Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 612 rectifié, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de six mois
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 6 quater. - I. - Il est institué un Office parlementaire de l’évolution de la qualité de la démocratie sociale composée de deux délégations constituées l’une à l’Assemblée nationale et l’autre au Sénat.
« L’Office est chargé, sans préjudice des compétences des commissions permanentes, de rassembler des informations et de procéder à des études pour évaluer la qualité de la démocratie sociale, notamment dans les entreprises.
« II.-Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.
« L’Office est présidé alternativement, pour un an, par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et le président de la commission des lois du Sénat.
« Les députés sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel.
« III. - L’Office est saisi par :
« 1° Le Bureau de l’une ou de l’autre assemblée soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe ;
« 2° Une commission spéciale ou permanente.
« IV. - L’Office peut faire appel à des experts.
« V. - Les travaux de l’Office sont communiqués, chaque année, à l’occasion d’un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration.
« VI. - L’Office établit son règlement intérieur qui est soumis à l’approbation des Bureaux des deux assemblées.
« Ses dépenses sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires, dans les conditions fixées à l’article 7. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à revenir sur les dispositions relatives à la mise en place des instances représentatives du personnel.
D’une part, nous voulons raccourcir le délai entre l’installation du comité d’entreprise et l’effectivité de ses attributions d’un an à six mois.
La durée d’un an retenue dans le projet de loi est trop longue : pendant ce laps de temps, le comité d’entreprise sera élu mais ne pourra pas exercer son mandat. Cet amendement vise à donner un délai raisonnable de six mois à l’employeur pour qu’il puisse se conformer aux obligations d’information et de consultation du comité d’entreprise.
D’autre part, il nous semble primordial ne mettre en place un office parlementaire.
Monsieur le ministre, vous n’avez cessé de prôner plus de démocratie sociale et de répéter qu’il fallait faire confiance aux partenaires sociaux. Pour autant, les parlementaires ne peuvent être exclus de cette démarche, malgré les procédures qui ont été mises en œuvre pour nous empêcher de modifier le texte que nous examinons…
La mise en place de la démocratie sociale, que nous encourageons par ailleurs, doit pouvoir être contrôlée par les parlementaires, qui pourront ainsi porter un jugement et fournir des informations sur les impacts de la future loi sur l’évolution du rapport de force – quelle expression honteuse ! – entre les partenaires sociaux, notamment au sein de l’entreprise. Nous sommes inquiets, car le MEDEF, notamment, refuse désormais toutes négociations dans les entreprises, se targuant d’avoir fait assez de compromis lors de la négociation de l’ANI.
L’amendement n° 612 rectifié vise donc aussi à créer un office parlementaire de l’évolution de la qualité de la démocratie sociale. J’insiste sur ce point. Je suppose que mon amendement ne sera pas adopté, mais peut-être pourrai-je obtenir un engagement de M. le ministre…
Mme la présidente. L'amendement n° 559 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collombat, Mme Laborde et MM. Tropeano, Alfonsi, Collin, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
d'un an
par les mots :
de six mois
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. À l’instar de mon collègue Jean Desessard, il ne me semble pas justifié d’octroyer à l’employeur un délai d’un an pour mettre en place les procédures d’information et de consultation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 612 rectifié, je tiens à préciser que la commission ne l’a pas examiné en l’état. Elle ne s’est prononcée que sur sa première partie, c'est-à-dire sur la réduction de la période de tolérance accordée à l’employeur, point sur lequel elle avait émis un avis défavorable.
La seconde partie a été introduite postérieurement. Si je ne vous en fais pas reproche, je ne peux, par rapport à cette initiative – je parle de la création d’un office parlementaire de l’évolution de la qualité de la démocratie sociale –, apporter l’avis de la commission puisqu’elle n’a pas été consultée sur ce point.
Quant à l’amendement n° 559 rectifié, qui prévoit une diminution de douze à six mois du délai pour se conformer complètement aux obligations récurrentes d’information du comité d’entreprise, il porte sur une question qui concerne l’équilibre de l’accord. Aussi, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote sur ces deux amendements est réservé.
Le vote sur l’article 17 est réservé.
Article 18
(Non modifié)
Par dérogation à l’article L. 3123-31 du code du travail et à titre expérimental, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dans trois secteurs déterminés par arrêté du ministre chargé du travail, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus jusqu’au 31 décembre 2014 en l’absence de convention ou d’accord collectif, après information des délégués du personnel, pour pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.
Le contrat indique que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l’horaire réel effectué et est lissée sur l’année. Les articles L. 3123-33, L. 3123-34 et L. 3123-36 du même code lui sont applicables.
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation avant le 31 décembre 2014.
Mme la présidente. L'amendement n° 523 rectifié, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, J.C. Leroy, Lenoir, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
trois secteurs
par les mots :
les secteurs
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’article 18 prévoit l’expérimentation du CDI intermittent dans des entreprises de moins de cinquante salariés et dans des secteurs bien définis.
Cette expérimentation doit être ouverte au secteur du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles.
En effet, ce secteur subit de fortes variations d’activité en raison des saisons, des modes de consommation et de la localisation géographique de nombreux commerces situés en zone touristique – littoral, montagne, ville historique, etc. Environ 11 % des salariés du secteur, soit plus de 9 000 salariés, travaillent dans une boutique située en zone touristique et 27 % des employeurs de la branche déclarent connaître une alternance de périodes travaillées et non travaillées.
De plus, le secteur du commerce de détail de l’habillement est proche du secteur du commerce des articles de sport et des équipements de loisirs : les deux secteurs mettent à la disposition de la même clientèle saisonnière ou touristique des articles similaires – habillement ou sport – destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente et de loisirs.
Grâce à cette expérimentation, les magasins ayant une activité intermittente pourront recruter des salariés en CDI, avec l’ensemble des garanties correspondantes, à la place du CDD saisonnier, plus précaire. De plus, le CDI intermittent est le seul moyen légal d’embauche quand le recours au CDD saisonnier est impossible, par exemple lorsque chaque année le salarié travaille pendant toute la période d’activité – saisonnière – du magasin. C’est le cas des magasins fermés plusieurs mois de l’année en l’absence de fréquentation touristique. Je sais ce dont je parle, étant moi-même dans une zone touristique.
Cet amendement vise donc à étendre l’expérimentation du CDI intermittent au commerce de détail de l’habillement et des articles textiles.
Il renvoie à un décret la détermination des secteurs visés par l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’article 18 prévoit une expérimentation du CDI intermittent dans trois secteurs d’activités. Vous proposez d’étendre cette expérimentation à un quatrième secteur, pour des raisons qu’on peut comprendre et approuver.
Les signataires de l’accord ont toutefois souhaité, puisque nous sommes dans un cadre expérimental, se limiter pour l’instant à trois secteurs. Il convient d’attendre 2014 pour connaître les premiers résultats de cette expérimentation. Il sera alors temps d’en imaginer, le cas échéant, l’extension.
Pour l’heure, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote sur cet amendement est réservé.
Le vote sur l’article 18 est réservé.
Article 19
(Non modifié)
I. – Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, à modifier par ordonnance le code du travail applicable à Mayotte, le code de commerce et le régime de protection sociale complémentaire en vigueur localement, afin d’y rendre applicables et d’y adapter les dispositions de la présente loi.
II. – Le projet de loi de ratification de l’ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication.
Mme la présidente. L'amendement n° 554 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Tropeano, Alfonsi, Collin, Fortassin, Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 514-4 du code rural et de la pêche maritime est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À défaut de dispositions statutaires ou conventionnelles plus favorables pour les salariés, les dispositions collectives et individuelles du code du travail et de la loi n° … du … relative à la sécurisation de l’emploi s’appliquent aux établissements du réseau des chambres d’agriculture tels que définis par les articles L. 510-1 et L. 514-2 du présent code et à tous les agents relevant de ces établissements, qu’ils soient employés dans une situation contractuelle de droit public ou de droit privé, à durée déterminée ou indéterminée. Les seuils d’effectif définis par le code du travail sont calculés sur la base de l’effectif total de chaque établissement.
« Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la sécurisation de l’emploi, un décret en Conseil d’État précise, le cas échéant, les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Au travers de cet amendement, nous souhaitons que les dispositions du projet de loi puissent s’appliquer aux salariés des chambres d’agriculture.
Aussi, il est proposé d’insérer deux nouveaux alinéas à l’article L. 514-4 du code rural.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sur la base des informations qui me sont communiquées, cet amendement est satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. C’est un amendement qui a été satisfait par l’introduction par le rapporteur en commission de dispositions similaires. Il pourrait donc être retiré sans dommages.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 19 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2013, un rapport sur l’articulation entre le code du travail et les statuts des personnels des chambres consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers et chambres d’agriculture). Il évalue notamment les modalités d’application de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 à ces personnels.
Mme la présidente. Le vote sur l’article 19 bis est réservé.
Article 20
(Non modifié)
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les coûts et les conséquences, pour les bénéficiaires, d’une mesure permettant aux personnes éligibles à l’allocation mentionnée à l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale d’accéder, sans conditions de ressources, à la couverture mutuelle universelle complémentaire.
Mme la présidente. Le vote sur l’article 20 est réservé.
Vote unique sur les articles 5 à 20 et l’ensemble du texte
Mme la présidente. En application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles 5 à 20, modifiés par les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, et l’ensemble du projet de loi.
Voici la liste des amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement : amendements nos 556 rectifié, 642, 661, 644, 663, 660, 646, 647, 662, 648 et 649 rectifié à l’article 5 ; amendements nos 664 rectifié et 665 à l’article 8 ; amendement n° 529 rectifié à l’article 8 bis ; amendements nos 678 et 679 à l’article 9 ; amendement n° 666 à l’article 10 ; amendements nos 667 et 264 à l’article 12 ; amendements nos 672, 668, 673 et 671 à l’article 13.
Avant de mettre aux voix les articles 5 à 20, modifiés par les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, et l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai contre cet accord, parce que je le trouve déséquilibré. Le débat parlementaire n’a pas modifié la donne, mon avis n’a donc pas changé.
Je l’ai rappelé : à l’Assemblée nationale, 41 parlementaires socialistes n’ont pas approuvé cet accord, 6 ont voté contre et 31 ou 32 – il y a eu une contestation d’une voix – se sont abstenus.
Des avancées intéressantes étaient prévues. Elles auraient mérité d’être consolidées, mais le débat parlementaire ne l’a pas permis.
L’élargissement des assurances complémentaires est très peu financé par le patronat, par les entreprises. Les droits rechargeables à l’assurance chômage sont soumis aux aléas financiers du futur accord UNEDIC. La taxation des CDD est très limitée dans sa portée et très faible dans son ampleur, de sorte que l’on peut craindre que son efficacité ne soit assez limitée.
La présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration est un vrai progrès, mais les seuils retenus sont bien inférieurs à ceux qui avaient été préconisés dans le rapport Gallois. J’espère d’ailleurs que cela ne conclut pas le sujet. Il ne faudrait pas que cela fasse jurisprudence et que l’on dise que, puisque l’ANI a fixé le nombre de salariés dans les conseils d’administration, il revient à la négociation sociale d’en définir le cadre. En effet, sur ce point particulier, plus encore que sur d’autres, s’agissant du pouvoir reconnu aux parties dans l’entreprise, à savoir le pouvoir des salariés, je ne pense pas que l’accord du MEDEF, ou d’autres, d’ailleurs, soit un élément déterminant. Il s’agit d’un équilibre des pouvoirs démocratiques, et cela devrait être de la loi « pur sucre ».
Mais cette insuffisance ne justifierait pas un vote contre si en face je n’avais pas le sentiment qu’il y a pour le moins des reculs ou, afin de ne pas blesser les signataires de l’accord, au moins des menaces.
D’abord, les accords de maintien dans l’emploi. Même les journaux économiques les plus bienveillants envers les signataires de l’accord ou même à l’égard de la gauche considèrent que ces accords ne sont pas très différents des fameux accords « compétitivité » présentés par le candidat Nicolas Sarkozy. Ils constituent en tout cas une brèche inquiétante.
En effet, ils remettent en cause la supériorité du contrat sur les accords collectifs et portent donc atteinte aux libertés contractuelles. Et dès lors que n’a pas été retenu le principe selon lequel, quand dix salariés refusent l’accord, ils bénéficient d’un plan social d’entreprise, pour eux, ce sera un recul.
Ensuite, l’effort demandé aux actionnaires et aux dirigeants est très hypothétique et très flou, alors que les efforts demandés aux salariés sont sonnants et trébuchants.
Enfin, les conditions des licenciements économiques sont, selon moi, pour le moins assouplies. Je ne reprendrai pas un débat technique, qui a d’ailleurs eu lieu à l’Assemblée nationale, sur, de fait, l’affaiblissement du recours au juge.
Mais, surtout, – et là il ne s’agit pas uniquement d’une affaire sociale, il s’agit bien de la défense de notre capacité productive, de la défense de l’industrie dans notre pays – ne pas mettre en œuvre un système qui permet de limiter les licenciements économiques abusifs par la voie judiciaire est une fragilité majeure. En effet, nous l’avons bien vu, les licenciements économiques non fondés ou fondés sur un seul impératif boursier sont, dans bien des cas, la cause de la désindustrialisation de certains pans de notre économie.
Or nous n’avons pas aujourd’hui les outils permettant de limiter les abus. Nous avions, en tout cas les socialistes, les écologistes et le groupe CRC, voté avant l’élection présidentielle un projet de loi qui prévoyait justement la reconnaissance du motif économique mieux défini, le recours au juge, avec un référé auprès de celui-ci. Il s’agissait de permettre de vérifier que ce motif est bien fondé économiquement et ainsi de pouvoir mettre un terme à cette horrible spirale qui fait qu’une fois la procédure de licenciements engagée, l’usine ferme même lorsque les salariés ont gain de cause judiciairement.
Le temps m’étant compté, je vais conclure.
J’espère me tromper, j’escompte que mon pessimisme et mes inquiétudes ne seront pas confirmés. Nos concitoyens attendaient une grande loi contre les licenciements économiques et la précarité (M. François Rebsamen martèle son pupitre en signe d’impatience.), une loi marquante comme l’ont été celles sur les congés payés ou sur les 39 heures puis les 35 heures, et sur la cinquième semaine de congés payés. Ils attendaient de la gauche une grande loi fondatrice et pas simplement la ratification d’un accord qui, selon moi, est déséquilibré et, en tout cas, n’est pas à la hauteur de la situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais, en quelques mots, revenir sur les conditions de ce débat.
Lundi dernier, j’ai fait un rappel au règlement pour attirer l’attention du Sénat et du ministre chargé des relations avec le parlement sur l’aspect pour le moins chaotique de l’emploi du temps de la semaine. Nous avons siégé lundi pour examiner le texte sur les collectivités locales, puis, à la suite d’un changement de dernière minute, nous n’avons pas siégé mardi, et nous n’avons commencé à discuter du présent texte, que chacun savait important, que mercredi, dans des conditions difficiles.
L’importance de ce texte et le nombre d’amendements présentés laissaient présager un incident.
Mme Éliane Assassi. Ce n’était pas un incident !
Mme Nathalie Goulet. Un incident de séance suivi d’autres incidents… Il était en tout état de cause évident que ce texte nécessitait plus de temps pour être discuté dans de bonnes conditions.
Puisqu’il s’agit de droit social, je dirai que la situation comporte une initiative et une imputabilité. Si le Gouvernement a pris l’initiative du vote bloqué, l’imputabilité est probablement à rechercher ailleurs. Madame Assassi, l’après-midi nous a semblé bien longue.
Mme Éliane Assassi. Elle nous a semblé bien longue à nous aussi !
Mme Nathalie Goulet. Je n’en doute pas, parce que le monologue auquel votre groupe s’est livré n’est pas la manière adéquate d’examiner un texte aussi important, qui n’est que la transcription d’un accord interprofessionnel et dont nous aurions pu discuter dans un climat plus apaisé, loin de la lutte des classes que l’accord cherchait précisément à gommer. Mais nous n’avons malheureusement pas travaillé dans un tel climat aujourd'hui.
Nous regrettons absolument le recours au vote bloqué, qui ne constitue pas une bonne pratique. La décision d’y recourir répondait probablement à des difficultés dont nous ne sommes pas responsables. Nous considérons que ce projet de loi constitue une avancée à certains égards et nous le voterons. Nous déplorons néanmoins les problèmes de procédure et d’ordre du jour qui sont itératifs dans cette maison. J’espère que c’est la dernière fois que nous assistons à des incidents de ce type, d’autant qu’ils sont, je le répète, totalement prévisibles. (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas, si ce n’est cursivement, sur ce que vient de rappeler ma collègue Nathalie Goulet au sujet du vote bloqué. Les responsabilités sont manifestement partagées entre le Gouvernement et le groupe CRC, qui a joué à l’apprenti sorcier et nous a privés d’un débat clair et nourri sur un texte essentiel pour la démocratie et le fonctionnement économique de notre pays.
Ce projet de loi a permis de mettre en lumière un problème de fond. Nous venons d’assister, ici au Sénat, à une rupture spectaculaire entre le parti communiste et le parti socialiste, entre la gauche de la gauche et l’autre gauche,…
Mme Éliane Assassi. Oh là là !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … sur un texte loin d’être anodin, un texte essentiel, même. Cette rupture est symbolique et démontre à l’envi, si besoin était, qu’il existe deux lectures diamétralement opposées de la démocratie et du dialogue social, l’une marxiste, dans une approche de lutte des classes, et l’autre social-démocrate. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Madame Assassi, vous parlerez pendant le temps qui vous est imparti !
On est en droit de se demander si la majorité est encore en mesure d’avancer de cette façon chaotique et de gouverner sans clarification de sa ligne politique. Nous pensons en tout cas que les Français ont le droit de savoir.
Mme Éliane Assassi. Ça c’est sûr !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Venons-en au projet de loi. Il marque des progrès sociaux incontestables, et il faut saluer tous les signataires de l’accord national interprofessionnel, qui nous ont permis d’avancer.
Pour notre part, convenez-en, nous avons cherché à transposer de manière loyale et respectueuse cet accord en termes législatifs. Même si quelques-uns de nos amendements ont été rejetés, ce qui prive peut-être le texte de certaines précisions utiles, monsieur le ministre, le projet de loi a intégré suffisamment d’amendements de notre groupe pour que nous nous réjouissions de son adoption.
Je pense par exemple aux dispositions relatives à la complémentaire santé ; les amendements de transparence, qui ont bien entendu été corrigés, permettent néanmoins de clarifier la situation s'agissant du choix des opérateurs. Il faut mentionner aussi le contrat personnel de formation, qui est à mes yeux un progrès essentiel pour l’avenir des entreprises de notre pays. Il en va de même des droits rechargeables pour les chômeurs. La participation des salariés aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance, mais aussi la consultation du comité d’entreprise sur la stratégie de l’entreprise constituent des avancées pour la démocratie.
Je reconnais également qu’un effort, certes encore un peu insuffisant, a été fait pour favoriser le recul des contrats courts. Nous sommes vraiment favorables à un contrat à durée indéterminée et à droits progressifs qui conserve en même temps la souplesse nécessaire. Il existe des abus auxquels il faudra mettre un terme, et je doute que le présent projet de loi suffise sur ce point, mais ce texte n’en constitue pas moins un progrès.
En ce qui concerne le temps partiel, vous avez apaisé nos craintes, monsieur le ministre, en précisant que, dans le secteur médico-social et dans le secteur des services à la personne, vous seriez vigilant et attentif au respect de l’accord mais aussi à la possibilité de sa mise en œuvre. Nous serons nous aussi très vigilants. Si j’ai bien compris, rendez-vous est pris pour 2014.
Que dire du cœur du projet de loi ? Il me paraît équilibré. Il comporte des dispositions relatives au maintien dans l’emploi et à la mobilité interne. L’encadrement des licenciements collectifs et les mesures de reclassement apportent incontestablement plus de souplesse aux entreprises, mais, en contrepartie, comme cela vient d’être souligné, des droits nouveaux sont apportés aux salariés ; c’est cela qui me paraît fondamental.
Nous attendons beaucoup de ce projet de loi, qui marque un tournant remarquable, fondamental dans les relations sociales en France. Notre pays rejoint enfin le camp des démocraties nordiques, qui ont inspiré par leur succès, reconnaissons-le, la flexisécurité à la française. Je parle du succès des pays nordiques parce qu’on voit aujourd'hui les résultats de leur politique en matière de taux de chômage.
L’esprit de l’accord national interprofessionnel correspond à la philosophie de la démocratie sociale et du dialogue social qui inspire la politique de notre groupe et est, je l’ai rappelé, l’émanation des formations politiques centristes et démocrates-sociales depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. C'est la première raison pour laquelle nous voterons le projet de loi.
Dans notre contexte économique dépressif, je ne sais pas si ce texte permettra de créer des emplois, mais j’espère vivement qu’il permettra d’en sauver ; c’est la seconde raison pour laquelle nous le voterons.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous remarquerez que nous savons dépasser les querelles partisanes pour approuver ce qui nous paraît essentiel pour l’avenir de notre pays et de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.