé, comme le veut d’ailleurs notre Constitution. Un débat, qui s’est tenu le 16 janvier, m’a permis de vous exposer les raisons et de vous détailler les objectifs de l’intervention de nos forces armées.
Depuis lors, le dialogue a été constant dans les deux hémicycles, en commission, dans les réunions régulières que j’ai eues avec les responsables des deux assemblées, au travers de l’information que vous ont fournie le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, dont je salue le travail, la détermination et la constante disponibilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la mission que vous avez conduite et le rapport que vous avez examiné la semaine dernière marquent l’attention que vous portez à cette intervention et l’importance que vous y attachez.
Vous l’avez compris, notre mission doit se poursuivre, sous d’autres formes mais avec la même détermination, parce que nous mesurons l’ampleur des défis qu’il reste à relever, parce qu’il est nécessaire de consolider le succès obtenu et parce qu’il faut conjurer la menace terroriste qui, au-delà du Mali, pèserait sur la sécurité de la région et, je l’ai dit, de la France et de l’Europe.
La France doit désormais aider le Mali à gagner la paix.
En conséquence, conformément à l’article 35 de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander, mesdames, messieurs les sénateurs, l’autorisation de prolonger l’intervention des forces françaises au Mali.
Par avance, je vous remercie de votre soutien et de votre confiance. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le Premier ministre, nous sommes très sensibles à votre venue devant le Sénat pour exposer, avec vos trois ministres chargés de ce dossier, la position du Gouvernement.
C’est la quatrième fois que le Sénat est appelé à se prononcer, en application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, pour autoriser la prolongation de l’intervention des forces armées françaises à l’extérieur du territoire national. Ce contrôle parlementaire des opérations extérieures est d’ailleurs un des acquis de la révision constitutionnelle de 2008.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien de le rappeler !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Quand une chose est bonne et juste, nous la rappelons !
Cet acquis institue un équilibre républicain qui permet tout à la fois au Gouvernement d’agir et au Parlement de le contrôler. Avec un système « à l’allemande », dans lequel le Bundestag autorise les moindres faits et gestes du gouvernement en matière de défense, aurions-nous pu stopper comme nous l’avons fait, cinq heures après la décision présidentielle, l’avancée des groupes terroristes vers les deux points stratégiques, portes d’entrée vers le sud du Mali, le pont de Markala et l’aéroport de Sévaré ? Notre modèle, souple, préserve tout à la fois le pouvoir de contrôle du Sénat, et notamment, au premier rang, de sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et l’indispensable capacité du Président de la République, chef des armées, de décider souverainement dans les situations de crise.
Dès novembre, nous avons senti la menace monter au Sahel et nous avons mis en place un groupe de travail, coprésidé par Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, auquel ont participé des collègues très assidus, suivant une méthode qui peut parfois paraître un peu choquante, mais qui est notre « marque de fabrique » : dépasser les clivages partisans autour des sujets qui touchent à l’intérêt national et à la souveraineté de la France.
Mardi dernier, le rapport de ce groupe de travail a été adopté à l’unanimité, moins une abstention, sous un titre qui résume bien la tâche difficile qui est désormais devant nous : Mali : comment gagner la paix ?
Nous le savons – nous l’avons appris sur d’autres théâtres –, les interventions militaires n’apportent pas de réponses de long terme. La solution au Sahel est politique et économique autant que sécuritaire : il faut offrir des revenus à une jeunesse désœuvrée que l’envolée des trafics – la cocaïne représente 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel ! –, la faiblesse de l’État, la montée du radicalisme religieux ainsi que la déstructuration pastorale et agricole ont jetée dans les bras du terrorisme. Je sais le gouvernement de Jean-Marc Ayrault pleinement conscient de cet enjeu du « jour d’après ».
Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, le Président de la République présidera la conférence du 15 mai à Bruxelles, qui mobilisera la communauté internationale pour la reconstruction d’un pays en lambeaux et pour la stabilisation de toute une région menacée.
Je voudrais, après vous, rendre hommage aux cinq soldats qui ont laissé leur vie au Mali et aux nombreux blessés.
Nos forces ont fait un travail remarquable et remporté des succès éclatants. Face à la tyrannie du climat, de la géographie, de la logistique, du temps politique aussi, qui imposait d’aller vite et de frapper fort, face à un ennemi fanatisé prêt à mourir au combat, nous avons su imposer une guerre de mouvement, de surprise, combiner air et sol, précision et puissance de feu, pour casser la force de frappe d’AQMI et du MUJAO, et détruire leur base arrière dans le sanctuaire naturel de l’Adrar des Ifoghas et autour de Gao : 200 tonnes d’armes, 600 ennemis neutralisés, 150 dépôts et centres de commandements détruits, j’oserai dire que le bilan est exemplaire !
L’armée française doit désormais passer le relais aux forces africaines, puis aux casques bleus de la MINUSMA, avec la garantie d’un « Serval prolongé » de 700 hommes pour lutter contre le terrorisme résiduel. Cette « force parallèle » sera appuyée sur un cadre légal clair, car prévu par la résolution du Conseil de sécurité actuellement en discussion, mais nous conserverons la décision nationale de son emploi.
Ce passage de relais est une étape délicate qui doit nous inciter à avoir une réflexion approfondie sur notre coopération militaire, en Afrique et ailleurs, en bilatéral comme en multilatéral, puisque nous savons que la victoire militaire doit être suivie par une stabilisation et une sécurisation à plus long terme, ce qui suppose un quadrillage du terrain, et donc des troupes nombreuses et bien formées.
Capacité d’entrée en premier et maîtrise de l’ensemble du spectre capacitaire sont les deux piliers de notre liberté d’action. Ils seront préservés, nous le souhaitons, grâce aux arbitrages du Président de la République sur le maintien des crédits de la défense.
Comptez sur moi, comptez sur la commission que j’ai l’honneur de présider, monsieur le Premier ministre : nous veillerons à ce que la décision présidentielle soit déclinée dans son entier en termes budgétaires,…
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. … à la fois dans la loi de programmation militaire et, surtout, dans les lois de finances, en prévision comme en exécution ! (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
Saurons-nous maintenant gagner la paix ?
Il y a la question des élections et de la réconciliation, qui sont les deux clés du processus politique. Je partage les doutes émis sur le calendrier des élections, en particulier les législatives, et sur la commission de dialogue et de réconciliation, sa présidence peu charismatique, sa composition qui exclut certaines communautés, son programme de travail encore inexistant à ce jour...
Il y a la question du Nord, de Kidal, où l’État malien n’est pas revenu et où ni la démilitarisation ni le dialogue ne sont vraiment engagés.
Aux autorités maliennes, je sais que nos ministres disent et répètent qu’il est temps d’aller au Nord, et pas seulement à Gao ! C’est à Kidal qu’il faut aller, c’est la réconciliation qu’il faut engager ! Il faut écarter la tentation de l’épreuve de force, il faut que le gouvernement malien ne se trompe pas d’adversaire !
La crise malienne n’a pas surgi par accident, elle n’est pas tombée du ciel. Il y a un problème du Nord, au sein duquel il y a le problème touareg, qui couve depuis l’indépendance : quatre rébellions armées en cinquante ans, ce n’est pas un hasard ! Il faut s’attaquer aux vraies causes pour traiter la question dans la durée.
Je terminerai en évoquant brièvement les enjeux régionaux.
La question n’est pas seulement malienne, elle est celle de l’ensemble du Sahel. Nous étions en Libye en décembre et, déjà, j’avais senti des fragilités qui serviront forcément d’appel d’air pour les terroristes.
Regardons le chemin suivi en janvier par Moktar Ben Moktar pour l’attaque de Tiguentourine : c’est la nouvelle « autoroute terroriste », qui part du nord du Mali via le nord du Niger et jusqu’au sud-ouest de la Libye, tenu par des centaines de milices, route révélatrice des porosités d’une nébuleuse terroriste internationale, dans laquelle se retrouvent Algériens, Tunisiens, Libyens, Maliens, Mauritaniens, Sénégalais, Égyptiens, avec des connexions inquiétantes vers le Boko Haram nigérian ou les Shebab somaliens.
Quelle architecture de sécurité régionale pourrons-nous mettre en place dans la bande sahélo-saharienne ? Nous devons résister à la tentation du rétrécissement de nos forces d’appui prépositionnées, conformément d’ailleurs à ce qui avait été programmé par le Livre blanc de 2008. Qu’aurions-nous fait sans nos forces au Tchad, à Dakar, au Niger, au Burkina Faso ? Assurément, ce n’est pas en cinq heures qu’il aurait été possible d’empêcher l’avancée de ces terroristes !
Mes chers collègues, je souhaite remercier très chaleureusement, en votre nom à tous, Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian et Pascal Canfin d’avoir informé autant que de besoin, semaine après semaine, la commission des affaires étrangères durant ces quatre mois.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande de marquer votre soutien à l’engagement de nos troupes et de renouveler le contrat de l’OPEX, pour que nous puissions poursuivre utilement l’opération Serval. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)