compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Sécurisation de l'emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (projet n° 489, texte de la commission n° 502, rapport n° 501 et avis n° 494).
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
J’insiste sur la nécessité, pour chaque rappel au règlement, de brandir le règlement et de bien préciser le numéro de l’article sur lequel le rappel se fonde. Il importe de garder les bonnes habitudes qui ont cours dans cette maison !
Vous avez la parole, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. (L’oratrice brandit le règlement du Sénat.) Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement, qui est relatif à l’organisation de nos travaux.
L’examen du projet de loi de sécurisation de l’emploi, commencé mercredi dernier, montre, au fil de son déroulement, toute l’importance des questions soulevées par un débat qui dépasse très largement la seule transcription, dans la loi, d’un accord national interprofessionnel de caractère contractuel.
Des questions essentielles, du point de vue social, économique, du point de vue éthique, même, sont posées sur les parcours professionnels, les processus de formation permanente et continue, les savoir-faire et les savoir-être des salariés, l’égalité entre les hommes et les femmes au travail comme dans la vie quotidienne, les rapports sociaux.
Il est aujourd’hui manifeste, malgré la présence parfois intermittente de certains de nos collègues, que nous devons pouvoir mener l’ensemble de la discussion de ce projet de loi de manière sereine, ouverte, franche et argumentée.
Il est évident que le temps imparti à la discussion de ce projet de loi, dans l’ordre du jour de nos travaux, n’est pas suffisant. Je rappelle que ce texte intéresse, dans les faits, les 26 millions d’actifs de notre pays, c’est-à-dire autant les 13 millions de salariés dont le vote a été utilisé pour calculer la représentativité des organisations syndicales que les 3 millions de personnes privées du droit à l’emploi que compte notre pays ou les 2 millions de travailleurs indépendants et employeurs, ou encore les 19 millions d’électeurs des dernières élections prud’homales.
Il nous paraît donc indispensable, eu égard à la nécessité de mener un débat de qualité, précis, argumenté, d’interrompre la séance de ce matin afin de réunir immédiatement la conférence des présidents, de manière qu’il soit statué sur les conditions de travail, de poursuite et d’achèvement de la discussion de ce projet de loi.
M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La conférence des présidents a prévu que nous siégerions en séance publique pour l’examen de ce projet de loi, ce matin, cet après-midi, ce soir et éventuellement cette nuit, et éventuellement demain, le matin, l’après-midi, le soir et la nuit.
Je pense, madame Assassi, qu’il est prématuré de s’interroger sur une éventuelle réorganisation de nos travaux. En fonction de leur avancée, peut-être pourrons-nous l’envisager.
Discussion des articles (suite)
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Créer de nouveaux droits pour les salariés
Section 1(suite)
De nouveaux droits individuels pour la sécurisation des parcours
Article 3 (suite)
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre Ier, de l’article 3 dont je rappelle les termes :
Le chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Mobilité volontaire sécurisée
« Art. L. 1222-12. – Dans les entreprises et les groupes d’entreprises, au sens de l’article L. 2331-1, d’au moins trois cents salariés, tout salarié justifiant d’une ancienneté minimale de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, peut, avec l’accord de son employeur, bénéficier d’une période de mobilité volontaire sécurisée afin d’exercer une activité dans une autre entreprise, au cours de laquelle l’exécution de son contrat de travail est suspendue.
« Si l’employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l’accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié, sans que puissent lui être opposées la durée d’ancienneté mentionnée à l’article L. 6322-4 ou les dispositions de l’article L. 6322-7.
« Art. L. 1222-13. – La période de mobilité volontaire sécurisée est prévue par un avenant au contrat de travail, qui détermine l’objet, la durée, la date de prise d’effet et le terme de la période de mobilité, ainsi que le délai dans lequel le salarié informe par écrit l’employeur de son choix éventuel de ne pas réintégrer l’entreprise.
« Il prévoit également les situations et modalités d’un retour anticipé du salarié, qui intervient dans un délai raisonnable et qui reste dans tous les cas possible à tout moment avec l’accord de l’employeur.
« Art. L. 1222-14. – À son retour dans l’entreprise d’origine, le salarié retrouve de plein droit son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d’une qualification et d’une rémunération au moins équivalentes ainsi que du maintien à titre personnel de sa classification.
« Art. L. 1222-15. – Lorsque le salarié choisit de ne pas réintégrer son entreprise d’origine au cours ou au terme de la période de mobilité, le contrat de travail qui le lie à son employeur est rompu. Cette rupture constitue une démission qui n’est soumise à aucun préavis autre que celui prévu par l’avenant mentionné à l’article L. 1222-13.
« Art. L. 1222-16. – L’employeur communique semestriellement au comité d’entreprise la liste des demandes de période de mobilité volontaire sécurisée avec l’indication de la suite qui leur a été donnée. »
L'amendement n° 98, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 1222-14-1. – L’inobservation par l’employeur des dispositions de l’article L. 1222-14 donne lieu à l’attribution de dommages et intérêts au salarié concerné, en plus de l’indemnité de licenciement lorsque celle-ci est due.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. S’agissant de la période de mobilité dite « volontaire », l’alinéa 8 de l’article 3 du projet de loi prévoit que : « À son retour dans l’entreprise d’origine, le salarié retrouve de plein droit son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d’une qualification et d’une rémunération au moins équivalentes ainsi que du maintien à titre personnel de sa classification. ».
Outre les problèmes que peut poser pour la sécurité juridique du salarié la notion d’ « emploi similaire », qui, malgré la jurisprudence, reste floue, nous souhaiterions que cette prétendue garantie soit sanctionnée.
En effet, le projet de loi n’apporte aucune précision sur les sanctions encourues par l’employeur en cas de non-respect par ce dernier de ses obligations de réintégration du salarié, à l’issue de la période de mobilité.
C’est pourquoi nous vous proposons de combler cette lacune, en précisant que « l’inobservation par l’employeur des dispositions de l’article L. 1222-14 donne lieu à l’attribution de dommages et intérêts au salarié concerné, en plus de l’indemnité de licenciement lorsque celle-ci est due ». Il s’agit là d’un alignement sur le droit existant en ce qui concerne l’absence de réintégration à un emploi similaire dans le cas où le salarié prend un congé sabbatique.
À l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez opposé à nos collègues députés la jurisprudence de la Cour de cassation sur la notion bien connue d’ « abus de droit ». Le rapporteur avait, à cette occasion, jugé cet amendement inutile au motif que son objet serait « satisfait par les principes généraux du droit du travail. [et qu’]En cas d’utilisation abusive de cette clause, toutes les protections sont prévues, devant les prud’hommes ou selon les autres voies de recours possibles. »
Cet argument ne nous convainc guère.
D’une part, si tous les auteurs s’accordent pour donner une valeur supra-réglementaire aux principes généraux du droit, leur valeur juridique par rapport à la loi, c’est-à-dire leur place dans la hiérarchie des normes, a fait l’objet de controverses doctrinales. Certains de ces principes au moins ont une valeur constitutionnelle et le législateur lui-même ne peut y déroger : c’est par exemple le cas du principe d’égalité d’accès aux emplois publics. Cela n’habilite pas pour autant le juge administratif ordinaire à écarter une loi qui méconnaîtrait un principe général de valeur constitutionnelle. Notre amendement est donc utile.
D’autre part, on ne voit pas pourquoi le législateur devrait se censurer au motif que des principes généraux du droit garantiraient ce qu’il veut inscrire dans la loi.
Pour cette raison, nous vous demandons de mentionner explicitement dans la loi les sanctions encourues par l’employeur, afin de protéger les droits des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce droit nouveau que constitue la mobilité externe sécurisée est protégé par le droit commun du travail. Le juge prud’homal peut être saisi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 217 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 162 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 99, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’alinéa 9 du présent article prévoit que, lorsque le salarié choisit de ne pas réintégrer son entreprise d’origine au cours ou au terme de la période de mobilité, le contrat de travail qui le lie à son employeur est rompu. Cette rupture constitue une démission qui n’est soumise à aucun autre préavis que celui qui est prévu à l’avenant.
De fait, cet alinéa crée une exception au code du travail et engendre une procédure de licenciement automatique, sans que les deux parties puissent communiquer ensemble.
Concrètement, cela signifie qu’un salarié présent dans l’entreprise depuis moins de deux ans et dont le retour est prévu, par exemple, le vendredi 30, mais qui, pour un problème de santé ou des raisons familiales, ne se présente pas à son travail, est « démissionné » dès le lundi suivant, sans autre forme de procès.
Un problème sérieux peut très bien surgir et faire oublier au salarié la date fatidique, qui tomberait alors comme un couperet. Il convient donc de tenir compte de ces éventuelles situations.
Par ailleurs, l’alinéa 9 n’apporte rien ; on peut simplement en déduire que le non-retour du salarié est forcément une démission. Or ce dernier peut décider de ne pas revenir pour des raisons indépendantes de sa volonté, comme je viens de l’exposer au travers d’un exemple.
Nous connaissons parfaitement, aussi, les cas de salariés poussés à la démission. Il arrive d’ailleurs souvent au juge de les requalifier en licenciement. Nous pouvons très bien imaginer qu’une entreprise incite ses salariés en mobilité à ne pas revenir. Dans ce cas-là, devrions-nous aussi considérer qu’il s’agit d’une démission ? Je ne pense pas que cela soit juste.
Avec l’exception introduite par l’alinéa 9, il n’y a donc pas de rupture claire du contrat entre l’entreprise et le salarié, ce qui peut être source d’insécurité pour ce dernier. Certes, j’en conviens, ce type de cas ne sera sans doute pas fréquent, mais il peut se produire, et il faut s’en garder.
Si le salarié choisit de ne pas revenir, l’employeur, tout comme il a le droit d’accepter ou non la mobilité, doit prendre ses responsabilités. Ainsi que le prévoit cet amendement, qui tend à la suppression de l’alinéa 9, il devrait être tenu de mettre en place une procédure pour acter le fait que le salarié ne fait plus partie de l’entreprise.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1222-15. – Si le poste du salarié n’a pas été supprimé ou modifié durant sa période de mobilité et s’il n’est pas concerné directement ou indirectement par un projet de réorganisation annoncé dans l’entreprise, cette rupture constitue une démission et n’est soumise à aucun préavis de la part de l’une ou l’autre des parties. Dans le cas contraire, si le poste a déjà été supprimé ou modifié durant la période de mobilité, ou s’il est concerné directement ou indirectement par un projet de réorganisation déjà annoncé dans l’entreprise au jour de son retour, l’ensemble des obligations légales et conventionnelles liées au licenciement pour motif économique sont applicables.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. À l’examen des faits, trois cas de figure peuvent en réalité se produire à l’issue d’un congé de mobilité volontaire sécurisée.
Le premier cas de figure est le retour dans l’entreprise d’origine, que nous avons veillé à entourer du maximum de garanties. Le recours à la mobilité ne peut en effet, en aucun cas, finir par se retourner contre son « bénéficiaire ». La mobilité pour stagner et ne pas avancer, avouez, mes chers collègues, que c’est tout de même assez étrange !
Second cas de figure : doté de son libre arbitre, le salarié décide de prolonger son congé de mobilité pour rompre son contrat de travail. Plein d’espoir et d’ambition, il devient entrepreneur, ou bien change de métier, ou encore découvre les attraits de l’action internationale, œuvrant pour la préservation de la forêt primaire, celle de l’orang-outan ou luttant sans répit contre la faim, l’ignorance et l’analphabétisme. Cela ne nous regarde pas, évidemment, mes chers collègues, et nous pourrions presque nous féliciter que le congé de mobilité lui ait offert ces opportunités...
Troisième cas de figure : le salarié veut réintégrer son entreprise, mais – manque de chance ! – son emploi et son poste de travail sont en instance de disparition, dans le cadre d’une réorganisation profonde sur le plan tant du management que de la stratégie de l’entreprise.
Regrettons d’emblée qu’une telle éventualité ne soit pas prévue par le texte, alors même que c’est une probabilité qu’il convient de ne pas exclure.
C'est tout simplement, mes chers collègues, parce que la mobilité, même dite « volontaire » et « sécurisée », peut très bien être une manière pour l’entreprise concernée de se libérer temporairement d’une partie de ses obligations légales en la matière, en se délivrant du poids relatif de la masse salariale qui en découle, et de prévenir des mouvements de main-d’œuvre plus importants.
Cinq ou dix salariés en mobilité volontaire, ce sont cinq ou dix salaires qu’il n’y a pas à verser et ce peut être cinq, dix ruptures conventionnelles qu’on aura retardées.
De surcroît, les salariés, en quelque sorte placés face à eux-mêmes, peuvent être amenés à opter, en cours de congé, pour le départ pur et simple de l’entreprise, ce qui réglera d’autant les éventuelles difficultés de paiement de leurs indemnités...
En tout cas, il s’agit bel et bien de prévoir explicitement sous quelles conditions les salariés placés en mobilité sécurisée seront pris en compte en cas de licenciement de personnels.
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette rupture constitue un licenciement et donne lieu au versement des indemnités de rupture calculées sur la base du salaire et de l’ancienneté acquise par le salarié au moment de son départ de l’entreprise.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Le texte proposé pour l’article L. 1222-15 du code du travail prévoit que, « lorsque le salarié choisit de ne pas réintégrer son entreprise d’origine au cours ou au terme de la période de mobilité » […], ce comportement « constitue une démission ».
En somme, il instaure dans notre droit du travail une présomption de démission. Il s’agit là d’un bouleversement majeur dans la mesure où, jusqu’alors, les juges, y compris ceux de la Cour de cassation, ont toujours affirmé que la « démission ne se présume pas ».
À titre d’exemple, permettez-moi de citer l’arrêt du 17 novembre 2010 rendu par la Cour de cassation, qui illustre le principe que je viens de mentionner. À cette occasion, comme dans d’autres affaires, les juges ont réaffirmé que le salarié ne pouvait être considéré comme démissionnaire que lorsque son intention de mettre fin à son contrat de travail était manifeste. Cela implique que le salarié ait exprimé sans équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail. Pour cela, aucun doute ou aucune ambiguïté ne doit exister sur l’imputabilité au salarié de la rupture du contrat de travail.
Les juges ont même été amenés à considérer qu’un salarié qui ne réintégrerait pas son poste de travail même après une période de sept mois, comme dans le cas d’espèce jugé par la Cour de Cassation, ne pouvait pas de plein droit être considéré comme démissionnaire.
À chaque fois, les salariés ont obtenu devant les conseils de prud’hommes soit leur intégration, soit le versement d’indemnités conséquentes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Nous ne pouvons donc accepter la rédaction actuelle de cet alinéa qui ne pourra que contribuer à déséquilibrer l’ensemble du droit dans la mesure où les employeurs ne manqueront pas de faire jouer ce dispositif dans d’autres situations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je vais balayer ces trois amendements.
M. Jean Desessard. « Balayer » ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Dans le sens d’examiner !
J’ai eu quelques difficultés à comprendre le sens et la portée de l'amendement n° 99. La suppression de l’alinéa 9, lequel dispose que tout salarié ne réintégrant pas l’entreprise à l’issue de son congé de mobilité est considéré comme démissionnaire, créerait un vide qui ne serait pas comblé.
La commission y est donc défavorable.
Quant à l'amendement n° 104, qui tend à appliquer les règles du licenciement économique au salarié en mobilité volontaire si son emploi d’origine a été supprimé, il est satisfait. En effet – et nous l’avons dit à maintes reprises –, durant la période de mobilité volontaire sécurisée, la relation contractuelle du salarié avec son entreprise d’origine est non pas rompue, mais seulement suspendue. Si le poste devait être supprimé, le salarié serait licencié pour motif économique et bénéficierait d’indemnités comme tout autre salarié.
Dans ces conditions, je demande le retrait de cet amendement, ma réponse étant de nature à apaiser l’inquiétude de ses auteurs.
Enfin, l'amendement n° 100, qui vise à assimiler à un licenciement le refus du salarié de retourner dans son entreprise d’origine, est absolument contraire aux dispositions de l’ANI et, surtout, à tout cadre juridique connu dans le code du travail.
La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le balayage du rapporteur a été parfait ! (Sourires.) Le Gouvernement est du même avis que la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 104.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur, madame la présidente de la commission – vu notre effectif de ce matin, je pourrais presque adresser un petit bonjour personnalisé à chacun… (Sourires.) –, avec cet amendement, les membres du groupe CRC mettent le doigt sur la question de la réintégration dans l’entreprise à l’issue d’une période de mobilité externe. Ils s’inquiètent des conditions du retour du salarié.
J’en profite pour réaffirmer la nécessité que la démission puisse, à l’instar du licenciement économique ou de la rupture conventionnelle, ouvrir le droit aux allocations de chômage. L’amendement présenté par nos collègues du groupe communiste ne serait alors pas nécessaire.
Cet amendement vise à empêcher que l’on n’oblige à démissionner la personne partie un an au sein d’une autre entreprise, dont la recherche d’emploi n’a pas abouti et qui, s’étant aperçue que les conditions de sa réintégration ne sont pas réunies – son poste a été modifié, elle est concernée par un projet de réorganisation déjà annoncé dans l’entreprise au jour de son retour…–, peut très bien ne pas avoir envie de revenir.
Si je voterai cet amendement, je pense qu’il serait beaucoup plus simple que les partenaires sociaux admettent que la démission ouvre les droits à l’assurance chômage. (Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, vous vous attachez à la pénibilité de la situation des personnes sous le coup d’un licenciement ou d’une rupture conventionnelle. Mais cela ne changera rien ! De toute façon, il faudra bien indemniser les personnes qui sont au chômage ! Et, si ces dernières ne bénéficient pas des allocations, leur situation sociale sera telle que ce sont les collectivités locales qui seront obligées d’assumer leur loyer. In fine, il y aura toujours quelqu'un pour payer : c’est ainsi que fonctionnent les sociétés occidentales d’aujourd'hui.
Dès lors, arrêtons de vouloir gagner ici 200 millions d’euros que l’on reperdra ailleurs parce que l’on aura dû traiter des impayés de loyer, engager des expulsions, mobiliser des bureaux d’aide sociale !
Soit on laisse les gens dans la rue, soit il y a une vraie solidarité nationale, et on se donne les moyens de l’assumer quelle que soit la situation des personnes concernées, sans l’assortir de toujours plus de conditions. De toute façon, si l’on ne veut pas laisser les gens dans la rue, il faudra bien un jour ou l’autre dépenser l’argent nécessaire !
Selon nos collègues du groupe CRC, la démission du salarié qui ne se voit pas revenir dans son entreprise au bout d’un an est une fausse démission, et il faut lui donner des droits.
Je le répète, pour ma part, je considère que la démission justifie le versement des allocations de chômage. Du reste, si elle ouvrait des droits au salarié démissionnaire, cet amendement ne serait pas nécessaire ! Au demeurant, la démission peut avoir des motifs louables : on déménage pour suivre son conjoint, on ne trouve plus son épanouissement dans la structure de l’entreprise, on est victime du harcèlement de son chef…
Franchement, je ne comprends pas pourquoi la démission n’est pas reconnue comme un motif valable. Ne parlons pas de progrès social si le salarié qui ne se plaît plus dans l’entreprise doit y rester, faute de pouvoir prétendre à quelque droit que ce soit s’il s’en va !
Dans cette période où un nombre considérable de personnes cherchent du travail, laissons partir le salarié qui en a envie. Il sera de toute façon remplacé.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Comme l’indique l’exposé des motifs de cet amendement, un arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2012 – ce n’est pas très ancien ! – a établi une jurisprudence en matière de détournement du plan de départ volontaire en lieu et place du plan de reclassement. Je vous épargnerai la lecture de cet arrêt.
Comme nous ne souhaitons pas que les mêmes difficultés soient un jour opposées aux salariés placés en situation de mobilité volontaire sécurisée, il importe que les dispositions de notre amendement, qui tend à proposer au salarié en mobilité de pouvoir disposer des garanties offertes par le plan de reclassement, soient inscrites dans ce texte – les choses vont toujours mieux quand elles sont écrites –, sauf à considérer que la mobilité volontaire sécurisée, plus souple, plus facile d’accès que d’autres formules, est finalement l’arme que le MEDEF a réussi à arracher aux syndicats « réformistes » pour se passer peu à peu de procédures plus complexes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.
M. Robert Hue. Je m’abstiens !