compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
M. Marc Daunis.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs, déposé sur le bureau du Sénat le 20 février 2013.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour un rappel au règlement.
M. Edmond Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel, qui se fonde sur l’article 22 de notre règlement, a trait à la compétence des commissions permanentes.
Cet article leur attribue plus spécialement « le contrôle de l’action du Gouvernement » et « le suivi de l’application des lois », autant de missions qui participent à notre information, laquelle est la ressource principale de notre fonction parlementaire.
Membre de la commission des finances, j’ai appris, comme vous, je le pense, mes chers collègues, que le M. le président de cette commission s’était rendu – il en avait parfaitement le droit – le 11 avril dernier, avec le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, dans les locaux du ministère de l’économie et des finances à Bercy, pour vérifier des informations parues dans un hebdomadaire et concernant ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Cahuzac ».
Ce même 11 avril 2013, dans cet hémicycle, notre collègue Philippe Marini a interrogé M. le ministre de l’économie.
Le président de notre commission des finances s’est entretenu avec la presse. Une dépêche rapporte qu’il a souhaité la démission de M. Moscovici, un ministre pour qui j’ai, à titre personnel, comme beaucoup d’autres ici, une grande sympathie, et qui a bien évidemment l’assurance de ma solidarité politique. M. Marini a assorti son expression – si j’ai bien lu la dépêche – d’une précaution très ambiguë, eu égard au contexte qui ne trompe personne : il souhaite la démission du ministre parce que celui-ci « manque d’autorité dans la conduite de la politique économique et financière ».
Notre collègue Philippe Marini a un double statut. Il est tout d’abord membre de son groupe parlementaire et, à ce titre, je n’ai aucune question à lui poser ; ensuite, il est président de la commission des finances, du fait d’un vote et d’un assentiment très pluraliste.
À ce titre, monsieur le président, mes chers collègues, il a des devoirs à l’égard de notre commission, dont le premier est un devoir simple d’information. C’est une affaire peut-être de statut, mais surtout, plus ordinairement, de bonne pratique républicaine et sénatoriale, me semble-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
5
Conventions internationales
Adoption de cinq projets de loi en procédure d’examen simplifié dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de cinq projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces cinq projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
protocole commun relatif à l’application de la convention de vienne et de la convention de paris
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris fait à Vienne, le 21 septembre 1988, signé par la France, le 21 juin 1989, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation du protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris (projet n° 485 [2011-2012], texte de la commission n° 469, rapport n° 468).
(Le projet de loi est adopté.)
accord de sécurité sociale avec l’uruguay
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signé à Montevideo le 6 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay (projet n° 709 [2011-2012], texte de la commission n° 457, rapport n° 456).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec l’inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, signé à New Delhi, le 6 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire (projet n° 354 [2011-2012], texte de la commission n° 467, rapport n° 466).
Mme Hélène Lipietz. Le groupe écologiste vote contre !
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
accord avec le vietnam relatif aux centres culturels
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels, signé à Hanoï le 12 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels (projet n° 166 [2011-2012], texte de la commission n° 473, rapport n° 472).
(Le projet de loi est adopté.)
convention postale universelle
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels, signé à Hanoï le 12 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention postale universelle (projet n° 701 [2009-2010], texte de la commission n° 465, rapport n° 464).
(Le projet de loi est adopté.)
6
Sécurisation de l'emploi
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (projet n° 489, texte de la commission n° 502, rapport n° 501 et avis n° 494).
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention a trait à l’organisation de nos travaux et, plus généralement, au respect des droits du Parlement.
L’article III de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen constitue l’un des principaux piliers de la République : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »
Ce principe essentiel n’est pas respecté dans le cadre du débat qui va s’ouvrir, puisque, comme l’a exigé le Président de la République, François Hollande, le 28 mai dernier lors d’une émission télévisée : « Toute correction devra être approuvée par les signataires. »
Il faut noter d’emblée que cette position est très proche de celle de Mme Laurence Parisot, qui affirmait sur une autre chaîne d’information qu’aucune modification ne devait intervenir sans l’accord des destinataires.
M. le ministre du travail a confirmé cette orientation en demandant aux députés de faire confiance aux partenaires sociaux. Vous avez même cru bon d’ajouter, monsieur le ministre, et nous en étions alors au débat à l’Assemblée nationale, qu’aucun des amendements adoptés en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ne pose problème au regard de l’équilibre de l’accord.
Faut-il rappeler que la première et la troisième organisation syndicale n’ont pas signé cet accord ? Il y a un débat dans le pays ; il doit se poursuivre au Parlement.
Cette évolution est dangereuse pour la démocratie. Les parlementaires sont sommés de renoncer au droit d’amendement, sous peine de mettre en péril un accord jugé « historique ».
Les sénateurs du groupe CRC interpellent solennellement leurs collègues : ne renoncez pas à vos droits constitutionnels !
Je me tourne tout particulièrement vers les travées de la gauche, cette gauche qui, en 2008, a défendu pied à pied le droit d’amendement face au projet de Nicolas Sarkozy qui voulait mettre au pas les assemblées. La démocratie pâtit lourdement du renoncement des nouveaux gouvernants à leurs principes d’opposants.
Monsieur le président, plus généralement, nous constatons depuis plusieurs années un abaissement du rôle du Parlement, dans un contexte européen et économique étouffant. Trop de choses se décident en dehors du lieu d’exercice de la souveraineté populaire. Trop de choses se décident dans l’opacité de la commission de Bruxelles. Trop de choses se décident dans les salles des marchés.
À l’heure où beaucoup se désolent du discrédit des hommes et des femmes politiques et du fossé qui se creuse entre le peuple et ses représentants, les sénateurs du groupe CRC l’affirment avec force : il faut redonner le pouvoir au peuple. Le peuple doit reprendre le pouvoir. (M. André Reichardt s’exclame.)
Or le renforcement de la démocratie parlementaire est une clef pour ouvrir la porte du renouveau démocratique, si nécessaire dans notre pays, qui n’en peut plus du chômage et de la précarité, qui n’en peut plus des promesses non tenues de changement.
Le débat qui va s’ouvrir sur le projet de loi dit « de sécurisation de l’emploi » devrait être le débat phare du moment.
Nous regrettons beaucoup que le Gouvernement brusque l’Assemblée nationale en précipitant de manière tout à fait excessive le débat relatif au mariage des couples de personnes de même sexe, alors qu’un tel texte aurait pu être adopté avec notre accord dès le mois de juillet dernier, si l’on avait voulu éviter les dérapages auxquels nous assistons aujourd’hui. Aucun argument de circonstance ne peut justifier l’abaissement du Parlement.
M. François Trucy. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Le débat qui s’ouvre aujourd'hui est celui de l’emploi. C’est la première préoccupation des Françaises et des Français.
M. André Reichardt. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Or le Gouvernement entend y consacrer au Sénat trois ou quatre jours, en imposant d’emblée une discussion le week-end.
Nous n’acceptons pas que ce débat, essentiel, qui touche aux droits de millions de salariés, qui s’inscrit dans le choix libéral de la réduction du coût du travail par la flexibilisation à outrance, soit ainsi évacué par la petite porte du débat parlementaire, masqué par la grande mise en scène du débat de l’Assemblée nationale.
Monsieur le président, une telle adoption en catimini n’est pas acceptable pour une démocratie qui se respecte. Nous souhaitons donc l’interruption du débat sur ce projet de loi, demande que nous confirmerons ce soir lors de la conférence des présidents.
Pour l’heure et pour marquer l’inquiétude du Sénat face aux méthodes employées par le Gouvernement, je demande, au nom du groupe CRC, une suspension de séance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Nous allons donc interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures cinquante.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Procaccia. Encore un !
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement de notre assemblée.
Vous le savez, il y a quelques semaines, le Premier ministre affirmait que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui permettrait de « renforcer la sécurité des parcours professionnels pour les salariés ». Toutefois, pendant ce temps, les sites ferment, et les promesses tombent à l’eau !
Monsieur le ministre, les salariés de Pétroplus, qui ont été laissés pendant des mois dans l’incertitude sur leur avenir, leurs familles et les sous-traitants ont reçu brutalement la décision du tribunal de commerce leur annonçant que tout est fini. Je le rappelle, ces salariés ont tout de même été capables de remettre en état la raffinerie et de la faire tourner, et ce sans patron !
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a déclaré aujourd’hui que l’État allait chercher un repreneur, et qui soit crédible. Nous avons assez perdu de temps. Il n’est pas nécessaire d’aller loin : l’État doit réinvestir ces sites industriels stratégiques pour l’économie de notre pays.
À nos yeux, il est parfaitement inacceptable d’avoir laissé un groupe de spéculateurs financiers prendre le contrôle des raffineries en Europe, groupe qui, maintenant, ne peut même plus faire face à sa responsabilité industrielle et sociale.
Faites aujourd’hui ce que vous auriez déjà dû faire pour Florange : nationalisez ! Le tabou doit tomber. Face au danger du chômage massif, la collectivité doit reprendre en main son destin.
Après Éliane Assassi, la présidente de notre groupe, je m’adresse à mon tour aux élus de gauche, au groupe socialiste. Souvenez-vous que le Président de la République, avant l’élection présidentielle, s’était rendu à l’usine Pétroplus et s’était engagé à y retourner chaque fois qu’il le faudrait. Il n’est jamais revenu !
Le Président de la République a aussi demandé à ses ministres d’aller sur le terrain. Après avoir consulté les représentants des salariés de Pétroplus, j’ai moi-même écrit au Premier ministre et au ministre du redressement productif pour évoquer avec eux les moyens de faire redémarrer l’entreprise. Je n’ai reçu aucune réponse de leur part.
M. André Reichardt. Ce n’est pas bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas acceptable !
M. Thierry Foucaud. Pour reprendre le cas de Florange, qui est un exemple supplémentaire de la façon dont on traite aujourd'hui les salariés, je rappelle que, après leur avoir fait croire qu’une nationalisation était possible, le Gouvernement a abandonné les salariés de ce site à Mittal et a son projet mort-né, ULCOS. Les salariés s’interrogeaient sur la viabilité du projet avec l’abandon de la filière chaude : ils avaient raison de douter.
Dans le cadre de la commission de suivi de l’accord entre le Gouvernement et Mittal, et après l’annonce du groupe d’abandonner le projet ULCOS sous cette forme, les organisations syndicales sont invitées à la présentation d’un nouveau projet appelé LIS, qui reposera notamment sur la valorisation du CO2.
Le programme devrait démarrer cet automne et s’étalerait sur trois ans. Pour autant, sommes-nous sûrs qu’il pourra aboutir ? Pour notre part, nous avions rappelé en séance publique nos craintes sur les engagements de Mittal et sur le projet ULCOS.
Le Gouvernement veut rétablir la confiance entre les salariés et les ouvriers. Qu’il fasse un geste pour nous montrer qu’il donne la priorité au redémarrage des hauts fourneaux P3 et P6.
Monsieur le ministre, la casse industrielle continue, les salariés sont sacrifiés. (M. André Reichardt s’exclame.) Cher collègue, vous réagissez à mes propos, mais les salariés sont bel et bien sacrifiés ! J’ai évoqué Pétroplus : Nicolas Sarkozy s’y était aussi rendu avant l’élection présidentielle, et il n’avait rien fait. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. André Reichardt. C'est Hollande maintenant qui est au pouvoir !
Mme Éliane Assassi. Vous étiez au gouvernement à l’époque !
M. Thierry Foucaud. Dans le département de la Seine-Maritime, 20 000 emplois industriels ont été sacrifiés depuis dix ans ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. On vient de vous le dire, c'est Hollande qui gouverne maintenant !
M. Vincent Capo-Canellas. Le changement, c’est pour quand ?
M. Thierry Foucaud. J’ai rappelé le sacrifice des salariés. Dans ce contexte, nous allons débattre aujourd’hui d’un projet de loi au service du patronat qui cautionne l’idée selon laquelle le coût du travail serait responsable des destructions d’emploi et que seules la flexibilité et la précarité pourraient venir à bout du chômage. Or, vous le savez, c’est faux !
Il est temps de changer de cap et de contenu. Il faut prendre des mesures fortes pour mettre en œuvre une politique industrielle au service de l’emploi et du développement humain, au lieu de se contenter d’un accord qui accompagne le patronat et qui tend encore à fragiliser les travailleurs.
Ce qu’attendent les salariés, c'est non pas qu’on contraigne leurs droits, mais qu’on leur donne du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour un rappel au règlement.
M. André Reichardt. Ah !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 38, alinéa 3, de notre règlement et porte sur le déroulement de nos travaux.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est extrêmement important.
En deux semaines, la Haute Assemblée aura été appelée à travailler consécutivement sur deux textes majeurs : l’un créant des droits nouveaux – le projet de loi relatif au mariage pour tous –, l’autre visant à supprimer des droits actuels, des protections individuelles et des garanties collectives que le patronat veut mettre à mal depuis des années.
Les députés n’ont pas été dupes, et pas seulement ceux du groupe GDR, dont nous saluons la mobilisation. Au final, un texte aussi emblématique que celui-ci, que vous présentez, monsieur le ministre, comme « historique », a été adopté par moins de voix pour que d’abstentions !
La déception, le mécontentement et l’opposition sont grands, jusque dans vos rangs, puisqu’il aura manqué à la majorité de gauche 51 voix, dont le vote contre des 10 députés du Front de gauche.
À ce stade de la discussion, et avant que le débat ne s’engage, je voudrais que vous puissiez nous indiquer le cadre dans lequel vous entendez que le Sénat travaille.
Si je vous interroge ainsi, c’est que j’ai été particulièrement déçue de voir le Gouvernement, en votre personne, monsieur le ministre, venir au secours du patronat et du MEDEF en demandant aux députés qu’ils procèdent à une seconde délibération sur l’article 8.
Pour mémoire, permettez-moi de rappeler succinctement les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.
L’article 8 tend à autoriser les employeurs à proposer des avenants aux salariés à temps partiel, qui sont pour l’immense majorité d’entre eux des femmes.
Ces avenants, qui peuvent aller jusqu’à huit, sans que la loi fixe aucune durée maximum d’application, ont un double effet : d'une part, augmenter la durée de temps de travail du salarié concerné, ou plutôt de la salariée concernée, ce qui est positif ; d'autre part, et surtout, repousser la majoration de salaire due pour les heures complémentaires au temps de travail réalisées après avenant.
Les avenants tendent non pas à organiser la rémunération complémentaire des heures réalisées dans ce cadre, mais à permettre en fait aux employeurs de parvenir à faire travailler plus leurs salariées – j’insiste ici sur le féminin – sans les rémunérer davantage. En effet, la majoration ne courra qu’à partir des heures réalisées après la durée de travail prévue dans l’avenant.
Le député Jérôme Guedj, persuadé que cette disposition constituait un recul important pour les droits des femmes, a proposé un amendement visant à ce que les heures complémentaires réalisées après le quatrième avenant soient toutes majorées de 25 %. Il a toutefois retiré cet amendement, sous l’amicale pression du Gouvernement et du rapporteur.
C’était sans compter sur l’engagement du groupe de la gauche démocrate et républicaine qui, après avoir repris cet amendement, est parvenu à le faire adopter.
Insatisfait de l’adoption de cette mesure, qui apportait un peu plus de droits aux femmes que ne le faisait la version initiale du projet de loi, vous avez, monsieur le ministre, demandé une seconde délibération, destinée à revenir à la rédaction du Gouvernement, arguant du fait que les partenaires sociaux s’étaient adressés à vous pour supprimer cette disposition.
Je vous le dis avec un peu de solennité : ce procédé nous étonne et nous choque. Le Parlement est le lieu du débat public où s’élabore la loi ; les parlementaires sont, par essence, par fonction et par définition, les législateurs. Il ne suffit pas d’invoquer la volonté des partenaires sociaux ! Si ces derniers constituent un maillon important dans le processus démocratique, ils ne peuvent contraindre une de nos chambres à se dédire. Les parlementaires sont souverains !
Cet épisode a été particulièrement mal vécu, jusque dans vos rangs. Nos collègues de l’Assemblée nationale en ont été choqués, ce qui explique sans doute pourquoi trente-six députés socialistes ont fait le choix de l’abstention.
Monsieur le ministre, au moment où les sénatrices et les sénateurs s’apprêtent à commencer l’examen du projet de loi, pourriez-vous d’ores et déjà nous faire savoir si vous entendez nous laisser jouer pleinement notre rôle ou si, comme à l’Assemblée nationale, vous entendez revenir sur chacune des avancées et des mesures positives nées de nos débats et de nos échanges ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. Francis Delattre, pour un rappel au règlement.
M. Francis Delattre. Mon rappel au règlement porte sur les conditions dans lesquelles nous travaillons cet après-midi.
En ce moment même, une manifestation parfaitement légitime, réunissant une cinquantaine de personnes, a lieu devant l’entrée principale du Sénat, au haut de la rue de Tournon.
Or, la semaine dernière, d’autres manifestants, pourtant vingt ou trente fois plus nombreux,…
Mme Françoise Laborde. Les opposants au mariage pour tous !
M. Francis Delattre. … ont été traités de manière totalement différente : ils n’ont pas obtenu l’autorisation de manifester devant l’entrée principale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Ils cassaient tout !
Mme Éliane Assassi. Ils étaient plus violents !
M. Francis Delattre. On peut même dire qu’ils ont été relégués aux alentours du jardin du Luxembourg.
M. Jean-Claude Lenoir. Deux poids, deux mesures !
M. Francis Delattre. Monsieur le président, ma question est simple, et je compte sur vous pour la transmettre au président du Sénat : sur quels éléments se fonde une telle discrimination entre les manifestants d’aujourd'hui et ceux de la semaine dernière, tous parfaitement légitimes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. C’est la non-violence qui fait la différence !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Discussion générale
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, qui est issu, chacun le sait, de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et que je considère comme un grand texte de progrès – le débat nous permettra de nous en expliquer.
C’est un texte de progrès, car, sur bien des points et sur bien des aspects, il changera de manière positive la vie de millions de salariés et de milliers d’entreprises. En effet, il comporte des avancées réelles pour les salariés.
C’est un texte de progrès, car il rompt avec une forme de folie française qui consiste à préférer le licenciement à d’autres formes d’adaptation des entreprises.
C’est un texte de progrès, car il donne la possibilité de protéger, ensemble, l’emploi et l’activité, dans le respect des intérêts de chacun.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est bien de progrès qu’il s’agit ! Et c’est pour cela que je vous présente ce texte avec confiance, conscient que le progrès, comme le disait une voix qui nous est chère, n’est pas « une illumination soudaine et totale », mais seulement « une lente série d’aurores incertaines ».
M. Pierre-Yves Collombat. Bravo !
M. Michel Sapin, ministre. J’aurai l’occasion de discuter avec chacun d’entre vous du contenu des différents articles, ce dont je suis très heureux. Cette discussion permettra, je l’espère, de dissiper les malentendus ou de récuser des interprétations erronées du texte.
Néanmoins, si nous pouvons être des techniciens, nous sommes d’abord et avant tout des politiques. Je veux donc commencer par vous parler du sens politique de ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez dans les mains un de ces textes qui laissent leur empreinte dans une mandature.
Mme Éliane Assassi. À coup sûr !
M. Thierry Foucaud. Une catastrophe !