M. Dominique de Legge. Monsieur le rapporteur, s’il est un sujet sur lequel nous sommes souvent tombés d'accord lors des auditions, c'est bien celui de l'accès aux origines. Ainsi, le 5 février dernier, vous avez déclaré en commission : « Je suis très favorable à l’accès aux origines qui nous différencie des autres espèces animales. » Je partage sans réserve cette appréciation que vous avez formulée à plusieurs reprises lors des auditions.
Cet amendement vise justement à permettre aux enfants de connaître leurs origines, dans la mesure du possible. Ce faisant, nous sommes tout à fait en conformité avec les conventions internationales. La filiation sociale ne suffit pas, il faut aussi reconnaître la filiation biologique. Un enfant a besoin de repères pour acquérir une identité ou tout simplement pour répondre au médecin qui lui demandera s’il a des antécédents familiaux.
Ce dispositif va dans le sens de l’intérêt de l'enfant. C’est pourquoi il mérite d’être adopté.
M. le président. L'amendement n° 227 rectifié bis, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet, Couderc et Retailleau, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre VII du livre Ier du code civil est complété par un article 315 -… ainsi rédigé :
« Art. 315 -... – Tout enfant a le droit de connaître ses origines. »
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Je partage l’opinion de mon collègue Dominique de Legge sur le droit de l'enfant à connaître ses origines. C'est un sujet essentiel sur lequel un certain nombre de personnes qualifiées, pédopsychiatres ou philosophes notamment, nous ont fait part de leurs analyses.
Sylviane Agacinski, qui a souvent été citée, parle de fiction d’une conception désexualisée, où l’on occulte l’origine des géniteurs et où l’on empêche les enfants d’accéder à leurs origines. Elle s’est insurgée au nom des enfants à naître « qui ne sont pas représentés politiquement mais dont nous devons défendre les droits en commençant par ne pas les mettre dans des situations particulièrement complexes ».
En audition, M. Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre et psychanalyste, professeur à l’université Paris-Diderot, s'est ainsi exprimé : « Le problème dans ce texte n’est pas le mariage, c’est qu’il s’attaque à la filiation organisée par la naissance en la faisant reposer sur un acte de volonté.
« [...] Remettre en cause la notion de père et mère affectera tous les enfants et emportera une véritable déqualification parentale. [...] Cela discrimine également les enfants adoptés entre eux : quand ils auront un père et une mère, ils auront les moyens de reconstruire quelque chose ; avec deux pères ou deux mères, ils n’auront qu’un seul type d’identification. L’État aura décidé qu’on peut les priver de père ou de mère. »
Pour ma part, comme tous nos collègues, j'observe sur le terrain les souffrances des personnes adoptées qui dépensent une énergie considérable pour retrouver leurs origines biologiques et « recoller » ainsi à leur histoire. Les obstacles que ces personnes rencontrent sont multiples et parfois notre impuissance à les aider est un crève-cœur. Et nous voudrions avec cette loi créer des situations perturbantes pour l’enfant et augmenter le nombre de personnes qui sont confrontées à ces difficultés à connaître leurs origines ?
Le problème de l’égalité d’accès aux origines est fondamental. Priver l’enfant d’un père ou d’une mère, c’est le priver d’un pan entier de son origine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les quatre amendements identiques ainsi que sur l'amendement n° 266 rectifié, puisqu’il y est question du père et de la mère.
Je tiens à préciser à nos collègues – je parle sous votre contrôle, monsieur Bas – que l'enfant bénéficie en France d'une protection bien supérieure à celle de tous les autres pays européens. (M. Philippe Bas acquiesce.) Cela est possible grâce à la loi réformant la protection de l’enfance que vous avez soumise au Parlement lorsque vous étiez ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille et qui a été votée avec une certaine unanimité.
M. Jean-Pierre Raffarin. Quel talent ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Quant aux amendements nos 80 rectifié quater et 227 rectifié bis, ils n'ont pas leur place ici. Certes, nous voulons que les enfants, qu'ils soient adoptés ou nés d’une PMA, notamment, puissent connaître leurs origines, mais cette question sera abordée dans le cadre du futur projet de loi sur la famille que présentera Mme la ministre. Le texte que nous examinons ne change rien au droit positif. Par conséquent, la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les amendements identiques et l'amendement n° 266 rectifié visent à inscrire dans le code civil un ensemble de règles relatives aux droits de l'enfant. Il faut rappeler que ces dispositions sont pour la plupart inutiles. En effet, la Convention internationale des droits de l'enfant s'applique déjà en droit français et l'intérêt de l'enfant est déjà consacré comme la considération primordiale dans toute décision le concernant, que ce soit dans le code civil ou dans le code de l'action sociale et des familles.
De plus, certaines de ces dispositions sont redondantes, car elles figurent déjà dans le code civil ou dans le code de l'action sociale et des familles. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Les amendements nos 80 rectifié quater et 227 rectifié bis portent sur l'accès aux origines. Vous avez raison, il s'agit là d'un débat important, qui concerne non pas simplement les enfants de couples homoparentaux, mais de façon beaucoup plus générale les enfants de couples hétérosexuels qui sont nés grâce à la PMA ou les enfants qui sont nés sous X.
M. Bruno Sido. Non !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que si !
Comme l'a dit M. le rapporteur, cette question sera abordée dans le cadre du futur projet de loi sur la famille et elle n'a pas sa raison d'être dans ce projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J'ai l'impression que l’on ne prend pas bien en compte le problème des enfants adoptés, qu’il s’agisse d’une adoption internationale ou nationale, ou des enfants nés d’une PMA, et je m'arrêterai là… Ces enfants ne connaissent pas forcément leurs origines, parce que des impossibilités demeurent. Pourtant, cette question les taraude véritablement !
Les excellents amendements qui ont été déposés montrent qu'il faut traiter cette problématique. Certes, le droit ne change pas, mais le mariage pour les couples de personnes de même sexe crée des problèmes nouveaux auxquels il faut répondre. À problèmes nouveaux, réponses nouvelles !
C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 110 rectifié, 152 rectifié, 159 rectifié et 197.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bécot, Leleux et du Luart, Mme Procaccia, MM. Béchu, Legendre, Sido, del Picchia et Darniche, Mme Giudicelli, MM. Duvernois, G. Larcher, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach, Gournac et Mayet, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310 ... – Nul n’a de droit à l’enfant. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310 ...– Toute modification législative du régime de la filiation est précédée, dans des conditions précisées par décret, d’une consultation du Comité consultatif national d’éthique. »
L'amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, Legendre, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, B. Fournier, Savary, Pointereau, Cornu, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un article 310... ainsi rédigé :
« Art. 310 ...– Toute modification législative du régime de la filiation est précédée, dans des conditions précisées par décret, d’un débat national organisé par les pouvoirs publics et de consultations de nature à garantir que la réforme envisagée fait l’objet d’un éclairage démocratique approfondi et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. »
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter ces deux amendements.
M. Bruno Retailleau. Ces deux amendements ont un même objet : favoriser le débat. Or, nous le voyons bien, dans le pays, cette envie de débattre est réelle. Dès lors que l'on touche à des sujets aussi importants, il est nécessaire d’en passer par là.
L'amendement n° 112 rectifié vise à prévoir la consultation du Comité consultatif national d'éthique à chaque fois que l'on cherche à bouleverser par la voie législative le régime de la filiation. C'est important, car le régime de la filiation a des incidences sur le code de la santé publique, notamment en matière de PMA.
L'amendement n° 113 rectifié tend à insister sur la nécessité d'organiser un débat national dès lors qu’est envisagée une quelconque modification du régime de filiation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le Parlement ne peut pas se lier. C'est ici que se votent les textes ! La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Gérard Longuet. Consultation n’est pas obligation !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. M. le rapporteur nous rappelle que la loi se fait au Parlement. Naturellement ! Pour autant, rien n'interdit le Parlement d'être éclairé par l'avis de groupes de réflexion dont l'autorité intellectuelle et morale ainsi que l'indépendance de jugement sont reconnues. En outre, cela permet d'ouvrir un débat public sur des bases parfois moins partisanes et moins conflictuelles et de le nourrir de l'expertise de ces organismes. En effet, ceux-ci, parce qu’ils dédient leurs travaux à tel ou tel sujet qui justifie leur existence même, apportent une valeur ajoutée et méritent le respect et la considération. Cela étant, les avis qu’ils émettent ne lient en rien les parlementaires. Bruno Retailleau a bien parlé de « consultation ».
La France est un pays extraordinaire ! Quand il s’agit d’une déviation routière ou d’un grand équipement industriel, quand cela concerne des dispositions somme toute très marginales qui ont trait à la protection de telle ou telle catégorie d'animaux, le débat public est indispensable. En revanche, quand il est question de filiation, on ne peut pas consulter des experts, des consciences, et vous n'acceptez pas qu'un comité de personnalités reconnues soit consulté et rende un avis public, qui n’est en rien injonctif.
Cette fermeture d'esprit m'étonne de la part d'un rapporteur aussi ouvert habituellement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le rapporteur s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Qui dans cet hémicycle a fait l’objet d'une enquête des services sociaux d'un conseil général en vue d'une adoption ? Lorsque cela arrive, et si le travail est bien fait, ce qui est toujours le cas, on demande toujours aux candidats à l’adoption pourquoi ils entreprennent une telle démarche et on leur précise qu’ils n’ont pas de droit à l'enfant. Nous sommes là au cœur du sujet ! Si un couple candidat à l'adoption affirmait avoir un droit à l'enfant, il va de soi que les services sociaux recommanderaient au président du conseil général de ne pas délivrer l'agrément, parce que ce couple veut un enfant, mais ne cherche pas l'intérêt de l'enfant.
Nous devrions donc introduire dans le code civil qu'il n'y a pas de droit à l'enfant. De ce point de vue, l'amendement n° 111 rectifié brillamment défendu par Bruno Retailleau était tout à fait pertinent.
Par ailleurs, alors que le mariage emporte l’adoption, le code civil n'ayant pas été modifié sur ce point, le Comité consultatif national d'éthique n'a pas été consulté. C’est pourquoi Bruno Retailleau a parfaitement raison d’avoir déposé l'amendement n° 112 rectifié, que j'ai cosigné. Il faut absolument interroger cette instance !
Vous nous dites, madame la ministre, que cette consultation aura lieu dans le cadre du futur projet de loi sur la famille. Il coulera beaucoup d'eau sous les ponts avant que ce texte n'arrive au Parlement, et je ne sais pas qui le présentera. Il n’en reste pas moins que je trouve cela parfaitement dommage : ce projet de loi a été rédigé dans la précipitation, sans aucun garde-fou pour prévenir les conséquences sur le droit de l'enfant.
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 311-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf lorsque l’enfant a déjà une double filiation établie, la possession d'état peut s'établir entre un enfant et une personne du même sexe que la personne à l’égard de laquelle un lien de filiation est déjà établi, à condition qu'il ait été traité par celui dont on le dit issu comme son enfant et que lui-même l’a traité comme son parent. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’affirmer l’applicabilité de la possession d’état aux couples de parents de même sexe, sauf si la double filiation de l’enfant est déjà établie.
Il s’agit ici d’envisager les histoires ordinaires de couples de femmes, pacsées ou non, qui construisent ensemble un projet parental et qui ont parfois recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger. Les enfants nés de cette union ont, de fait, deux parents mais une seule mère légale, l’autre n’étant titulaire d’aucun droit ni devoir sur l’enfant, qui est pourtant aussi le sien.
Le concept de possession d’état, qui ne repose pas sur la biologie mais sur la réalité des liens, permet alors de résoudre, en partie, le vide juridique qui caractérise le lien entre un enfant et « l’autre maman ». Il est donc capital que les couples de personnes de même sexe puissent avoir recours au mécanisme de la possession d’état.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’introduction de la possession d’état remet en cause l’équilibre du texte, puisque la filiation biologique est réservée aux couples hétérosexuels.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis au regret de vous annoncer, madame Benbassa, que le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Votre amendement établit une autre voie de filiation. En conséquence, je vous suggère aimablement de le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 125 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, c’est un maillage entier qu’il faut envisager pour que la protection des enfants et de leurs parents soit complète.
J’entends vos arguments. Je retire donc cet amendement. Cependant, nous serons vigilants à ce que cette question figure dans la prochaine loi sur la famille.
M. le président. L’amendement n° 125 est retiré.
L'amendement n° 126, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Après l'article 312, il est inséré un article 312-1 ainsi rédigé :
« Art. 312-1. - L'enfant conçu ou né pendant le mariage d'un couple composé de deux femmes, qui résulte d'un projet parental commun et qui est sans filiation paternelle connue, a pour parent la conjointe de sa mère. » ;
2° À la première phrase de l'article 313, à l'article 314, à la première phrase de l'article 315, au second alinéa de l’article 327 et à la première phrase de l'article 329, après le mot : « paternité », sont insérés les mots : « ou de parenté » ;
3° Au premier alinéa de l’article 327, après le mot : « paternité », sont insérés les mots : « ou la parenté » ;
4° À l'article 314 et à la première phrase de l'article 336-1, après le mot : « paternelle » sont insérés les mots : « ou parentale ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 312 du code civil dispose que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari », établissant ainsi une filiation légitime.
Nous nous réjouissons que les couples de femmes puissent bientôt se marier et en tirons les conclusions en proposant un amendement dont l’objet est d’instaurer une présomption de parenté au profit de la conjointe de la mère. Nous précisons que cette présomption ne s’appliquerait que si l’enfant n’a pas de filiation paternelle connue et s’il est issu d’un projet parental commun.
Cette notion de projet parental commun est ici essentielle puisqu’elle permet de distinguer l’un des beaux-parents et l’« autre parent », le « parent social » ou le « parent intentionnel », selon la dénomination choisie.
Avec cette présomption, l’enfant pourrait voir sa filiation établie à l’égard de ses deux parents, lesquels auraient les mêmes droits et les mêmes devoirs envers lui. En pratique, cela concernera, notamment, les enfants issus d’une PMA à l’étranger, pour lesquels l’une des deux mamans n’a aucune relation juridique avec son enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement n’entre pas dans le champ du présent texte.
En conséquence, l'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis est également défavorable.
Je vous propose que nous travaillions sur le sujet, madame la sénatrice. Vous calquez la présomption de maternité sur la présomption de paternité. Or cette dernière est prévue par le code civil et repose sur une présomption de lien biologique, qui peut être vérifié scientifiquement, et donc contesté. Dans le cas que vous envisagez, il n’y a pas de preuve scientifique possible.
M. Gérard Longuet. Voilà une réponse qui fait plaisir à entendre !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pensez faciliter les choses pour le deuxième parent, sauf que, ce faisant, vous le contraignez à reconnaître l’enfant, en lui retirant toute liberté en la matière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Mme Benbassa suit sa logique. Personne n’a encore osé s’attaquer au titre VII du code civil, mais, avec des amendements comme celui-ci, on fait incontestablement un pas dans cette direction.
Ma chère collègue, vous venez d’évoquer le cas d’un enfant né de l’union de deux femmes. Voilà une conception pour le moins étrange, qui traduit l’aboutissement d’une logique de maternité sociale dans laquelle la paternité biologique n’a plus d’importance.
Quand j’entends Mme la garde des sceaux dire gentiment que l’on peut étudier cette question, je suis extrêmement inquiet. Cette perspective changerait la nature de ce qui a été voté aux articles 1er et suivants. C’est effrayant !
M. Charles Revet. En effet !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Contrairement à M. le rapporteur, je pense que cet amendement est en parfaite cohérence avec le texte que nous examinons.
Quand vous modifiez le droit de l’adoption pour permettre à l’épouse de la mère de devenir à son tour mère de l’enfant, vous aménagez bien les règles de la filiation pour permettre à deux femmes qui conçoivent ensemble un projet d’engendrement, comme l’on dit aujourd’hui, d’être reconnues l’une et l’autre comme parents de l’enfant, alors que, naturellement, une seule d’entre elle est sa mère.
Vos explications sur les fondements de la présomption de paternité sont parfaitement exactes, madame la garde des sceaux. Vous omettez toutefois de rappeler que, depuis les lois de bioéthique, qui ont permis de recourir à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, la présomption de paternité s’applique, dans le cas de couples mariés formés de personnes de sexe différent, pour le lien unissant l’enfant et son père, alors même qu’il ne peut y avoir de lien biologique entre eux. Cette présomption de paternité est même irréfragable.
L’amendement présenté par Mme Benbassa, auquel je suis très fortement opposé, n’est donc pas totalement dépourvu de cohérence avec le texte. À partir du moment où l’on reconnaît que l’on peut être parent sans être ni père ni mère, ce type de questions surgissent inévitablement. C’est la raison pour laquelle je trouve l’ensemble du texte extrêmement inquiétant. Si l’on suit sa logique, on devra aller jusqu’à adopter l’amendement de Mme Benbassa.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite vous répondre en quelques mots, monsieur Bas.
Vous avez terminé votre propos sur deux affirmations contradictoires.
Dans le cas des couples hétérosexuels qui recourent à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur, il y a effectivement cette présomption de paternité, qui s’accompagne – c’est important – de l’anonymat. Comme vous le disiez, cette présomption est irréfragable.
Quand vous dites que ce texte ouvre la possibilité d’être parent sans être ni père ni mère, il se trouve que, en l’occurrence, dans l’exemple que vous prenez, le père n’est pas le père biologique.
Nous n’allons pas engager ce débat maintenant, mais je tenais à souligner cette contradiction dans vos propos.
Monsieur Hyest, j’ai simplement expliqué à Mme Benbassa pourquoi nous ne pouvions pas retenir son amendement. Cela ne nous empêche pas d’étudier avec elle de quelle manière le droit peut, dans ces situations, organiser la reconnaissance du deuxième parent sans introduire pour autant une présomption de maternité. Mais ne me faites pas dire que nous allons étudier la façon d’introduire une présomption de maternité, alors que je viens précisément d’exposer les raisons pour lesquelles nous ne retiendrons pas cet amendement.
Par ailleurs, si cet amendement était vraiment cohérent avec le texte, il serait dans le texte ! Il est un peu tard pour nous faire un procès d’intention, mais je puis vous assurer que la cohérence du Gouvernement est totale.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 126 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa Comme nous étudions un texte qui exige l’égalité entre tous les couples, c’est ce même souci d’égalité qui nous a poussés à déposer cet amendement.
Toutefois, nous prenons acte de votre proposition, madame la garde des sceaux, et attendons avec impatience les réflexions qui ne manqueront pas d’entourer cette question de la présomption de parenté dans le cadre de la future loi sur la famille.
Nous retirons donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 126 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 138 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Lasserre, Guerriau, Dubois, Namy et Maurey, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi est sans conséquence sur la nullité de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui énoncée à l'article 16-7 du code civil.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 271 rectifié, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, de Raincourt, Cambon, B. Fournier, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 16-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette nullité s’applique aux couples constitués de personnes de sexe différent ou de même sexe. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.